Elle n'aurait jamais du choisir ce cours. Il lui avait fallu une option, ce semestre. Elle avait songé que le théâtre serait facile, un cours avec moins de travail à faire, et qui surtout serait moins ennuyeux à suivre qu'un autre, et plus aisé à réussir. Il ne lui avait fallu que quelques séances pour comprendre à quel point elle s'était fourvoyée. Ici, il ne s'agissait que d'exprimer des émotions, ce qui était pour Megara, quelque chose d'impossible. Elle vivait en les dissimulant, en paraissant de rien ressentir. Elle s'était blindée de manière à ce que plus rien ni personne ne puisse l'atteindre. Elle fonctionnait ainsi et l'assumait parfaitement. Elle devait alors admettre que ce cours était bien trop difficile. Elle n'avait guère envie de jouer la comédie, de se lâcher, de mettre en scène quoique ce soit. Elle préférait amplement rester cloitrée dans sa coquille. D'ailleurs, c'était exactement ce qu'elle faisait, à chaque cours. D'une mauvaise volonté à toute épreuve, elle refusait radicalement toute participation, préférant regarder les autres effectuer les exercices. Têtue comme une mule, il était difficile de l'y forcer. Un peu d'insistance, et elle devenait réellement insolente. Bien évidemment, les autres élèves ne pouvaient la supporter, et ne souhaitaient sans doute qu'une chose, son renvoi. Elle-même était d'ailleurs surprise d'être toujours là. Elle aurait imaginé que le professeur lui aurait demandé de quitter la classe définitivement, ou se serait plaint au doyen de l'université. Comme si elle n'avait pas suffisamment d'ennuis avec lui. Oui, elle devait bien l'admettre, elle pouvait s'avérer ingérable. Il était impossible de prévoir ses réactions, qui étaient au mieux l'ignorance, au pire une démonstration de violence. Et elle n'y allait jamais de main morte. Jamais elle n'oserait l'avouer à quiconque, mais elle se faisait peur, parfois. Elle ne savait tout simplement pas jusqu'où elle serait capable d'aller, comme si quelque chose d'autre la contrôlait.

Ce cours ne faisait pas exception aux autres. Assise au fond, elle écoutait les autres d'une oreille distraite. C'était heureusement son dernier cours de la journée. Bientôt, elle pourrait retourner au pavillon des Gamma et répété un morceau sur son violon. Elle avait d'ailleurs dû l'amener ici, n'ayant eu le temps de le ramener chez elle entre son cours de musique et son cours de théâtre, et il était à ses pieds. Elle aurait aimé le sortir et jouer, au lieu d'écouter de pathétiques étudiants déblatérer sur un quelconque sujet. Elle soupira, et regarda sa montre. Bientôt, elle serait délivrée et pourrait faire ce que bon lui semblerait.
Malheureusement, les choses ne se dérouleraient pas selon ses plans. Au début du cours, elle avait comme toujours refusé de se prêter à un exercice. Une étudiante assise à côté d'elle avait trouvé amusant de lui faire une remarque, suffisamment fort pour qu'elle l'entende. Elle s'était contentée de l'ignorer, comme elle le faisait très souvent. Cette même scène s'était répétée, à plusieurs reprises durant le cours. Puis, quelques minutes à peine avant la fin, M.K. avait craquée. La gifle était partie toute seule, et la blonde qui en fut victime en avait presque les larmes aux yeux. Elle la traita de folle, mais Megara agissait comme si elle s'en moquait et restait muette, semblant refuser d'expliquer son geste. Elle savait qu'il était inutile qu'elle se dépêche de ranger ses affaires. Elle allait être convoquée par le professeur, et peut-être chez le doyen si elle n'avait pas de chance. En tout cas, elle allait subir un sacré savon.
Peut-être cette fille avait-elle eu raison. Elle était folle. Elle ne se contrôlait pas, et ne parvenait pas à canaliser toute la colère qu'elle ressentait. Elle allait finir par se faire renvoyer définitivement de l'université, et là adieu le violon qu'elle aimait tant. Elle détruirait ses chances d'avoir un quelconque avenir. Mais peut-être n'en avait-elle pas justement. Elle était incapable de parler, d'exprimer ce qu'elle éprouvait. Elle aurait du mal à avancer si elle continuait ainsi. Elle en avait conscience. Et pourtant, elle ne parvenait pas à agir autrement. Elle se montrait insensible, violente. Elle semblait haïr tous ceux qui pouvaient l'entourer, et ceux-ci le lui rendaient bien.