Dernièrement, j’étais, on ne peut plus, fatigué. Pour ne pas dire totalement exténué. Entre mes cours de médecine et les innombrables devoirs qui s’ensuivaient, mes nuits se résumaient plus qu’à des cours sur l’anatomie prolongés qu’à des cours d’apprentissage de repos. Pourtant, après deux années dans ce domaine d’études, je devais sans doute m’y habituer, devenir une vraie machine, surtout avec la dose de caféine quotidienne que je buvais en une journée. Et même, la deuxième année de médecine se devait d’être moins éprouvante que la première, pourtant je n’en avais pas l’impression. Tous les jours, en fin de journée, je me réjouissais de pouvoir rentrer dans mon petit cocon, retrouver ma cousine-colocataire, m’allonger paisiblement sur mon lit et ne plus penser à rien. De temps en temps, je songeais à abandonner, comme je l’avais fait dernièrement avec la musique, mais rien que de m’imaginer étudier dans un autre domaine m’horripilais. Je le savais au fond de moi, j’étais fait pour devenir un médecin, réputé ou non, ce métier a été conçu pour moi. C’est pourquoi, même après avoir été recalé deux fois en première année, j’avais persévéré, que j’essayais de passer outre cette fatigue constante pour réussir. Mais réellement, ce n’étaient pas mes cours qui ne préoccupaient plus l’esprit et m’exténuaient autant que je l’étais. Non. En réalité, une fille en particulier était cachée derrière cette fatigue. Plus précisément, Clélia, une amie et plus encore. J’étais incapable de décrire notre relation tant elle était compliquée, mais ce que je savais était que tous deux ressentons plus que de l’amitié pour l’autre. Et justement, ces sentiments commençaient à m’empoisonner l’existence au fil des jours. Ou plutôt, elle m’empoisonnait la vie au fur et à mesure. Pourquoi ? Si je vous dis jalousie, comprendrez-vous ? Pas la jalousie au degré de base, non, celui au degré extrême. Vraiment, vraiment extrême. Chaque jour mademoiselle veillait à mes contacts féminins, si elles étaient aptes ou non à me fréquenter. Traduction : sulfureuse ou non. Si elles l’étaient, le plus souvent, l’alpha me menaçait de mettre fin à notre pseudo-relation de couple si je refusais de ne plus adresser la parole à ces jeunes femmes. Ne comprenant pas son attitude excessive, je refusais constamment, et s’ensuivait une dispute sans fin, jusqu’au bout de la nuit, entre nous deux. Souvent, j’avais le dernier mot, arrêtant tout simplement cette dispute par un simple baiser, et elle abandonnait, pour recommencer de plus belle le lendemain. Et c’était ainsi tous les jours, sans fin. Un cercle continu, sans fin, m’empoisonnant la vie, me mettant chaque jour le moral à zéro. Voilà en grosse partie la raison pour laquelle j’étais tant exténué, en cette belle journée de samedi ensoleillée. Je n’étais pas décidé à sortir, à voir du monde mis à part ma petite cousine, je voulais tout simplement m’enfermer dans ma chambre et dormir jusqu’au bout de la nuit. Mais je changeais vite d’avis lorsqu’Arizona, officiellement ma meilleure amie et pire ennemie de Clélia, m’avait demandé à sortir, rien que tous les deux. Après une semaine sans se voir, j’avais accepté sans hésiter. Bien évidemment, sans en toucher un mot à mademoiselle sur cette après-midi qui promettait d’être plus qu’agréable.

Arizona m’avait donné rendez-vous à un fast-food connu mondialement pour ses hamburgers succulents bien que trop gras, et que j’appréciais énormément donc j’étais encore davantage plus enchanté de parvenir à ce rendez-vous. D’autant plus que mon ventre criait famine. C’est donc avec quelques minutes d’avance que j’arrivais, et poireautai comme un idiot, seul, devant le restaurant espionnant chaque arrivée de personnes, dans l’espoir d’apercevoir une petite tête blonde souriante. Mais malgré les minutes ; personne. Je regardai rapidement l’heure sur mon portable et me rendis compte à quel point j’étais réellement à l’avance. J’étais sans doute plus pressé de revoir la jeune sampi que je ne le pensais. Il faut dire qu’une semaine sans se voir était un mini supplice, pour moi et elle je pense, sachant qu’on était devenu inséparable depuis notre rencontre. Une rencontre pourtant si banal, dans un bar des plus minables, et une soirée des plus désespérantes. Mais apparemment, il faut que peu pour construire quelque chose d’énorme. C’était souvent ainsi qu’on qualifiait notre relation ; une amitié qui avait démarré de rien et qui était pourtant devenue, en si peu de temps, une grande amitié, incomparable à aucune autre. Une relation de meilleurs amis en somme. Où tous deux racontent chacun de nos problèmes à l’autre, où nous nous voyons chaque jour pour des rencontres, certes express, mais primordiales, sauf cette dernière semaine. Et on avait décidé de rectifier le tir, aujourd’hui. D’ailleurs, après une bonne dizaine de minutes d’attente, j’aperçus Arizona arrivée au loin. Je lui lançai un sourire éblouissant et nous rentrâmes tous deux dans le fast-food où nous allions prendre notre repas de midi. Tout en rentrant, elle commençait la conversation. « Salut, salut!!! Comment ça va toi depuis la dernière fois? Tu racontes quoi de nouveau ? » Certes, début banale, trop banale, mais tout Arizona. Souriante, joyeuse, curieuse. Et tout à fait compréhensible, après une semaine sans se voir, il était normal de vouloir savoir ce qu’était advenu l’autre. Même si j’aurais commencé la conversation, j’aurais ajouté beaucoup plus de questions. Je souris donc et lançai joyeusement, tout en se dirigeant vers la queue des caisses de commande, suivi par elle-même : « JE.SUIS.EXTENUE. Comme tu ne peux pas imaginer. Clé … hum … une fille m’épuise littéralement. » J’avais insisté sur le début de phrase, pour démontrer à quel point j’étais réellement fatiguée. Et ne prononçai pas le prénom de Clélia pour la simple et bonne raison qu’elle ignorait totalement qui c’était. Car oui, même si elle était ma meilleure amie, mis à part Rosie, qui était continuellement fourrée avec moi à l’appartement où Clélia venait régulièrement, je ne lui avais pas encore avoué notre début de relation. C’était encore tout récent et j’ignore toujours ce qui se tramait entre nous deux, et Arizona se passerait sûrement de mes inquiétudes et mes nombreuses plaintes sur les crises de jalousie de mademoiselle. Alors, je n’avais rien dit, et je n’en avais pas encore l’intention, aujourd’hui. Je pense. « Et toi, jeune étudiante ? » Je lui donnai un petit coup de coude, complice, pour appuyer sur son dernier changement de situation. En effet, Arizona était passée de professeure à étudiante il n’y avait pas si longtemps que cela, et je n’avais pas encore eu l’occasion de lui faire parler sur sa nouvelle vie d’étudiante. « Tu profites bien de ta vie d’étudiante, j’espère ! Sinon tu peux compter sur ton meilleur ami pour rectifier le tir. » Petit rire, et ce fut à notre tour de commander. Je pris un simple menu et un dessert à venir chercher plus tard, et une fois qu’Arizona eut commandé, nous nous dirigeâmes à une table, dans un coin, loin des yeux de tous.