« Vous êtes sûr de vous ? On ne pourra pas revenir en arrière monsieur O'Malley. » J'esquissais un sourire amusé et m'observais devant un vulgaire miroir posé sur une petite table pour manger. « Oui, allez y, j'en ai marre, ils deviennent trop longs. » Un hochement de tête, puis j'entendis la tondeuse de mettre en marche, avant de passer plusieurs fois sur ma tête.

Oui, il faut savoir que depuis quelques semaines, depuis que je me suis fait opéré, l'hôpital est mon second lieu de résidence. Ainsi, je n'ai pas pu m'empêcher de faire la connaissance des infirmières, des médecins et mêmes des quelques malades des chambres à côté. C'est soit ça, soit je m'ennuie ferme dans mon lit, risquant de me flinguer. De cette façon, je m'occupe. Je suis devenu le « chouchou » des infirmières, comme elles aiment le dire. Je suis un peu traité comme un pacha. De mon côté, je ne peux m'empêcher de gentiment draguer ces belles femmes, même si je resterais toujours fidèle à cette merveilleuse brunette du nom de Maria O'Berkeley. D'ailleurs, en parlant d'elle, je sens qu'elle va piquer une crise en me voyant les cheveux courts. Mais que voulez-vous ? Je ne compte pas les laisser pousser jusqu'à pouvoir me torcher les fesses avec... et quand je décide de couper, je coupe, point. Bon, je ne vous cache pas que je fais encore plus minet que d'habitude mais sincèrement, les cheveux mi-longs, il faut les entretenir et dans cet hôpital, c'est assez emmerdant, dans la mesure où je dois me laver au lavabo et refuser une bonne douce à cause des perfusions, du grand pansement sur mon torse, etc... Non, non, ça va. J'ai juste l'impression que je vais péter un câble.

« Mh... j'avais peur mais finalement, vous êtes tout aussi séduisant comme ça. » Je m'observe. Ah ! Génial ! J'ai au moins perdu trois kilos de cheveux... « Je ne pense pas que ma compagne sera du même avis. » Nous rions légèrement ensemble. Je passe ma main sur la zone débroussaillée. C'est agréable. L'infirmière finit par passer le balais, alors que mon médecin entre dans la salle. Il hausse un sourcil. « Je ne savais pas qu'on faisait salon de coiffure ici. Comment allez-vous Edward ? » Je tourne la tête vers l'homme. Il est adorable. Heureusement d'ailleurs, car je le vois plusieurs fois par jour. « J'ai l'impression qu'il y a un trou béant dans ma poitrine, j'ai les couilles qui vont bientôt atteindre chacune la taille de Jupiter, je rêve d'une bonne douche chaude et complète, ne plus ressembler à un pantin avec tous ces fils et surtout, surtout, j'ai envie d'aller courir sans me avoir à me vautrer sur le sol, je veux une cigarette. Sinon ça va... nickel. » Il rit légèrement face à mes sarcasmes. Oui, je joue la carte de l'humour, mais j'avais vraiment l'impression que je suis au bord de la crise de nerfs. Heureusement, Maria va venir dans l'après midi. Tant mieux. Je vais même avoir le temps de me reposer un minimum. Oui, avec cette opération, les différents médicaments pour la douleur, etc..., j'ai presque la même quantité d'heures de sommeil qu'un vieux matou grincheux. Et comme je me réveille souvent en pleine nuit, je bouquine. Résultat ? J'ai déjà terminé Notre Dame de Paris de Victor Hugo, Le Parfum : Histoire d'un meurtrier, de Patrick Süskind ainsi que le Da Vinci Code de Dan Brown. Et je commence tout juste Si c'est un homme, de Primo Levi. Enfin, l'Étranger d'Albert Camus m'attendait gentiment. Si ça continue, je sens que je vais réussir à me mettre aux Feux de l'Amour...

Deux heures plus tard, je me suis réveillé avec une seule envie : manger un bon gros pain au chocolat et fumer une cigarette. Malheureusement, sucre, sel, graisse sont à grandement diminuer à cause des médicaments immunodépresseurs. Je ne vous parle même pas du tabac. Ça je pouvais faire une croix dessus. On pouvait dire que j'avais vraiment la tête d'un malade. Blanc comme un linge, des cernes sous les yeux, le regard fatigué et j'en passe.

Voilà quelques semaines qu'Edward s'était fait opéré. Un grand soulagement pour Maria qui avait eu vraiment peur de perdre l'homme qu'elle aimait plus que tout. Mais maintenant, tout allait pour le mieux, ou presque. Disons qu'Edward supportait mal le fait de devoir rester dans sa chambre d'hôpital sans pouvoir bouger. Il commençait à être comme un lion en cage à un détail près ; il ne pouvait pas tourner en rond dans la pièce. Maria ne pouvait s'empêcher de trouver tout cela amusant dans le sens où voir Edward dans cet état de manque de tout était assez drôle. Elle compatissait mais ne pouvait s'empêcher de trouver la situation un tantinet comique. Un homme aussi actif comme Edward O'Malley, cloué au lit pour une date indéterminée, il y avait de quoi vouloir péter un plomb en même temps, si Maria était dans son cas, elle le ferait en tout les cas.

Aujourd'hui, comme tout les jours, Maria se rendait à l'hôpital question de rendre visite à l'homme de sa vie. Depuis l'opération elle n'avait pas reparlé à Edward de sa demande en mariage ne pensant pas qu'il s'en souvenait. Elle songeait au fait qu'il l'ait demandé en mariage, ou quelque chose qui y ressemblait fortement en tout les cas, car il se pensait au bout du bout. Maintenant qu'il était bel et bien vivant, il devait se dire qu'elle n'y pensait plus et qu'ils n'auraient pas à reparler, ce qui était sans doute...mieux. Tout du moins elle le croyait même si elle ne voyait pas forcément les choses de cette manière.

« Bonjour madame O'Berkeley. »

« Il est encore ronchon aujourd'hui ? »

« Oh...euh...je ne dirais pas cela comme ça non. »

L'air de l'infirmière inquiéta quasiment Maria pour le coup, qu'est-ce qui se passait encore pour qu'on lui dise qu'Edward n'était pas ronchon ou pas tout à fait. Depuis qu'il devait rester dans son lit, il était d'une mauvaise humeur quasi-permanente, alors pourquoi est-ce qu'il devrait en être autrement aujourd'hui. Se rendant donc dans la chambre de son compagnon, Maria s'arrêta net en apercevant Edward dans son lit qui lisait. Mais qu'est-ce qu'il avait fait ?!!! Non mais...ce n'était pas possible...il...il n'avait pas réellement fait un truc pareil quand même, si ?! Oh non...Edward.

« Tu as vingt secondes pour m'expliquer où sont passés tes cheveux Edward. »

Elle venait de croiser les bras contre sa poitrine prenant son air de directrice adjointe on ne peut plus sérieuse. Alors là, il avait intérêt à lui expliquer la raison pour laquelle il avait les cheveux courts comme un gamin de vingt ans et qu'il avait dorénavant cet air de gamin de vingt ans !

La demande en mariage. J'y pensais toujours. Et je comptais bien l'épouser, qu'elle le veuille ou non. Enfin, si elle était d'accord, ce serait tout de même un plus. Mais avant de lui faire une demande digne des plus grands films Hollywoodiens, je préférais être sorti de l'hôpital, lui offrir une soirée romantique dans un restaurant, une balade au clair de lune, tout ce qu'elle pouvait aimer, pour finalement lui demander sa main. J'y tenais oui. J'avais vraiment pris conscience du fait que la vie était trop courte pour perdre son temps. Bien évidemment, si Maria n'était pas encore prête à cela, je ne pourrais pas vraiment lui en vouloir. Mais, pour le moment, avouons que ce n'était pas ma priorité. Il fallait que je me remette en forme si je voulais pouvoir rendre la brunette plus heureuse.

J'étais à présent en train de lire l'œuvre de Primo Levi. Complètement plongé dedans, je ne fis même pas attention à ce qu'il se passait autour de moi. Je n'ai donc pas remarqué la présence de Maria. Du moins... jusqu'à ce qu'elle m'adresse la parole sur un ton sévère. « Tu as vingt secondes pour m'expliquer où sont passés tes cheveux Edward. » Mh ? Je levais les yeux vers la jeune femme. J'allais passer un mauvais quart d'heure. Et alors ? Je suis adulte. Si j'ai envie de me couper les cheveux, j'estime en avoir le droit. Et puis, ce n'est pas comme si ils n'allaient jamais repousser. J'avais juste besoin des les raser, comme si ça signifiait reprendre ma vie à zéro. Les personnes en rémission, suite à un cancer, doivent se raser les cheveux une ou plusieurs fois avant de les laisser de nouveau repousser. C'était presque la même chose pour moi. La seule différence, c'est que j'avais besoin de renouveau, parce que je renaissais en quelque sorte. Maria n'était peut-être pas en mesure de comprendre cela étant donné que ce n'était pas elle qui était allongé dans ce lit toute la journée pendant des semaines. C'était important pour moi, même si ce n'était pas grand chose en soit.

« Dans une poubelle ? », lui répondis-je avec une petite arrogance, alors que je la contemplais. Elle arborait cet air sévère de directrice adjointe, les sourcils froncés, faisant ainsi apparaître sa ride du lion. Mh... j'adore l'exaspérer, elle en est encore plus sexy... Je referme le livre pour le déposer sur la petite table, au dessus de tout les autres. Je me passerais sincèrement de tous commentaires désobligeants du style « Tu ressembles à un gamin. » ou encore « Tu es encore plus blond les cheveux courts. » ou pire : « Tu es hideux comme ça. ». Je lui demandais juste de respecter ce choix. Ce geste avait une grande valeur, aussi difficile à comprendre cela puisse être. C'était comme ci je devais passer par là. Mes yeux bleus, dont la couleur ressortait beaucoup plus finalement, se déposèrent sur la jeune femme, alors que je m'asseyais difficilement sur le matelas. Bon Dieu, j'ai l'impression d'avoir perdu tout mes muscles. Ce que je voulais ? Qu'elle vienne m'embrasser. Lui faire un câlin également.

Un choc. Ce fut un choc pour Maria d'entrer dans cette chambre et voir Edward avec les cheveux courts. Un peu idiot de réagir excessivement pour une chose pareille, certes, seulement Maria ne s'était pas attendue à ce qu'il ose faire une chose pareille un jour à vrai dire. Il était tellement sexy avec ses cheveux mi-longs, il faisait complètement craquer sa compagne avec cette coupe de cheveux, alors pourquoi en changer ? Maria ne le comprenait pas d'où sa question un peu idiote et sans grand intérêt évidemment. Alors bien-sûr, lorsqu'elle l'entendit lui répondre d'une certaine façon arrogante que ses cheveux se trouvaient sans aucun doute dorénavant dans une poubelle, Maria se rendit compte de la stupidité de sa question. Avançant de quelques pas dans la chambre, Maria garda cependant ses distances avec le lit du grand malade dont la lucidité devait avoir soudainement disparue. Décroisant les bras, elle plongea ses deux mains dans les poches arrières de son jeans avec douceur de manière à ce que son sac à main ne tombe pas de son épaule droite.

« Je vais poser ma question différemment ; pourquoi as-tu les cheveux courts mon amour ? »

Y aller doucement, être plus gentille dans sa demande, voilà quelque chose qui devrait beaucoup mieux fonctionner avec Edward en ce moment. Il fallait comprendre Maria aussi, la veille au soir elle le quittait alors qu'il avait encore ses magnifiques cheveux mi-longs complètement décoiffés qui le rendaient terriblement sexy même si, certes, le fait qu'il mette du gel et qu'il les ramène en arrière était encore plus sexy et ce matin elle débarquait et le voyait avec les cheveux courts. Il y avait de quoi se poser des questions tout de même, non ?

« Un coup de scalpel malheureux et ils ont dû rattrapé leurs bêtises ? »

Maria avait du mal à imaginer le fait que ça puisse être Edward qui ai demandé à ce qu'on lui coupe les cheveux. Non, à vrai dire, elle ne pouvait clairement pas imaginer une chose pareille pensant qu'Edward aimait le fait d'avoir les cheveux mi-longs. A croire qu'elle s'était clairement trompée. Difficile à admettre cependant.

« Ou bien ils...Edward, tu n'as rien ?! N'est-ce pas ?! »

Et si les médecins lui avaient préconisé de se tondre les cheveux parce qu'il devait faire des rayons ? Oh mon dieu, et s'il était atteint d'une quelconque maladie se valant à un cancer et qu'il soit dans l'obligation de subir un traitement incluant des heures de chimiothérapie ?! Comme faire paniquer Maria O'Berkeley en moins de trois minutes ; coupez vous les cheveux sans lui faire part de votre décision et vous verrez, ce sera gagné d'avance. Avançant de nouveau vers le lit, elle s'installa au bord en faisant attention aux gestes qu'elle faisait présentement et passa une main sur le visage d'Edward. Elle avait peur. Encore. Toujours. A vrai dire, Maria ne cessait de se faire mille et un scénarios chaque matin en se levant seule dans son lit. Elle était rentrée chez elle avec les chiens n'ayant pas le courage de se retrouver seule dans l'appartement d'Edward. D'accord, il n'était pas mort, mais entrer là-bas sans qu'il y soit la rendait d'humeur presque morbide, alors elle avait décidé de rentrer chez elle, tout simplement. Tiago et Faldo avaient d'ailleurs apprécié l'idée, ou tout du moins c'est ce qu'elle avait supposé en les voyant jouer tout les deux à peine furent-ils arrivés chez Maria. Un bon signe en perspective. Cependant, même si les chiens allaient bien, on ne pouvait pas en dire de même pour la brunette. Edward ne le savait pas parce qu'elle ne voulait pas l'inquiéter mais depuis son hospitalisation, Maria ne dormait quasiment plus, à chaque fois qu'elle fermait les yeux, son cerveau la torturait littéralement en lui infligeant divers cauchemars où les médecins lui annonçaient qu'Edward était mort et qu'elle se retrouverait seule, sans lui jusqu'à la fin de ses jours. Croyez-le, cauchemarder comme elle le faisait n'avait rien de reposant, mais alors vraiment pas.

Maria décida de se montrer un peu plus douces dans ses propos. Pourquoi ? Je sais très bien qu'elle n'approuvait pas plus ce changement. Tout de même, je m'étais juste coupé les cheveux, je ne m'étais pas fait tatoué ou percé le nez à ce que je sache. Pourquoi réagir de façon aussi excessive ? Les cheveux, ça repousse. Dans mon cas, assez rapidement. Qu'elle arrête de se tracasser ainsi, qu'elle arrête de m'observer avec cette déception, c'est vexant, et elle ne s'en rend même pas compte. C'est comme si tous les sentiments qu'elle éprouvait n'était pas pour moi, mais pour ma coiffure, comme si elle allait cessé de m'aimer pour un petit détail physique. Je n'ai franchement pas besoin de ça maintenant, pouvait-elle le comprendre ? « Je vais poser ma question différemment : pourquoi as-tu les cheveux courts mon amour ? » Je laissais clairement un soupir s'échapper de mes lèvres. Ok, c'est bon... je sais que je suis irritable en ce moment, mais elle ne m'aide pas non plus.

« Un coup de scalpel malheureux et ils ont dû rattraper leurs bêtises ? Ou bien ils... Edward, tu n'as rien ?! N'est-ce pas ?! » Mon regard se posa dans le sien. Bien sûr que non, je n'avais rien, sinon, elle aurait déjà été tenu au courant. Qu'elle relativise. J'avais survécu à une greffe du cœur et j'étais sorti d'affaire. Je ne présentais ni signe d'infection, ni signe de rejet. Maintenant, je devais seulement me priver de tout ce que je pouvais aimer en restant cloué à un lit d'hôpital. Bref... « Non je n'ai rien, ne t'inquiète pas. » Je détournais les yeux un instant, afin de trouver les mots justes pour expliquer mon geste de façon explicite et en cachant le fait que sa réaction était assez vexante, comme si j'étais devenu hideux du jour au lendemain. Oui, les hommes aussi ont leur amour propre. Les femmes aiment bien qu'on leur dise qu'elles sont belles ? Et bien nous aussi. « Je me suis juste coupé les cheveux Maria, et tu agis comme une mère qui découvre que son gosse s'est fait tatoué ou percé. » Bon, d'accord, j'avais un peu merdé pour cacher ma déception... J'avalais difficilement ma salive, avant de reprendre.ment, et... ça symbolise aussi une bonne santé. C'est pareil « C'est... une façon de commencer une nouvelle vie. Par exemple
c'est... comme les personnes en rémission d'un cancer. A la fin, elles
doivent de nouveau se raser la tête pour que les cheveux repoussent
normalepour moi... c'est comme une renaissance... le début d'une nouvelle vie où je ne suis plus mourant. » Je fronçais un instant les sourcils avant de secouer négativement la tête. « Non, laissez tombé, c'est trop compliqué pour expliquer ça sans paraître pour un abruti fini... »

J'aurais aimé que Maria voit le bon côté des choses, qu'elle comprenne, mais comme je n'arrivais pas à expliquer correctement le pourquoi du comment, ça allait être difficilement. Je m'allongeais de nouveau dans le lit et observais le plafond. Je m'emmerdais tellement ici que je pouvais compter le nombre de dalles exactes en haut. Je connaissais tous les détails inimaginables de cette pièce. J'étais comme un lion en cage oui... « Je sais que tu me trouves moche comme ça, mais... c'est pas comme si j'allais les garder courts toute ma vie. Et puis sincèrement, ils devenaient trop longs. Quitte à couper, autant retirer plus d'un minable centimètre. » Merde, mais pourquoi je me justifie de toute façon ? C'est n'importe quoi.

Elle était surprise, rien de plus, elle avait réagi un peu rapidement c'est tout. Qu'il comprenne aussi, elle ne dormait plus, elle angoissait même si elle avait bien conscience qu'il avait été opéré et que le pire était derrière eux dorénavant. Maria craignait chaque jour qu'on lui apprenne la mort d'Edward. Ça évidemment, elle ne lui avait pas dit question de ne pas l'inquiéter inutilement. Cette crainte lui passerait petit à petit lui avait dit le médecin de son compagnon, il fallait qu'elle reprenne confiance tout simplement. Mais qu'on lui laisse le temps dans ces cas-là. Maria passait beaucoup moins de temps à l'université, ce qui semblait normal après tout ce qu'il s'était passé. Elle n'arrivait plus à se concentrer sur son travail, alors elle allait à l'hôpital, sans cesse pour savoir s'il allait bien, elle téléphonait également une dizaine de fois – en moyenne – par jour lorsqu'elle ne pouvait pas être auprès de l'homme qu'elle aimait. Seulement toutes ces choses, Edward les ignorait complètement, et peut-être était-ce mieux ainsi. Cependant, si c'était pour le supporter en train de dire qu'elle ne comprenait pas ce qu'il voulait lui dire, Maria n'allait pas rester calme très longtemps. Elle était à bout, elle était crevée, elle devait tout gérer et lui, il trouvait qu'elle ne comprenait rien ? Qu'il était drôle aussi quand il s'y mettait. L'entendre alors lui dire qu'elle agissait comme une mère venant d'apprendre que son enfant venait de se faire tatouer ou percer, Maria fronça les sourcils mais prit malgré tout sur elle en accusant le coup. Voilà maintenant qu'il lui reprochait son comportement un peu trop protecteur. Génial. Tant qu'à faire. Puis, il lui expliqua son geste se valant comme le commencement d'une nouvelle vie. C'était beau dit comme cela, mais c'était également un peu facile, enfin bref. Puis il décida d'arrêter de vouloir lui expliquer dans le sens où elle allait le prendre pour un abruti fini. Oh oui, c'était tellement son genre de faire cela. Edward était le plus con des hommes, Maria se le répétait chaque jour...non mais qu'est-ce qui lui prenait là ? Et le voilà maintenant en train de s'apitoyer clairement sur son sort en lui disant qu'il avait bien conscience qu'elle le trouvait moche coifféde cette manière et que les cheveux repousseraient de toute façon.

« Tu as raison, je suis trop conne, je ne comprends jamais rien de toute manière. »

Elle était passablement énervée et elle avait toutes les raisons de l'être. Certes elle avait agit un peu excessivement, elle s'en rendait bien compte mais il fallait dire qu'elle avait clairement ses raisons aussi. Mais ça, monsieur ne le comprenait pas apparemment. Qu'il reste là à se lamenter, Maria elle, irait boire un café car elle n'était pas venue le voir pour supporter sa mauvaise humeur. Se levant alors, la brunette se passa les mains sur son jeans – oui, elle ne portait plus que cela depuis l'hospitalisation d'Edward ne voyant plus l'intérêt de bien s'habiller – et remit son sac à main sur l'épaule.

« Quand tu seras de meilleure humeur, tu me feras signe. »

« Tu as raison, je suis trop conne, je ne comprends jamais rien de toute manière. » Je fronçais les sourcils. Je n'avais jamais dit qu'elle était conne, qu'elle était incapable de comprendre quoi que ce soit. Qu'elle ne s'invente pas des choses, je sais très bien les paroles qui sont sorties de ma bouche et ce n'étaient pas celles-ci. D'accord, on est tous sur les nerfs, mais qui a commencé à se montrer tétanisé devant des cheveux courts ? Je serrais un instant les dents. « Ce n'est pas ce que j'ai dit et tu le sais très bien. » Il y a une différence entre « Tu es trop conne pour comprendre » et « Je m'exprime trop mal pour que tu puisses comprendre. ».

« Quand tu seras de meilleure humeur, tu me feras signe. » De mieux en mieux. Elle venait de mettre son sac sur l'épaule et je l'observais faire. Elle préférait quitter la chambre ? Je retenais. « On se revoit d'ici deux mois alors. » Qu'il n'y ait pas encore de malentendus. Cela ne voulait pas dire que je ne voulais pas la voir, mais que si elle, elle désirait me voir uniquement lorsque je suis de bonne humeur, il fallait compter deux mois. Deux mois pour que je puisse avoir une vie à peu près normal et donc ne pas être contraint de faire tout ce que j'aime. Je sais qu'elle vivait mal cette situation et je pouvais comprendre, mais c'était aussi difficile pour moi, affreusement difficile même. Que ce soit la douleur physique qui ne se stoppe jamais, le moral dans les chaussures, la perte d'appétit, les vomissements, l'immobilisation et j'en passe, je ne voyais clairement rien d'agréable. Mais bon, je préférais être dans cette situation, plutôt que ça soit Maria. Ce que j'endurais, je ne l'aurais même pas souhaité à mon pire ennemi. Bref, je la laissais quitter la chambre, alors que je continuais de fixer le plafond sur un air déçu et mécontent.

Et voilà que je me trouvais de nouveau seul dans cette chambre blanche, sans décoration. Moi qui ne suis pas un grand dormeur en général, je suis servi. Je ferme un instant les yeux et alors que mes paupières se ferment, une larme coule le long de ma joue. J'en ai marre, marre, marre. Dépression ? J'avais bien l'impression d'avoir mis les pieds dedans en sautant. Le médecin m'avait dit que c'était une étape quasi-obligatoire pour les greffés cardiaques notamment. Il faut dire que la situation n'est pas des plus agréables. Et, visiblement, je n'échappais pas à la règle. J'ai même pensé à mourir. Oh non, je n'aurais jamais agi dans la mesure où j'ai des enfants et une compagne que j'aime et qui m'aime. De plus, j'aurais gâché un cœur qui aurait pu servir pour une autre personne en danger de mort. Mais l'idée m'est tout de même passé par la tête. Et à ce moment là, on se rend compte qu'il y a un petit problème. Ma foi, si c'est « normal », ça me rassurait...

Je me redressais un instant. Oh non, pas encore... Je posais mes pieds sur le sol et me levais doucement, même si je tentais de me presser. Et hop, j'allais dans les toilettes de cette chambre pour y vomir. A genoux, je passais mes bras désespérément sur la lunette. Tant mieux, je n'avais pas envie que Maria me voit ou m'entende vomir. Disons que ce n'est pas très élégant. Le médecin entre dans la chambre, et comme j'ai laissé la porte de toilettes ouverte, il m'observe un instant. « Nous allons tenter de réduire un peu la dose des médicaments. Généralement, ça réduit les vomissements. Si ça ne marche pas, on vous prescrira quelque chose contre les nausées. » Je ne l'observais même pas, ne lui répondais pas non plus. J'ai vraiment trop surmené par la situation. Me relevant difficilement je me dirigeais vers le lavabo. Je devais boire. Puis, retour à la case départ, le lit.

A peine eut-elle quitté la chambre que Maria se mit à pleurer. Pleurer d'épuisement. Elle ne tenait plus, il fallait qu'elle se repose sinon elle allait finir par se retrouver dans un lit d'hôpital tout comme l'était Edward en ce moment. Edward, Edward, Edward. Toutes ses pensées n'allaient qu'à lui du matin au soir, non stop. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à lui, de réfléchir à ce qu'il pouvait penser, bref elle se rendait malade tellement elle pensait à lui. Tout le temps. Rien qu'à lui. Trop à lui. A s'en rendre malade quand même !

« Madame O'Berkeley ? Ça va ? »

L'infirmière principale d'Edward se trouvait juste derrière lui. Elle l'avait vu se mettre à pleurer à peine était-elle sortie de la chambre du greffé. Pensant de suite qu'il s'était passé quelque chose entre eux, quelque chose de peu réjouissant, elle avait décidé d'aller vers la brunette question de la rassurée, ou de l'écouter si elle en avait besoin. Son métier était également de faire preuve d'écoute envers les patients et leurs proches.

« Non ça ne va pas...je craque alors que je ne devrais pas. »

La brunette se passa une main sous ses yeux pour effacer les larmes ayant commencé à couler et se montrer un peu plus présentable à l'infirmière qui était fort sympathique, il fallait bien le dire.

« Vous semblez extrêmement fatiguée. Il faut que vous vous reposiez. »

« Je ne peux pas...je n'y arrive pas. »

« Vous n'arrivez pas à dormir ? »

« Non, dès que je ferme les yeux je panique. »

« Parce que vous êtes loin de lui ? »

« Ouais, je crois, j'ai peur qu'il ne lui arrive quelque chose pendant que je dors. »

« Je crois que j'ai la solution. »

Surprise de la réponse de la jeune infirmière, Maria essaya de prendre sur elle et donc de se reprendre un minimum. L'observant, elle vit la jeune femme se rendre auprès d'une de ses collègues en lui demandant quelque chose. Trop loin, impossible d'entendre quoique ce soit. Lorsqu'elle revînt elle lui expliqua qu'ils allaient lui installer un lit de camp dans la chambre d'Edward question qu'elle puisse fermer l'œil un peu tout en restant près de son compagnon.

Zombi. Je suis un zombi en ce moment et je veux que tout cela cesse. J'ai hâte de pouvoir sortir de cet hôpital, ce qui ne serait trop tarder, bien que ma rééducation à l'entraînement allait être beaucoup plus poussé. J'espérais que Maria avait pensé à trouver un remplaçant pour assurer mes cours d'Histoire à l'université, dans la mesure où je ne pourrais malheureusement pas reprendre le travail tout de suite. Les médecins me l'avaient fortement déconseillé, afin de ne pas provoquer davantage la fatigue, de ne pas me mettre la pression ou stresser inutilement. Mais trop de repos tue le repos, non ? Je m'en voulais d'avoir abandonné mes étudiants de la sorte. D'ailleurs, certains étaient venus me rendre visite, afin de me raconter un peu ce qu'il se passait à Berkeley, et tout autre chose. Ça m'occupait, et au fond, mes petits protégés me manquaient énormément. J'avais une grande complicité avec mes élèves, je ne pouvais m'empêcher de les prendre sous mon aile, de jouer le grand frère avec eux. Parfois, les membres du personnel me le reprochaient, mais je ne négligeais pas mon travail, donc on ne pouvait pas me dire beaucoup plus de choses là-dessus.

J'en ai marre de chialer comme un môme parce que je craque face à la situation. Je ne suis pas d'accord avec les gens qui disent que les hommes devraient avoir honte de pleurer, qu'ils se doivent de rester forts face à tous. Non, nous sommes aussi des êtres humains. Si on peut exprimer notre joie, pourquoi ne pourrait-on pas exprimer notre peine ? Néanmoins, en ce moment, j'ai l'impression de passer ma vie à verser des larmes et je refuse que Maria me voit dans cet état. Je me sens terriblement faible, physiquement comme mentalement. J'ai l'impression d'être une sous-merde fragile. C'est dégradant. Par ailleurs, je m'en veux de faire subir tout cela à Maria. Oui, avec un peu de recul, je lui en voulais un peu moins et comprenait davantage que les choses n'étaient vraiment pas facile pour elle. Elle avait des cernes, montrant qu'elle ne dormait pas assez et je savais que j'en étais la cause. J'avais l'impression de la détruire involontairement. J'aurais tellement préféré qu'elle ne soit pas attachée à moi, qu'elle me quitte pour ne pas avoir à pleurer de la sorte. Ainsi, je serais le seul à souffrir de cette situation. Je voulais qu'elle ait la paix. Je soupire.

« La déprime post-greffe est normale Edward, ne vous inquiétez pas. » Je tourne la tête vers le médecin. Il est toujours dans la chambre. « Je sais, mais ça ne la rend pas plus agréable pour autant. » Il hoche la tête pour me donner raison. Néanmoins, je sais qu'il a envie de me rassurer. C'est un homme bien, très investi dans son travail, mais je connais déjà son point faible : il s'attache trop rapidement à ses patients, au risque de souffrir en les voyant mourir sous ses mains. « Votre compagne n'est pas avec vous ? Je l'ai croisée dans le couloir il y a peu de temps. » Nouveau soupir. « Je crois que je suis trop irritable et trop énervé pour pouvoir être au contact des gens en ce moment. » Nos regards se croisent à nouveau, puis je détourne le mien. Lui, ça semble l'amuser. « Vous avez passé le cap de la greffe main dans la main, et vous laissez une simple haine passagère et normale s'immiscer entre vous ? Prenez du recul, l'un comme l'autre et accepter les choses. » Sur ces mots, il quitta de nouveau la chambre, me laissant perplexe.

Je me relève. Je n'en ai pas vraiment le droit, mais je m'en fiche. Je dois voir Maria et lui demander pardon pour tout ce que je lui fais subir, même si ça reste involontaire. Je sors de ma chambre. J'ai l'impression que mon corps ne suit pas, c'est assez flippant, mais ça aussi c'est normal. Quand des muscles sont trop longtemps au repos, ils perdent de leur efficacité. C'est comme si j'allais courir le marathon à peine sorti du lit. Dans le couloir, je trouve assez rapidement la brunette en compagnie d'une des infirmières. Elle est en train de pleurer, semble au bout du rouleau. Je reste là, immobile, comme choqué, une main posée contre l'encadrement d'une porte. Mon Dieu, dans quel était je l'ai mis... La bouche légèrement entre-ouverte, je ne la quitte pas des yeux. Je me déteste. « Monsieur O'Malley ! Vous ne devriez pas être debout. Retournez dans votre chambre. » Je ne prête pas attention à une des infirmières. Je continue de regarder la scène en face de moi.