"On reprend quand tu veux."

D’accord, on reprend la première.

La mi-juillet était arrivée et Samuel était là depuis une semaine. Il avait quitté la Californie pour venir en Louisiane et plus précisément à la Nouvelle-Orléans. Il avait parlé de cela avec son agent. Il lui avait explique que s’il devait enregistrer un album, il voudrait aller dans cette région. Le blues étant une passion, il voulait enregistrer là-bas. Elle avait acceptée après moult négociations et elle avait réussit à trouver non seulement un studio d’enregistrement, mais également des personnes de la ville qui voulait bien lui parler du blues. Ca avait été le paradis pour Samuel. Ca faisait donc une semaine qu’il était ici. Avant cela, il avait enregistré avec ses proches quelques morceaux mais dans un studio en Californie. Mais aujourd’hui, il avait décidé de voir le plus de morceaux possibles. Seulement son agent lui avait dit qu’une jeune femme devait passer avec son agent. Essayant d’en savoir plus, elle ne pû lui dire que c’était une violoniste et qu’elle voulait qu’ils collaborent sur l’album. Samuel n’était pas du tout contre, mais il fallait voir ce qu’elle savait faire. D’ailleurs, quand il avait entendu le mot violoniste, il avait tout de suite pensé à Ulrika et il avait envie de dire à son agent qu’il ne prendrait qu’Ulrika pour jouer sur son album et personne d’autre. Il s’était abstenu et il devait pourtant avouer que la jeune femme lui manquait. Se concentrant donc sur le premier morceau qu’il voulait rejouer, il regarda le piano qui était face à lui. Il s’agissait du titre « St James Infirmary ». Une chanson qui date de plusieurs années et chanté par le grand Louis Armstrong. Lui maniait la trompette, mais Samuel ne savait pas faire ça. Lui, c’était le piano et il devait avouer que la version qu’ils avaient trouvés n’était pas pour lui déplaire, loin de là même. Jouer l’introduction au piano plutôt qu’à la trompette n’était pas mauvais et il s’en sortait plutôt pas mal, même si ça n’égalait pas le grand Louis. Fixant donc les touches du piano, il esquissa un sourire et commença à jouer. Une introduction plus longue que Louis à la trompette, mais tout aussi agréable à écouter.

Plus rien ne comptait pour Samuel désormais. Il était concentré sur le morceau et sur ses partitions. Le piano, l’instrument qu’il maitrise le mieux et qu’il adore. Se laissant bercer par la musique qu’il connaissait désormais par cœur, il ne fit pas attention à ce qui l’entourait. Les gens pouvaient se crier dessus, derrière la votre de la salle où il était, il n’y ferait même pas attention. Avec en plus son casque sur les oreilles, il était dans sa bulle, dans son monde et ça lui plaisait. Jouant encore et toujours, il gardait son sourire en coin. Puis, il commença à chanter. Prenant son temps, avec un tempo plutôt lent, mais parfois avec quelques soubresauts, il savait ce qu’il faisait. Il entendait également les autres instruments dans son casque. Il avait d’ailleurs rencontré les autres musiciens et il devait avouer que c’était un sacré groupe parfaitement sympathique. La chanson continua et Sal continuait de jouer et chanter. Seulement toutes les bonnes choses ont une fin et il fit sonner la dernière note. Ouvrant doucement les yeux, son sourire ne s’effaçait pas.

"Tu veux qu’on la refasse encore ?"

Non ça ira pour aujourd’hui. J’aimerai bien qu’on passe à la seconde, j’ai quelques détails à voir au niveau des accords de guitare si c’est possible.

"Sans problème, installes-toi et on te suit."

Merci.

Se levant, il ne fit attention à rien d’autre que l’instrument qui n’était pas très loin. S’il avait levé les yeux, il aurait pû voir Ulrika et son agent qui étaient là. Depuis combien de temps, il n’aurait pas pû le dire, mais il ne regardait pas vers la vitre. Attrapant la guitare, il passa la lanière sur son épaule et commença à voir si la guitare était bien accordée pour ce morceau. Une fois prêt, il mit son casque sur les oreilles avant d’écouter le début du morceau dans son casque. Levant le pouce pour dire que c’était bon, on coupa la musique qu’il écoutait dans le casque pou qu’il puisse commencer à jouer.

Walking down the levee with my head hangin' low
Looking for my mama but she ain’t here no more
Baby you don’t know, you don’t know my mind
When you see me laughing, I’m laughing just to keep from crying

She won’t cook my dinner, won’t wash my clothes
Won’t do nothing but walk the road
Baby you don’t know, you don’t know my mind
When you see me laughing, I’m laughing just to keep from crying

My breakfast on the table and my coffee’s getting cold
And mama’s in the kitchen getting a sweet papa talk
Baby you don’t know, you don’t know my mind
When you see me laughing, I’m laughing just to keep from crying

Arriva alors le moment où il arrêta de chanter, jouant uniquement de la guitare. Levant les yeux tout en jouant, il fronça les sourcils. Ulrika ? Son esprit lui jouait des tours. Il fallait qu’il se concentre. Baissant alors les yeux, il reprit le chant. Seulement il ne pû s’empêcher de relever la tête et il fixa la personne qu’il avait vu qui en effet était bien la jeune violoniste. Que faisait-elle là ? Il n’en avait pas la moindre idée, mais il devait avouer que ça lui faisait plaisir de la voir, même si pour le moment il travaillait.

Baby you don’t know, you don’t know my mind

Cette phrase fut prononcées plusieurs fois et il ne pû détacher son regard d’Ulrika. Un message caché avec ces propos ? En effet, il devait avouer que ça lui collait bien et que si elle prenait ses propos comme argent comptant et non comme la chanson en elle-même, il s’amuserait. Ca ne serait pas méchant, ça serait juste qu’il voudrait bien voir ce qu’elle pourrait y répondre. Finissant donc de chanter, il posa sa guitare, enleva son casque et sortit de la pièce. Allant dans l’autre pièce, il entra et sourit.

"Samuel, je te présente Ulrika Van Eickh. Ulrika, je vous présente Samuel Salaun."

Souriant, il avança vers la jeune femme pour lui serrer la main.

Enchanté de vous connaître.

Pourquoi jouer la comédie et ne pas dire qu’ils se connaissaient ? Samuel n’en savait rien, mais il devait avouer qu’il avait envie de la jouer ainsi pour le moment. A voir si la jeune femme continuerait ou préfèrerait mettre les choses au claire toute de suite.

Jusqu’au bout, la célèbre violoniste Ulrika Van Eickh n’aurait pas pu se douter une minute de ce qui l’attendait. Au départ, accepter d’enregistrer des morceaux joués au violon sur l’album d’un autre avait été un défi lancé par son manager, persuadé qu’elle était proprement incapable de collaborer avec quelqu’un. Ensuite, ledit défi s’était transformé en principe, puis en véritable délire : Elle était proprement ravie d’avoir ENFIN un projet à sa hauteur, pour lequel elle n’aurait qu’à négocier avec le musicien et chanteur et non pas avec tout un orchestre philharmonique contraint de jouer avec elle. Ulrika n’était pas du genre à avoir des doléances de diva, loin de là, c’était plutôt les autres qui agaçaient régulièrement la violoniste par leurs caprices ridicules et insupportables. D’autant que partir pour la Nouvelle Orléans à la veille d’une tournée mondiale, n’était pas pour lui déplaire : Là bas, elle aurait sûrement la chance de pouvoir goûter quelques uns des restaurants français les plus délectables des États-Unis, et bien que ce ne soit pas la seule joie qu’elle se faisait vis-à-vis de ce voyage, c’était l’une des principales. Il n’y avait qu’elle pour vouloir se rendre directement au studio alors qu’elle venait à peine d’arriver en ville, du reste. Ulrika n’avait pas attendu la Trinité pour traîner son manager jusqu’au lieu de l’enregistrement, où son futur partenaire travaillait déjà. La musique qu’elle entendit fut aussitôt accueillie par ses oreilles de virtuose non sans une délectation certaine…Bien qu’elle n’en fasse jamais étalage, Ulrika aimait tout particulièrement le Blues lorsqu’il ne fallait pas parler d’Opéra ou de musique classique. Elle sentait donc que cette collaboration allait lui plaire tout particulièrement, et lui permettre d’explorer de nouveaux répertoires à l’aide de son violon. Du moins, le sourire fit partie intégrante de ses traits jusqu’à ce qu’elle se rende compte que son partenaire n’était autre que Samuel Salaun, professeur de Philosophie et de Médecine à Berkeley avec qui ses rapports avaient été aussi divers qu’enrichissants jusqu’ici. Pendant plusieurs longues secondes, Ulrika demeura bouche bée, tandis que le musicien ne l’avait pas encore remarquée. Ce n’est qu’une fois leurs regards croisés qu’elle se permis un petit sourire en coin ainsi qu’un haussement de sourcil, preuve que la surprise l’amusait autant qu’elle l’étonnait. Loin d’elle l’idée de l’interrompre en pleine composition, mais elle ne pu s’empêcher d’étouffer un petit rire tandis qu’elle comprenait le sens caché des paroles chantées par Samuel : Effectivement, ni l’un ni l’autre ne se connaissait véritablement. Tout ce qu’ils avaient été en mesure de constater de l’autre jusqu’ici, ce n’était qu’un masque de protection et des apparences on ne peut plus trompeuses. Mais après tout, puisqu’un proverbe dit que la musique adoucit les mœurs, il était probablement que ces deux amants terribles en apprennent plus sur autrui durant cette collaboration détonante.

ULRIKA – « Mais c’est un plaisir que de travailler avec toi, Samuel. J’aurais presque pu me douter qu’il ne pouvait s’agir que de toi… »

Ulrika n’était pas dupe, cela dit. Elle se doutait bien qu’il ne l’avait sûrement pas choisie et que tout ceci n’était qu’une habile négociation entre leurs deux managers. C’était parfait, cela dit : Il n’y avait aucun préjugé et les deux formeraient probablement un duo d’enfer du fait de leurs talents respectifs. Il n’existait pas un violoniste au monde meilleur que ne l’était Ulrika, quant à Samuel, sa voix particulière et son adresse au piano et à la guitare n’étaient plus à prouver depuis des lustres. Aussi, bien loin d’être vexée par cet état de fait, Ulrika était plutôt flattée d’avoir été choisie…Ce n’était que pour le principe qu’elle lança un regard inquisiteur à l’encontre de son manager à elle, hautement coupable s’il fallait savoir lire entre les lignes.

ULRIKA – « Je sens que deux managers sont coupables de haute trahison, non ? Pour information, je connais bien Monsieur Salaun et si on m’avait dit que c’était avec lui que j’allais enregistrer, je n’aurais pas dit non, deux minutes de jugeote ! Il n’y a même qu’avec un talent comme le sien que j’aurais accepté d’enregistrer. »

L’évidence même. Il n’existait rien de plus certain et Ulrika était si sérieuse en dictant cette vérité que c’en était presque étonnant de sa part. D’ailleurs, les deux managers ne manquèrent pas de se retirer dans une autre pièce du studio afin de discuter des points du contrat, laissant tout le loisir aux deux musiciens de mettre au point leur stratégie d’enregistrement : Après tout, Ulrika n’était nullement au courant de ce que Samuel attendait d’elle…C’était à peine si elle se doutait qu’il ne souhaitait qu’elle en collègue violoniste ! Jusqu’au bout, elle joua un jeu parfaitement innocent, allant jusqu’à se rendre au studio d’enregistrement en ouvrant la porte et en invitant Samuel à la suivre. Ici, il n’y aurait jamais qu’une collaboration professionnelle, c’était une affaire entendue. Néanmoins, Ulrika avait l’intention d’y mettre du sien rien que pour le remercier de la soirée fabuleuse qu’il lui avait faite passer au bal de promo. Si elle était partie en tournée sans avoir l’occasion de lui dire merci comme il se doit, cela aurait été dommage, n’est-ce pas ?

ULRIKA – « Je ne savais pas que tu cherchais un violoniste pour enregistrer ton album…Comme quoi, le monde est tout petit, hum ? D’ordinaire, je n’accepte pas de collaboration avec quelqu’un qui ne fait pas de classique. Tu as de la chance, je suis très friande de blues…Tu peux peut-être m’expliquer ce que tu attends de moi, non ? Je doute que ton manager m’ait fait venir pour rien, après tout. Je suis toute ouïe ! »

Souriant aux propos de la jeune femme, Samuel resta la regarder. Lui qui avait fait une croix sur la jeune femme, pensant ne jamais la revoir, il était très agréablement surprit. Elle lui avait dit qu’elle devait partir en tournée et qu’elle n’était pas sûre de pouvoir revenir à Berkeley l’an prochain. Il en avait réellement été attristé, mais le fait qu’elle vienne aujourd’hui pour composer des morceaux avec lui, c’était quelque chose qu’il appréciait à l’avance. Après avoir joué et chanté, il alla rejoindre tout le monde et salua la jeune femme après les présentations faite par les agents. D’ailleurs ces derniers furent dans la ligne de mire de la jeune femme. Souriant alors à ce que la violoniste leur disait, il se sentit flatté. Si on lui avait dit tout de suite qu’elle jouerait avec lui, elle aurait dit oui ? C’était ce qu’elle venait de dire et oui, il en était réellement flatté. Ne disant rien, il regarda les agents sortir de la pièce et il reporta son attention sur sa partenaire. Cette dernière décida d’aller dans le studio d’enregistrement et la suivit sans rien dire. Une fois tout les deux, il l’écouta parler et décida donc d’être professionnel et de lui expliquer tout ce qu’elle aurait à savoir.

A vrai dire j’avais quelques idées de chansons, mais j’aimerai bien tenter du violon pour une d’en être. Je pensai aussi à un contrebassiste, mais je veux d’abord voir ce que ça donne au violon.

En effet, il avait pensé à une chanson en particulier et même s’il savait que la contrebasse serait sans doute mieux, il voulait tenter avec le violon pour écouter et voir ce que ça allait donner.

A vrai dire en pensant à la chanson en question ça tombe bien que ça soit toi qui viennes jouer.

Se mettant à sourire, Samuel se disait en effet qu’avec le titre ça tombait parfaitement bien.

Connais-tu la chanson « Baby, please make a change » ?

Haussant les sourcils, il garda son sourire en coin.

J’ai envie de faire cette chanson, mais il y a deux autres personnes qui vont également la chanter et ils doivent arriver dans quelques minutes normalement.

En effet Samuel avait été très impressionné quand son agent lui avait dit qu’un grand artiste allait venir chanter avec lui. En fait l’agent du français avait amené quelques chansons de Sam et cet artiste voulait chanter avec lui.

Tu connais peut-être de nom Tom Jones ?

Il haussa un sourcil, faisant celui qui parlait d’un artiste presque inconnu.

A plusieurs reprises, Ulrika ne pu s’empêcher de hausser un sourcil et de se retenir d’éclater de rire. A l’entendre, cette collaboration était spécifiquement faite pour mettre les points sur les i et les barres sur les t au niveau de leur relation. Quelque part, c’était tentant comme expérience, à ceci près que seul Samuel pourrait faire passer un message à l’aide des chansons qu’il choisissait : Si Ulrika ne chantait pas spécialement faux, elle n’était pas une diva et préférait mille fois jouer du violon, surtout s’il fallait provoquer de violents frissons chez autrui. Ce serait donc son seul moyen d’expression pour toute la collaboration à venir, et ce n’était pas pour lui déplaire : Elle avait toujours apprécié le fait d’être mystérieuse et, sans être incomprise pour autant, d’être difficile à saisir sur l’instant. Pour une fois, Samuel serait plus direct et elle, plus insaisissable. Cela dit, elle ne pu décidemment résister à éclater de rire pour de bon lorsqu’il osa lui demander si elle situait qui était Tom Jones…A croire qu’elle venait tout juste de naître à l’instant et qu’il était impossible qu’elle ait quelque culture musicale étendue que ce soit. Bien loin d’être vexée, Ulrika sentait qu’elle allait hautement s’amuser à remettre les points sur les i en se valorisant quelque peu au passage. C’était de bonne guerre, parce qu’une fois leur travail terminé et l’album de Samuel enregistré, il y avait fort peu de chances qu’ils se revoient de sitôt en raison de la tournée mondiale de la demoiselle. C’était l’occasion ou jamais d’en profiter, en quelque sorte. « Dis donc, en toute logique c’est plutôt toi le vieux chnoque, ça ne veut pas dire que je n’ai aucune culture ! Je sors le samedi, de temps en temps…Donc oui, pour te répondre, je sais TRES BIEN qui est Tom Jones. » Ulrika ayant gardé un sourire relativement franc sur les lèvres, difficile pour Samuel d’être réellement vexé par cette remarque, à moins qu’il ne décide d’en faire définitivement exprès. Ce fut pourquoi elle n’hésita pas à s’emparer de la partition de la chanson qu’il venait de lui citer afin de s’en imprégner, au moins pendant quelques minutes, avant de se saisir de son violon et de commencer sa petite magie. Il n’était pas question d’attendre les deux autres participants à l’album pour commencer…Ulrika était parfaitement prête à « mettre le feu » et à prouver qu’un violon sait aussi bien retranscrire une certaine émotion, voire même mieux, qu’un violoncelle ou une contrebasse. Il fallait dire que tout dépendait du musicien, également. On pouvait trouver énormément de défaut à la brunette en face de Samuel, mais c’était une véritable virtuose et son talent était indéniable. « Pourquoi tu trouves que c’est impeccable que je vienne jouer ? Il y a un sens caché derrière la chanson ? Il me tarde de voir ce que tu vas bien pouvoir mettre comme point sur les i ! » Ulrika était curieuse, en vérité, et c’était de bonne guerre. Après s’être déchirés pendant des journées entières, y compris devant les étudiants de Samuel, il était logique que le bout du tunnel montre au bout un peu le bout de son nez. Cela étant, l’ardente brunette mit de côté leur relation personnelle pour mieux se saisir de son écrin à violon. Pour les quelques minutes qui allaient suivre, elle redevenait cette violoniste talentueuse dont beaucoup aimerait obtenir la participation pour un album. Et d’ailleurs, sitôt qu’elle eut sorti son magnifique instrument et son archet, ses traits redevinrent sérieux, comme si rien d’autre ne comptait dans la pièce. Mais même avec un visage de porcelaine parfaitement impassible, Ulrika était magnifique. Le simple fait de voir la sensualité qu’elle avait au bout de ses doigts, tandis qu’elle jonglait avec les notes présentes sur cette partition qu’elle ne connaissait pas du tout il y a cinq minutes, était indéniable. Un immense silence baigna la pièce, ne laissant entrevoir que la musique jouée par Ulrika, dont l’émotion était à couper le souffle. Aussi, l’espace de quelques instants, et avant un final sur les chapeaux de roues, elle se permit de fermer les yeux afin de mieux s’imprégner de ce qu’elle jouait. Décidément, aucun contrebassiste ne pourrait donner davantage de profondeur et d’émotion que son art de jouer du violon…« Alors ? Ton œil d’expert a-t-il pris sa décision pour l’enregistrement de cette chanson en particulier ? Ne t’inquiètes de rien, mes griffes sont soigneusement rangées pour l’instant, tu n’as donc rien à craindre. Je serais professionnelle et ne jouerait surtout pas les grandes susceptibles devant l’éternel, aucun danger ! »

Riant à sa réponse, il fixa la jeune femme. Il devait avouer qu’il aimait la voir ainsi. Finalement rien n’avait changé et c’était tout ce qu’il voulait. Maintenant il était bien décidé à en profiter pleinement. La jeune femme était là pendant un temps très court et il voulait à tout prit profiter des moments qu’il aurait avec elle avant qu’elle ne parte pour un temps indéterminé.

On verra ça en temps voulu.

Gardant un léger sourire, il n’en dit pas plus. En effet, il mettrait les points sur les i plus tard. En tout cas, il voulait pour le moment que leur relation en reste ainsi. Qu’ils s’envoyaient balader même s’il y avait de l’amusement derrière. Voyant la jeune femme sortir son violon pour jouer, Samuel se recula. Il alla s’asseoir sur le banc face au piano et fixa sa partenaire. Son sourire resta bien sur ses lèvres en l’écoutant jouer. Il se souvenait encore de son concert et il avait vraiment apprécié de l’entendre jouer. Elle était plus que doué, il ne pouvait pas dire le contraire. Elle était connue et reconnue, alors qui était-il pour dire qu’elle ne savait pas jouer ? Ecoutant avec attention, il devait avouer qu’elle s’en sortait très bien sur une partition qu’elle venait à peine de lire. De plus, l’air était plus attrayant que celui d’un autre instrument. Son choix penchait envers le violon et comme Ulrika jouait parfaitement ce qu’il avait en tête, ça ne pouvait qu’aller vers elle. La voyant le fixer, il l’écouta parler et sourit de plus belle.

Il faudrait que tu reprennes.

Allant vers la jeune femme, il prit les feuilles avec les paroles écrites dessus.

Tu pourrais rejouer pour que je chante et qu’on voit ce que ça donne ?

Il se posta aux côtés de la jeune femme, attendant sa réponse et quand il la vit reprenne son violon convenablement, il sourit. La laissant commencer, il enchaina ensuite avec le chant. Ils étaient vraiment professionnels et restaient concentrés, ce qui sembla surprendre leurs agents.

Quoi ?

« Je rêve où vous venez de faire un morceau ensemble sans vous entretuez ? »

Hum je dirai bien que tu rêves, mais ça serai te prendre pour une imbécile.

Souriant de toutes ses dents, il regarda ensuite Ulrika.

Pour ma part ça colle parfaitement, reste plus qu’à voir avec nos deux amis absents.

« Ah justement ils ont prévenus, ils ne pourront pas venir aujourd’hui. »

Soupirant, Sam haussa les épaules pour dire que ça n’était pas grave. De toute façon ils avaient encore le temps.

Oh mais ça veut dire que du coup la journée est terminée ici, vu qu’on devait finir avec eux ?

« Tu devrais encore travailler certains détails. »

Comme quoi ? Le fait que tu sois encore mon agent et que je n’ai pas encore commencé à faire mes caprices de star ?

Il haussa les sourcils et il comprit à son soupir qu’elle avait très bien saisit le message. De plus, les deux agents sortirent de la pièce. Sam en profita alors pour reporter son attention sur Ulrika.

Tu as quelque chose de prévu où est-ce qu’on peut faire en sorte de mettre les points sur les i ? Enfin en tout cas commencer à le faire.

Musicalement, la symbiose était bien présente, et quasi parfaite. Ulrika elle-même n’aurait pas pu dire le contraire. Quel dommage qu’ils aient été interrompus par leurs deux idiots d’agents ! Pour un peu, la demoiselle était presque prête à les envoyer sur les roses, mais au lieu de cela, elle se contenta d’étouffer un petit rire face à la rétorque de Samuel : Il fallait bien dire qu’il savait y faire. Il n’y avait pas qu’avec qu’elle que la joute verbale était facile et rudement bien menée…Il savait également envoyer valser son propre manager, et bien que celui-ci soit de sexe féminin et capable de porter plainte pour harcèlement. Ulrika se garda bien de tout commentaire, décidée à conserver une relation relativement professionnelle avec son manager : Après tout, cela faisait des années qu’elle travaillait en étroite collaboration avec le même vieux chnoque têtu et bourru, pourtant diablement capable de lui obtenir des contrats en or et des concerts dont n’importe quel violoniste rêverait secrètement. Elle se contenta donc de hocher la tête d’un air entendu alors même qu’on leur annonçait à demi-mot que leur journée de dur labeur était écourtée. Ulrika aurait pu en être chagrine, elle qui se faisait une joie de cette collaboration étonnante, mais très étonnement, elle se contenta de hausser un sourcil de surprise face à la proposition de Samuel : Ainsi, il avait effectivement décidé de mettre les points sur les i une bonne fois pour toute, afin sans doute que l’ardente brunette puisse se rendre en tournée mondiale sans l’ombre d’un regret. Cela signifiait que le restant de la journée appartenait désormais au côté personnel de la chose et que le côté professionnel serait mis de côté aussi longtemps que durerait cette fameuse journée. « Quelque chose de prévu ? Si tel était le cas, tu ne crois pas qu’il y aurait incohérence vis-à-vis du fait que je devais passer la journée ici à enregistrer des morceaux ? Bien sûr que je suis disponible ! Bon, pour toi, peut-être qu’il faudra négocier cela dit, on a rien sans rien…Il suffit simplement que tu m’expliques ce que tu entends par mettre les points sur les i, par exemple. » Ulrika avait une idée très nette de ce que pouvait bien avoir prévu Samuel. Non pas qu’il soit particulièrement prévisible mais depuis le temps qu’elle côtoyait la gente masculine, il y avait certains réflexes et autres formules verbales qui ne pouvaient plus la tromper. Soit il avait dans l’idée de la mettre dans son lit avant qu’elle ne parte pour un temps t on ne peut plus indéterminé, soit il souhaitait une autre soirée romantique en tête à tête avec elle, différente du bal de promo et ayant pour but de lui montrer qu’il valait bien mieux que la première image qu’elle s’était faite de lui. L’un dans l’autre, la première proposition lui paraissait être la plus plausible. Mais avant même qu’elle n’ait eu l’occasion d’en placer une à nouveau, ce fut au tour de son manager de casser l’ambiance en pénétrant dans le studio avant de lui dire que sa moto était garée devant le bâtiment et n’attendait plus qu’elle…Il souhaitait sûrement rentrer en taxi et ainsi être indépendant de sa patronne, voilà qui était parfait. Ulrika attrapa donc ses propres clefs au vol, non sans un clin d’œil complice, avant de se tourner vers Samuel, dont l’expression avait radicalement et irrémédiablement changé. « Qu’est-ce qui se passe ? Ce petit air là ne me dit rien qui vaille…Si j’avais été l’homme et toi la femme, je t’aurais proposé de chevaucher avec moi ma sublime moto. Mais je ne tiens pas à t’ôter ta virilité, loin de moi cette idée saugrenue ! Quoique…Ca te donnerais un genre d’être à l’arrière pour une fois. » Ulrika haussa un sourcil de défi, non sans savoir qu’il avait en sa possession une sublime moto au moins aussi puissante que la sienne. Ce n’était pas la Harley de la jolie brunette, soigneusement rangée dans un garage privé à San Francisco, mais tout de même. Il n’avait strictement aucune raison de rougir, bien au contraire. « A moins que ce ne soit au plus rapide. Si tu es venu en moto aujourd’hui, ça tombe impeccable. Sinon…Tu devras t’accrocher à ce que tu pourras ! » Et afin d’accentuer le côté cocasse, Ulrika ne pu s’empêcher de balancer ses clefs au bout de son doigt. Cette provocation aussi, était de bonne guerre.

Mettre les points sur les i, Samuel ne s’en sentait pas capable. Il était prêt à faire ou dire certaines choses, mais de là à tout lui avouer sur ses sentiments, ça c’était déjà beaucoup moins simple. Cependant, il avait envie de lui prouver que malgré leur éloignement prochain, il ne garderait que des souvenirs positifs et même s’il ne savait pas encore comment il allait s’en sortir pour prouver tout cela, il n’eu pas à y penser plus. Ecoutant la jeune femme parler, il continua de sourire. Alors comment commencer à lui expliquer ses intentions ? Non, il ne comptait pas la mettre dans son lit, même si l’idée était plus que plaisante. Non, il voulait vraiment lui prouver qu’il n’était pas le type qu’elle avait rencontré dans le club de strip tease. Seulement, à trop réfléchir, il se fit couper l’herbe sous le pied et écouta les propos échangés entre Ulrika et son agent. C’est alors que son visage se décomposa. Fixant la jeune femme avec de grands yeux ronds, il l’écouta parler.

Tu es la femme parfaite. Non seulement tu es doué au lit, tu es une musicienne de talent et tu circule en moto.

Il prit un air rêveur en soupirant doucement. Seulement, il fronça les sourcils aux propos qu’elle tint.

Je viens de m’acheter une Ford Galaxy de 1966, mais aujourd’hui, je suis venu en moto.

Souriant alors en coin, il attrapa les clés que la jeune femme avait à son doigt. Il se rapprocha d’elle, se collant presque à la jeune femme.

Je sais déjà comment m’accrocher à toi et je sais déjà comment tu t’accroches à moi jusqu’à m’en mordre le torse.

Il garda son sourire en coin, rappelant la morsure qu’elle lui avait gentiment posée quelques mois auparavant.

Allons-y pour la vitesse.

Il prit sa main et lui rendit ses clés. Se retournant, il alla prendre sa veste et son sac. Allant vers la porte, il lui fit signe de sortir de là avec lui. Passant juste avant remercier les autres personnes présentes et qui travaillait aussi sur l’album, il partit ensuite rejoindre Ulrika. Allant ensemble sur le parking, il regarda la jeune femme.

Tu connais le City Park ? On est à peu près à un quart d’heure de route de là-bas.

Il faisait ainsi comprendre à la jeune femme qu’en un quart d’heure ils pouvaient y être s’ils roulaient vite.

Sinon on peut prendre quelque chose de plus près, comme ça au moins tu gagneras facilement.

Souriant, il fixa sa partenaire, sachant qu’elle n’allait pas se laisser démonter aussi facilement, bien au contraire.

Gagner facilement ? C’était le comble du comble. Ulrika n’était pas du genre à se faciliter la vie d’ordinaire, et ce n’était pas à cause d’une simple course de moto qu’elle allait commencer. « Hey, il n’y a pas marqué « faible femme » sur mon front, mais plutôt femme parfaite, tu l’as dit toi-même ! » Il fallait évidemment comprendre qu’il risquait de passer un sale quart d’heure s’il s’avisait de la laisser gagner sans même se battre. Après tout, bien qu’elle n’ait techniquement parlant jamais été en couple de sa vie, ne tenait pas à ce qu’il y ait un dominant et un dominé. A ses yeux, l’image même du couple, c’était le partage, l’équité, la place aux sentiments véritables et rien d’autres, surtout pas une guerre dans laquelle l’un et l’autre ne pouvait être qu’à couteau tiré. Certes, la question ne se posait pas car Samuel ne lui avait aucunement proposé une soirée romantique, mais il existait déjà entre eux quelques réflexes spécifiques aux couples. Ulrika se gardait bien de les noter à haute voix, se contentant de s’en amuser silencieusement et sans remarque. Ainsi, une fois au parking, elle n’hésita pas à mettre sur ses épaules une charmante petite veste en cuir, parfaitement adaptée à leur virée en moto, avant de placer ses clefs sur le contact. Le but du jeu ? Le premier arrivé a gagné, évidemment. « Celui qui arrive en premier au City Park décide du reste de la journée…Et de la soirée, soyons sport. Pour répondre à ta question précédente, je connais très bien la Nouvelle Orléans…J’ai fais un certain nombre de concerts par ici ! » Loin de se vanter ou de chercher à se mettre en avant, Ulrika se contenta de glisser un petit clin d’œil à l’encontre de Samuel avant de placer son casque et de démarrer sa magnifique moto flambant neuve. C’était toujours ce genre de bijou qu’elle se permettait de louer à chaque escapade dans une ville précise, pour peu que ladite escapade dure quelques jours. Aussi furent-ils partis à travers les rues de la ville en moins de temps qu’il n’en fallut pour le dire, jonglant habilement entre les voitures comme s’ils avaient fait l’un comme l’autre cela toute leur vie. A de nombreuses reprises, Ulrika avait même pensé à faire quelques courses professionnelles, pour se rôder et tester ses nerfs ou autres réflexes. Elle n’était certes jamais allée au bout de ce désir profond, mais elle n’avait que vingt deux ans…Autrement dit, c’était encore la fleur de l’âge pour elle. Ulrika jeta un regard amusé à l’encontre de Samuel à plusieurs reprises, qu’il ne pouvait pas saisir en raison de la visière sombre du casque de la demoiselle, mais il dû certainement sentir ses regards à chaque fois qu’il posait ses yeux sur elle. Leur habileté respective ne manqua d’ailleurs pas de les faire pousser sur le champignon, jouant ainsi avec le feu et faisant fi des éventuelles forces de police dispatchées dans les rues de la ville. C’était une période propice aux excès, après tout, avec cette fête nationale dont Ulrika avait oublié le nom et qui était pourtant diablement réputée. Ils n’eurent aucun policier à leurs trousses durant tout leur périple, et lorsqu’ils parvinrent au City Park dont Samuel avait parlé avant le départ, ils furent parfaitement à égalité : Aucun gagnant, aucun perdant. En avaient-ils fait exprès ou non, c’était un véritable mystère…Mais dans tous les cas, une fois garée et descendue de moto, lorsque l’ardente brunette ôta son casque en faisant virevolter sa longue chevelure ondulée, elle ne pu s’empêcher d’éclater de rire : Décidément, ils étaient parfaitement synchronisés, et ce jusqu’au bout des ongles. « Match nul, mes félicitations mon cher ! Je pense néanmoins qu’il va nous falloir partager cette soirée dans la même chambre, pour que ce soit plus sport. J’ai envie de voir jusqu’où tu es capable de rester impassible face à moi. » Nouveau défi, nouvelle provocation, mais Ulrika n’avait aucunement pris Samuel en traître : Il se doutait très certainement qu’elle allait finir par tirer sur la corde raide à un moment donné…On ne change pas une équipe qui gagne et l’un comme l’autre appréciait leurs bagarres perpétuelles. Mais, afin de s’en assurer, Ulrika ne pu s’empêcher de tendre la main à l’intention de l’homme afin qu’il la lui serre et lui garantisse qu’il n’allait pas se défiler au dernier moment…

Souriant aux propos de l’étudiante, il n’ajouta rien. Mais il savait qu’elle n’allait pas le laisser gagner facilement. Femme parfaite ? Samuel devait avouer qu’à ses yeux elle l’était. Elle était forte, ne montrant jamais aucun signe d’une quelconque faiblesse. Mais il pouvait aussi voir qu’elle savait parfois permettre de voir en elle. Ca n’était jamais simple de l’approcher, mais il avait vu en quelques mois une autre femme. Ca lui plaisait beaucoup, mais ça il n’était pas certain de pouvoir le lui dire. Puis, la voyant mettre une veste en cuir, il pencha la tête sur le côté. Magnifique veste, mais qui mettait également le corps de la jeune femme en valeur. Souriant un peu plus, il se reprit et l’écouta parler. L’enjeu était intéressant. Pouvoir choisir ce qui allait se passer dans la journée et même dans la soirée, il devait bien avouer que c’était plus que plaisant. Démarrant sa moto, il mit son casque et attendit de savoir quand ils allaient partir. Roulant alors dans les rues, Samuel devait avouer que c’était plaisant. Elle ne comptait pas le laisser gagner et c’était réciproque. Evitant les voitures et les autorités, il prenait le temps aux feus rouges de regarder la jeune femme. Finalement son début d’été n’aurait pas été si mauvais que cela. Puis, une fois arrivée au parc, il vit qu’ils étaient arrivés en même temps. Enlevant son casque, il écouta la jeune femme parler. Descendant de sa moto, il rangea son casque la fixa en souriant.

Ne crois pas que je sois comme tous les hommes à vouloir sauter sur la première femme qui passe ou qui soit dans son lit, aussi belle soit-elle.

Un compliment caché dans ses propos, mais bien réel. Il serra alors la main de la jeune femme, acceptant le défi.

C’est toi qui aime mon corps, ne l’oublies pas.

Il sourit de plus belle et soupira doucement. Lui faisait signe de venir marcher avec lui, il fut content de la voir accepter. Marchant tranquillement, l’un à côté de l’autre, Samuel demanda à la jeune femme pourquoi elle avait refusé d’enregistrer sur l’album d’un artiste. C’était ce qu’elle avait dit au studio et il voulait savoir le pourquoi du comment. Après tout, ça pourrait aider l’artiste en question. D’ailleurs Samuel était content qu’elle soit là aujourd’hui. Puis les minutes passèrent et allant prendre place sur l’herbe, Samuel fixa la jeune femme.

C’était vrai ce que tu disais tout à l’heure, sur le fait que si ton agent t’avait clairement dit que c’était moi, tu serais venu avec plaisir ?

Le français savait que poser ce genre de questions pouvaient être mal vu par la jeune femme, mais il avait envie de savoir. Après tout, il avait dit vouloir mettre les points sur les i, alors autant aller jusqu’au bout.

Parce que quand j’ai demandé à mon agent de trouver un artiste sachant manier le violon, j’ai pensé à toi, mais je ne lui ait pas donné ton nom.

Regardant ailleurs, pour ne pas paraître stupide, il avait aussi cette impression de dire implicitement qu’il n’avait pas voulu prendre contact avec elle, après la soirée au bal, sachant qu’ils ne devaient plus se revoir après.