S'il y avait bien un plaisir dans la vie auquel j'étais incapable d'échapper, c'était de rester parfois enfermé dans ma chambre à rien faire, à part glander devant la télé et réfléchir, tout en fumant quelques cigarettes (bien que la clope soit interdite à l'intérieur même de la résidence, j'm'en battais les reins), et en sursautant les rares fois où quelqu'un frappait à ma porte. Cet après-midi-là, j'étais exactement dans l'état d'esprit « je ne fous rien, je glande », zappette en main, changeant de chaîne toutes les deux minutes tellement les programmes proposés étaient merdiques. Je me mis à rire en tombant sur une émission qui parlait des filles des magazines Playmate, une sorte de documentaire où elles étaient toutes à moitié à poil. Ca me faisait drôle. Alors que tout mec normalement constitué serait resté devant à baver et à se faire plaisir aux yeux, moi je zappais. Etant gay, les corps de femme ne m'intéressaient pas trop. Même vraiment pas. Et merde, je me remettais encore à penser à Dulce, à ce qu'elle m'avait dit. Fait chier, comment j'avais pu faire pour me retrouver dans son lit ? Et comme un con, la question que je me posais, c'était plutôt « est-ce que j'ai su m'y prendre ? » plutôt que « pourquoi ? ». Certes, il n'y avait rien de difficile dans l'acte d'amour, mais entre une fille et un mec, l'anatomie, les positions et tout le bordel, c'est pas la même chose, je vous fais pas un dessin. Trois coups toqués à ma porte me firent sursauter et sortir de mes pensées. Ouf. Je me levai énergiquement de mon lit, me regardai dans le miroir avant d'ouvrir la porte, pour voir si j'avais une tête potable (on sait jamais, au cas où un beau garçon venait frapper chez moi, Zechariah par exemple). J'étais en caleçon et tee-shirt. Pas vraiment coiffé, et une tête de gars qui se fait chier. Tant pis. De toutes façons, j'risquai pas de draguer. J'ouvris la porte et vit Alejandro, un de mes meilleurs amis, sur mon palier. Il était mon voisin de chambre, et on s'était rencontrés ici même, dans les couloirs de cette résidence. Vu nos caractères, nous n'avions pu que bien nous entendre. Je le saluai pour la deuxième fois de la journée (je l'avais croisé le matin), et me décalait de l'entrée qu'il puisse entrer dans ma piaule. Sautant de nouveau sur mon lit, me mettant à l'aise, je lui fis un geste de la tête pour qu'il fasse de même.

« Alors, mon gros, qu'est-ce qui t'amène ? Toi aussi tu te fais chier comme un rat mort ? »

Heureusement qu'il était là, ce con, pour me sortir de son ennui. J'aimais bien l'appeler par des noms à consonnance péjorative, mais qui, pour moi, étaient affectueux. N'empêche, s'il avait pas été là à mon arrivée, j'aurais été bien plus perdu, je n'aurais pas trop su où aller et tout. J'aurais pas pu rêver d'un meilleur voisin de chambre, vraiment.