❥ non mais, pourquoi toi ?

DÉSIRÉE, CAMILLE

Cela faisait bientôt une semaine que Camille n’avait plus vu ses plus proches amis, trop préoccupé par la fin de l’année scolaire qui approchait, et qui apportait avec elle un événement tant adoré des étudiants : les examens. L’année passée, cette période avait revêtu des aspects de marathon, car Camille n’avait pas été présent de tout le premier semestre et avait dû rattraper le retard prodigieux qu’il avait accumulé au cours de tous ces mois d’absence. Par miracle, il était parvenu à ses fins et avait même fini dans les meilleurs de sa promotion, avec une grande distinction et les félicitations du doyen. Mais cette année, qui s’était déroulée sous un jour plus heureux, quoique quelque peu assombri par la fusillade du 14 février qui lui avait coûté Nathaniel, son meilleur ami, et le départ de Chuck, la fille qu’il aimait, Camille n’avait pas été aussi studieux. Impliqué comme il se devait au sein de l’université, étant donné qu’il avait été nommé deux fois de suite président de sa confrérie, Camille n’était cependant plus comme avant et ne mettait plus ses études au centre de toutes ses préoccupations. Du coup, il devait en payer les conséquences maintenant que la fin d’année approchait. Le jeune homme avait beau être quelqu’un d’extrêmement organisé qui étudiait méthodiquement et régulièrement toute la matière qui s’accumulait au fur et à mesure qu’elle était dispensée, il n’en avait pas moins pris du retard en n’ayant pas commencé sa période d’ermitage un mois plus tôt. Résultat, Camille avait fini par se mettre en hibernation et ne voyait plus personne en dehors de ses cahiers et de ses professeurs, et des quelques Alphas qui n’avaient pas compris qu’il était occupé et qui venaient le déranger pour des affaires quelconques en rapport avec la confrérie des bleu pâle. Mais aujourd’hui, Camille avait décidé de prendre sur lui et de s’exposer à nouveau à la lumière du jour en renouant avec ses amis qui devaient s’inquiéter de son état de santé. Camille n’avait pas cours aujourd’hui mais il savait qu’il trouverait probablement Sterling, son meilleur ami, dans le bâtiment principal de l’Université, étant donné que l’ancien Gamma aussi semblait avoir pris de bonnes résolutions quant à ses études. Ce fut donc dans l’espoir de ne pas perdre trop de temps et de rapidement trouver son ami que Camille entra dans le bâtiment avant d’entamer ses recherches dans tous les locaux les plus fréquentés par les étudiants de l’université. Camille connaissait approximativement l’horaire de Sterling et savait que celui-ci ne devait pas avoir cours, il lui suffirait donc d’avoir un peu de chance pour le croiser quelque part. Mais un quart d’heure plus tard, il avait toujours fait chou blanc, et décida d’appeler son ami, chose qu’il aurait dû faire déjà bien plus tôt. Camille commença à maudire Sterling et à le noyer dans un flot d’insultes et de jurons lorsque son ami lui apprit qu’il était au pavillon Bêta-Delta depuis le début de la journée et qu’il ne s’était pas rendu dans le bâtiment principal. En gros, Camille venait de perdre un temps précieux à sillonner l’université pour rien, alors qu’il aurait pu se rendre dans le pavillon juste à côté du sien et aurait immédiatement été récompensé. Camille ordonna à Sterling de ne pas bouger de là où il était avant son arrivée et se précipita vers les ascenseurs, s’engouffrant au dernier moment dans l’un d’entre eux qui s’apprêtait à se fermer. Camille ne prêta pas attention à sa compagnie, remarquant juste du coin des yeux qu’une autre personne était déjà dans l’ascenseur, mais elle n’avait pas réagi à son entrée et Camille décida donc de ne pas se répandre en longues et chaleureuses salutations. Après avoir jeté un bref coup d’œil à la paroi de l’ascenseur et vu que le bouton du rez-de-chaussée avait déjà été enclenché, Camille plongea une main dans sa poche et en sortit un paquet de cigarettes, étant donné que d’ici trente secondes tout au plus, il serait dehors et n’aurait plus qu’à marcher un quart d’heure pour retrouver son ami. Mais il s’avéra bien vite que ses projets allaient être contrariés, car une brusque secousse fit trembler l’ascenseur qui s’immobilisa aussitôt. Plus agacé qu’inquiet, Camille poussa un profond soupir d’exaspération et s’apprêta à enclencher le bouton d’alarme de l’ascenseur avant de remarquer que la personne à ses côtés avait déjà pris les devants. Il voulut lui proposer son aide, mais se figea net en reconnaissant la demoiselle. Ce n’était pas possible…

Résolument, Camille détourna le regard, bien décidé à ne pas croiser à nouveau celui de la jeune femme. Réaction quelque peu puérile et il l’admettra volontiers, mais il ne pouvait se résoudre à renouer avec elle… pas après ce qu’elle avait fait. Car c’était bien de Désirée Velasquez dont il s’agissait, cette magnifique Epsilon dont il s’était épris comme rarement auparavant. Une idylle qui dura quelques mois, quelques mois durant lesquels la vie de Camille semblait constituée d’un rose uniforme et jamais dérangé par le moindre petit nuage. Elle était parfaite, et il la chérissait plus que de raison. Il pouvait encore se souvenir de ses doigts doux qui lui effleuraient la peau, de son rire cristallin, de son parfum frais et enivrant, de son sourire étincelant et de la manière dont ses yeux aussi noirs que la nuit brillaient, avec une chaleur et une douceur qui lui étaient propres et qui rappelaient à Camille le regard d’une biche. Il pouvait se remémorer tous les moments qu’ils avaient passés ensemble, des moments qu’il aurait pourtant préféré oublier car il lui était toujours douloureux d’y repenser. Non pas qu’il ressentît encore quoi que ce soit à l’égard de Désirée, mais le souvenir cuisant de la manière dont elle avait rompu avec lui ne pouvait que lui laisser un goût amer en bouche. Il s’était senti trahi comme jamais, chose qu’il n’aurait jamais imaginé venant de sa Désirée. Et maintenant… la voilà qui se trouvait à quelques dizaines de centimètres de lui. Il savait déjà par ouï-dire qu’elle était à Berkeley, mais ne l’avait jamais croisée jusqu’à présent et avait espéré que cela ne change pas. Mais apparemment, la chance venait de tourner… Et Désirée devait aussi l’avoir compris, car elle jura tout bas, un mot qui n’échappa pas à Camille dont le regard se fit froid et quelque peu sarcastique. Son regard croisa à nouveau celui de Désirée et il lâcha, un sourire sans joie lui déformant les lèvres : « Eh oui, comme tu dis. Moi aussi, je suis ravi de te revoir, Désirée. » La froideur et le sarcasme qui tentaient la voix de Camille démentait sans le moindre doute ses paroles qui devenaient alors plus blessantes que les pires insultes.