De message en message, Aiden avait su faire grimper la tension de Watson. Les photographies, les articles, les papiers divers et variés. A trop fouiner, il risquait d’attirer l’attention sur elle. Des attentions plus sournoises que celle qu’il osait lui accorder. La crainte de voir son passé revenir la hanter la pousserait à beaucoup de chose. Il ne savait peut être pas à quel point ses informations menaçaient sa famille et sa sécurité.

La réunion constitua un supplice hors norme. Les discours lui retournaient l'estomac par l’hypocrisie ambiante. Entre Aiden, Valentina et Rayan, Watson se trouvait servi d'une belle brochettes d'emmerdeurs. Aiden gardait la première place, le luxe, le cinq étoiles des troubles faites.

Aussi, lorsqu’il entra dans la pièce, l’atmosphère de voila. La blonde n’avait plus rien de blond. Ses boucles avaient retrouvé le roux qui les caractérisait jadis. Le regard bascula sur son miroir pour s’attarder sur le reflet de son bourreau. Assise devant sa coiffeuse, Cailin n’osait plus bouger le moindre muscle. A croire qu’elle était retombée en enfance, lorsque les autres parvenaient à la déstabiliser à cause de son poids.

« J’ai déjà une famille. Merci. » Trancha Cailin sans prendre la peine de se retourner vers lui.

Une main arrangea ses mèches de cheveux pour mieux les ordonner. Chaque détail compte lorsque l’on est une Bêta. Un rictus ourla ses lippes à la question du jeune homme. L’envie de le bouffer ne passait plus. Valentina avait brisé une partie de son amitié envers elle depuis qu’elle avait couché avec William, depuis qu’elle avait menti par omission et qu’elle ne s’occupait plus que de son petit couple sans prêter attention au reste. Plus rien ne la retenait et pourtant, Watson répugnait l’idée de salir la réputation d’une amie.

« Pourquoi est-ce que tu veux des informations sur elle ? Tu ne peux pas la mettre dans ton lit tout seul, comme un grand. Aiden aurait besoin qu’on lui tienne la main. » Railla-t-elle dans un sourire sincère et sincèrement agaçant.

La douceur ne parvenait pas réellement à fonctionner. Le corps de la poupée rousse se relevait déjà, tel un rapace tournoyait autour de sa proie. Qui avait dit qu’elle devait se transformer en victime sous prétexte qu’un idiot l’avait décidé ? Perchée là haut, sur ses talons aiguilles, les courbes féminines se mouvaient de droite à gauche, lentement, lascivement. Du rapide, elle devenait reptile, prête à hypnotiser sa cible pour mieux la dévorer. Le pied droit tombait alors brutalement sur le rebord du lit, obligeant Aiden à écarter les jambes pour éviter de se faire perforer le mollet par un talon trop aiguisé.

« Ôte ton derrière de mon lit avant que je ne te le botte. » Souffla-t-elle, le sourire toujours aussi étincelant.

Il avait ce pouvoir étrange de cracher des horreurs alors qu’il se présentait sur un visage radieux et tendre. Poussant vers l’arrière sur sa jambe en appui sur le rebord, Cailin reposa les pieds au sol après un pas en arrière, nécessaire pour laisser à Aiden le loisir d’obéir.

Aiden et Valentina étaient donc, au minimum, d’anciens amants. Pourquoi est-ce que la chose ne la surprenait en rien ? Un détail de la vie de son amie que la rousse ignorait sans le regretter. Quoiqu’à l’instant, l’information lui aurait apportée plus de pouvoir. Un temps, elle ne manqua pas d’emprise sur le jeune brun. La surprise avait dépeint sur son visage. Il n’était pas si inébranlable. Pourquoi fallait-il que Valentina lui rapporte des ennuis ? Un ex amant mécontent, un ex petit ami jaloux…  Un cœur brisé qui réclamait vengeance ? Avait-il seulement un cœur ou une conscience ? Cailin ne se doutait pas qu’une vulgaire place pouvait produire cet effet. En réalité, elle aurait pu, mais elle s’imaginait tout autre chose, plus vraisemblable à ses yeux.  Bien évidemment, elle se serait passé des détails sur le passé d’amant de son amie et de ce sadique.

Un sourire doucereux fendit son minois de poupée. La porcelaine s’avérait plus solide qu’elle ne le laissait deviner.  Aussi, un geste simple répondit à la provocation du garçon. Qui s’y frotte s’y pique.

Attrapant d’un geste rapide du bras un produit qui trônait sur le coin de sa coiffeuse, Cailin vaporisa les yeux de son bourreau. Visiblement, les menaces qu’il avait envoyées ne suffisaient plus. La rousse savait que certains maîtres chanteurs magnaient mieux la menace à la fine lame du couperet. S’il balançait les petites affaires de Cailin au grand jour, alors il n’aurait plus rien pour gagner sa propre petite bataille contre Valentina. Malheureusement, la journaliste ne pouvait se permettre de voir des informations à son sujet publiées. Elle perdrait bien plus qu’une seule place au sein de la confrérie et sa famille serait à nouveau en danger.

« Crois moi, mes talons aiguilles sont plus acérées que ta langue de vipère, qui, cela dit en passant, finirait merveilleusement bien sous mon talon. »

L’affaire en main n’échappait plus à la journaliste. L’objectif en tête demeurait simple. Trouver ce qu’Aiden mijotait pour mieux le manipuler à sa guise, retourner la situation à son avantage. Parfois, il fallait savoir ruser pour obtenir des informations.

« Alors ? Qu’est-ce que tu veux à Valentina ? Pourquoi  est-ce que tu es allé la chercher ? » Interrogea-t-elle dans ciller.

Qui menait la danse ? Qui sentait sa période d’interrogation réduire à vu de nez ? Cailin. Néanmoins, elle ne perdait pas de temps dans les longues réflexions sur la meilleure stratégie. Actuellement, la jeune femme avait choisi l’attaque ! Parfois, ne pas réfléchir pouvait aider à reprendre la main, parfois, ce genre d’acte conduisait à sa propre fin. Dans le fond, Watson sentait qu’il ne lui restait rien à perdre. Et puis, pourquoi continuer à protéger Valentina alors qu’elle avait trahi sa confiance ? La colère et la peur la menaient à des réflexions stupides. Aiden en payait les frais. Espérons qu’il sache s’adapter car s’il ne passait pas les tests de Cailin, il n’obtiendrait rien d’elle. Watson connaissait les hommes pour avoir vécu avec durant de longues années. Ils n'étaient tous que de beaux parleurs et de parfait branleurs! Comme un enfant turbulent, Watson franchissait toutes les limites, ou presque.

Il était presque étrange, Aiden. Loin de l’agressivité habituelle, son comportement frisait la délicatesse. Un temps déstabilisé par le manque de combativité de son maître chanteur, la rouquine plissa le regard pour mieux l’analyser. Est-ce qu’il avait maigrit ? Est-ce qu’il avait perdu du muscle ? Est-ce qu’il déprimait ? Peut être ne lui donnait on pas assez à manger !

« On a toujours le choix. » Grinça Cailin, toujours aussi peu encline à trahir son amie.

Son propos ne la laissait pas indifférente. Il était vrai que les derniers évènements laissaient une marque amère dans l’esprit et le cœur de Watson. Pourtant, faire du mal volontairement changeait de se laisser porter par une pulsion. Valentina n’avait fait qu’une bêtise. Cailin tentait de s’en convaincre.

« Tu l’as dis toi-même quand on entre ici, on prend les membres pour deuxième famille. Il n’y a que toi pour oser  faire du mal à une sœur.  » Déclara Cailin dans un sourire parfaitement hypocrite.

Comme si cette affaire de famille pouvait être vraie. Qui ici, dans cette confrérie, les membres se croyaient dans une famille ? Chacun tentait de tirer la couverture de son côté.  Et c’est ce que ferait Cailin.  Puisque les rencontres dans sa chambre commençaient à lui peser. Aussi, puisque ses talons la grandissaient, elle faisait le choix de prendre la tête et de mener la danse. Le pas la porta vers la sortie. Puisque Monsieur semblait tant apprécier ses produits de beautés, qu’il en profite. Cailin ne tenait pas à rester en sa présence. Après tout, il ne savait même pas ce qu’il attendait, où il allait et ce à quoi Cailin pourrait lui servir. Loin de se douter des manigances du beau brun, sa volonté de le mener en bateau la poussa à quelques excès idiots. Il la voulait ? Il lui demandait des informations ? Alors qu’il vienne les chercher ! En attendant, les couloirs l’attendaient pour une petite promenade. En public, le garçon devrait bien se tenir et l’ensemble assurait à Cailin de ne pas finir écrasée sur son propre lit. Ici, elle se sentait plus grande et plus forte. Qu’il court un peu. Après tout, elle pouvait bien le faire marcher après les vacances qu’il lui avait fait mener !

Il guettait. Félin ou marionnettiste avisé ? Le mâle dans toute sa splendeur fouinait. Guidé par son immuable instinct de perversion, il trouva rapidement les sous-vêtements de la rouquine. Le tiroir révéla sans pudeur son contenu. Trois soutient gorge et trois culotes. Depuis des mois déjà, son armoire se vidait lentement. Des robes de marque, des vêtements luxes… tous avaient été vendu pour financer ses besoins croissants en soins médicaux. Des soins qu'elle aillait d'ailleurs suivre le soir même, dernière visite médical pour s'assurer de la stabilité de son état de santé. Du calme lui était recommandé. La bonne blague quand on pensait qu'elle récupérait ses enfants à la sortie de l'école, retrouvait son ex fiancé, le même homme qui l'avait tabassé et qu'elle subissait bien d'autres pressions. Sa vie serait courte et le seul repos qu'elle s'accorda le soir fut un petit somme entre les bras de son ancien bourreau, loin de s'imaginer que le nouveau s'amusait avec sa chambre. Le matin remit le couvert d'une routine bien huilée, petit déjeuné pour les gamins, bisou envolé pour l'ex fiancé, course devant l'école, cours, travail, cours, retour à l'école chercher les mouflets et direction la chambre universitaire. La guirlande joua de ses nerfs alors qu’elle couvrait les yeux de ses enfants.  

« On a fait une blague à Tataline. » Rigola Cailin avant de tout ranger rapidement dans son dos.

L’ordinateur détourna l’attention des deux mômes. Les laisser sans surveillance inquiétait la jeune femme. Hors de question d'aggraver la situation par un geste encensé. Elle songea plutôt au moyen de faire payer cher cet affront. L'engrenage dans lequel elle avait mis le doigt, contre son gré, brouillait tout sur son passage. Les dégâts blesseront plus d'une personne. Son esprit tordu réfléchi longuement avant de se décider.  L'ex-femme de son ex-fiancé ne tarda pas à venir chercher ses deux garnements. Les petits ne manquèrent pas de raconter l’histoire à leur mère qui bondit sur l’occasion pour envoyer un pic assassin à la jeune journaliste. Qu'elle aille au diable.

L’heure était venue à la vengeance ! La petite bêta se faufila dans la chambre du delta et glissa un petit mot dans sa boite de capotes avec la phrase suivante : « Tous troués ! »Le papier fut remit en double pour être vu de n’importe quel côté d’ouverture.  Bien sûr, aucun n’était abîmé mais comment le savoir. Un fin petit trou, un passage près d'une source de chaleur trop intense auraient pu les fragiliser. Bien sûr, elle n’oserait pas. La santé d’une pauvre innocente jeune femme ou homme était en jeu. Finalement, son postérieur trouva le siège de son bureau. Amusée ? Pas réellement. Pourtant, lorsque la clef tourna dans la serrure, la mise en scène s'activa d'elle-même. Le siège pivota pour faire face à Aiden.

« Tu voulais me voir. » Annonça-t-elle dans un demi sourire carnassier.

Les ongles  de sa main droite griffèrent le faux cuir pour accentuer son côté félin. Ils venaient franchir un pas, non ? Alors autant jouer à deux dans la cours des grands.

« Me voilà. »

Les jambes croisées se terminaient par son talon aiguille qu’elle balançait toujours avec lenteur. Un charmeur de serpent n’aurait pas mieux fait. Mais Aiden ne se laisserait pas si facilement détourner de ses premiers amours. Mais la rouquine ne cherchait pas à séduire la bête.  Personne ne met en travers d’un taureau qui charge. On attend simplement qu’il croise un mur.

« Alors venons-en au fait. J’attends des garanties pour mon savoir. Les informations ne sont jamais gratuites. »

Qu’il cesse de chercher et qu’il pense tenir. La rouquine redoutait de voir sortir de l’ombre un démon de son passé. Mais elle ne vendrait pas Valentina pour du vent. Qu’est-ce qui lui garantissait que le jeune homme ne reviendrait pas continuellement à la charge ? Rien. Et c’était ce qu’elle attendait à présent. Les négociations étaient ouvertes !