Aujourd’hui était un jour très spéciale pour la jolie russe, aujourd’hui elle devenait aux yeux de la loi la mère de Zoé Gibson. La jeune femme avait demandé à la nounou de passer plus tôt, elle ne voulait pas être en retard à son rendez-vous avec l’avocat chargé de son affaire. C’est donc avec bonheur et un soupçon d’appréhension que Calyope se prépara, elle était heureuse de savoir que maintenant, personne ne pourrait lui retirer la garde de la fillette et d’un autre côté, elle avait peur d’un éventuel problème qui pourrait freiner l’adoption déjà bien entamée. Une fois prête, elle embrassa ses deux enfants, laissa les consignes à la baby-sitter avant de quitter sa maison, direction le cabinet de Maître Stevenson. Son cœur battait plus vite que la normal, trop vite à son goût, elle préféra alors allumer la radio pour éviter à trop penser à tous les éventuels problèmes qu’elle pourrait rencontrait lors de l’adoption. C’était la dernière ligne droite et cela la stressait énormément. La jeune femme sourit frappée par une évidence, jamais, elle n’avait autant stressé de sa vie, enfin si, lorsque Lukas était venu au monde mais, à part ça, elle ne stressait pas. Même lorsqu’elle faisait encore du trafic en étant sur les devants de la scène, même à ces moments là, elle n’était pas dans un tel état. Certains pourraient croire qu’elle se ramollissait, que son arrivée à San Francisco l’avait changé mais, ce n’était guère le cas. Comme elle le disait si bien, on ne mélange pas sentiments et business dans la vie, il fallait savoir faire la part des choses et c’est ce qu’elle faisait dans son travail, que ce soit à l’entreprise ou lors des « affaires ». Seulement, aujourd’hui, il ne s’agissait pas de la femme d’affaires, il était question de la femme tout court, de la mère et cela changeait la donne. Plongée dans ses pensées, elle ne fit pas attention à la route qu’elle se trouvait déjà devant le cabinet de l’avocat. Tout se jouer maintenant, plus question de reculer, d’ailleurs elle ne le voulait pas. Garant sa voiture, Calyope prit son sac à main et sortit du véhicule avant de se rendre à son rendez-vous. Assise dans la salle d’attente, la jolie russe faisait l’inventaire de ces derniers mois, son ancienne vie lui manquait, son pays lui manquait, ses amis et sa famille lui manquaient mais, elle était heureuse. Oui, aujourd’hui, Calyope pouvait clairement dire qu’elle était épanouie ce qui était déjà une bonne chose. Enfin, vint son tour, elle pénétra donc dans le bureau de Cooper, un sourire radieux sur les lèvres.

« Bonjour Maître ! » Dit-elle toujours souriante.

Le professeur prit place sur l’une des chaises avant de se concentrer sur le visage renfermé de l’avocat et elle comprit. Un problème. Il y avait un problème et cela eut pour effet d’effacer son sourire. La jeune femme se mit à réfléchir à toute vitesse, elle se demandait d’où pouvait bien provenir le problème, tout paraissait parfait. Elle ne prononça cependant aucun mot dans l’attente que l’avocat le fasse.

Calyope ne connaissait pas très bien Cooper Stevenson, elle ne le connaissait que depuis peu mais, il l’avait habitué à être plus souriant, beaucoup plus agréable qu’aujourd’hui même. En effet, la jeune femme ressentait comme une sorte de problème entre eux, un froid dans la pièce où il se trouvait et elle ne savait pas si cela la concernait personnellement ou si ça concernait l’adoption ou si cela n’avait rien avoir avec elle et que l’avocat qui s’occupait de son affaire avait des problèmes personnels. Seulement, elle n’était pas bête, elle effaça la dernière option de sa liste, cela ne pouvait que la concernait et pour le peu qu’elle était venue dans ce cabinet, elle avait tout de suite cerné la personnalité de cet homme, il n’était pas du genre à laisser sa vie privée prendre le dessus sur son travail. C’était un point dont elle était certaine. Prenant place en face de lui, elle ne fit aucune remarque sur son humeur et le laissa prendre la parole après l’avoir salué. Maître Stevenson lui tendit un papier à signer pour qu’elle devienne définitivement la mère de Zoé aux yeux de la loi mais, la phrase de l’homme qui lui faisait face ne semblait pas terminé alors, elle attendit dans l’appréhension sans pour autant la laisser paraitre sur son visage. Calyope avait un don inouï pour masquer ce qu’elle ressentait, c’était d’ailleurs l’un de ses atouts.

Reportant son attention sur Cooper, elle écouta ce qu’il avait à dire et même si elle fit semblant de ne pas comprendre de quoi il parlait, elle restait tout de même très surprise de sa découverte. Comment cela pouvait-être possible ? Elle avait pourtant pris toutes les précautions pour que son secret ne soit pas découvert, qu’on n’apprenne pas qui elle était réellement. Alors comment savait-il ? Le professeur savait exactement de quoi il parlait, il n’y avait aucun doute possible là-dessus. Cooper connaissait son passé, il savait qu’elle était venue à San Francisco sous une fausse identité mais, ce qu’elle ignorait encore était s’il connaissait la raison de toute cette mascarade. Elle ne devait rien laisser paraitre, elle ne voulait pas non plus perdre la garde de Zoé surtout que la fillette se plaisait dans sa nouvelle maison, avec sa nouvelle famille.

« Veuillez m’excuser Maître mais, je ne vois pas de quoi vous parlez ! »

Jouer les idiotes avec un avocat n’était pas la meilleure solution, elle le savait. La jolie russe essayait seulement de gagner un peu de temps pour décider de ce qu’elle devait faire. Une chose de sûre, elle ne laissera pas tomber Zoé, la fillette avait déjà assez souffert comme ça, il n’était pas question qu’elle se retrouve mêlée à toute cette histoire ou qu’elle retourne dans un orphelinat. Ces avocats et leur moral, toujours à croire qu’ils ont raison sur toute la ligne. Bon, Calyope devait avouer qu’elle n’était pas blanche comme neige dans cette histoire, elle le savait, enfin… Pour elle, ceci n’était pas un problème, elle avait choisit son propre chemin et elle ne le regrettait d’ailleurs pas. Maintenant, restait plus qu’à convaincre ce cher Stevenson, ce qui s’annonçait très difficile.

Calyope avait pourtant pris toutes ses précautions pour que jamais son passé ne soit découvert, elle avait tout réglé en Angleterre, elle avait changé d’identité, elle s’était elle-même occupée des derniers détails pour disparaitre. Il fallait croire qu’elle avait faillit quelque part, l’avocat qui lui faisait à présent face semblait en savoir beaucoup sur elle, des choses qu’elle avait volontairement omis de lui dire. Cependant, elle préféra jouer la carte de l’innocence pour se donner du temps. Du temps pourquoi au juste ? Elle doutait que quelques minutes de plus l’aiderait à se sortir de ce traquenard mais, qui ne tentait rien n’avait rien. La brunette l’écouta parler. Bien sûr qu’elle savait ce qu’était la famille, elle en faisait partie de la famille et dans une famille, on s’entraide pour le meilleur et pour le pire.

« Vous l’avez dit vous-même, j’avais un compagnon et cela ne vous regarde en rien puisque nous sommes séparés. » Répondit-elle avec assurance.

La colère prenait peu à peu possession d’elle. Elle était en colère envers Maximilian, envers Cooper et surement envers le monde entier. Sans toute cette histoire, elle ne serait pas dans cette situation. Calyope était une bonne mère, cela ne faisait aucun doute et aujourd’hui, elle risquait de perdre ses deux enfants. Zoé était sa fille qu’ils le veulent ou pas, elle l’aimait autant que Lukas, elle ne faisait aucune différence entre les deux bambins. Seulement, son monde ne tenait plus qu’à un fil et cela ne lui plaisait guère. Elle décida donc de jouer carte sur table, il n’était pas question qu’un pauvre avocat foute sa vie en l’air.

« Vous voulez que je vous dise Maître, cette histoire ne concerne en rien Zoé parce que vous savez que je serais une bonne mère pour elle et qu’elle ne manquerait de rien avec moi….Seulement, vous êtes le genre de personne à vouloir tout maîtriser et le fait que je n’ai à aucun moment mentionné mon passé vous met dans tous vos états… »

Elle se tût un instant, le temps pour elle de reprendre sa respiration avant de reprendre la parole, ne laissant pas à son vis-à-vis la chance d’en placer une.

« Que croyez-vous ? Vous pensez réellement qu’il vous suffit de claquer des doigts pour que je me plie à vos exigences….C’est très mal me connaître…Et vous qui sembliez si à cheval sur la justice, dites-moi, dois-je vraiment payer pour les erreurs de mon ex-mari ? »

Bon d’accord, elle n’était pas blanche comme neige mais, elle n’était pas responsable de la situation dans laquelle elle se trouvait. Elle lui rendit le papier où était écrit le numéro où elle pouvait avoir des nouvelles de Maximilian.

« Savoir ce qu’il devient est le dernier de mes problèmes…La seule chose qui m’importe à cet instant c’est Zoé. » Répondit-elle sincèrement.

La jolie brune était dans de beaux draps, elle ne pouvait faire pire. Peut-être que si après tout. Se retrouver à partager une cellule de prison avec une femme qui ne connait pas la signification de prendre une douche était surement bien pire que tout. C’était surtout le fait de se voir être séparé de ses enfants qui lui faisait vraiment peur. Elle devait être très prudente dans ce qu’elle allait dire, les enjeux étaient beaucoup trop importants pour qu’elle se permette à faire une erreur.

« Mes proches, hein ?! Et bien laissez-moi vous faire un topo : mon grand-père est six pieds sous terre et je doute qu’il puisse vous aider, mon père ne m’adresse plus la parole, ah non, suis-je bête, il ne m’a jamais adressé la parole donc ce sera difficile de lui demander quoi que ce soit et mon frère…Et bien mon frère, préfère la compagnie de son père dirons-nous ! » Elle se tut un instant, essayant tant bien que mal de se calmer. « Alors voyez-vous, il n’y a pas grand monde pour témoigner de quoi que ce soit ! »

Ce n’était pas le fait de lui sauter au cou et de lui régler son compte qui la retenait en cet instant mais, que ferait-elle ensuite ? Ce n’était pas très judicieux comme plan bien que très plaisant, pensa-t-elle.

« Vous êtes comme la plupart des gens, Maître. Pour vous tout est blanc ou tout est noir mais, la vie, la vraie vie, ce n’est pas du tout ça…Pourquoi ne pas simplement vous contenter de m’accorder la garde de la petite ? Pourquoi vous sentez-vous obligé de vous immiscer dans ma vie privée ? »

Dire qu’elle était moralement épuisée était un euphémisme, elle n’en pouvait plus de devoir se battre encore et toujours pour faire valoir ce qu’elle pensait être juste. Pourquoi les gens avaient-ils ce besoin permanent de tout vouloir contrôler ? La jeune femme reprit sa place en face de son avocat, elle n’avait plus guère le choix à présent et qui sait peut-être que lui pourrait l’aider. Il n’avait pas totalement tord lorsqu’il disait qu’on pouvait découvrir son passé. C’était en partie vrai mais, lui avait eu de la chance parce qu’il connaissait beaucoup de monde ce qui, elle l’espérait, n’arriverait pas à une autre personne. Elle avait déjà assez de mal comme ça pour en rajouter encore.

« Je travaillais dans l’entreprise de mon grand-père lorsque j’ai rencontré Maximillian, c’était un beau garçon, intelligent, gentil et tout ce que vous voulez…Il ne m’a jamais caché ce qu’il faisait, il a été honnête avec moi dès le départ mais, j’étais sous le charme…A part mon grand-père, je n’ai jamais vraiment eu de famille alors, j’étais heureuse. Tout simplement heureuse. Et puis, mon grand-père est mort et je suis tombée enceinte et une chose en entrainant une autre, je me suis retrouvée impliqué dans toute cette histoire. »

Croisant le regard bleu de Cooper qu’elle avait volontairement évité pendant qu’elle parlait, la jeune femme ne se laissa pas démonter.

« Vous êtes content maintenant ?! Vous savez tout. Je n’ai pas l’intention d’exposer Zoé à un quelconque danger, je ne suis pas horrible à ce point là et au cas où vous l’auriez oublié, j’ai déjà un enfant et qui se porte à merveille. »