Assis devant sa feuille d'exam, Edwin ne s'était jamais senti aussi impuissant. Comment était il possible de ne rien savoir à un point aussi fort ? Il n'avait vraiment aucune connaissance sur ce sujet ? Pourtant, il en avait toujours sur un peu tout. Il était cultivé & ça l'avait aidé à s'en sortir de très nombreuses fois. Mais cette fois-ci, ce n'était pas le cas. Le coude appuyé sur la table, le front dans sa main, il regardait intensément sa feuille, espérant qu'il trouverait quelque chose à écrire, une illumination. Il fallait dire qu'avec ce devoir surprise, il n'était pas vraiment en très bonne position, surtout qu'il n'avait pas suivi le cours précédent. Il regarda autour de lui, tout le monde semblait plus inspiré que lui, ce qui lui décrocha un soupir assez bruyant. Son professeur leva la tête vers lui, le regarda puis hocha la tête avec un dessolement désagréable. De toute façon, elle n'avait jamais Edwin & il fallait dire que ça avait été réciproque. Comment aimer une personne qui n'arrive pas à voir que l'on a plus de connaissance que lui. C'était surement dur de se dire qu'un élève s'y connaissait mieux & de le voir galérer ainsi devait être une victoire sur elle même bien forte. N'en pouvant plus de rester ici à ne rien faire & sachant très bien que seul un miracle pourrait le sortir de ce tracas, miracle qui n'arriverait jamais car il ne croyait pas la dedans, il décida de rendre feuille blanche & de sortir de l'amphithéâtre, faisant ainsi un meilleur usage de son temps. Il se leva de son siège, attrapa sa feuille posée sur la table, son sac qui se trouvait à ses pieds, & tout en trainant des pieds se rendit jusqu'au bureau du professeur où il posa ce grand échec dessus. Elle regarda la feuille, & lorsqu'elle n'y vit rien dessus, un sourire de satisfaction se dessina sur ses lèvres ce qui eut le dont d'énerver Edwin qui leva les yeux au ciel. Il n'aimait vraiment pas échouer & encore prouver à quelqu'un qu'il avait tort. Certes, elle l'avait eu sur ce coup là, mais c'était bien la dernière fois ! Plus jamais il se laisserait faire ainsi.

Marchant à travers les couloirs de l'université, il se rendit jusqu'à la cafétéria où il commanda une bouteille de coca zéro, sa deuxième addiction. Sa première qu'était elle ? Il allait le montrer très bientôt puisqu'il se rendit par la suite en dehors du bâtiment afin de pouvoir avaler cette fumée destructrice mais qui lui faisait tellement de bien. Ces bâtonnets blancs au bout jaune faisait partie de sa vie depuis maintenant quelques années. Il avait toujours un paquet dans sa poche plus ou moins pleins & le finissait à une vitesse grandiose. C'était le meilleur remède contre le stress, l'énervement, l'envie, la déception, la désillusion & pourtant, à long terme, ça amenait plus de soucis que ça apportait de résolutions. S'il avait essayé d'arrêter ? Oui, ça lui était arrivé une ou deux fois, il avait tout testé, les patchs, les gums à mâché, la volonté, le faire pour quelqu'un, rien n'avait marché. Ses cigarettes faisaient parties de sa vie & étaient surement celles qui le connaissaient le mieux & parfois étaient beaucoup plus agréable que la présence d'une personne.

Lorsqu'il eut fini, Edwin prit alors la direction de la bibliothèque. Il fallait qu'il rattrape son retard, qu'il apprenne ce qui lui avait manqué aujourd'hui, qu'il comble le manque que le fait de ne pas savoir lui avait causé. Il avait besoin de ne pas se sentir comme le loser qu'il avait vu dans les yeux de son professeur. Il entra, passa sa carte puis se dirigea jusqu'au rayon psychologie. L'endroit était silencieux, une chose qu'Edwin appréciait vraiment. Ici, ne pas parler était d'une banalité rare & il aimait bien se réfugier dans ce lieu lorsqu'il avait besoin de solitude. Ici, on ne venait pas le déranger. Après avoir recherché pendant quelques minutes dans les rayons, il attrapa un ou deux livres puis chercha une table libre. Mais c'était bien difficile car beaucoup d'étudiants se retrouvaient ici. Alors que son regard passait en revue toutes les tables présentes, il aperçut un visage familier & loin de lui être désagréable. Un léger sourire s'afficha sur son visage. Cette personne, il l'appréciait réellement, il ne faisait pas semblant avec elle & elle semblait le comprendre sur certains points de sa vie. Il s'approcha, posa les livres en face de la jeune fille en faisant assez de bruit pour qu'elle lève le regard vers lui, & avec un sourire en coin, il prit la parole, tout en chuchotant comme il était si bien recommandé dans ce lieu.

" Est ce que cela dérangerait mademoiselle Flint si je me joignais à sa table ?

Si Edwin faisait partie de la norme générale de ce groupe de personnes qui n'avait que pour but de faire un peu plus belle sa vie jours après jours ? Bien sur que non, Edwin n'en avait que faire du bonheur, peut être parce qu'il ne l'avait jamais vraiment vécu. Pourquoi cela ? Tout simplement parce qu'il avait toujours manqué de quelque chose, d'un père, d'une mère, d'un amour perdu, d'amis & de tant de choses qu'on a & qu'on ignore que c'est aussi précieux qu'un diamant. Edwin avait toujours vécu sa vie ainsi, sans savoir ce que pouvait être l'équilibre parfait & il ne s'en était jamais pleins. Certes il avait eu mal, très mal, beaucoup trop mal, mais la souffrance s'était atténué. C'était surement parce qu'il s'y était habitué pensait il, car il avait toujours ce besoin constant qu'il n'avait jamais réussi à combler. Et puis il avait décidé d'avoir une existence normale, de ne pas fuir comme l'avait fait sa mère toute sa vie & comme il avait fait lui aussi en essayant de l'imiter. Il avait voulu essayer de rentrer dans la normalité, être banale & agir comme tout le monde. Peut être qu'ainsi il comprendrait vraiment comment les gens arrivaient à être heureux mais il s'était plutôt aperçu que tout le monde faisait comme lui. Tout le monde se cachait derrière un bonheur fictif & peu étaient les gens qui l'avaient réellement trouvé & qui avaient réussi à le garder. Beaucoup avaient pu le sentir pendant quelques instants, minutes, jours ou même semaines. Mais il fuyait comme le fugitif poursuivit. Il partait loin, très loin & ne laisser qu'un souvenir qui faisait mal. Edwin avait aussi appris que c'était les gens autour de nous qui pouvaient nous apporter le bonheur & non les choses, les voyages etc... Le bonheur se faisait avec ce que chaque personne nous apportaient, comme s'ils avaient tous la fonction de participer au notre & nous d'en faire de même. Mais les gens étaient bien souvent trop égoïste & préférer garder tout pour eux alors qu'eux même ne pouvaient rien apporter à l'être qu'ils étaient.

Alors c'était pour ça qu'Edwin était rentré aux Etats Unis. C'était pour ça qu'il avait quitté l'Australie, avait abandonné tout ce qu'il avait là bas pour tenter d'être quelqu'un. Il avait été reçu à Berkeley sans grand problème. Il était très malin & intelligent. Pourquoi ne pas avoir choisi la confrérie des Alphas ? Tout simplement parce qu'il ne voulait pas d'un étiquette collait sur son dos & il avait trouvé dans le groupe des Thetas, celui qui n'en donnait pas forcément. Il avait décidé de rester ici, d'essayer d'avoir son diplôme & si possible de construire quelque chose. Il espérait pouvoir y réussir sans prendre la fuite car il sentait cela dans ses gênes, comme le seul héritage que lui avait donné sa mère. Mais il ne voulait pas finir comme elle, & cela l'aidait vraiment à tenir.

Edwin venait de poser ses livres sur la table & un sourire sincère s'était dessiné sur ses lèvres. Il était rare qu'il puisse le faire naturellement, d'habitude, sourire était un calvaire & demandait beaucoup de volonté. Tout simplement parce qu'il n'avait jamais pris l'habitude de le faire. Mais avec Chuck c'était différent, il avait l'impression qu'ils se ressemblaient plus qu'avec d'autres personnes. Et puis ils se comprenaient. Tous les deux avaient vécu l'abandon & ça, il fallait le vivre pour savoir ce que c'était. Aucun mot, aucune parole, aucun geste ne permet de montrer ce que c'est. C'est une blessure qui persiste jour après jour & qui fait mal toujours un peu plus même si on y prête pas attention, car on ne comprend pas pourquoi nous & pourquoi nous n'étions pas assez bien pour être aimé comme il le fallait & pour donner l'envie à cette personne de rester.

-Merci. répondit-il poliment avant de prendre place sur le siège en face de la jeune femme. Il jeta un regard à ses livres puis à ceux de Chuck. Elle lui posa alors la question qui venait naturellement après cela. Il prit un des livres dans sa main pour lui montrer & répondit. Psychologie. Je sors du test le plus affreux de ma vie. La prof a fait un devoir surprise sur un cours que je n'ai pas suivi & donc je n'ai pas pu y répondre. Je compte bien rattraper ce retard & pouvoir lui montrer des que l'occasion se présente ! Si Edwin était un garçon fier ? Bien évidemment, sa fierté était immense & de plus, il ne supportait pas être contrarié. Son professeur l'avait piqué en pleins dedans, il devait se "venger". Il le devait pour une satisfaction personnelle. Et toi tu révises quoi ?

Chuck aimait observer les autres. Tenter de les comprendre, de connaître leur existence, leur manière d'être. Au fil des années, elle était devenue incroyablement douée à ce petit jeu. Elle se fichait qu'on la trouve bizarre, voire même effrayante. Elle faisait ce qu'elle aimait, sans se soucier de ce que pourraient en penser les autres. Non, elle n'était probablement pas comme eux. Trop fantasque, semblant vivre dans un monde qui ne correspondait en rien avec la réalité. Sans doute passait-elle bien trop de temps dans ses étoiles. Et pourtant, tel était loin d'être le cas, car si elle semblait avoir la plupart du temps la tête dans les nuages, elle était consciente des réalité de ce qui l'entourait. Elle n'était ni idiote, ni naïve, bien qu'elle en ait l'air. Et elle ne ressemblait en rien à l'étudiante lambda qui aimait sortir, flirter, boire et s'amuser. Pourtant, sans qu'elle ne l'ait jamais réellement avoué, elle aurait aimé être normale, parfois. Ne pas avoir le moindre soucis en tête. Et surtout, avoir le sentiment que son existence était devant elle. Pouvoir faire des projets d'avenir, tous plus fous les uns que les autres, sans jamais craindre que ses lendemains ne soient moins nombreux qu'elle ne l'avait escompté. Et pourtant, elle aimait sa vie. Elle se considérait comme quelqu'un ayant eu de la chance, et regrettait de ne pas avoir toujours sur l'apprécier à sa juste valeur. Elle avait parfois et injuste, et n'avait pas toujours sur voir ce qui était important. Elle s'était sentie malheureuse, blessée, abandonnée, et sans doute à juste titre, touchée par les fêlures qui constellaient ce tableau familial en apparence si parfait. On lui avait caché une partie de sa famille. Elle avait éprouvé de la rancœur, de la colère. Elle aurait pu en éprouver encore aujourd'hui. Mais elle avait décidé qu'elle ne pouvait plus se laisser gagner et pourrir par des sentiments si négatifs. Elle n'en avait tout simplement plus le temps.

Cependant, elle ne pouvait le nier, certaines choses lui manquaient. Et elle haïssait de devoir dissimuler et mentir à ceux pour qui elle éprouvait de l'affection. Elle détestait le mensonge. Mais elle n'avait pas le choix. Elle ne voulait pas que les autres la traitent comme si elle était malade, ou encore plus, craignent pour sa vie. Elle avait déjà suffisamment à faire avec son père et ses inquiétudes. Il exigeait d'elle qu'elle l'appelle au moins tous les deux jours, et qu'elle vienne le voir régulièrement le week end. Et pourtant, elle s'exécutait toujours sans jamais rien lui reprocher. Elle savait qu'il l'aimait, elle se doutait de ce qu'il avait du éprouver en voyant sa petite fille malade, en sachant qu'elle allait peut-être partir avant lui. Et il était son héros. Il n'avait pas hésité un instant à lui offrir une partie de sa moelle épinière.

Edwin avait quelque chose de différent des autres. Il y avait quelque chose qui les liait, qui la faisait se sentir proche de lui. Il ne faisait pas semblant d'être ce qu'il n'était pas, du moins, pas avec elle. Sans qu'elle n'ait eu besoin d'entrer dans les détails, c'était comme si, quelque part, il comprenait ce qu'elle pouvait ressentir. Lui aussi avait ses failles, et ne craignait pas de les lui dévoiler. Il y avait comme une certaine connexion entre eux, un lien subtile et indétectable et qui pourtant la mettait particulièrement à l'aise lorsqu'ils étaient entre eux.

Depuis qu'il était arrivé, Chuck ne cessait de sourire, et de le fixer de ses yeux verts. Oui, elle était heureuse d'avoir un ami à sa table et elle n'avait aucune intention de le cacher. Elle l'écouta avec attention, comprenant toute la frustration qu'il devait éprouver. Il était fier et c'était une qualité selon elle, qui poussait à se dépasser si elle ne tombait pas dans l'excès. « Ça arrive aux meilleurs d'entre nous, tu pourras te rattraper une prochaine fois. » Elle réalisa ensuite qu'elle n'était peut-être pas très bien placée pour lui prodiguer ce conseil, elle qui de sa vie ne se rappelait pas avoir connu l'échec sur un plan scolaire, ou du moins très rarement.
Afin de répondre à sa question, elle redressa le livre qu'elle utilisait afin de lui en montrer la couverture. « Physique. J'ai un devoir à rendre la semaine prochaine. On dirait que les professeurs aiment à nous surcharger de travail... »