Des rêves, des aspirations, des désirs profondément enfouis dans le creux de notre âme. Ceux de Nelligan étaient de voyager, de faire le tour du monde, que ce dernier n’ait plus aucun secret pour lui. Sauf peut-être le no man’s land entre la Corée du Sud et la Corée du Nord, il pouvait bien se passer de cet endroit, même si on disait qu’il y avait des animaux encore inconnus ou en voie d’extinction qui s’y trouvaient. Quel gâchis, tout ça pour une guerre. Mais là n’était pas le sujet principal, voyez-vous. Non, le but de cette virée dans un bateau traversier du Wharf était en quelque sorte une façon de réveiller Nelligan, de lui faire comprendre que le plus loin qu’il pouvait aller, c’était cette minuscule à quelques kilomètres à peine de San Francisco. L’argent rend puissant, l’argent vous permet de tout accomplir : c’était une vérité absolue, bien que des plus décevantes. L’astronome n’avait rien dans ses poches, rien dans son compte en banque ; il venait d’une famille moyenne, il ne travaillait que très peu pour pouvoir se concentrer davantage sur ses études. Alors évidemment, ses rêves d’adolescent d’aller faire le tour de l’Europe avec seulement un sac sur le dos, disparaissaient en fumée. On ne peut jamais accomplir tout ce que l’on désire, au cours d’une vie. C’était beaucoup trop court. Et injuste. L’australien soupira, regardant à l’horizon. Il aurait aimé ne plus pouvoir voir la côte, pouvoir être entouré de l’océan seulement, et se sentir un peu plus seul. Malheureusement, il apercevait encore au loin les plages de Californie, bondées de touristes. Et de toute façon, autour de lui se trouvaient encore plus de touristes, sur le traversier. Au moins, il était certain de ne rencontrer personne ici. Parce qu’aucun universitaire à part lui n’avait assez de temps à perdre pour aller visiter cette île sans intérêt. Il tourna la tête vers l’autre côté du bateau, et constata rapidement qu’il avait pensé trop vite. Adossé à la rambarde se trouvait Zechariah, qui venait justement de remarquer la présence de Broinowski aussi. Il sourit, d’un sourire presque machiavélique, à vous en glacer le dos. C’était assez stupide à dire, et très dégonflé, mais ce mec effrayait Nelligan. Il avait toujours cet air malsain, méchant, scotché au visage. Il avait toujours de ces répliques à vous clouer le bec. Le jeune homme tourna la tête à droite et à gauche, cherchant une issue de secours, mais évidemment, le seul moyen de fuir était de sauter par-dessus bord. Mauvaise idée de faire un remake du Titanic dans les eaux de Californie. Alors il se retourna vers Zech, qui approchait, toujours aussi intimidant. Nelligan fit un petit signe de la main, de gauche à droite, avec une moue terrifiée et nerveuse.
Nell ▬ « Hey hey ! Zech ! Hum, justement, je m’apprêtais à aller en bas, dans la cale … alors … heu … ciao ! »
Rapidement, il tourna les talons et essaya de prendre la poudre d’escampette. Malheureusement, ce ne fut pas possible, car un amas de touristes se pressait sur le pont du bateau. Il ne pouvait donc pas passer.

Le désir qui poussait Nelligan à vouloir voyager loin n’avait absolument aucun lien avec une envie de vouloir s’évader sa vie d’ici, pour sa part. Jamais il n’avait eu envie de quitter sa famille, ou de quitter sa ville natale. Son existence actuelle lui convenait parfaitement, bien qu’il y ait quelques éléments manquants, ou encore certains trucs qui clochaient. Personne n’était complètement heureux, n’est-ce pas ? La recette ne pouvait jamais être réussie à la perfection, c’était impossible. Tôt ou tard, on frappait un mur. Tôt ou tard, on en arrivait à une impasse. Parce que notre chemin est parsemé d’embûches. Cependant, celui de Nelligan se dégageait assez bien, ou alors le point des problèmes se supportait plutôt bien, pour lui permettre de continuer à avancer. Tout cela pour dire qu’aucun besoin d’évasion ne s’entêtait à rester dans sa tête. Non, la raison pour laquelle il désirait plus que tout faire le tour du monde était qu’il voulait tout savoir. De toutes les cultures, de toutes les histoires. Il voulait apprendre de la bouche du vrai peuple, pas dans les lignes d’un livre, d’une encyclopédie. Malheureusement, le seul bout de chemin qu’il pu se permettre d’accomplir aujourd’hui, était de monter dans un bateau accosté au Wharf, et de visiter cette petite île assez banale. Au moins, il pourrait le faire dans la paix et le silence. Enfin, ça, c’était si on écartait le fait que Zechariah venait de se dessiner dans le portrait. Et il était assez difficile à écarter, celui-là. Encore une fois, le fait que Nelligan était un petit ours en peluche lui revenait en pleine face, comme un boomerang. Pourquoi est-ce que c’était toujours les mauvais garçons qui gagnaient, alors que tous les proverbes semblaient dire le contraire ? Peu importe ce qu’il faisait, quelqu’un trouvait le moyen de le rabaisser, de lui faire sentir que les faibles de ce monde ne survivent pas. Était-ce une leçon à en tirer ? En tout cas, il n’apprenait pas très vite, si c’était le cas. Parce que Nelligan restait dans son cocon, coup après coup. C’est pourquoi, lorsque Zechariah commença à marcher vers lui, il chercha une bouée de sauvetage. Enfin, pas une vraie. Au sens figuré, quoi. Malheureusement, il eut le temps de se rendre jusqu’à lui, et c’est avec maladresse que l’ALPHA le salua. Zech croyait peut-être ne pas être si horrible que ça, mais Nell devenait nerveux assez rapidement, avec des gens de son genre, voilà tout. Il baissa les yeux suite aux insultes de son interlocuteur.
Nell ▬ « Ouais, heu … c’est … c’est ça. Un vrai astronome. Haha, t’es drôle ! »
Dit-il en feignant un rire, qui sortit plus angoissé que prévu. Nelligan s’empressa de dire qu’il allait faire un tour à la cale, pour s’enfuir plus rapidement, mais les touristes ne l’aidèrent pas du tout sur ce coup-là, bouchant le passant, trop hystériques à l’idée de prendre une photo du Golden Gate Bridge vu de l’eau. Wow, quel point de vue, ma foi ! Du jamais vu. Nell soupira en entendant la remarque arrogante de Zechariah derrière lui. Il se tourna vers lui, vaincu.
Nell ▬ « La cale va attendre, je pense. »
Son cœur battait la chamade. Il n’avait vraiment aucune envie d’affronter cet homme. Un inconfort insupportable se faisait ressentir chaque fois qu’il se trouvait à proximité.
Nell ▬ « Hum, t’es … ici … seul … pourquoi ? »
Pourvu qu’il lui dise qu’il n’était pas seul et qu’il retourne avec ses semblables.