Une journée magnifique se profilait à l’horizon. Tous sortaient à présent les robes, les jupes et les lunettes de soleil avec gourmandise et s’accordaient avec le temps. J’avais fait de même en enfilant une paire de doc noire patinée, une robe assez courte, comme à mon habitude, et des lunettes de soleil dans les cheveux. Je parcourais l’allée des grecs et m’éloignais petit à petit de ma propre confrérie. Rendez-vous chez les Deltas aujourd’hui, avec Charlie Baker. On s’était quelque peu rapprochés mais je détestais toujours cet abruti de première qui, je le savais, me prenait encore pour une pimbêche prétentieuse.
Une fois devant le bâtiment immense des Deltas, qui était aussi impressionnant que celui des Iotas, je m’avançai dans l’herbe. Des garçons. Des garçons partout. Hurlant, courant, riant d’une voix portante. Tous les garçons les plus en vue de Berkeley devaient se trouver là. Tous, sauf Charlie, que j’essayai de chercher du regard. Je ne savais pas quoi faire : Entrer ? Interpeler quelqu’un ? Partir ? Je restais immobile quelques minutes jusqu’à ce qu’un jeune homme m’accosta.

« Excusez-moi. Vous êtes perdus ? »

Je me retournai face à lui et rougit légèrement. Le chemin des grecs portait bien son nom. C’était un de ces garçons que certaines filles se battent pour avoir. Il souriait gentiment mais peut être de manière un peu trop sure de lui et prenait un air compatissant de dragueur de première. Son intervention lui paraissait à présent intéressée et je me rendis compte que j’allais être pour lui une nouvelle proie à attraper.

Euh…je cherche un Delta. Il s’appelle Charlie Baker. Il doit être en première ou deuxième année. Le problème c’est que je ne sais pas du tout où il est. Je viens juste pour lui rendre quelque chose.

Il s’agissait en réalité d’un livre de littérature comparée pour un devoir pour la semaine prochaine. Je regardai mon interlocuteur pour voir la manière dont il allait réagir. J’avais mentionné devant lui l’existence d’un autre mec, à qui je venais rendre « quelque chose » qui pouvait être n’importe quoi, et peut être même quelque chose d’assez personnelle. Je fus contente au fond de moi de ma trouvaille et le regardai en simulant la naïveté.

Tu le connais ? Il est super gentil. C’est un peu une sorte de…brun ténébreux qui…

Je sentais sur moi le regard bleu du jeune homme. Un regard bleu gris, ou bleu clair, un regard qui faisait apparemment des ravages chez la gente féminine.

Enfin bref, un ami.

Je me mordis les lèvres. J’avais révélé au Delta la relation qui unissait Charlie et moi. Nous n’étions que de simples amis et je serais à présent sa proie. Elle devait être prudente. La chasse était lancée.

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