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Pour l'instant il n'y a personne à l'appartement de mes parents. Enfin personne mis à part mon petit frère Sacha et moi, à moitié couché dans le canapé, manette de console coincée entre les mains. J'ai une clope coincée entre les lèvres, le gamin à côté d'moi aussi. Tels deux branleurs devant GTA, à essayer de tuer tout ce qui passe devant leurs yeux. Ce jeu m'énerve vite en général, mais quand on joue tous les deux c'est plus cool, on se marre bien. Et on a que ça à faire, parce qu'aujourd'hui, j'avais mon aprem entière sans cours, j'avais même pas besoin de réviser, les partiels de la semaine dernière m'avaient suffit, j'étais crevé. Fallait pas que je déconne là dessus, que j'fasse comme la plupart des gens de ma confrérie, qui continuaient de s'envoyer soirée sur soirée pendant la semaine banalisée de révision. J'avais une bourse étudiante, eux pouvaient se permettre de redoubler. Bref, j'me rattrapais plutôt bien ces temps ci au niveau fête. Cette aprem, j'la réservais à Sacha, mon petit frère, du moins le temps qu'un des parents reviennent. C'était pas du baby sitting, il avait quand même quatorze ans le gamin, il pouvait se prendre en main ; juste que j'aimais qu'il sache que je suis là pour lui, avec ce qui se passait à la maison c'était pas simple. Et là il vient de tuer mon personnage le petit bâtard, on oublis tout ce que j'ai dis avant sur l'amour fraternel. Je tire une latte sur ma clope, l'air de lien, avant de lui coller une grande claque derrière la tête. On tue pas l'personnage de son frère. Ça le fait marrer et moi aussi. Je repose ma manette, j'ai finis de jouer, il peut continuer tout seul. De toute façon il vient de déclencher les cinq étoiles de police, j'aime pas devoir les semer pendant trois quart d'heure. Je bouge du canapé, pour me poser par terre, sortir mon paquet de weed sur la table basse. Il y a toujours un paquet de slim qui traîne dessus, ma mère et mon père s'en sont toujours totalement foutu de ce qui pouvait passer dans mes poumons. La beuh c'est naturel, ça vient de la terre comme disait je sais plus qu'elle grande tante ukrainienne. Donc ça j'ai le droit. S'ils imaginaient quelques secondes que je sniffe par dessus, ma mère m'enverrai en désintox, quitte à hypothéquer l'appartement. « Tu m'en roules un ? » Je tourne la tête vers mon petit frère, sourcils arqués de surprise. J'veux bien qu'il me pique mes clopes quand mon paquet traîne sur le canapé, ou qu'il boive des bières avec moi mais il peut toujours courir pour que je lui file mes bédos. « Tu tires dessus, tu craches tes poumons mec. » J'me marre quelques secondes, toncar dans la bouche, mon mélange déjà prêt sur ma feuille, plus qu'à rouler. Il me prend pour qui ? Il pense que je fume la même weed que lui ? Pauvre gamin va, il est encore au collège et connait rien à rien. Il tire deux lattes sur ma orange bud et il est déjà défoncé avec son niveau petit joueur. C'est bon, c'est prêt. J'allume mon bédo et me relève. Sacha à les bras croisés, il me regard de haut en bas, me défit presque. J'ai un sourire en coin et je lui tends mon joint, juste pour voir. « Une latte. » Il l'attrape entre ses doigts fin, au comble du bonheur, et tire une longue latte. Ça m'étonnait pas, il est complément abruti de tirer comme un taré dessus, il sait même pas comment je l'ai dosé. Il me le rend, commençant à tousser et je peux me foutre de sa gueule. « Braleur. ». Bon allez, je commence à m'ennuyer ici, j'tourne presque en rond. « Sacha, j'reviens d'ici deux ou trois heures. » Il continue de tousser et me fait oui de la tête. J'attrape mon sweat et sort de l'appart, direction le parc pas loin. Ici on est dans la banlieue, tout le monde s'en fout si t'as un bédo au coin des lèvres.

Le parc est presque vide, il y a quelques types que je connais, en groupe comme d'habitude. Ils me font un signe de tête et je passe mon chemin, direction mon coin favori : c'est derrière des arbres, pas loin de la deuxième sortie du parc. Il y a un banc tagué de partout, c'est caché des regard, parfait pour un deal ou pour se poser tranquillement un aprem. Arrivé là bas, sur mon banc, je sort mon portable pour envoyer un message à Stan, mon meilleur ami. J'sais pas s'il a cours cette aprem, ou s'il est partit voir une nana ou un truc du genre mais s'il veut passer, j'ai d'quoi fumer l'aprem pépère. Je tire une nouvelle latte sur mon bédo et range mon portable dans ma poche de jean.

J'avais toujours vécu ici, je connaissais l'endroit comme ma poche. San Francisco et plus particulièrement sa banlieue. Quand j'étais petit, j'avais jamais quitté mon pâté d'hlm, des immeubles à moitié pourris ou on s'entassait en famille. C'était cool, pour moi c'était le meilleur endroit du monde, j'avais tous mes potes et on se faisait pas d'illusions, on savait très bien qu'on se suivrait jusqu'au bout et qu'les beaux appart du cœur de la ville n'étaient pas pour nous. Il y avait quelques grandes gueules parmi les plus vieux, ceux qui avaient quitté le lycée, qui v'naient nous voir au collège, pour se la raconter, dire qu'ils avaient passé plusieurs nuit dans le centre, aux côtés de nanas friqués qui leurs avaient proposé des plans pour se sortir d'ici. D'la gueule, ils étaient encore là, à traîner dans le parc, comme ce que je faisais aujourd'hui. Quand j'étais encore au collège, je voulais pas partir d'ici, c'était mon monde, je me marrais bien, avec mes potes. Toujours au fond de la salle de classe, les pieds sur la table, les branleurs qu'écoutaient que ce qu'ils voulaient entendre. On trainait les soirs dans les rues, on faisait des conneries, c'était la belle vie. Et Ser', mon plus grand frère c'était tué en venant me chercher au collège, et Sacha au primaire. La blague, j'avais pas compris pourquoi on devait pas rentrer à pieds, pourquoi lui et mon père se forçaient toujours à venir nous chercher. Vingt minutes à pied c'était pas la mort, et ça aurait évité celle de Ser'. C'était ça qui m'avait fait bougé, qui m'avait fait quitté mon rang du fond. Mon grand frère, il m'faisait souvent la leçon, pour me dire de sortir d'ici, qu'il fallait pas que j'finisse comme mon paternel, avec sa bière dans le canapé, cherchant même plus de travail. Je m'étais intéressé à l'histoire et j'avais eu ma bourse au mérite. J'voulais finir prof ou travailler dans un musée, gagner des thunes et embarquer mon frère avec moi, dans un autre pays. J'sais pas où, l'Ukraine sûrement, c'était mon pays d'origine, on serait bien là bas.

Enfin … j'perdais pas mes habitudes pour autant. Le bédo sur mon banc fétiche, que je squattais depuis des années, c'était comme un rituel. Quand je pouvais le partager avec mes potes, c'était encore mieux. Fumer c'était bien, fumer à plusieurs c'était mieux. Alors j'attends un peu, le temps de fumer la moitié de mon blaze, quand Stanley arriva. Ce mec je l'avais tout de suite aimé, d'une parce qu'il venait du même milieu que moi, même si lui, c'était le Watts ; et deux parce qu'il avait un putain de talent pour la musique. S'qu'il manque pas de me montrer en me récitant un vers. Ca me fait marrer, bédo coincé entre les lèvres, et je lui sert la main. « Comment mec ? Toujours la forme à s'que j'vois. . » Je hausse les épaules avec un léger sourire, et le laisse se poser. « Toujours mate. Et toi ? » Tout en parlant, je sort mon sachet de weed et mes feuilles, histoire qu'il se prépare son blaze tranquille, qu'il le dose comme il veut. Moi j'ai pas encore fini le miens. J'suis pas radin là dessus avec mes potes, surtout Stanley, peuvent se servir comme ils veulent, je sais très bien qu'ils feront pareil si un jour j'ai plus rien a fumer. Et de toute façon, c'est pas la beuh qui rapporte le plus. « T'as écris d'nouveaux trucs ? »

Je tire une latte sur mon bédo, jette un coup d'oeil à Stanley. Hum, on peut dire que j'me suis inscrit dans toutes las catégories de minorités. La banlieue déjà, quand on était entouré de fils et filles de riches à l'université, c'était pas franchement simple ; L'Ukraine aussi, ma double nationalité qui plaisait pas à tout le monde, et enfin ma bisexualité, ce que je n'avais jamais dit à Stan. Il avait beau être mon meilleur pote, il avait beau me comprendre sur certains points, voire sur la plus grande majorité, ce genre de révélation, je sais pas s'il arriverait à l'encaisser. Vivre en banlieue, c'est aussi vivre au milieu des préjugés, et passer pour la tapette du coin, c'était loin d'être mon intention première. Donc non, la vie n'était pas facile tous les jours. J'm'appellais pas André Dumachin, meilleur élève toutes matières confondues, qui aurait pu aller à Yale avec sa bonne éducation et sa famille pleine aux as. C'était deux mondes différents, et malheureusement, j'm'étais pas totalement intégré dans le mien. Enfin, à cause d'Andreas. J'voyais ça comme une erreur, une honte … Alors quand Stan me dit qu'il tenait le coup, je comprenais totalement ce qu'il pouvait ressentir. On c'était tous les deux fait des amis à l'université, mais il n'y avait pas grand monde qui pouvait comprendre notre passé comme quand on en parlait tous les deux. Stan enchaîne sur sa musique. Il a pas écrit de nouveau texte ? Il m'en avait montré quelques fois, et j'adorais vraiment sa musique. Ça m'avait fait bizarre au début, que les prof d'université acceptent le rap, mais fallait dire que ses textes étaient plus vrais que ceux que pouvait pondre Miss America. J'pense qu'il y avait une sacrée bande de branleur dans les classes de musique, beaucoup qui étaient là pour devenir la nouvelle pop idol, passer à la télé et se remplir les poches. J'croyais plus au talent de mon pote, qu'en le leur. Et j'étais sûr qu'il réussirait. Je hoche la tête à la fin de sa phrase. « Venant d'toi, j'pense pas que ce soit à chier. Mais tu me montreras ça quand t'en auras envie. » J'allais pas le forcer s'il n'avait pas envie de me montrer.

Je tire une nouvelle latte, penche la tête en arrière. Ouais on est bien là, mieux qu'derrière un bureau, le cul vissé à une chaise. Stan c'est roulé son joint, et commence à fumer de son côté. C'est plus agréable pour parler je trouve. « Eh frère, comment t'as fait pour rentrer à l'Uni' ? J'te l'ai jamais posé cette question ! » Hum. C'est vrai qu'on c'était jamais posé la question. Je savais pas comment Stan avait atterrit ici. « J'ai bossé mec. Ouais, on dirait pas à ma gueule, mais j'avais des bêtes de notes en histoire. Y a pas trop eu de problèmes pour m'accepter vu qu'ils regardaient pas les autres matières. Après pour mon studio, j'suis obligé de vendre en même temps que la bourse. Et toi ? »