J’étais avec une bande d’amis. Des mecs et des filles de l’université, et une bande d’autres personnes qui s’agglutinaient autour de notre groupe déjanté. Nous enfilions les verres l’un après les autres. J’avais perdu le compte. C’était l’une de ses soirées qui me faisait oublier tous mes soucis, principalement ma maladie. Je pouvais, l’instant de quelques heures, être irresponsable pour la première fois de ma vie. Au diable la maturité, être immature avait bien meilleur goût. Ce vodka-canneberges était d’ailleurs l’un des meilleurs que j’avais bu dans un nightclub. Pas cher en plus, c’était ladies night. Vers minuit, j’étais accoudée au bar, en train de me faire payer des verres par un trio de garçons voulant probablement se trouver un bon coup avec qui terminer la nuit. Mon regard croisa finalement le regard d’une magnifique femme aux cheveux foncés qui était à l’autre bout du bar. Il y avait quelque chose dans son regard qui la rendait tellement mystérieuse. Et puis avec son corps, son visage, impossible de résister à l'envie de la regarder le plus longtemps possible. Je devais avoir l'air d'une prédatrice. Elle, de son côté, semblait bien se marrer à la vue de ces trois hommes assoiffés de femmes qui s’en étaient pris à moi. Je lui rendis un sourire amusé. Finalement, quand la barmaid passa près de moi, je lui fis signe d’approcher tout en lui tendant un billet de dix dollars. « Un vodka-canneberges pour la jolie demoiselle seule de l’autre côté du bar. » Habituellement, c’était un geste tout à fait masculin. Je ne voyais pas le mal à payer une consommation à une femme avec qui on vient d’échanger un petit moment d’humour. Quand elle eut son verre et que la barmaid me pointa à elle, je lui levai mon verre avant de le caler. Je retournai sans plus tarder rejoindre des copines sur la piste de danse. La nuit venait tout juste de commencer et le club était enflammé. Quand je jetai un dernier coup d’œil vers le bar, là où la femme était assise une minute plus tôt, celle-ci n’y était plus.

Je n’avais toujours pas oublié son regard de braise. Il était gravé dans ma mémoire du moins pour cette soirée, et peut-être demain si je me souvenais de quoi que ce soit. Pour le moment j’avais encore du contrôle sur moi-même et sur mes mouvements sur la piste de danse. Je me déhanchais davantage sur mes amies que sur les hommes présents. J’avais déjà assez de Pacey et Joe dans ma tête, pas besoin d’ajouter des noms à ma liste. De toute façon, entre filles, je n’avais pas peur de me sentir trop collée par un mec ou d’avoir peur de sortir dehors et de me faire suivre. Je m’amusais, tout simplement. Pas de drague, de flirt ou quoi que ce soit. Enfin, pas avec des gens de l’autre sexe. Alors que je ne m’attendais pas du tout à la voir se joindre à mon cercle d’amis, la jolie femme aux cheveux foncés s’approcha de moi en me regardant avec ce sourire craquant. Elle dansait comme une sirène. Je la laissai s’approcher de moi, comme pétrifiée. Elle posa ses mains sur ma taille, et je posai les miennes dans le bas de son dos. Nous dansions très rapprochées. Mes amies nous regardaient, surtout la nouvelle venue, et se demandaient qui elle était et ce qu’elle faisait avec moi. Je ne m’étais jamais sentie aussi sensuelle en compagnie d’une femme. C’était nouveau, c’était excitant. J’approchai mon visage du sien, et je sentis son parfum fruité qui m’enivra. Je me sentais à la fois confortable et mal à l’aise. Je ne savais pas comment réagir, comment analyser les émotions que je ressentais à ce moment précis. Cette femme m’attirait, et pourtant, je n’avais jamais eu d’attirance envers les femmes. Ou plutôt, je ne m’étais jamais posé la question. Il me semble avoir toujours été intéressée par les hommes, même plus jeune ou à l’adolescence. Qu’est-ce qui faisait en sorte que ce soir, tout changerait ? Peut-être mon cœur était-il trop bouleversé par ce que j’avais appris de Joe ou de Pacey. L’un ex-dealer, l’autre marié. Je ne savais plus quoi faire alors je me tournais vers le même sexe que moi. C’était une possibilité. Mais quand même, j’avais du mal à y croire. Et pourtant. « Tu veux aller prendre un autre verre ? » Demandais-je avec un sourire. Il commençait à faire chaud et il y avait beaucoup trop de monde. De toute façon, on s’entendait à peine parler. Une fois arrivée au bar, je me tournai vers elle avec un grand sourire. « Je m’appelle Astor. » Si je pouvais au moins mettre un nom sur cette femme mystérieuse.