Connaissez-vous la confrérie Iota de Berkeley ? La confrérie des sportifs et de leurs fidèles pom-pom girls. Confrérie dirigée par Nena Barks, bien connue pour être sortie de désintox’ avant de revenir à Berkeley, et avoir « repris sa vie en main », comme les gens disent, même si Garrett n’y croit pas trop ; quoi qu’il en soit, Nena était quand même une de ses amies intimes. C’était comme ça à Berkeley, la hiérarchie des confréries. Les Beta et les Delta s’étaient redivisés pour que les PPG et leurs amis sportifs forment une confrérie exclusivement sportive, en ce début d’année, le Iota. Cette dernière confrérie avait donc toujours des rapports intimes avec les confréries des beaux gosses et bonasses de l’université – disons les choses comme elles sont. C’est ainsi que notre petit Garrett avait eu l’idée de sortir avec Decadence, une Iota, jolie, simple et délurée à la fois, ne sachant pas qu’il mettrait son futur en péril. Rester trop longtemps avec elle, voilà ce que ça eut donné. Bien qu’il eut été amoureux d’elle, il avait commis l’acte – peut-être une erreur, peut-être pas – de sortir avec non pas une mais trois autres filles durant la fête des jumeaux Bass, sensée clôturer les examens, au début de l’été. Decadence les avait vus et bien que Garrett regretta son geste, il ne put s’empêcher de se dire, par la suite, qu’il avait bien agi, car Decadence se révéla complètement à la masse après leur séparation. Sans râler pour un sou, sans paraître triste de leur séparation, elle n’arrêtait pas de se rendre dans la chambre de ce dernier sans qu’il ne puisse avoir une seule minute à lui, en faisant comme s’ils étaient les meilleurs amis du monde, comme si rien ne s’était passé. Elle ne le laissait plus respirer, ce qui devenait vraiment gonflant.

Cet après-midi là, en beau lundi, Garrett avait fini ses cours assez tôt. Il en profita pour s’incruster dans la maison Iota. Autant tenter le diable, Decadence aurait sa dose de « Gary » pour la journée et le laisserait peut-être tranquille par la suite. Tu rêves, mon grand. Elle n’était même pas là, et Nena était très étonnée de le voir demander après elle, car elle était au courrant de tout, absolument tout ce qu’il se passait entre eux. Il s’y attarda quand même, pour parler de tout et de rien à ses amis Iota. Rentrant chez les Delta, il pressa le pas, décidant de parler à son amie virtuelle sur le net, étant donné qu’ils en avaient convenu de ne pas encore se voir dans le réel. Dakota, elle s’appelait. C’était un beau prénom. Peut-être était-elle jolie ? Il ne connaissait même pas sa confrérie. Lui parler l’apaisait, chassait ses démons. Encore une fois, tu rêves mon grand. En arrivant chez lui, dans sa chambre, reniflant ses sous-vêtements ( ?), qui d’autre qu’une brune pouvait s’y trouver ? Decadence. Pitié, tout sauf elle. Serait-ce son esprit qui lui jouait des tours ou bien ça sentait la pâte chaude ? Elle s’adressa directement à lui. « Tu m’as manqué. » Pas toi, aurait-il aimé lui répondre, mais il était plus exaspéré que fâché, ayant pris l’habitude de la retrouver là. Mais était-ce dépasser les bornes que de renifler son caleçon ?

« Tu... Tu fais quoi avec mes sous-vêtements ? »

Il s’approcha, septique mais aussi effrayé. Qui sait, elle aurait été capable de le ligoter et de lui faire manger ses pâtisseries de force. Et tout se confirma quand elle alla chercher une assiette recouverte d’aluminium qu’elle annonça comme une tarte aux pèches. Ses tartes étaient divines, c’est vrai, si bien que Garrett avait failli grossir rien qu’en restant avec elle. Elle cuisinait vraiment bien. Mais qu’elle lui fasse une tarte aux pèches, leur « symbole », leur délire sur la tarte aux pèches, tous ces souvenirs, était mal venu pour un couple séparé. Garrett n’en avait rien a faire, bien évidemment, de ce qu’elle pouvait penser, parce qu’il ne comptait pas se remettre avec Decadence. Mais en y réfléchissant, elle, elle ne pensait qu’à ça et se mettait en quatre pour arriver à ses fins.

« Je... Tu m’as fait une tarte ? »

En mettant bien l’accent sur le « tarte », bien évidemment. C’était original. Quoi que, la semaine passée, elle lui avait apporté un panier de muffins. Apparemment, elle aimait lui cuisiner des pâtisseries. A quoi bon luter. Il ne voulait plus luter, autant subir. Elle lui demanda d’aller s’asseoir à côté de lui, il y alla, mais tout en gardant une marge d’espace pour ne pas qu’elle lui saute dessus. Elle aurait bien essayé. Garrett savait très bien qu’elle était toujours folle de lui. Il ne pouvait qu’en être flatté, bien évidemment. Il regarda la tarte, elle avait enlevé l’aluminium. Elle était bien faite, encore mieux que d’habitude, alors qu’il les avait toujours trouvées parfaites. Elle s’était surpassée et Garrett se sentait coupable de ne pas pouvoir lui donner ce qu’elle voulait – parce que pour former un couple, il fallait être deux, et si Garrett n’était pas encore en « couple », il était déjà passé à autre chose. D’un coup, elle commença à lui parler. A un moment, Garrett aimait bien quand elle parlait, car il n’était pas très bavard et elle savait très bien combler les vides, quand ils avaient la bouche occupée avec la tarte, évidemment. Il l’écouta parler, soupira intérieurement, ne lui répondit pas et laissa un silence de mort s’installer. Il ne se leva pas non plus pour aller chercher quelque chose pour manger la tarte, n’ayant même pas envie de la goûter. Il avait l’esprit trop occupé à essayer de comprendre pourquoi elle s’accrochait autant à lui, qu’est ce qu’elle lui trouvait de tellement exceptionnel alors qu’il l’avait trompé comme un barbare. Elle parla de pétition mais Garrett n’écoutait que d’une oreille, attendant un moindre toccement à la porte pour pouvoir partir en courrant. Silence de mort, mis a part le discours interminable de son ex-petite amie. Elle termina sur une question un peu retirée des autres sur les cheveux de Garrett. Il se les était fait recouper deux jours avant, et apparemment, Decadence était la première personne à lui faire remarquer qu’elle l’avait remarqué. Garrett aurait pu être flatté, mais il se contenta de passer une main dans ses cheveux, machinalement.

Il se décida quand même à ouvrir la bouche, énervé par le sourire béat de Decadence.

« Qu’est ce que tu fais ici ? »

A part lui apporter une tarte, bien sur. Il voulait plutôt comprendre le fond, il voulait la psychanalyser pour comprendre lui-même ce qu’il avait de si extraordinaire.