-Mon ange, dépêche toi, aller.

Les clefs de l'appartement, attachées à un petit anneau en fer, tournoyaient autour de l'index d'Edward, dans un geste nerveux, anxieux, à la limite de l'énervement. Finalement, la fillette arriva, toute souriante, son cartable sur les épaules, ce qui redonna un peu de chaleur à l'homme. D'un geste naturel, ils partirent ensemble jusqu'à la voiture, main dans la main, puis il la porta jusqu'à l'école primaire.

-A ce soir ma puce.

Accroupi face à elle, il caressa sa petite joue douce, puis l'embrassa. La petite Jade joua avec les cheveux légèrement bouclés de son père avant de lui chuchoter sur un ton qui le fit fondre littéralement :

-Je t'aime papa.

La moue qui prit possession du visage d'Edward marqua son attendrissement. Après un au revoir toujours aussi pénible de la part de ce jeune père, ce dernier repartit. Il flâna, alla prendre un café dans un de ses endroits favoris, puis aller donner son seul cours de la journée. Et c'est avec quelques regards surpris de la part des étudiants, qu'il débuta son travail, après un mois d'absence non expliqué. Son regard indigo croisa très, voir trop souvent celui d'Angelic. Pendant le temps où il était repartit en Irlande, il avait tenté de lui donner un maximum de nouvelles. Il lui expliqua de cette manière, que sa mère, qu'il n'avait pas vu depuis plus de quinze ans, allait décéder et qu'il était partit lui faire des adieux, tenter de se réconcilier avec son père qui ne voulait absolument rien entendre. Ce petit séjour, en somme, c'était trouvé être extrêmement pénible. Soit. L'énervement et la haine se lisaient désormais sur son visage. Il se sentait rejeté, abandonné, en proie à l'incompréhension. Tandis qu'il parlait, il jouait nerveusement avec la manche de sa chemise blanche, ou bien avec l'extrémité de sa cravate noire. Il posait ses fesses sur son bureau, et quelques secondes après, se remettait debout et entreprenait de faire les cent pas. Incapable de s'asseoir sur une chaise sans taper sans cesse du pied, il avait l'impression d'être redevenu l'enfant hyperactif à qui il était impossible de rester tranquille plus de quelques minutes.

-A tout à l'heure.

Chuchota-t-il discrètement à Angelic, à la fin du cours. En effet, la veille au soir, il l'avait appelé afin qu'ils se voient dans un endroit calme, afin qu'ils discutent d'eux. Avec tout ces événements, ils n'avaient pas eu une minute à eux. C'est quelques heures plus tard qu'Edward se trouva dans la cabane abandonnée. Certes, ils avaient cherché un endroit où ils ne seraient pas dérangés, et Angelic avait proposé ce lieu dont il n'avait pas connaissance. Lorsqu'il y mit les pieds, ses yeux intensément bleus balayaient la petite cabane du regard. De la poussière, des rayons du soleil qui s'infiltraient par les fenêtres souvent brisées et les minuscules trous dans le bois dont étaient fait les murs. Finalement, Edward en ressortit et alla s'asseoir sur les petites marches de l'entrée. Son premier geste, attraper son paquet de cigarettes pour en prendre une qu'il porta à ses lèvres. Désormais, le briqua entre les doigts, il l'alluma et tira une grande bouffée de ce délice. Un soupir de bien être l'envahit. N'avait-il pas cessé de fumer? Oui... du moins avant d'être stressé et énervé. Maintenant, il lui fallait de nouveau ses cigarettes pour ne pas péter un câble comme beaucoup disait.

Un mois. Edward était parti durant un mois, sans donner d’explications précises à personne. Enfin, Angelic, de son côté, ne s’était très certainement pas attendue à recevoir quelconque nouvelles de son professeur qui, néanmoins, avait prit le temps de lui expliquer certaines choses. Comment devait-elle le prendre ? Elle qui s’était attendue à ce que son enseignant -et conquête d’une nuit- profite de cet instant pour l’oublier complètement. Soit. Durant ce mois, la belle étudiante n’avait pas fait énormément d’activités intéressantes. A vrai dire, les révisions pour les examens lui avaient prit tout son temps, ne lui laissant que de brèves pauses pour se nourrir ou passer plusieurs minutes au téléphone avec son grand frère. Ce dernier était également venu lors d’un weekend, et ce fut d’ailleurs à cet occasion que la demoiselle rencontra un jeune garçon. Adorable. Gentil. Attentionné. Doux. Fidele. Il avait tout ce dont une femme pouvait rêver… Mais, il avait un défaut : Il vivait beaucoup trop loin pour entretenir une relation stable et durable. Comme quoi, Miss Angie n’a vraiment pas de chance avec ces messieurs. Peu importe.

Contre toute attente, Angelic vit son professeur, Edward, quand elle se rendit dans l’immense amphithéâtre pour suivre son cours d’histoire géographie. Un des derniers avant les vacances absolues. Soit. Edward l’avait peut-être prévenu de son retour à l’université, dans tous les cas, la belle ne s’en souvenait plus puisqu’elle sentit une étrange sensation à l’intérieur d’elle-même. La joie peut-être… Ou l’appréhension. Appréhension oui. Son enseignant lui avait proposé qu’ils se voient dans un endroit un peu plus calme, et elle avait accepté sans réellement réfléchir.

-A tout à l’heure.

Lui avait-il soufflé lorsqu’elle passa devant lui. Serait-il inconscient ?
Pour ne pas éveiller les soupçons, Angelic ne se retourna pas, mais un fin sourire s’afficha sur son visage au moment même où elle comprit qu’il ne s’adressait à personne d’autre qu’elle. Bientôt, tous les deux auraient rendez-vous avec l’interdit, rendant les choses encore plus passionnantes et plus excitantes qu’elles ne pouvaient l’être. Soit.
Uniquement vêtu d’une de ses robe habituelle, la jeune étudiante se rendit sur le lieu évoqué avec l’étrange sensation d’avoir l’estomac noué. Après tout, ce n’était que des retrouvailles banales, non ? Tous les deux prendraient le temps de discuter, comme ils se faisaient avant. Ainsi, Angelic arriva, un peu plus sereine, et posa son regard sur la silhouette de son professeur.

-J’suis en retard ?

La belle regarda machinalement l’heure affichée sur son téléphone portable, après avoir sorti ce dernier de son sac à main, et hocha la tête négativement. Elle n’avait pas d’inquiétude à avoir puisqu’elle était à l’heure. Angelic s’approcha alors des petites marches de la cabane et s’installa confortablement à côté de son professeur, tout en posant ses coudes sur ses genoux. Sa joie de vivre et son bien-être se lisait sur son visage : Un sourire ne cessait de la rendre plus lumineuse que jamais, et cela était très certainement sa petite particularité bien à elle. Ce qui la rendait unique en son genre.

-Comment tu vas ?

Angelic pencha faiblement sa tête sur le côté pour mieux voir le visage d’Edward, et lui sourire un peu plus largement. Au fond, elle était contente de le retrouver ; discuter avec lui était quelque chose qui lui avait beaucoup manqué ces derniers temps.

Une nouvelle fois, Edward porta sa cigarette jusqu'à ses lèvres pour en prendre une bouffée. Avalant puis évacuant la fumée par la bouche, en un long soupir, il semblait en pleine réflexion. Tout de même serein, il ne ressentait aucun malaise, mis à part peut être était-il légèrement anxieux à l'idée de passer un moment en tête à tête avec Angelic. D'ailleurs, il pensait à cela lorsque sa douce voix parvint à ses oreilles :

Non, bien sûr qu'elle n'était pas en retard. Le fait est qu'Edward venait toujours en avance lors de ses rendez-vous. Une habitude qu'il avait prise depuis des années déjà. Cependant, cela ne le rendait pas plus ponctuel pour son travail. Après tout, être professeur d'Histoire signifiait arriver sans cesse en retard en plus d'être accro à la caféine et aux cigarettes. Donc, pour répondre à sa question, Edward n'utilisa pas sa voix, mais lui adressa un beau sourire en coin qui dévoila ses deux belles fossettes sur ses joues piquantes.

Lorsqu'elle vint s'asseoir à côté de lui, notre Irlandais prit une dernière bouffée de sa cigarette, écrasa le mégot sur le sol puis le lança dans un petit cendrier rejoindre ses congénères, signe que beaucoup de personnes venaient ici. Bref, une cabane pas si abandonnée que ça visiblement. Soit. Penchant la tête vers l'arrière, il souffla la fumée en l'air, pour ne pas obliger Angelic à subir le tabac. Puis il déposa un doux et timide baiser sur sa joue, en guise de salutation, chose qu'il n'avait pas pu faire lorsqu'il l'avait vu ce matin.

Edward ne savait pas comment réagir avec elle. Pouvait-il se permettre de lui donner un baiser dans le cou? Pouvait-il jouer avec ses doigts comme il avait eu l'habitude de le faire? Pouvait-il caler sa tête contre la sienne? Un mois s'était écoulé, une éternité à ses yeux. Beaucoup de choses avaient changé. Déjà que leur relation était compliquée, le temps passé loin l'un de l'autre n'avait absolument pas arrangé les choses. Voila pourquoi il s'était contenté d'un timide baiser sur la joue. Puis il passa ses bras autour de ses genoux, la tête tournée vers Angelic. Elle était toujours aussi belle, toujours aussi rayonnante, pétillante et désirable.

Même si ce sujet était assez bateau, savoir si elle avait réussit ou non ses examens intéressaient beaucoup Edward, bien qu'il ne doutait pas qu'elle les ait réussit haut la main. Certes, il lui avait passé bon nombre de coup de fil, notamment lorsqu'il savait qu'elle avait du temps libre et que le moment était bon au niveau du décalage horaire. Néanmoins, il s'était accordé avec elle une longue discussion une partie de sa nuit, qui était le jour ici, aux Etats-Unis. Ah... forfait téléphonique international, quel grand ami !

Heureusement qu’Edward fit le premier pas en prenant l’initiative de déposer un doux baiser sur la joue d’Angelic. Parce qu’effectivement, cette dernière s’était demandé comment agir, comment le saluer. Elle avait opté pour les mots, il avait opté pour les gestes. soit. La belle esquissa un léger sourire au coin de ses lèvres et le regarda longuement avant de réfléchir à sa question.

-Je suis content de te voir. Et toi, comment vas-tu?

Comment allait-elle ?
Angelic haussa doucement les épaules, en faisant mine de réfléchir. A vrai dire, elle était épuisée à cause de ses révisions, mais également soulagée à l’idée que tout ceci soit terminé. Maintenant, elle allait pouvoir profiter à fond de ses vacances, sortir avec ses amis, s’amuser, et même rendre visite à sa famille, qui lui manquait terriblement depuis la rentrée.

-Ca va, merci.

La belle sourit de nouveau puis détourna légèrement son regard afin de regarder les alentours. Ici, même si ce n’était pas totalement abandonné, personne ne pourrait les surprendre. C’était peut-être les vacances mais cela n’empêcherait nullement les étudiants de lancer de stupides rumeurs, énonçant haut et fort qu’ils avaient vu Angelic et son professeur, ensemble, dans un endroit coupé du monde. De quoi combler la soif de ragots, de certaines personnes. A vrai dire, la demoiselle s’en fichait…

-Alors, tu n'as pas eu le temps de me le dire au téléphone, comment se sont passés tes examens?

Edward venait de rompre le silence. Avant, ces instants de « blancs » n’étaient pas gênants du tout pour eux, qui passaient leur temps à s’amuser et à rire comme des enfants. Mais aujourd’hui, Angelic sentait que les choses avaient changé, que leurs rapports ne seraient plus aussi tendres, aussi joyeux. Elle détourna son visage vers son professeur, et plongea son regard dans le sien, en souriant largement.

-Ca s’est bien passé. J’suis contente de moi.

La belle sourit gentiment et glissa une de ses main dans sa nuque avant de se mordre la lèvre. Les résultats n’allaient pas tarder à tomber et pour une fois, Angelic était confiante. Aucun stress, elle était persuadée d’avoir son année… Ce n’était aucunement de la prétention. Disons juste qu’elle avait travaillé suffisamment pour se rendre compte que ses efforts allaient payer.
Ne tenant nullement en place, la jeune femme se leva et se mit debout, face à Edward et les bras croisés sous sa poitrine.

-Et toi ? Comment tu te sens depuis ton retour ?

Il faut dire qu’après un mois d’absence, Edward pouvait se sentir différent dans le sens où ce qu’il avait vécu n’avait rien d’anodin. La jeune femme passa sa langue sur ses lèvres, sans le quitter des yeux.

Une légère brise effleurait son visage, une brise frâiche qui lui faisait beaucoup de bien en vue de la chaleur qui se répandait ici aujourd'hui. Il ne fallait pas oublier qu'Edward venait d'Irlande, puis qu'il avait vécut à Paris. Il n'était pas vraiment habitué à ce climat, même si cela faisait quelques années qu'il y vivait, il n'arrivait pas à s'y faire. C'était plus fort que lui, trop de chaleur lui tapait sur le système.

Un fin sourire en coin s'installa sur le visage de l'homme. Même s'il n'en doutait pas une seule seconde, avoir la confirmation qu'elle avait réussit ses examens lui faisait plaisir. Angelic était une jeune femme particulièrement brillante. Comme quoi, on pouvait avoir la beauté et le cerveau. Certes, elle était à l'université de Berkeley, donc, le fait qu'elle soit intelligente semblait normal. Néanmoins, arrivé ici, bon nombre d'étudiants trouvaient le programme trop difficile et tombaient de haut. Ce n'était pas le cas d'Angelic. Et c'était plaisant à voir.

Le professeur Oxford, en unique réponse, glissa sa main sur la sienne pour la lui serrer légèrement, dans un geste affectif. Puis il la lâcha et l'observa se lever. Visiblement, elle n'était pas capable de tenir en place. Quelques silences s'installaient, et pour cause, Edward était bien moins bavard qu'avant. En effet, il y a quelques temps de cela, il était connu pour parler, parler et encore parler, sans s'arrêter, quitte à raconter n'importe quoi. Il riait, s'amusait, faisait le clown. Une caractéristique de son être qui s'était isolé. Mais pour combien de temps?

Edward garda le silence quelques temps, les yeux fixés sur le sol. Il avait assisté aux derniers jours de sa mère, avait une fois de plus rencontré les foudres de son père, et surtout, il avait revu une famille, sa famille qui avait vécut sans lui, sans trop de difficultés, pendant plus de quinze ans. Comment se sentir totalement inutile? L'égaux démesuré d'Edward en avait prit un sérieux coup. Il se sentait impuissant, abandonné, exclu, orphelin, un sentiment qu'il avait éprouvé depuis des années déjà, mais jamais aussi fort que maintenant. Finalement, notre jeune irlandais leva ses beaux yeux bleus vers Angelic et tenta un petit sourire en coin, en haussant les épaules :

En somme, la seule famille qui lui restait était sa fille. En y repensant, c'était déjà assez. Du moins, c'est ce qu'il essayait de se faire croire. Edward s'allongea sur le dos, sur la longue marche, et passa ses mains sous sa nuque, une jambe repliée. Ainsi, il fixait le ciel et voulu changé de sujet :

Edward avait bien changé, c’est vrai. Moins bavard, ce qui rendait l’ambiance un peu plus tendue. Et malheureusement, Angelic n’y était pas insensible, pour ne pas dire que ça la mettait grandement mal à l’aise. Tous les deux avaient l’habitude de rire ensemble, de se taquiner, de se lancer leurs sarcasmes. Pourquoi a-t-il fallu que le professeur s’éloigne ? Pourquoi a-t-il fallu qu’une terrible chose s’abatte sur sa famille ? Evidemment, ce n’était pas dans son propre intérêt que la jeune femme pensait cela ; puisqu’elle voyait bien qu’Edward n’était pas au meilleur de sa forme.

-Ca va bien, j'imagine.

Angelic restait perplexe face à ces mots. Elle se contenta de hausser ses fines épaules, puis soupira silencieusement avant de s’asseoir, sur la marche qui se trouvait sous celle sur laquelle Edward était installé. De cette façon, elle lui tournait le dos, et put par la même occasion, mettre son visage dans ses mains. Si cette réponse était si brève, n’était-ce pas pour indiquer qu’il ne voulait pas en parler davantage ? La demoiselle n’eut donc pas la possibilité d’argumenter, ou de poser telle ou telle question.

-Alors, qu'est ce que j'ai loupé pendant un mois?

Un mois, ça pouvait paraitre étrangement long… Mais Angelic avait beau essayé de rassembler beaucoup d’éléments à raconter pour alimenter leur conversation, elle ne trouvait rien de bien palpitant. Elle avait eu un copain, oui et alors ? Outre ce foutu détail, il n’y avait pas grand-chose. Et pour cause : Les révisions pour les examens avaient prit tout son temps. Cependant, de nature plutôt optimiste, la belle réussit à former comme qui dirait : Une phrase correcte.

-Tu n’as pas loupé grand-chose. J’ai beaucoup révisé… Sinon, mon frère est venu me voir avec l’un de ses amis. C’était sympa de le voir, il m’a manqué. Et maintenant que les vacances approchent, je commence à me demander si j’pourrais pas partir un moment. Un week-end me suffirait… Juste pour changer d’air.

Angelic tourna faiblement son visage pour regarder Edward et esquissa un léger sourire au coin de ses lèvres. C’est vrai que ça lui ferait peut-être du bien. Souffler, voir d’autres choses, faire de nouvelles rencontres, visiter… La belle mit ses cheveux derrière ses oreilles et se mordilla la lèvre inférieure avant de soupirer silencieusement. Finalement, peut-être qu’il fallait juste un peu de temps pour que leur relation retrouve sa vivacité ; et puis, c’était déjà plutôt bien parti avec ce qu’avait dit Angelic. Cette dernière ne pouvait s’empêcher de parler encore et encore sans que l’on ne puisse jamais l’arrêter. Il suffisait qu’elle commence pour devenir limite insupportable.