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hello darkness. (matthew)

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MessageSujet: hello darkness. (matthew) hello darkness. (matthew) EmptyMar 31 Déc - 10:33



No,
rendez-vous ce soir à 21h à l'angle de notre café préféré.
Ta première fois.
PS : Sors le grand jeu.

Toujours aucune trace de lui. Nora guette chaque silhouette, chaque visage, mais jamais celui de Matthew n'apparaît. Alors elle relit une nouvelle fois le morceau de papier qu'il a glissé sous sa porte un peu plus tôt dans la journée pour s'assurer qu'elle ne s'est pas trompée. D'adresse. D'heure. De jour. C'est con. Parce qu'elle l'a froissé et défroissé tellement d'fois qu'elle le connaît par cœur, le texte qu'il a écrit à la va-vite au dos d'une enveloppe ayant déjà servi. Il est presque vingt-deux heures. Et ça fait presque une heure qu'elle attend. Qu'elle l'attend. Sept textos sans réponse. Quatre appels dans le vent. Elle refuse de partir, malgré ça. Il doit avoir une excuse, une bonne excuse, une de ces excuses qu'on ne croise que dans les vieux films à l'eau de rose. Je suis resté bloqué dans l'ascenseur de l'immeuble. Maman est tombée dans le coma mais je ne voulais pas te louper. J'ai traversé toute la ville à pieds parce que je ne trouvais aucun taxi. Je t'ai faite attendre mais crois-moi, le jeu en vaut la chandelle. Elle passe les minutes comme ça, Nora, en faisant la longue liste des excuses qu'il aura le droit de lui sortir quand il se pointera enfin devant elle. Et quand elle a fini, elle fait la liste de celles qu'elle ne pardonnera pas. La toute petite liste ridicule des choses impardonnables. Et tant pis si Nora, elle pardonne tout, tout le temps. Tant pis si elle n'a jamais appris à en vouloir pour de bon, à en vouloir pour toujours. Elle préfère détester à petite dose, paraît qu'ça fait moins mal. Elle passe la liste de courses, la liste des choses à faire avant de crever, la liste des interdits dans un couple, des premières fois, des dernières fois, puis elle termine par la liste de toutes les insultes qu'elle connaît. Après ça, elle se dit qu'elle a fait le tour, jette un énième coup d’œil à son portable pour constater que ça fait une heure vingt qu'elle s'occupe comme elle peut, une heure vingt qu'elle attend un type qui ne viendra sûrement plus. Elle s'met à mater le ciel qu'a paumé ses étoiles et pense à Lenny, Lenny qui est scotché là-haut depuis plus d'un an maintenant, Lenny qui lui manque toujours autant, même après ces quatre-cent trente-six jours d'absence. « Heureusement que tu restes un peu avec moi, toi. Parce que tu sais quoi, Lenny ? J'ai l'impression que le monde entier se fout de ma gueule ces derniers temps. Et puis j'en ai marre de leur courir après. J'ai pas que ça à faire, si ? Si, t'as sûrement raison. J'ai que ça à... » On la dévisage, on la prend pour une folle, une tarée avec des tas d'amis imaginaires. Alors elle se lève du trottoir sur lequel elle était assise depuis tout ce temps et s'enfonce dans la nuit noire. Elle marche au hasard, et quand elle en peut plus du hasard qui fait tout de travers, elle se décide pour le DNA Lounge. C'est le bar préféré de Matthew. Elle ne sait pas s'il sera là-bas, elle ne sait même pas pourquoi il n'est pas avec elle en ce moment-même alors qu'ils ont pour habitude de traîner ensemble ces soirs de fête où le cœur n'y est pas. Ils sont un peu pareil, tous les deux. Ils ont beaucoup perdu au jeu de la vie. Un frère. Une mère. L'amour. Paraît qu'ils ont des tas d'histoires à s'raconter, des tas de choses affreuses sur lesquelles ils peuvent se lamenter ensemble. Paraît qu'ils sont faits du même bois, même s'il a choisi d'être à moitié mort là où elle a choisi d'être à moitié vivante. Il lui faut trente bonnes minutes pour arriver au bar et lorsqu'elle passe la porte du bar, elle ne sent plus ses pieds ni ses doigts. Elle a la phobie des véhicules, Nora. Train. Taxi. Avion. Camion. Elle s'rappelle qu'avant, y'avait rien qui lui plaisait plus qu'une bonne voiture lancée à pleine vitesse. Et puis y'a eu Lenny fauché par une bagnole avant d'être trois mois plus tard fauché par la vie et depuis, c'est un truc qu'elle déteste à longueur de journée. Elle traverse San Francisco à pieds -parfois en vélo- et ça la rassure, cette sensation de voir sa vie qui n'file pas à mille à l'heure. « Bonsoir.  » Elle salue le portier, lui adresse un sourire, et se dirige directement vers la table vingt-six. C'est la table de Matthew. Sûrement un chiffre spécial à ses yeux, à vrai dire, elle n'a jamais pensé à lui demander. Elle finit par distinguer sa silhouette dans la pénombre. Elle a la sensation qu'elle pourrait le reconnaître entre mille. C'est un truc qui l'a toujours faite sourire, cette façon si singulière qu'il a de pencher la tête sur le côté droit et de fermer les paupières pour écouter le jazz qui se jour par ici. Même ce soir, alors qu'elle vient de passer plus d'une heure dans le froid à l'attendre, sa posture lui arrache un mince sourire. Arrache, oui. Parce qu'il s'agit bien de ça. Il lui arrache un sourire, il lui arrache un rire, son chagrin lorsqu'elle n'en veut plus... Et puis ce soir, il lui arrache le cœur. « Si tu n'avais pas envie de passer la soirée avec moi, pourquoi m'avoir laissé ce mot en me demandant de me mettre sur mon trente-et-un ?  » Elle attend qu'il daigne la regarder pour faire un tour sur elle-même. Elle l'a écouté. Comme souvent. Elle l'écoute toujours. Elle dévore, même. Ses histoires. Ses échecs. Surtout ses échecs. Elle hait la robe qu'elle porte pour lui, cette robe verte sapin à mille thunes qui lui va pourtant tellement bien. Elle hait les robes, de toute façon. Puis ce début de réveillon au goût d'enfer au goût de rien. « Qu'est-ce qui se passe, Matthew ?  » Nora réduit l'espace entre eux et glisse sa main sur son bras. Il doit avoir une raison valable, une raison qui se trouve sur la longue liste des excuses acceptables. Elle en est certaine. Sa main libre attrape le verre de whisky qui traîne devant son ami et elle en boit une gorgée avant de grimacer légèrement. Elle commande quand même la même chose au premier serveur qui passe, comme ça, parce qu'il semblerait qu'elle ait des milliers de trucs à noyer, tout à coup. A commencer par cette soirée qu'elle imaginait agréable et qu'est toute cabossée. Un peu comme eux. « Joyeux réveillon. »

Spoiler:
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MessageSujet: Re: hello darkness. (matthew) hello darkness. (matthew) EmptyMar 28 Jan - 1:00

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    Le visage pâle, les cernes creusées par les nuits blanches à répétition, ce n’est pas mon reflet que j’ai l’impression de voir dans le miroir mais plutôt un fantôme. Un fantôme que je suis amené à devenir, un pauvre mec qui a raté sa vie, un pauvre mec qui n’est pas capable de retenir les gens qu’il aime. Trois jours, trois longs jours que l’hôpital m’a téléphoné, trois longs jours que je n’avais pas dormi. Mais il n’était pas question que le scénario se reproduise ce soir. J’avais invité Nora. C’était le réveillon, il était hors de question de passer la soirée à ruminer de mauvais souvenirs. Non, je ne devais pas penser à elle ce soir, je ne pouvais rien pour elle, seule la science, que dis-je, seul un miracle pouvait la sauver sur son lit de mort. Un cancer du sein foudroyant venait tout juste d’être diagnostiqué chez ma mère. Et en fils lâche que j’étais, je n’avais même pas daigné aller la voir, j’avais préféré ici, à San Francisco, à me ronger les ongles jusqu’au sang, alors que j’étais en vacances. Je ne lui parlais plus depuis des mois, mais elle restait ma mère, mon devoir aurait été d’aller la voir, d’être avec elle, de redevenir ce bon fils que j’étais auparavant, de l’aider du mieux que je pouvais durant ces dernières semaines qu’il lui restait à vivre. La vérité, la vérité c’était que j’étais effrayé, c’est que j’avais une peur noire de retourner dans ces putains d’hôpitaux. Je me disais que si n’y allais pas, tout cela était paraissait un peu moins vrai, que ce n’était qu’un mauvais rêve et que j’allais bientôt me réveiller. Je ne voulais pas affronter la vérité en face, je ne voulais pas voir son visage blafard, je ne voulais pas lui tenir sa main rachitique, je ne voulais pas entendre son dernier souffle, je ne voulais pas tout cela. Je la revoyais, belle, rayonnante lorsque j’étais enfant. C’était cette image là que je voulais garder au fond de moi, pas celle d’une mère qui m’avait déçu, pas celle d’une mère épuisée, mourante. Je faisais preuve d’un égoïsme sans pareil et j’en étais conscient. Cette nouvelle, je n’en avais parlé à personne. Je n’avais même pas pris le temps d’appeler mon frère à la prison. Non, je noyais mon chagrin dans l’alcool et la drogue, seul. C’était de cette manière que je m’étais retrouvé à être assis ici, au DNA Lounge. Probablement le bar que j’affectionnais le plus dans San Francisco, une belle scène, des open mic, j’aimais l’ambiance qu’il y avait ici, je m’y sentais bien. Chaque fois que je venais, cela me mettait un peu de baume au cœur, même aujourd’hui, alors que je me préparais déjà à faire mon deuil. Je commandais verre après verre,  diluant involontairement mes whiskys avec les larmes qui tombaient de mes joues, au compte-goutte. Je ne m’en apercevais même pas, j’étais simplement là, plongé dans mes pensées, à boire, à fumer, à laisser le temps s’en aller, à faire en sorte que tout passe plus vite, que ses souffrances s’achèvent le plus rapidement. Les minutes paraissaient durer des secondes, et les heures des minutes. Je ne voyais pas le temps passer, assis, perdu dans mes pensées, à ruminer de mauvais souvenirs, tous les mauvais souvenirs, tous les problèmes qui surgissaient sans cesse autour de moi. La mort de mon père, mon frère en prison, toutes mes galères quand je dealais, Drew qui me tire dessus, Reagan qui ne se souvient plus de moi, mon frère qui retourne en prison et maintenant, ma mère. J’étais seul, complètement seul dans ce monde fou, ce monde qui m’enlevait toutes les personnes qui m’étaient chères les unes après les autres, comme pour me tuer à petit feu, pour faire durer la souffrance. Cette putain de souffrance, je voulais la faire taire à jamais, je ne voulais plus vivre ce genre de sensation, mais je n’y arrivais pas, cette fois-ci, c’était plus fort que moi. Je n’avais vraiment pas fait attention au temps qui passait, qui courait. Il était déjà tard, vingt-deux heures passé. Cela faisait plus d’une heure que j’aurai déjà dû rejoindre Nora au café où nous avions l’habitude. Je n’avais pas la force d’y aller, encore moins la volonté. Je ne voulais même pas daigner prendre mon téléphone pour la prévenir, non, j’avais seulement envie de rester seul, en tête à tête avec énième whisky qui me faisait de l’œil. Mais apparemment, le destin était une nouvelle fois contre moi. Ce n’était pas ce soir qu’on allait me laisser tranquille, pas ce soir que je pourrai déprimer paisiblement. Non, cela aurait été trop beau. De je ne sais trop quelle manière, Nora m’avait retrouvé et avait l’air en colère. D’un côté, je pouvais la comprendre, personne n’aimait se faire poser de lapin. Mais je n’avais pas envie de prendre la peine de lui expliquer mes raisons, je restais de marbre, plongé dans mon mutisme face à ses reproches, sans même détourner le regard sur sa personne. Je ne voulais pas me battre, je ne voulais pas me disputer, je n’en avais pas la force, le dédain était tout ce qu’il me restait à présent. Nora finit tout de même par me demander ce qu’il se passait. Comme si elle pouvait voir à travers mon manque d’expression que quelque chose clochait, comme si elle pouvait me comprendre sans même que je n’arque un sourcil, sans même que je n’ouvre la bouche, sans même que je ne cligne les yeux. Elle était comme ça Nora, elle était spéciale, elle était une des rares qui me comprenaient une des rares qui savaient me cerner, une des rares qui avaient vécu quelque chose de similaire à moi. Non, ça n’allait pas, ça n’allait même pas du tout. Mais je n’avais pas le cœur à en parler, pas le cœur à me plaindre encore une fois que ma vie était merdique, pas le cœur à me mettre à nu, pas le cœur à m’ouvrir, pas le cœur à souffrir. « Je n’ai pas vu le temps passé. » Je ne prononçai même pas la moindre excuse, ce n’était pas ce que je cherchais, pas ce que je voulais. Détournant enfin un regard dans sa direction, je finis par lui faire un compliment sur sa tenue. « En tout cas, t’es canon ce soir. » Toute en délicatesse, bien évidemment. Je repoussai finalement une chaise pour qu’elle puisse s’assoir à ma table. Au fond de moi, j’avais honte, honte qu’elle me voit dans cet état, honte de lui faire subir mon comportement, d’autant plus pour une soirée censée être si spéciale comme le 31 Décembre. « Tu veux faire quoi ce soir ? Je paie tout en compensation de mon retard. »
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MessageSujet: Re: hello darkness. (matthew) hello darkness. (matthew) EmptyMar 28 Jan - 23:03



Nora, elle passe son temps à faire des trucs inutiles. Elle fait des listes, elle écrit à son frère alors que ses lettres, il ne pourra plus jamais les lire, elle mange le dessert avant le plat, range les livres par ordre alphabétique sur sa table de chevet, n’enregistre aucun numéro sur son téléphone mais les apprend par cœur. Elle range toujours la clé de son casier dans sa chaussure, porte une fleur dans les cheveux chaque premier du mois, met quatre réveils à intervalles réguliers pendant la nuit, prend un bain avec les jouets qu’elle avait déjà gamine, et tant pis si elle n’y joue plus. Et puis surtout, elle tient un cahier. C’est un truc qu’elle garde pour elle, qu’elle planque sous son matelas depuis des années. Dedans, elle n’y met pas sa vie. A quoi bon ? Elle y met celles des autres, des gens qu’elle rencontre à l’angle d’un café, au parc ou bien en cours. Elle se fout bien qu’ils ne soient qu’en voyage de quelque temps dans sa vie ou là pour l’éternité, tout ce qu’elle veut, elle, c’est pouvoir relire ce vieux cahier à la gueule de relique ces soirs où elle se sent toute seule, lorsque  les gens autour ont mieux à faire que de penser à elle.  Elle les comprend, et elle ne leur en veut pas. Alors pour que le temps passe plus vite en les attendant, elle ouvre son livre aux cent-dix-neuf noms inscrits et le lit. Matthew, il occupe la page quatre-vingt-treize. Et à côté de son nom, en gros, elle a écrit « On est invincible jusqu’au jour où l’on réalise ». « Je n’ai pas vu le temps passer. » Elle trouve que c’est une phrase qui lui colle à la peau, une phrase qu’on aurait dû tatouer en gros sur son avant-bras, pour prévenir les gens : risques d’éboulements fréquents. Elle aurait aimé connaître autre chose de lui que cette gueule fracassée par la vie, autre chose que cette immensité de vide dans ses yeux et que cette voix marquée par trop d’échecs. Mais plus jamais Matthew ne redeviendra invincible. Elle aurait été prête à enlever un par un les bouts d’gravier en trop de ses entrailles, à faire sécher du ciment un peu partout pour tout solidifier à nouveau, mais elle sait que tout ça ne changerait rien. Il va rester comme ça, Matthew, entre la vie et la mort, avec un cœur qui bat, des poumons qui se gonflent et se dégonflent comme deux gros ballons… et tout l’reste qui se fait la belle. L’envie. Le désir. L’espoir, surtout. Il va rester comme ça, à un quart atrophié et trois quarts déglingué. Le pire, c’est qu’il en crèvera pas. Il crèvera sûrement d’autre chose. D’une overdose. Ou bien de vieillesse. Mais même là, il pourra pas dire qu’il aura bien vécu. Il pourra p’tet même pas dire qu’il aura vécu, lui qu’aura passé sa vie à façonner la douleur comme un souffleur de verre. «  En tout cas, t’es canon ce soir. » Elle hausse les épaules, il l’a à peine regardée. Et dire qu’il n’a même pas pris la peine de lui sortir une excuse qu’elle aurait pu trouver sur la liste des excuses pardonnables. « Toi, par contre, on dirait bien que t’as fait aucun effort pour le réveillon. Ni pour moi. » Elle ne parle pas seulement de sa chemise mal repassée, elle parle aussi de cette barbe qu’il doit traîner depuis plusieurs jours, et de ces immenses cernes creuses qui squattent sous ses yeux. On dirait des poches à regrets. Elle finit malgré tout par s’installer sur la chaise qu’il vient de tirer pour elle, parce que si tous les autres se seraient déjà barrés face à ce grand mur fait de glace, elle s’est faite la promesse de remettre un peu de couleur dans ses pupilles délavées. « Tu veux faire quoi ce soir ? Je paie tout en compensation de mon retard.» Elle souffle, bien fort, pour faire rentrer dans la caboche de Matthew qu’il peut arrêter de jouer au con, et qu’il a gagné. « Ca y est, je n’ai plus envie de rire. Content ? » Elle roule des yeux tandis que son verre de scotch arrive enfin, en avale une gorgée qui lui arrache une énième grimace. Et vrille Matt du regard. « Pas de chance pour toi, rien de ce que je veux ce soir ne s’achète. J’aurais voulu passer une bonne soirée… Mais on dirait bien que c’est mal barré.  » Elle ne lui rappelle pas que c’est une Osborne, et que donc, par définition, elle n’a pas besoin de son fric. « Bon.  »Les gens autour d’eux on l’air de s’amuser. Y’a tout ce brouhaha qui court dans ses oreilles, ces rires qui s’accrochent à ses tympans. Et lui, plongé dans un mutisme qui lui donne envie d’éclater un verre sur ses chaussures cirées. « Je sais pas ce que tu as Matt’, mais je n’ai pas envie de supporter cette tête dépitée toute la soirée. » Le problème, c’est qu’elle n’a pas non plus envie de ne pas la supporter et que par-dessus tout, y’a un truc qui l’empêche de foutre le camp de cette table.   « Tu sais quoi ? On va faire un truc. » D’un signe de main, elle interpelle un des serveurs et lui commande un plateau de shooters de vodka. « Et puis non, j’ai pas d’idées de jeu.  » A la place, elle enchaîne deux shooters de vodka et plante son regard dans celui de Matthew. « Ecoute, je ne compte pas partir Matt. Alors tu peux me laisser boire comme ça jusqu’à ce que je sois ivre morte, partir en courant mais je n’ai pas peur d’enlever mes talons et de me retrouver pieds nus dans San Francisco pour te rattraper. Ou tu peux simplement me dire ce qui se passe, et pourquoi tu m’as demandé de venir.  » Hein, Matthew, pourquoi ? Pourquoi tu m'dis pas ? Et puis c'est quoi, ce fossé que tu creuses entre nous ?
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MessageSujet: Re: hello darkness. (matthew) hello darkness. (matthew) EmptyJeu 6 Fév - 1:55

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    Je n’ai pas envie de faire comme tous ces gens et de fêter la nouvelle année. A quoi bon, elle sera toute aussi pourrie que les autres cette année, encore une année à voir les gens qu’on aime souffrir, encore une année à devoir surmonter toutes sortes d’épreuves. J’aime la vie – sinon je me serais tiré une balle depuis longtemps – mais la vie est une pute, une pute qui te baise mal et que tu paies une fortune, une pute qui t’apporte plus de souffrance que jouissance, une pute qui te refile une MST. Alors non, je n’ai pas envie de fêter cette nouvelle année qui arrive. Non, tout ce que je veux faire ce soir, c’est boire, boire encore et finir la soirée à me défouler sur un type, comme le faisait mon père. Mais là encore, je pourrai pas dire que c’est dans les gènes, que je n’y suis pour rien, car mon père, il ne l’est pas réellement, du moins, pas biologiquement. Non ce n’est pas une tare génétique, je suis juste un raté qui éponge sa tristesse dans l’alcool, qui boit à en perdre le contrôle, à en devenir agressif et qui voudra frapper quelqu’un qui aura croisé mon regard. J’ai honte de cette personne que je suis en train de devenir, l’alcool n’a jamais résolu le moindre de mes problèmes, bien au contraire. Mais je continue d’enchaîner les verres, les uns après les autres, me penchant sur cette vie de raté que je mène depuis plusieurs années. Nora fait finalement son apparition dans le bar, foutu karma qui ne veut pas me laisser tranquille. Je n’ai envie de voir personne ce soir, laissez moi dépérir seul, je n’ai pas besoin de babysitter. Une petite remarque sur ma tenue, c’est cool, je n’en ai rien à foutre. Je n’allais pas me mettre sur mon trente-et-un pour aller picoler dans un bar, ni pour toi Nora, non, je n’avais envie d’être présentable pour personne, je me foutais de ce que pouvais penser les gens. Une seule opinion m’importait à l’heure actuelle, celle de ma mère, sur son lit de mort. « Tu m’as pas demandé de bien m’habiller à ce que je sache. » Elle est peut-être énervée du lapin que je lui ai posé –ou de mon retard, appelez ça comme vous voulez – mais je n’acceptais pas que l’on me juge, surtout pas Nora. C’était ce qui était bien dans notre relation, on ne jugeait pas ce que faisait l’autre, alors non, elle n’allait pas commencer ce soir, à moins qu’elle souhaite rendre cette année 2013 encore un peu plus pourrie qu’elle ne l’était déjà. Je m’enfile un autre scotch avant de porter à nouveau mon regard sur elle. Elle n’a plus envie de rire qu’elle me dit. Parce que moi j’ai envie de rire peut-être, j’ai envie de m’amuser dans ce monde de merde ? Non, je n’ai pas envie de rire, ou plutôt, je ne peux plus rire. J’ai traversé trop d’épreuves, trop de souffrance, je ne sais pas vraiment si je pourrai connaître à nouveau ce qu’est la joie de vivre, le bonheur, le vrai, pas celui que l’on nous vend dans les films à l’eau de rose. « J’ai une gueule à être content ? Tu voulais passer une bonne soirée ? Pourquoi as-tu accepté mon invitation dans ce cas ? L’invitation d’un pauvre type qui ne peut t’apporter que de la peine. » C’est la triste vérité, je ne pense pas avoir apporté une seule fois ne serait-ce qu’une once de bonheur à Nora depuis que l’on se connait. Même dans ces moments où je pensais être heureux, non, je ne faisais qu’entretenir cette espèce de mélancolie dans laquelle nous nous étions plongés. « T’aimes pas le dépit ? Si c’est du bonheur que tu cherches t’as pas frappé à la bonne porte. J’sais même plus à quoi ça ressemble, le bonheur. » Je voulais paraitre le plus froid possible, glacial, pour ne pas montrer qu’au fond de moi, je n’avais qu’une seule envie, fondre en larmes. Pleurer et appeler ma mère, lui dire que je l’aime, qu’elle me manque, que je ne veux pas qu’elle parte, que je ne peux pas vivre sans elle malgré tout ce que j’ai pu lui dire, qu’elle est la femme de ma vie. Ce surplus d’émotion, je dois le garder bien enfoui au fond de moi, je ne dois le montrer à personne, je dois rester fort, quitte à renvoyer chier tout le monde. « Tu peux courir autant que tu veux pieds nus dans San Francisco, qu’est ce que ça peut bien me faire. J’ai pas envie de fuir, je suis très bien là, à boire des whiskys. Bois jusqu’à être ivre morte si ça te chante, personnellement, c’est le programme que j’ai planifié. Qui sait, finir l’année sur un trou noir me permettra peut-être d’oublier à quel point elle était merdique. Je t’ai invité parce que je pensais vouloir m’amuser ce soir. Et puis j’ai changé d’avis, donc je ne suis pas venu au rendez-vous. Simple comme bonjour. » Je n’étais plus froid, j’étais cassant. J’en étais rendu à vouloir la blesser pour qu’elle arrête de me questionner, pour qu’elle arrête de vouloir toujours savoir ce qui n’allait pas. Ca ne regardait que moi et personne d’autre, je n’avais pas envie de partager mon malheur, je n’avais pas envie qu’elle me prenne en pitié, je voulais juste boire et que demain arrive le plus rapidement possible. « Pourquoi t’es venue me chercher ici d’ailleurs ? » Je le sais, je le sais pertinemment que dès demain je m’en voudrai de lui avoir parlé de la sorte, mais pas ce soir. Non, ce soir je souhaite juste que l’on me laisse tranquille, je ne veux pas qu’on vienne me faire chier à vouloir me psychanalyser. Je veux rester seul dans ma merde, au milieu de mes problèmes, je n’ai besoin de personne, je suis assez grand pour régler ceci moi-même.

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MessageSujet: Re: hello darkness. (matthew) hello darkness. (matthew) EmptyLun 10 Fév - 0:00



« Tu m’as pas demandé de bien m’habiller à ce que je sache. » C’est vrai, elle ne lui a pas demandé de s’habiller correctement. De toute façon, elle ne lui demande jamais rien, Nora. Il sait qu’il peut tout lui demander, de débarquer au beau milieu de la nuit, de traverser San Francisco à pieds pour le ramener chez lui parce qu’il a trop bu, de le laisser tranquille, de ne pas le laisser tranquille, de dégager, de revenir, de partir mais pas trop loin, de le laisser l'insulter, de lui lire un livre, de lui donner jusqu’à sa première fois. Mais elle, elle ne peut rien lui demander. Il n’a pas eu besoin de la prévenir, de la mettre en garde. C’est un truc qu’elle a toujours eu intimement en elle, cet effort dans un seul sens, ce partage à sens unique. La plupart du temps, ça ne la dérange même pas. Elle a tellement de choses à donner, Nora, et à tellement de gens. Mais lui, elle lui donne plus qu’aux autres, elle a parfois l’impression qu’elle pourrait même se dépouiller pour entendre son rire à nouveau. Elle est comme ça, Nora. Elle aime pas garder ce qu’elle a pour elle, elle trouve ça trop lourd, et puis trop moche si ce n’est que pour elle. Alors elle offre à Matthew son temps, ses sourires, un peu de réconfort, et puis par-dessus tout, elle lui offre sa présence là où tous les autres semblent être épuisés à l’idée d’une soirée avec lui. Elle l’écoute parler, lui demander pourquoi elle a accepté son invitation alors qu’il dit être un type capable de lui donner seulement de la peine. Pourquoi, Nora ? Elle ne sait pas vraiment. Ce qu’elle sait, c’est que de toute façon, elle n’aurait jamais pu refuser. Peut-être trop gentille, peut-être trop stupide. Ou simplement peut-être trop attachée à cet homme d’un mètre quatre-vingt qui semble ne plus rien vouloir donner au reste du monde. Et encore moins à elle, ce soir de réveillon. « Peut-être parce que personne d’autre n’aurait accepté. Et quelque part, je les comprends Matthew. Pourquoi est-ce que tu repousses tout le monde, constamment ?  » Elle a l’impression d’être quelque chose de viral pour lui, alors qu’elle aimerait simplement le faire sortir de ce vieux cercle vicieux dans lequel il tourne depuis bien trop longtemps déjà. «  T’aimes pas le dépit ? Si c’est du bonheur que tu cherches t’as pas frappé à la bonne porte. J’sais même plus à quoi ça ressemble, le bonheur. » Elle ne répond rien, et pourtant, elle est certaine qu’il se trompe, qu’il se planque sous ce genre de discours parce que c’est plus simple de jouer au lâche que de remonter la pente. Le bonheur, comme il dit, elle l’a vu défiler dans ses yeux. Quelques minutes par ci, quelques minutes par là. Elle l’a vu rire cette fois où elle avait trébuché devant tout le monde, au restaurant. Et cette autre, où ils avaient fait une bataille de nourriture alors qu’il l’avait initialement invitée pour qu’elle cuisine pour lui. Y’a eu que des esquisses, des miettes de joie grappillées comme des oiseaux de temps à autre. Mais elle préfère se dire que c’est mieux que rien. Elle, il n’y a que comme ça qu’elle avance depuis que Lenny est mort. En se disant que c’est mieux que rien. Alors pourquoi ne pourrait-il pas en faire autant ? La lâcheté, tout simplement. Matthew s’énerve, après ça, se morfond, et ça la fatigue. Qu’il dise qu’elle peut bien courir pieds nus dans San Francisco, et même finir ivre morte. Qu’il dise qu’il s’en fout, et que s’il n’est pas venu la retrouver, c’est qu’il n’en avait pas envie. Soit alors. Elle est quand même venue, ils sont quand même à la même table. Et si l’un d’eux doit partir, alors ce sera à lui de le faire. « Simple comme bonjour, en effet. » Elle roule des yeux, peut-être qu’elle perd patience. Est-ce qu’ils vont réellement passer la dernière soirée de 2013 comme ça ? A broyer du noir alors qu’ils pourraient broyer tellement mieux ? En attendant d’obtenir une réponse, c’est son foie, qu’elle broie, une buvant une nouvelle gorgée de ce scotch beaucoup, beaucoup trop fort pour un gabarit tel que le sien.   «  Pourquoi t’es venue me chercher ici d’ailleurs ? » Le doigt de Nora glisse presque instantanément sur le numéro vingt-six taillé dans la table en bois. Elle repasse plusieurs fois sur les contours, à la recherche d’un souvenir avec lui qui pourrait lui donner envie de ne pas foutre le camp. « Parce que je te connais suffisamment pour savoir où tu traines lorsque tu n’as envie de voir personne. La table vingt-six du DNA lounge. Quand tu n’es pas là et que c’est quelqu’un d’autre qui est assis là, on dirait qu’il est assis sur un fantôme de toi. » Depuis qu’elle connait Matt, Nora ne l’a jamais vu assis ailleurs qu’à cette table, tout au fond de la salle, loin des blagues et des rires qui fusent près du bar. Elle imagine qu’il n’a pas choisi ce tabouret au hasard, mais peut-être que si, après tout. « Pourquoi est-ce que tu squattes cette table chaque fois que tu t’écroules, Matt ? Est-ce que ça a un rapport avec le numéro 26 ? Hein ? Est-ce que c’est un chiffre spécial ? » Est-ce que c’est un chiffre qui te remue les tripes ? Ou au contraire, est-ce que c’est un chiffre pansement ? Résignée, Nora pousse le plateau de shooters juste devant celui qu’elle considère comme un ami. Elle n’a pas envie de le forcer, ce soir. A danser, à être gentil, à rire. Elle choisit de le suivre, peu importe la direction qu’il prendra. « Allons-y pour le trou noir. »
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MessageSujet: Re: hello darkness. (matthew) hello darkness. (matthew) EmptyMer 5 Mar - 0:26

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    J’étais épuisé. Epuisé de prétendre que tout allait bien, épuisé de devoir donner des réponses, épuiser de devoir justifier mon comportement. Pourquoi les gens cherchaient-ils toujours une explication à tout, pourquoi est-ce qu’ils ne me laissaient pas tranquille. Si j’agissais comme un connard, il n’y avait pas forcément de raison à cela, peut-être était-ce tout simplement parce que j’étais un connard, un mec sans cœur, sans remord, un mec qui n’en avait rien à foutre de rien. Des fois, j’aimerai vraiment être ce mec là. Que les gens me laissent seuls, qu’ils m’ignorent, qu’ils me méprisent. Je n’aurai alors pas à fournir d’explications, je n’aurai pas à me remémorer ses souvenirs difficiles, je pourrai avancer à mon rythme, sans que l’on me tire inlassablement vers ces douloureuses réminiscences, sans que l’on retienne dans le passé. C’était tout ce que je demandais après tout, d’avancer. Avancer et que l’on me foute la paix. Je n’avais jamais réclamé cette pitié de la part d’autrui, non, jamais. J’étais resté droit, je n’avais pas craqué le plus longtemps que je pouvais. Et lorsque finalement, ce poids était devenu trop important pour moi, je m’étais écarté, seul, je n’avais demandé l’aide de personne. Je suis un grand garçon, je n’ai pas besoin que l’on m’aide pour quoique ce soit, je peux me gérer moi-même, alors pourquoi les gens voulaient toujours m’offrir ce qu’ils appelaient leur aide. De la pitié faussement déguisée en aide oui. « Peut-être parce que personne d’autre n’aurait accepté. Et quelque part, je les comprends Matthew. Pourquoi est-ce que tu repousses tout le monde, constamment ? » Que pensait-elle, qu’elle était une grande âme charitable venue à la rescousse d’un pauvre type en détresse ? Que j’allais la remercier pour cela ? Personne d’autre n’aurait accepté parce que je n’aurai pas voulu qu’il le fasse, je ne voulais personne. Cette dernière soirée de cette foutue année, je voulais la passer seul, à penser aux rares souvenirs heureux que j’avais de ma mère. Je ne voulais que personne ne vienne gâcher ça, et puis Nora était arrivée. « Pourquoi est-ce que je repousse tout le monde ? Il y a un adage qui dit qu’il vaut mieux être seul que mal accompagné. Voilà pourquoi. » Oui Nora, oui tu comprends bien. Oui je suis en train de te dire de but en blanc que ta compagnie est mauvaise, que je n’ai pas envie d’être avec toi ce soir. Oui, en gros je suis en train de te dire que tu me fais chier, que je n’ai pas envie de te voir, que je veux que tu me laisses tranquille, que tu ailles t’occuper d’un autre mec désespéré, c’est exactement ce que je suis en train de te dire. Je gardais malgré tout un calme olympien. Je pouvais bouillir au fond de mon être, je ne laissais rien paraitre, impassible. Mais je le savais, il n’en fallait pas beaucoup plus pour que je sorte de mes gonds, pour que je m’énerve réellement, pour que je sois vraiment méchant, pour que j’en vienne aux insultes, pour que sortent de ma bouche des mots qui pourraient briser à jamais le lien qui nous unissait. Mais ce soir, je m’en foutais, si c’était le seul moyen de la voir partir, le seul moyen de passer cette soirée seul, alors oui, je le ferai. Je le ferai sans avoir le moindre scrupule, sans éprouver ne serait-ce qu’une once de remords. Je finis un nouveau verre de scotch, priant secrètement que l’alcool me couche le plus rapidement possible, que ce tête-à-tête devenu un questionnaire soit écourté dès que possible. Je n’en peux plus de tout ça, je veux que ça s’arrête, faites que ça s’arrête. Faites que tout s’arrête, tout. Les souvenirs, la peine, les déceptions, les souffrances, tout. Dans ces moments là, j’envie Reagan, elle a oublié elle, elle a tout oublié. Elle nous a oubliés. « Parce que je te connais suffisamment pour savoir où tu traines lorsque tu n’as envie de voir personne. La table vingt-six du DNA lounge. Quand tu n’es pas là et que c’est quelqu’un d’autre qui est assis là, on dirait qu’il est assis sur un fantôme de toi. Pourquoi est-ce que tu squattes cette table chaque fois que tu t’écroules, Matt ? Est-ce que ça a un rapport avec le numéro 26 ? Hein ? Est-ce que c’est un chiffre spécial ? » A croire qu’elle lisait dans mes pensées, à croire que j’étais vraiment facile à déchiffrer. Vingt-six, c’était notre date, notre anniversaire, notre jour rien qu’à nous. C’était un vingt-six que l’on s’était mis ensemble, un vingt-six que ma vie avait pris un nouveau tournant, que j’avais rencontré la fille la plus formidable que n’ai jamais connu. Je n’avais pris mes habitudes au DNA Lounge qu’après l’amnésie de Reagan, qu’après être disparu de sa vie. Je suppose qu’inconsciemment, j’avais voulu me raccrocher à quelque chose de notre histoire. Quand j’avais besoin de réfléchir, c’était ici que je venais, boire un café ou une bière, et me rappeler, l’espace de quelques instants, tous les beaux moments que nous avions passé ensemble, l’amour que je lui portais. Me rappeler que la vie pouvait être belle, ironique et tragique la plupart du temps, mais belle malgré tout. « Vingt-six, non ça ne représente rien. Ou peut-être, si. Les minutes depuis lesquelles tu me fais chier, vingt-six. » Non, je n’allais certainement pas lui confier les vraies raisons qui me poussaient à m’assoir ici, à chaque fois. C’était quelque chose de personnel, quelque chose que je voulais garder pour moi, pour moi seul. Le dire à quelqu’un, c’était gagner le droit de se faire psychanalyser par la suite, c’était encore plus réel lorsqu’il s’agissait de Nora. Elle voulait toujours comprendre ma manière de fonctionner, comprendre pourquoi je faisais-ci, comprendre pourquoi je faisais ça. Est-ce que je cherchais à comprendre le moindre de ses agissements ? Est-ce que j’essayais de comprendre pourquoi elle n’était pas avec ce type qu’elle aimait ? Non. Je la laissais tranquille, ça ne regardait qu’elle. Tout comme mes actes et mes pensées ne regardaient que moi. Moi et personne d’autre. C’est alors qu’elle prit la première bonne décision depuis qu’elle était arrivée. Elle but et tut. Comme le silence pouvait être apaisant parfois. Je fis de même à mon tour, buvant quelques shooters, bien décidé à me mettre le crâne à l’envers ce soir. Fêter comme il se doit la nouvelle année diraient certains. Stopper l’hémorragie disait la réalité. « Dis, Nora. Il va falloir que je fasse quoi, pour que tu me laisses tranquille, pour que t’arrêtes de me faire chier, pour que tu te casses ? »
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MessageSujet: Re: hello darkness. (matthew) hello darkness. (matthew) EmptyLun 12 Mai - 19:51

❝Le problème, dans ce genre d'histoire, c'est la rééducation. C'est réapprendre à aimer, à rire, à sentir, à sortir, réapprendre tout, comme une grande brûlée, ou une paralysée, ou l'amnésique de ce film de Hitchcock à qui il avait fallu refaire une mémoire. ❞[/url]


« Pourquoi est-ce que je repousse tout le monde ? Il y a un adage qui dit qu’il vaut mieux être seul que mal accompagné. Voilà pourquoi. » Nora déteste les adages presque autant qu’elle déteste les statistiques. Avant la mort de Lenny, c’était un truc qui la rassurait, un truc qui ne laissait aucune place au destin, au hasard. Mais depuis que Lenny est cloué au ciel comme un malade cloué au lit, Nora ne fait plus que repousser le plus loin possible de son corps frêle les adages et les statistiques. Elle a compris, elle. Que ce ne sont que des conneries écrites pour rassurer les gens. Ceux qui sont seuls disent qu’il vaut mieux être seul que mal accompagné. Ceux qui tombent amoureux de la mauvaise personne prétendent que les opposés s’attirent, et les autres, ceux qui sont tombés sous le charme d’une personne exactement comme eux disent pour se rassurer que qui se ressemblent, s’assemblent. La vérité, c’est qu’on se sert de tout ce qu’on trouve lorsqu’on est enseveli sous des kilos de problèmes qu’on ne sait plus comment résoudre, lorsqu’on est sur le point de tout abandonner autour pour se laisser tomber. Comme Matthew. « Si je suis autant de mauvaise compagnie, pourquoi est-ce que tu me rappelles, à chaque fois ? » Parce qu’il est comme n’importe quel autre homme, au fond. Parce qu’il a peur d’être seul, tout seul avec ses soucis pesant trop lourd sur ses épaules. Parce que même s’il ne sait pas comment le faire, Nora est certaine qu’il aimerait bien se débarrasser de quelques grammes de remords pour les filer aux autres. A des amis, des parents, peut-être même à des inconnus. Se débarrasser de ce chiffre vingt-six. « Vingt-six, non ça ne représente rien. Ou peut-être, si. Les minutes depuis lesquelles tu me fais chier, vingt-six.» Nora roule des yeux, doucement. Elle a la sensation de perdre patience bien plus rapidement que d’ordinaire, sûrement parce qu’elle vient d’attendre cet homme à l’angle d’une rue pendant plus d’une heure. Sûrement parce qu’elle a fait le tour des excuses, qu’elle n’en trouve plus une seule à lui coller sur le front. Il la cherche, et pour la première fois depuis qu’ils se connaissent, elle a l’impression que son petit jeu fonctionne. Malgré tout, la brune se contente de soupirer longuement et se concentre sur le chiffre vingt-six. Elle est sûre qu’il lui ment, qu’il lui cache un truc. A voir son état, elle dirait qu’il s’agit d’un truc sombre, d’un truc qui lui file peut-être la nausée, d’un truc à la gueule de cauchemar. Une date de naissance. Peut-être le vingt-six juin ou le vingt-six septembre. Ou bien une date de mort. Comme celle de la mort de Lenny. Une date qui finit tatouée partout sur le corps, sur les organes, sur le moindre centimètre carré de peau qui n’est pas encore martelé par l’atrocité de cette journée. « Dis, Nora. Il va falloir que je fasse quoi, pour que tu me laisses tranquille, pour que t’arrêtes de me faire chier, pour que tu te casses ? » Elle avale difficilement la gorgée de vodka qui lui brûle encore l’intérieur plusieurs secondes après. A moins que ce ne soit les mots de Matthew. Les mots acerbes, les mots terribles, les mots barbares. D’aussi loin qu’elle se souvienne, jamais son interlocuteur n’avait été aussi loin dans la méchanceté avec elle. Et d’aussi loin qu’elle s’en souvienne, jamais elle n’avait ressenti à son égard ce sentiment de profond dégoût. « T’es répugnant. » Infect. Abject. Dégueulasse. Abominant. Ecœurant. Il l’écœure. Elle ose un regard noir sur lui, un de ceux qu’elle ne lui a jamais adressé. Au fond, elle est blessée. Blessée qu’il lui marche sur les pieds comme ça. Blessée qu’il ne prenne pas le temps d’être gentil avec elle lorsqu’elle a passé autant de temps à se préparer, parce qu’il le lui avait demandé. Puis à l’attendre dehors. Et à l’attendre encore à l’intérieur, maintenant. « Je vais y aller, si c’est ce que tu souhaites. » Sans un mot, Nora tire sur sa chaise, la quitte et s’éloigne. Neuf pas. Peut-être dix ou quinze. A mi-chemin entre la table vingt-six et la porte du DNA Lounge, il y a un truc qui éclate en elle. De la colère. Peut-être même de la haine. Un truc qui l’oblige à faire demi-tour et à se pointer devant lui, les bras croisés sur sa poitrine, à deux doigts d’hurler sur Matthew jusqu’à s’en arracher les cordes vocales. « Je ne suis pas un jouet. Je ne suis pas un vulgaire truc que tu peux jeter et reprendre quand l’envie te prend. Même pas quand l’envie te prend, en fait. Quand tu en as besoin. Parce que s’il y a une chose dont je suis sûre à présent, c’est que tu ne traînes jamais avec moi par envie. Tu ne veux pas de moi ce soir, très bien. Mais ne prends plus la peine de sortir ton téléphone pour m’appeler, tu perdrais ton temps. » Elle a envie de gerber des tonnes de mots encore, des tonnes de mots méchants, des tonnes de mots sur Matthew et ses échecs qui suintent partout sous ses vêtements. Mais il y a quelque chose qui l’empêche de le faire, sûrement le fait qu’elle sache pertinemment que tout ça se transformera en remords, une fois la colère lavée. A la place, elle attrape le verre de scotch qu’elle n’a pas réussi à finir et en jette le contenu à la gueule de Matthew. « Bonne fin de soirée. » souffle-t-elle avant de s’éloigner. Pour de bon.

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MessageSujet: Re: hello darkness. (matthew) hello darkness. (matthew) EmptySam 14 Juin - 13:27

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