Ce soir, j'avais rendez-vous. Ça faisait longtemps que je n'étais pas sorti, mais depuis que j'ai rencontré Artémis, j'avoue m'être un peu plus ouvert au monde. Le sourire est comme revenu. Je crois tout simplement que j'avais besoin d'un contact féminin, et avec Artémis, le courant semble plutôt bien passer. Le fait de pouvoir se confier quelques fois, lorsque j'en ressens l'envie, sans avoir la sensation d'être jugé, c'était comme me libérer d'un poids sans avoir peur des retombés. Et surtout, sans ambiguïté derrière, avec la peur de mal faire à chaque fois qu'on ouvre la bouche. Et pour finir, ce qu'il y a de bien, c'est qu'elle faisait de même. Ce qui, avouons le, était plutôt cool.

Artémis, c'est une fille joueuse, et ça se voyait. Alors, entre nous, nous avions instauré un petit jeu. Elle s'occupait de trouver quelqu'un qui lui semblait de qualité et qui pourrait me correspondre, et en échange, je faisais pareil pour elle. C'était quelque part un gage de confiance, le fait de se trouver quelqu'un mutuellement. Alors, petit à petit, les discussions devenaient plus profondes.

Au départ, nous nous étions contenter de parler de notre journée, de la pluie, et du beau temps. Je ne voulais la connaitre que pour ce qu'elle était réellement, et elle ne semblait pas vouloir parler de son passé. Ce qui, finalement, m'arrangeait puisque je n'en avais pas envie non plus. On se contentait de vivre au jour le jour et je crois au final que c'est ce qui m'a aidé à avancer. Le passé, c'est comme un boulet que l'on traine au pied. Il est lourd, on l'a toujours sur soi, et il se voit presque autant qu'un nez au milieu de la figure. Et pourtant, on fait tout pour le cacher.

Avec elle, je n'avais pas de boulet à trainer, puisqu'à ses yeux il n'existait pas. Et quand à elle, je n'avais pas non plus de jugement puisque je ne connaissais que ce qu'elle avait bien voulu me livrer depuis notre toute première rencontre. Je n'avais donc pas eu à dévoiler les terribles secrets de famille et ce que j'ai du faire également.

Malgré ça, je faisais toujours tout pour être regardable à ses yeux. Même si c'était sans importance, et que nous avions une relation saine, je tenais beaucoup à lui plaire. Je ne sais pas vraiment pourquoi à vrai dire, mais peut être était-tout simplement parce que je commençais à avoir de l'affection pour elle. J'avais juste besoin que quelqu'un me regarde, peut être. Alors je m'étais préparé suffisamment à l'avance pour ne pas être en retard, car c'est moi qui passait la chercher. Dans mon ancienne mustang noire, je l'attendais. Ce soir, nous allions au cinéma. Ce soir, ça sera entre elle, et moi. Et nous aurons toute la nuit pour en profiter.

J'avais pris pour habitude d'arriver en avance à chaque fois que je faisais quelque chose. J'aime avoir le contrôle sur ce que je fais, même si la vie est parsemée d'imprévus. Si je pouvais en éliminer le maximum, ça serait déjà ça de moins. Pendant l'attente, aucune musique de mise. Le moteur était coupé. Le silence vivait. Et c'est dans ces moments là que j'avais pour habitude de réfléchir, de songer, de me poser mille et une questions. Sur le passé, le présent, et le futur. Sur ce que j'aurai pu faire, et sur ce que je n'ai pas fait. C'est très mauvais, je le sais, mais quelque part, ça m'aidait à avancer.

Le bruit de la porte me fit revenir à la réalité, ce bruit annonçant la venue de mon invitée de la soirée. Elle ne semblait pas chaudement habillée, voire trop peu pour un moi de février. Heureusement, j'étais pour ma part trop prévoyant. Après avoir couru, elle se trouvait enfin à coté de moi, dans la voiture. Clac, elle est installée. Elle venait de faire entrer le froid et je pouvais mesurer à quel point le sentir, même si elle ne se plaignait pas.

ARTEMIS - «Merci d’être venu me chercher. Il fait trop froid. J’aurais dû m’habiller plus chaudement.» disait-elle alors, pendant que celui ci lui offrait un léger sourire.« Allez, c’est bon.. On peut y aller !» mettant dès lors la radio en route.

Pour ma part, je mis le contact histoire de remettre le chauffage. Et, avant de démarrer, je me retournais pour venir déposer sur ses jambes mon manteau, lui offrant ceci comme une couverture. Elle avait cette joie de vivre, cette énergie. C'était comme...vivifiant, vraiment. Et son sourire était réellement transmissible, si bien que le mien commençait par s'étirer.

ETHAN - « C'est parti » lui disais-je alors, démarrant pour se rendre sur le point de rendez vous.

Je trouvais qu'avec elle, la vie était plus agréable. Comme complémentaire. Elle me faisait penser à quelqu'un, que je n'avais pas vu depuis trop longtemps. Avec son caractère extraverti alors que j'étais plutôt l'inverse, tout semblait se passer pour le mieux. Cependant, j'avais toujours du mal à entamer les conversations. Ça ne me dérangeait pas plus que cela parce qu'au final, je savais très bien qu'Artémis s'en chargerait. Elle avait toujours le chic pour ça. Commencer les conversations en partant de rien, alors que moi, j'en étais quasi incapable sans que cela soit trop flagrant. Le manque d'habitude, peut-être. Pourtant, j'avais envie de changer la donne, ne serait-ce qu'une fois, et il fallait que j'en profite pendant que j'étais avec elle. Pendant que je pouvais parler sans avoir peur d'être jugé à la moindre occasion.

ETHAN - « Alors, tu as eu la permission de minuit ? Je peux te garder autant de temps que je veux, ou je dois te ramener à une heure précise ? » Hum, ok. C'était pas du flamboyant, mais c'était mieux que rien.

Il y a des personnes qu'on ne rencontre qu'une fois. Ce genre de rencontre qui peuvent changer un homme. Ce genre de femme qui bouscule ainsi tous les principes que nous nous étions fixés. Moi, je m'en étais fixé pas mal, de par mon passé. Déjà parce que je n'avais pas bien eu le choix, d'une. Et de deux, parce que ça n'allait selon moi m'apporter que mon lot de souffrance sans précédent. Et côté souffrance, je ne veux pas faire dans le dépressif ni sortir les violons, mais j'avais ma dose quotidienne. Sauf que...

Sauf que, depuis que j'ai rencontré Artémis, c'était différent. Les choses avaient changé, et la donne complétement modifiée. De loin, j'avais pour habitude d'observer le comportement que pouvait avoir les femmes. En cours, comme en dehors. Artémis, elle, semblait hors de ces préjugés que je pouvais avoir. Peut être me cachait-elle la vérité, mais je savais au fond de moi qu'elle était indéniablement différente. De part sa manière d'agir, tout d'abord. Sa façon de voir les choses. Son comportement en communiquant. Bref, c'était Arté, une personne à part entière. Et moi, qui avais pris cette habitude de vivre tel un loup solitaire, je m'étais surpris à me sentir bien lorsqu'elle était là. Mieux que ça, j'en redemandais, et ce soir en était la preuve vivante.

«Ouais enfin.. On va pas s’enflammer.. Demain je commence à 8h15 mon coco. Je veux bien veiller mais si demain je me retrouve à faire le légume devant le prof, t’ira expliquer au doyen les raisons du pourquoi je dors en cours.» «T'inquiète pas, je ne vais pas te ramener trop tard. Je ne tiens pas à être responsable de ça, ou même de te servir d'excuses» répondis-je alors tout en étirant un grand sourire. Elle, s'occupait de changer les stations jusqu'à trouver la musique qui la ferait bouger, puis se mettait à danser. Et mon défaut de toujours tout analyser me faisait me poser des questions. Faisait-elle ça parce qu'elle avait froid, ou parce que c'était pour elle une façon de libérer une gêne qui pouvait être présente? Ou tout simplement parce qu'elle était contente et qu'elle en avait envie? Il fallait que j'arrête de trop me retourner le cerveau, surtout quand je suis avec Artémis.

Avec elle, nous nous étions fixés implicitement qu'il n'y aurait aucun sous entendu, ce qui impliquait que je ne devais pas tout faire pour lui plaire constamment. Que nous nous retrouvions ensemble parce qu'ensemble, nous passions du bon temps et que nous aimions cela. Que ce qui pouvait se passer le soir même n'aurait aucune incidence sur le lendemain. Qu'enfin, quand nous étions ensemble, il nous suffisait simplement de profiter de ce moment parce que nous ne pouvions le faire avec aucune autre personne. Alors, j'essayais de ne plus penser à tout ça. «Nous allons voir quoi, déjà ?» demandais-je, alors que nous n'étions plus très loin de l'endroit.