Stella & Shanelle


Un doux soleil réchauffait lestement le petit carré de pelouse où je m'étais installée. J'était délicieusement affalée, au coeur de la mousse couleur d'émeraude; six précieux flacons de vernis à ongles alignés devant moi. D'un mouvement somptueux, je fit onduler ma longue cascade de cheveux bruns sur mes épaules nues, les exposant à une délicieuse vague de chaleur. Une immense fontaine déversait doucement son eau, les petits clapotis étaient accompagnés de piaillements d'oiseaux. Je souriais, toute seule, profitant d'un bonheur simple bien loin de ce à quoi je m'adonne ordinairement. Quand je trouve un peu de temps libre, je privilégie une séance de Spa, de massages ou un rendez-vous chez l'esthéticienne, à me rouler par terre quelques heures.
Je me sentais apaisée, tranquille, je savourais ces quelques instants de solitude; moi qui suis plus habituée à être entourée de toutes parts, je prenait le temps de me retrouver et de réfléchir un peu. Je saisis doucement le premier flacon, qui me jette des reflets scintillants. Je l'avance vers ma main gauche, ferme mon oeil droit et me prépare, avec la précision et la minutie d'une chirurgienne; à créer un chef-d'oeuvre. Je devrais peut-être rejoindre la confrérie Sigma, finalement. Il n'est pas difficile de remarquer à quel point je suis douée pour les arts, la création et tout ce qui relève de l'esthétisme. Ma mission du jour ? Deux couches de bleu différents, une autre pour une notion de dégradé, une de paillettes multicolores et enfin; deux autres de pierres précieuses et de peintures de vingt-neuf couleurs différentes. Et que vous me croyiez ou non, c'est sur ce genre d'épreuve que l'on mesure les capacités intellectuelles d'une jeune femme. Dans les films, les apprenties princesses se mettent un vieux livre poussiéreux sur la tête et essayent de faire plus de trois pas sans tuer quelqu'un. Eh bien dans le monde moderne; on se fait les ongles. Alors que je réfléchissais à toute la philosophie qu'une manucure implique, une silhouette fine et élancée posa une ombre sur mon travail, la surprise me faisant faire de gros pâtés. J'allais me mettre à hurler et jeter une motte de terre dans le gêneur qui se permettait de compromettre mon art, mais je ne le fit pas pour deux raisons. La première étant qu'arracher une motte serait salissant et indigne de moi, et la seconde; par ce que l'inconnue n'était d'autre que Shanelle Harrow, et que j'était trop occupée à la serrer dans mes bras pour faire quoi que ce soit d'autre. Elle et moi, c'est toute une histoire. Notre relation a commencée toute petite déjà, lorsque mon père, entrepreneur faisant le tour du monde pour augmenter les chiffres de ses revenus; à la poursuite de son grand amour: la bourse. Mon père n'était pas égoïste, non. C'est juste que nous n'avons jamais eût le même sens des priorités. Ce serait mentir que de dire que je n'ai pas souffert de son absence. Mais il y a quand même des points positifs à avoir un papounet qui n'a pour toute vie sentimentale que son boulot; il connaît du monde. C'est grâce à lui que j'ai rencontrée Shanelle, lors d'un long dîner d'affaires pompeux où mon paternel avait réussit à me traîner; il y avait cette gamine blonde de mon âge. Depuis que je l'ai rencontrée, j'ai harcelée mon géniteur pour la voir, il ne pouvait plus voir ses collègues sans sa petite princesse ultra-maquillée.
Je crois bien que j'ai faillit l'étriper quand il m'a obligée à démangée à l'autre bout du monde. J'ai essayée, mais je n'ai jamais trouvée une amie pareille que Shanelle. Et voilà que des années plus tard, je me retrouve dans la même université; et par dessus-tout dans la même confrérie ! Nous sommes toutes deux des Bêtas à présent, les reines glamours, les icônes de la mode; les créatures de rêve sur lesquelles tout le monde fantasme allègrement. Nous avons toujours été du même monde, eût les mêmes centres d'intérêts. C'était si bon de pouvoir la prendre dans ses bras, de retrouver cette part de soit-même, ce morceau d'identité quitté depuis des années.

"- Tu arrive à point Shana, je suis en train de révolutionner l'histoire de la manucure ! plaisantais-je.

D'un geste gracieux, je tapote le coin de verdure à mes côtés, et lui sourit, oubliant un instant les manières dont je fait preuve avec les autres. On ne dirait peut être pas comme ça, mais conserver vingts-quatre heures sur vingts-quatres une image et une apparence impeccable n'est pas de tout repos. J'avais tant de choses à lui dire, tellement de trucs à lui raconter que je ne savais pas par quoi commencer. Mais je fût stoppée net dans mon élan par une pensée qui me revient régulièrement. Je suis fière d'être bissexuelle, fière d'être ce que je suis et je l'assume entièrement. Mais le problème c'est que je ne veux pas compromettre une si belle et longue amitié avec les sentiments que je ressent. Oui, je ne l'avouerait probablement jamais mais je crois que je l'aime. Moi qui suis toujours avide d'une relation amoureuse, je rejetterait bien celle-ci. Je ne peux indéniablement brimée mes sentiments pour elles, si se sentiments il y a. Ce dont je en suis pas complètement sûre. C'est plutôt une espèce d'attirance, que je connaît plutôt bien d'ailleurs. Après tout, il y aurait à peu près une chance sur mille que Shanelle soit également bi, et j'ai bien trop d'amour propre pour risquer de gâcher notre amitié; qui plus est pour un amour non partagé. Je la regarde, au plus profond de ses iris qui me font légèrement tressaillir. Mais d'une façon imperceptible. De façon à ce que personne ne puisse remarquer, sous mon apparence tranquille; la tension qui s'agite en moi intérieurement. "Souris Stella, souris !", me dis-je intérieurement. Ne rien laisser paraître, jamais.

Je dissipais ma gêne passagère d'un hochement de tête. Je ne devais pas laisser mes sentiments en détruire d'autre. Je devais être libre d'éprouver ce que bon me semble, et non pas subir la volonté amoureuse de mon esprit torturé. Oui, j'en avais plus qu'assez de devoir brimer tout ce que je ressentais pour rester dans le domaine du correct. Ce qui doit arriver arrivera de toute façon; et ce n'est pas moi qui vais y changer quelque chose. Je baisse les yeux. Je ne suis plus ce que j'étais, j'ai un peu perdue de ma superbe depuis que j'ai reçue un coup de fil de mes parents m'annonçant qu'ils couperaient mon compte bancaire si mes notes ne s'amélioraient pas. J'ai un peu perdue de mon image de princesse, de diva glamour trop occupée à séduire pour étudier. Mais aujourd'hui, alors que je suis réduite à bachoter avec des Alphas pour acquérir un niveau décent; j'ai l'impression de toucher le fond du fond. C'est que j'ai des principes moi. Cela peu paraître un peu frivole, mais c'est pourtant ce que je suis. En ce moment je passe plus de temps à travailler qu'à faire ce qui me plaît et ce pourquoi je suis née. Le temps libre se fait de plus en plus rare, au détriment de soirées endiablées et de flirts nocturnes. Depuis quand n'ai-je pas été moi même ? Depuis quand n'ai-je pas commandée LE repas traiteur hors-de-prix, pour le déguster devant mon écran plat dernier cri ? Depuis quand ne suis-je pas sortie dévaliser une boutique de marque avec une copine ? Eh bien ça fait un sacré bout de temps, je le reconaît. Bip bip, alerte rouge ! Il est temps que je réintègre la vraie vie.
On dit que le changement est bon, productif. Mais je ne veux pas changer. Je ne veux pas. Je veux pouvoir piétinée sans remords mon livre de maths, me permettre la mini-robe rouge à décolleté vertigineux qui feraient hurler tout les parents d'ados de la planète. Je veux pouvoir draguer six mecs en même temps, couchez avec eux et leur briser le coeur. Je veux pouvoir prendre encore un autre verre, en me jurant que c'est le dernier mais en n'en faisant rien. Je veux vivre ma vie; la reprendre là où je l'ai abandonnée.
Telle une grande prestidigitatrice, je fait disparaître mon angoisse dans mon chapeaux et montre un grand sourire à mon publique; à Shanelle. Elle s'assoit à côté de moi. Je sens sa chaleur, sa douceur et sa présence me réconforte comme elle l'a toujours fait depuis des années et des années.

" - Alors, comment tu vas ma belle ? ", demanda t'elle.
- Plutôt bien. Et toi ?" répondis-je d'un ton qui se voulait joyeux.

Je surpris son regard dérivée sur mes ongles en travaux. Elles semblaient appréciée le début. Au moins quelqu'un qui reconnaît mon art dans ce bas monde. Poussant un peu mon "atelier de travail" sur le côté je m'allonge sur le ventre, de façon à être en face de Shana.

" - Dis-moi .. je sais pas, mais j’avais envie de passer une de ces journées super tranquille. À moins que tu comptais faire la fête ce soir, j’aurais pensé à t’inviter chez moi, question de prendre ça relax ; deux ou trois petits films, un bon repas. Mais si tu veux pas, je comprendrai. T’as peut-être quelque chose de prévu ? Et puis, bref, je veux seulement pas te forcer la main. Mais bon .. s’il est trop tard, tu resteras à dormir, comme avant.

- Eh ! Mais ça me brancherais carrément !
m'éxclamais-je avec enjouement.
Eh non, je n'ai rien de prévue de mon côté. D'ailleurs, au niveau de mon emploie du temps, c'est la mer morte. Tu peux pas savoir comme ce genre de soirées me manquent. Et j'apporterais la crème glacée, et toi le pop-corn; comme avant !"

Je lui rends le sourire coquin qu'elle m'adresse. Je ne sais plus sur quel pied danser. Quelque chose dans mon instinct féminin m'aiguille sur quelque chose, mais il serait bien trop stupide d'espérer que ce soit cela. Je n'ai pas la moindre chance avec elle, je l'ai toujours sue. J'ai appris à vivre avec, mais je ne peux pas continuer à aimer désespérément quelqu'un qui ne partage pas mes sentiments. Enfin, de ce que j'en sais. Je me trouve trop réfléchie, trop avenante et ponctuelle. Serais-je en train de grandir ? De me rendre compte que la vie n'est pas qu'un jeu et les gens autour de moi les marionnettes de mon petit théâtre personnel ? Absurde. Un jour un homme un dit: "a trop être le cul entre deux chaises ont finit par se casser la gueule". Eh bien je vais essayer de prouver que c'est faux.

Il fallait que je me calme, que mon coeur cesse de cogner dans ma poitrine comme un forcené. Shana était sans nul doute l'une de mes meilleures et plus précieuses amies, je ne pouvais pas me permettre de me montrer ne serais-ce qu'un poil froide ou étrange. Plus je redoutais de trahir mon secret, plus je ne pouvais m'empêcher d'y revenir. C'était un cercle vicieux, dont je me serais volontiers passée. Je suis certaine que mon amour n'est pas réciproque, et je ne souhaite pas en faire les frais au détriment de notre amitié. Je suis fière de ce que je suis, je suis en accord avec ce que je fait. Où est le problème, me direz-vous ? Je ne sais pas moi-même. En tout cas, s'il y a bien une seule et unique chose que je sache, c'est que je ne peux pas laisser perdurer ce malaise qui n'a pas lieu d'être entre nous. Oui nous grandissons, nous nous ouvrons à un autre monde plus le temps passe, nous nous lions et nous délions avec tiers personnes qui font de nous ce que nous sommes. Mais jamais je ne veux renoncer à elle, sans prendre pour autant le risque dangereux de la perdre. J'ai perdue déjà trop de gens à cause de cela, de ma petite particularité parmi tant d'autre. Je ne me considère pas comme une fille "normale". Mais qui l'est, d'ailleurs; normale ? Oh et puis zut hein, je n'ai vraiment ni envie de réfléchir ni de grandir. Je me poserais des questions demain. Oui, je reconnaît que j'adore remettre les choses à demain. Vivre aujourd'hui, mourir demain.

" Bon, c’est la fin de l’après-midi, donc je me disais qu’après avoir conquis la Terre entière avec ta manucure, on pourrait aller faire quelques courses ou tout simplement faire livrer chez moi. À moins que t’aies pas faim, y’a un monstre qui grandit dans mon ventre.

- T'a du lire dans mes pensées par ce que effectivement, je crève la dalle !"dis-je, ravie de cette proposition " Et pour mes ongles, ne t'en fait pas. Ce chef-d'Oeuvre peut attendre !" rigolais-je en riant de bon coeur, montrant ma main recouverte de gros pâtés de vernis bleus, comme si un arc-en-ciel m'avait vomi sur les ongles.

Shanelle me tendit sa main, que je prit avec apaisement. Je rangeais mes petites affaires dans mon sac à main Gucci de la saison passée. Oui, je sais; y'a du relâchement. Mais je me surprit à gémir quand je barbouillais non seulement mes vêtements, mon pauvre sac et son contenu. Oui, je confirme; du relâchement.

" - C'était pas sec à priori ... ", grognais-je d'un air malicieux accompagné d'un regard qui signifiait: "pardonne-moi !", car je lui en avais probablement mit partout à elle aussi.

Je lui fit un grand sourire, en me tapotant le ventre. Maintenant qu'elle m'y faisait penser, c'est vrai que j'avais moi aussi très faim. Mon repas habituel se résume en trois mots: salade, salade et salade. D'accord c'est l'aliment idéal pour ne pas prendre de poids, et oui les sauces pour accompagner ne sont pas désagréable ... Mais on peut faire mieux dans le terme du nourrissant. Non, là mon esprit et mon ventre décidaient d'une alliance pour hurler: "Du gras ! Du salé ! Du sucré ! Du trois milliards de calories à chaque bouchées !" et défilaient dans ma tête en une ronde sensuelle une gigantesque pizza aux quatre fromages, THE assiette chinoise et des boîtes de cookies à n'en plus finir ...

"- Au fait, si tu me suis dès maintenant, tu ne pourras pas m’empêcher de prendre une douche ce soir, hein? Je travaille demain et j’ai un horaire dingue ; mariage d’une copine, tu comprends ? Au pire, t’auras qu’à venir avec moi, dans la douche. " j'esquisse malgré-moi un petit sourire charmeur.

"- Oui, les mariages royaux ... Il faut être au top !" je suis un peu surprise, mais je m'empêche de trop retourner la signification de ses paroles dans ma tête. Laisser faire les choses, ce qui devra arriver arrivera.

"- Non, mais pas dans ce sens-là. T’auras qu’à m’attendre assise par terre à m’écouter chanter. Ou au pire des cas, tu me raconteras une histoire.

- Si tu veux entendre l'histoire j'ai bien peur qu'il faudra que tu m'invite dans la salle de bains. ", je répond, avec spontanéité.

Je me rends compte que mes paroles semblent encore plus louche que les siennes. J'éclate de rire en me prenant le ventre. Rire ... Cela fait tellement de bien ! Je la suit à petits pas gracieux, le soleil matinal inondant mon corps d'une douce chaleur propice aux meilleurs moments de bonheur.

"- Bon, je te laisse le choix. Soit on fait livrer soit on va chercher et on cuisine ensemble. Dans ce cas, si tu veux cuisiner avec moi, fais attention ; tu risques de finir par être le repas en soi, tellement tu vas être recouverte de l’armée de nourriture qu’étrangement, j’aurai fait tomber sur toi. Quoi que, je te verrais aussi bien avec des nouilles chinoises plein la tête. "

Je n'arrive même plus à parler tant je m'étrangle de rire. Quand, au bout d'un très long moment, je parvient à articuler entre deux gloussements:

"- C'est sûr que c'est super sexy ! Enfin bon, je suis bien tentée de risquer ma vie avec toi ce soir ... "

Je crois les doigts dans mon dos pour que Shana ne prête pas attention au double sens de cette phrase.

Shanelle semblait un peu perdue dans ses pensées. Je pensais à lui demander l'objet de ses réflexions, mais crois me douter de ce qui la turlupine, alors remettre le sujet sur le tapis semblait quelque peu malvenu. Sans nous en rendre compte, nous tournions autour du sujet tabou; de celui que nous nous efforçons d'éviter. Et même lorsque j'essai de me comporter et de discuter normalement, nous revenons toujours à ce point. Combien de temps pourrais-je éviter le moment ou Shana s'apercevra de mes sentiments, que notre amitié sera détruite ? Comme je n'arrive visiblement pas à les dissimuler. Exprimer ce que je ressent fait partit de ma nature profonde. Contrarier ma personnalité m'est une tâche quasiment impossible. Je suis humaine, et toute créature fantastique que je soit; j'ai tout de même des limites. Toute la journée, je prête une attention dévorante envers l'image que je peux donner de moi. Je réfléchit à chaque mot, chaque geste, chaque posture et à l'effet que cela pourrait engendrer. Moi qui suis d'une nullité intolérable en maths, je dois dire que dans mon rôle de manipulatrice je me débrouille plutôt bien. Le soucis ? C'est épuisant de devoir jouer un rôle. Non pas que je fait semblant, ce n'est pas comme si je disais gauche alors que je pense droite. Pas exactement. Mais j'ai un rythme à tenir, de nombreux engagements envers mon propre honneur et mon amour propre; que j'ai toujours bichonné avec la plus infinie des tendresses. Mais le gros avantage avec ma personnalité affirmer, c'est que je peux facilement reconnaître qui traîne avec moi pour la gloire ou par ce qu'il tient réellement à moi. Je n'ai pas beaucoup de mal à deviner ce que les gens pensent. Je suis des études de psychologie et de journalisme, pour apprendre à comprendre mon interlocuteur. Toute ma vie, ma popularité et mon estime ne repose que sur mon charisme; alors j'ai absolument besoin d'être capable de sonder en détail le cerveau d'autrui. C'est la voie de Shanelle qui me tire de mon ébhètement passif: "C’est ce que je comptais faire." Un peu honteuse, je ne sut trop que répondre. Notre amitié s'apprêtait à prendre un tournant important, il ne fallait pas qu'on loupe le virage pour plonger dans le ravin. D'autant plus que je ne me connaît que trop bien, si vous avez envie de ruiner un bon moment ... Appelez Stella Morgan ! Elle se fera un plaisir d'enchaîner gaffe sur gaffe, volontairement ... Ou pas ! Arheum, je m'embrouille toute seule. Je me trouvais encore paumée dans la tomate-cerie qui em sert de cerveau quand elle reprit, d'une voie sérieuse qui m'inquiéta peut-être plus qu'elle ne l'aurait due: "Bon, je décide alors.". Je me faisait l'effet d'une carpe qui a oubliée comment faire des bulles. Ah mais oui ! J'avais oubliée de répondre à sa question. Je voulus dire plein de choses en même temps, mais seul un unique son s'échappa de ma bouche délicatement glossée: "Ahbhabeuh ...". J'explosais à nouveau de rire. Mais pas le rire habituel hein ! Pas le "hihihi" gracieux et charmant auquel tout le monde est habitué. Plutôt un grotesque "HAHOUHAHAHIHAHOU !" qui ferait peur aux résidents d'une asile psychiatrique. Prenant conscience que je dois offrir un sacré spectacle à mon entourage, moi, la reine de l'université qui hurle des sons gutturaux, le visage tordu et les dents en avant; ça ne doit pas se rapprocher beaucoup à mon apparence glamour et sensuelle habituelle. " J’habite à seulement deux minutes d’ici à la marche, donc on va directement chez moi. J’appel pour nous faire livrer quelque chose et pendant ce temps, je prends ma douche. Ensuite, bon, j’ai surement une bonne centaine de films d’amour chez moi ou une dizaine d’action. T’auras qu’à choisir parmi ceux-là. Et oui, désolée mais je crois que je serai trop lâche pour remettre le pied dehors et aller en prendre un en location. Je me décide à m'extirper un peu de mon mutisme passager, mais je me demande pourquoi elle insiste tant sur la douche. Je ne sais pas comment je dois le prendre. Sois mon insistance l'a gênée et elle tient à mettre les points sur les "i", soit elle ... Non, c'est impossible. Il ne faut pas rêver non plus. " Ne t'inquiète pas, je trouverais bien mon bonheur là-dedans. " dis-je avec le désir d'apaiser les tensions, ou ce je-ne-sais-quoi qui naissait entre nous et nous mettait dans une situation d'embarras. Quelque minutes plus tard, j'arrivais dans l'appartement de Shana. Il n'était pas immense, mais largement suffisant pour une personne. Il était en même temps décoré avec goût et l'on si sentait d'office à l'aise. Elle me montra où je pouvais déposer mes affaires, et je la remerciais d'un signe de tête. Moi, on a pas besoin de me dire "fait comme chez toi"; j'agit et après je demande si j'ai le droit. Mon amie semblait impatiente de prendre une douche. Je la comprends, moi aussi je passe des heures chaque soir à me relaxer sous l'eau. Enfin ... Je fait quand même attention pour ne pas ressortir avec la peau fripée comme un pruneau. Soudain, elle s'arrête dans son élan et me propose: " Alors, tu veux boire quelque chose tout de suite, où tu acceptes qu’on se débarasse de ma petite corvée ? Au pire des cas, prends ce petit banc et traîne le dans la salle de bains, si t’as pas envie de te retrouver assise par terre. C’est comme tu veux. ", agréablement surprise, je m'empresse de répondre pour rassurer sa petite mine hésitante. " J'attendais que tu me le propose. ", dis-je, malicieuse. J'ajoute: " Enfin, je veux dire ... Pour me vernir les ongles ! ", en faisant un petit clin d'oeil suggestif qui en disait long.

Je ne peux m'empêcher de me poser mille et une questions. D'office, je considérais que Shana ne partageait pas mes sentiments. Pourtant, au plus profond de moi, une sorte d'intuition me laisse penser que l'étrange attraction qui règne entre nous n'a pas finit de s'étendre. Ce n'est qu'un pressentiment, et pourtant j'ai l'intime conviction que notre relation n'a pas finit de prendre des tours inattendus. Je ne sais pas ce que nous allons devenir demain, mais si il y a une chose que je peux contrôler c'est bien le présent. Si une possible histoire d'amour il y a entre nous, alors cette-dernière finira bien par surgir un jour. En attendant, aussi merveilleuse sois-je, je ne peux influencer sur le cour des évènements. J'ai bien vue ce que cela a donnée de vouloir "faire semblant" d'être aveugle à ce qu'il se passait entre nous ... Et le résultat n'est pas bien glorieux. Oui, je suis une comédienne et une menteuse hors-pair, et non ça ne me pose pas de remords de raconter des salades. Mais par soucis d'étique, d'une question purement personnelle; me mentir à moi-même sur ce que j'éprouve serait illustrer le serpent qui se mord la queue. Je venait de prendre la décision de prendre les choses avec légèreté et frivolité, comme il le convient de faire avec une amie proche; et de ne pas gâcher la soirée en retournant sous toutes ses coutures une pauvre phrase innocente dans sa tête pour en presser le jus de l'espoir interdit. "T’es sûre que ça te gêne pas, hein? Que je te fasse attendre comme ça ? ", demanda-t'elle soucieuse de mon bien-être. " Oh ne t'inquiète pas pour ça. "dis-je d'un ton rassurant avant d'ajouter: " J'ai un sacré boulot avec mes ongles ... Et au pire, je pourrais toujours te raconter une histoire !. Nous pénétrons dans la petite salle de bains, je referme la porte derrière nous de ce geste ancestral, sans arrière-pensée. J'avais retrouvée un semblant de calme lorsque le rouge me monta en joue en apercevant mon amie qui retirait son chandail. Je ne pouvais détacher mes yeux de ce spectacle envoûtant. Mon coeur se mit à battre la chamade, effaçant les quelques doutes que je conservait quant à mes sentiments. Elle était merveilleuse, ravissante, charmante. Ses cheveux blonds suivaient les courbes qu'elles décrivait dans ce simple mouvement que de se déshabiller. La température de la pièce augmenta perceptiblement, et le rouge me monta aux joues comme mon regard se rivait sur sa généreuse poitrine, sur le mouvement gracieux sur lequel ondulait son corps de rêve. Cette vision me toucha au plus profond de moi, par ce qu'elle réveillait quelque chose d'indescriptible, de fou et de passionnant ... Le désir. Une flamme brûlait à présent en moi, et il serait tout à fait inutile de dissimuler vu la façon dont mon visage rouge tomate reflétait mes pensées. Je me forçais à conserver un peu de calme quand Shanelle me demanda: " Tu pourrais me passer cette bouteille-là, s’il te plaît ? en désignant un luxueux shampoing. Je lui passais en lui souriant. Bon, il était encore temps de me rattraper. " Promis, tu m'espionnes pas, hein? ", dit un peu sérieusement mon amie, ce à quoi je répondit avec naturel: " Juré ! ". Il est normal d'avoir besoin d'intimité, de plus je ne sais pas si je me retiendrais de lui sauter dessus si jamais elle venait à me montrer plus que je n'en avait vue. Même si ce serait bien loin de me déplaire. " Promis, je vais faire rapidement. Et hum, te gêne pas pour prendre quoi que ce soit hein .. pour tes ongles. " me lança-t'elle une fois qu'elle était entrée dans la cabine de douche.
" Ne t'inquiète pas, prends ton temps. Je ne suis pas pressée. ". Je me faisait l'impression d'une horrible bête qui devait déployer des trésors d'effort pour ne pas violer sa copine. Et Dieu seul sait comme je faisait violence pour ne pas regarder du côté du rideau de douche que je savais transparent ... La tentation était forte, mais mon désir de préservée mon amitié encore plus. J'attrape un petit flacon de dissolvant sur une étagère argentée et part à la recherche de cotons pour l'appliquer et nettoyer mes ongles afin de leur refaire une petite beauté. En dépit de mes nombreux sentiments contradictoire, je flaire une bonne soirée.