Quand il s'agit de femmes, évidemment que le Rayan a une vue des plus aiguisée, à défaut d'avoir un flair adéquat, mais peu importe. Et pour cette histoire d'ascenseur, sans commentaire, j'adresse un regard fort blasé à mon oncle. Au pire, tonton, on s'en fiche, j'suis pas handicapé. Enfin, pas à proprement parler. Chez moi, il est question d'être sentimentalement amputé, mais passons ce détail. Levant les yeux au ciel, je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel. Comme si un père, capable de dire à son fils qu'il n'est rien à ses yeux, était capable d'éprouver le moindre sentiment à l'égard de ce dernier. Mais n'allons pas en vouloir à ce pauvre Noah, après tout, il n'était au courant de rien et n'avait eu vent d'aucun propos tenu au cours de ma rencontre avec William. C'est peut-être mieux ainsi, je n'ai pas besoin que quelqu'un s'initie dans nos affaires, Kenzo m'ayant déjà assuré qu'il ne me forcerait à rien et je ne crois pas que notre oncle soit adepte de la même méthode. « J'ai pas de défauts, que des qualités. », lançais-je tout en enfilant à nouveau ma chemise. Au vu du regard de Noah, je pousse finalement un large soupir. D'accord, je ne dirais la vérité, rien que la vérité. « Bon d'accord, j'suis bourré de défauts et ça prendrait trop de temps pour apprendre à tous les connaître. C'la dit, j'crois que William en a déjà aperçu pas mal. Et on doit très certainement avoir les mêmes. » La pression vient de monter d'un cran, je m'énerve moi-même à parler de la sorte et à me comparer à mon paternel. Non, mais tonton, arrête de parler, t'as toujours pas compris que j'en avais strictement rien à faire de ce que tu peux dire sur le sujet William ou la possible relation que je peux entretenir avec ce dernier. « J'préfère encore qu'on s'entre-tue, dans ce cas. Hors de question de partager le même territoire que lui, ça fera des étincelles au quotidien. » Guerre d'égo, vous connaissez ? Le petit lionceau refusant la domination de son père et le lion qui refuse de voir son petit prendre sa place sur le trône. Du sang et un tas de blessures, plus ou moins graves à longueur de temps. C'est du tout réfléchi, il nous est impossible de nous croiser sans que la tension soit palpable. J'en viens à hausser un sourcil tout en m'emparant de la dite lettre. Ah, le fameux complexe de Noah lorsque quelqu'un se met à parler de sexe. Évidemment, que mon jumeau m'en a parlé ! « Quoi ? J'ai juste dit le mot préservatifs, c'est pas un gros mot. Faut pas vous montrer gêné pour si peu, on est entre hommes. » Et encore, je reste gentil, je pourrais l'enfoncer tellement profondément qu'il ne pourrait plus jamais sortir de son trou. J'arbore une mine un tantinet dépitée, j'aurais préféré avoir affaire directement à cette fameuse doctoresse. « Avec un peu de chance... », soupirais-je. Aucun homme ne me tripotera, sauf si je le désire, cela va de soit, mais ça sera d'une toute autre manière que pour une séance de kiné. Je fronce les sourcils, dans un premier temps, entendant que ma grand-mère serait tout à fait capable de débarquer à l'université quand bon lui semble. Et l'instant d'après, mes yeux s'écarquillent d'eux-mêmes. Sérieusement ?! « Beurk, t'oserais lui faire ça ? Enfin, du moment qu'on parle de lui et pas de moi, je n'y vois pas le moindre inconvénient. Et pour sa défense, c'était pour voir si Socrate ferait un joli sch... schou... schoupf, ou je ne sais trop quoi. » Un schtroumpf, oui. La culture américaine, c'est bien souvent dur à cerner, d'autant plus lorsqu'il ne s'agit pas de grande littérature. « Mais il était mignon, non ? En bleu avec juste le bout des pattes en blanc... On n'a juste pas eu le temps de lui coller le bonnet blanc parce qu'on a pas réussi à trouver la colle extra-forte... » Tais-toi Rayan, sinon dans trente secondes, tu seras cul nu devant Noah qui se fera un plaisir de te faire passer à la casserole. « Et c'est du sérieux ? Pour la grand-mère qui risque d'arriver sans prévenir ? Parce que c'est juste pas possible, j'ai une réputation à tenir... surtout que j'ai pas grand-chose à leur dire au téléphone... ça serrait bête de payer une communication pour cinq minutes de silence au bout du fil. » Je n'avais absolument rien à dire à mes grands-parents, que l'on soit bien d'accord.