ABBY & ADRIAN ;
I want to reconcile the violence in your heart. I want to recognise your beauty's not just a mask. I want to exorcise the demons from your past. I want to satisfy the undisclosed desires in your heart. You may be a sinner. But your innocence is mine. Please me. Show me how it's done. Tease me.

Quelle semaine de folie ! A peine Abby et Adrian avaient-ils posé un pied en Angleterre que tout avait eu soudainement un goût festif, agréable, terriblement éloigné des habitudes quotidiennes. Ils n’avaient pas eu trop de mal à trouver leur hôtel, s’étaient rapidement installés, et la jolie russe avait finalement réussi à traîner Adrian en plein cœur de la ville où ils passeraient prochainement le plus grand concours de danse au monde afin de faire les magasins. Il fallait encore qu’ils trouvent deux tenues exemplaires pour marquer le coup, et paraître aussi éblouissants que possible. Ils firent non loin d’une vingtaine de magasins, féminins et masculins confondus, avant de trouver véritablement leur bonheur : Abby avait hésité entre plusieurs tissus, qui lui paraissaient agréables à porter et qui une fois sur elle ne l’étaient pas du tout. L’avis d’Adrian fut évidemment capital, si bien que lorsqu’il fut sans voie devant une tenue, elle décida de choisir pour le concours. Abby avait donc en sa possession une magnifique robe d’un bleu roi, cousus de fils d’or parsemés çà et là et qui formait une étoffe absolument divine. C’était un plaisir pour les yeux, et la vendeuse ne cessa de lui en vanter la finition une fois qu’elle l’eut enfilée. Effectivement, ce vêtement semblait avoir été conçu pour elle, et elle ne pu s’empêcher de sentir une large excitation l’envahir dès qu’elle eut posé un pied en dehors de la boutique : Maintenant qu’elle avait la tenue parfaite, il fallait désormais vêtir le beau danseur qui était à son bras et qui ne l’avait pas quittée depuis qu’elle était revenue de son mois sabbatique. Du reste, la décision concernant le costume d’Adrian fut nettement plus trapue, très étrangement. Ils eurent du mal à se mettre d’accord, mais lorsqu’il tomba sur un ensemble d’un noir de geai, accompagné d’un gilet en soie tirant sur le marron, il y eut comme une illumination divine dans la voix du danseur. Il fila aussitôt l’enfiler, sous le regard presque attendrit de la demoiselle qui aurait bien aimé pouvoir admirer la scène de ses propres yeux, s’en délecter et pouvoir complimenter sur le goût certain dont il avait fait preuve en choisissant ce somptueux costume. L’essayage demanda quelques ajustements au couturier, mais Abby s’assit patiemment dans le fond du magasin, se promettant qu’ils allaient fêter ça tous les deux, en amoureux dans un grand restaurant typiquement Anglais. Il y avait des millions d’occasions d’organiser un dîner aux chandelles, mais cette fois, Adrian comme Abby avait des monceaux d’occasions à fêter…A commencer par leur couple, officialisé par cette formidable après-midi au lit qui leur avait laissé un souvenir grisant, divin, inégalable. Si bien que lorsqu’Adrian revint vers elle, son costume soigneusement empaqueté sous le bras, elle était perdue dans ses pensées en repensant à ce moment. Du reste, la suite des évènements s’enchaîna à une vitesse folle, et Abby eut la forte impression de n’avoir le temps de rien que déjà, la veille du concours était déjà arrivée. Toute la nuit durant, ainsi que durant la journée qui suivit, Abby fit prise à plusieurs reprises de haut-le-cœur plutôt violents qui ne semblaient pas décidés à la laisser en paix. Au départ, elle dissimula habilement la chose à Adrian, prétextant des besoins urgents et parfois même sans glisser le moindre commentaire. Mais la veille du concours étant désormais arrivée, elle pouvait difficilement camoufler ce qu’elle prenait pour du stress plein et entier.

« Je n’ai jamais stressé comme ça. Tu te rends compte, j’ai des nausées comme si j’étais une jeune première n’ayant jamais fait de concours ! Je sais, c’est une grande première en tant qu’aveugle, mais quand même ! Tu me lâches pas, hein ? Faut tout donner. On doit ressortir de là grisés par l’excitation, pas par le regret. »

Aussitôt, Abby avait ponctué ses paroles d’un baiser, à la fois langoureux et passionné, qui manqua d’être gâché par une nouvelle nausée. Cette fois-ci, la jolie russe n’épousa pas l’humble cuvette de toilettes de leur suite à l’hôtel, mais elle fut à la limite du malaise en devenant aussi pâle qu’un cachet d’aspirine, absolument sans crier gare. Elle mit une bonne heure et demi à s’en remettre, demeurant assise sur l’un des fauteuils de la suite en tenant sa tête, qui lui paraissait d’un seul coup nettement plus lourde. A aucun moment Abby n’eut à l’esprit une autre cause que le stress afin d’expliquer ses nausées. Elle restait bloquée sur cette explication, tout en priant le ciel d’être assez en forme le lendemain afin d’assurer comme elle l’avait promis. Par chance, ils avaient réglé absolument toutes les questions administratives et de tenues avant, par conséquent, ils purent passer une après midi ainsi qu’une soirée dans les bras l’un de l’autre, Abby tentant de calmer les battements effrénés de son cœur, mais également les nausées qui ne lui avaient laissé aucun moment de paix. Elle finit par s’endormir lourdement contre l’épaule d’Adrian, s’abandonnant littéralement à sa chaleur une fois que la nuit commençait à tomber. Son teint était encore pâlichon, et ses membres, s’ils n’étaient plus tremblants, paraissaient affaiblis tout de même. Cette nuit de sommeil sans trop d'encombres lui fit du bien, et elle se sentait nettement plus d’attaque une fois que le réveil afficha huit heures au cadrant. Évidemment, une nouvelle nausée la prit dès qu’elle eut mis un pied hors du lit, mais celle-ci semblait nettement moins violente que celles vécues la veille. Cet état de fait était presque rassurant, mais cela ne l’avait certes pas empêchée de cogiter toute la nuit sur des possibles autres causes pour ses nausées. Après tout, elle était très loin de la Marie couche toi là, n’avait eu que peu d’amants et Adrian était le dernier en date. Aussi loin que remonte sa mémoire, elle n’avait pas souvenir qu’ils aient utilisé une quelconque protection, par conséquent, la possible grossesse n’était pas à écarter, bien évidemment. Elle avait essayé de se persuader qu’un plat ait pu peser lourdement sur son estomac, mais depuis leur arrivée, elle n’avait pas mangé énormément de manière générale…Elle évita donc de se leurrer avec ce genre d’argument complètement stupide.

« Adrian, c’est la merde. »

Et pour être la merde, ça l’était ! Abby était à deux doigts de la syncope et encore, elle avait la décence de se contenir. Elle s’assit contre l’immense lit placé au milieu de la suite, les traits tirés, le teint pâle et les mains se mêlant et se démêlant à une vitesse presque impressionnante…En somme : Abby était dans un état de stress tel qu’il était difficile de ne pas le remarquer. Après tout, on pouvait difficilement dire qu’il y avait là une raison de fin du monde, mais il ne fallait certes pas oublier que la demoiselle était atteinte de cécité. Une grossesse, c’était presque dangereux, surtout qu’elle n’avait jamais été très précautionneuse avec ses propres actions avant aujourd’hui.

« Dis-moi qu’on a pas merdé ce jour là et que je ne peux pas…Heu… »

Soudainement, une sorte d’illumination traversa l’esprit d’Abby : Parler de cela à Adrian maintenant le perturberait certainement, et ils n’allaient pas donner le meilleur d’eux-mêmes dans ces conditions. Elle finit donc par se mettre à rire, de la façon la plus convaincante qu’elle pu, avant de se saisir d’une grande inspiration et de reprendre, d’un ton presque trop calme :

« Bah en fait non, pas de panique. Je crois que j’étais encore un peu trop groggy par le sommeil…Je me sens en bien meilleure forme ! On a à peu près deux heures pour être prêts. Pas question de traîner au lit, donc… »

Abby lui fit un clin d’œil avant d’aller aussitôt emprunter la salle de bain pour soulager une nouvelle nausée. Jusqu’au bout elle joua le jeu en demeurant aussi digne et souriante que possible. La mise en scène fut particulièrement éprouvante, mais Abby avait toujours su ce qu’elle voulait…Et il serait toujours temps d’évoquer le sujet avec Adrian après les résultats, ou après une visite en solitaire chez un médecin anglais. En attendant, tout en cherchant sa tenue qui avait été soigneusement posée dans la penderie, elle feignait d’être aussi calme que possible, comme s’il ne se passait rien d’inhabituel.

« Tu n’as pas dégoisé un mot…Tu as mal dormi ? On panique pas ! On va tout déchirer, tu oublies qu’on a toujours fait qu’un en dansant… »

Et l’aimer l’avait rendue différente, nettement plus sûre d’elle. Abby n’osa pas pousser la confidence jusque là, mais c’était presque évident.

Les deux jeunes gens avaient enfin concrétisé leur amour, ajoutant à la passion sentimental l'amour charnel. Le lendemain de cette ultime promesse du partage des sentiments et de la vie, ils prirent l'avion pour Blackpool et ce afin de parvenir à exaucer l'un de leur plus grand rêve: remporter le fameux concours ayant lieu à une certaine fréquence dans cette ville d'Angleterre. C'est main dans la main qu'ils partirent à l'aéroport, se promettant une bonne semaine seul en amoureux, partagée entre des répétitions de danse et bien d'autres choses...Adrian tenta de ménager son genou endolori aux premiers exercices, jusqu'à ce que la douleur ne se fasse plus vraiment sentir et qu'il puisse à nouveau exécuter ses fameux pas de danse qu'ils avaient tous deux prévu d'inclure dans leur prestation. Leur premier jour sur le sol anglais depuis bien longtemps, ils le passèrent à faire les boutiques, à la recherche de leur costume de scène. Cela leur prit bien quelques heures avant d'enfin trouver ce qui leur convenait, chacun prenant soin de prendre en compte l'avis de l'autre, mais aussi celui des vendeurs et vendeuses les conseillant.
Puis, ils passèrent la plupart de leur soirée en amoureux, dans un restaurant ou simplement tranquillement à l'hôtel où ils étaient descendus. Malheureusement, malgré la joie d'être ensemble, Adrian commença rapidement à s'inquiéter quant à l'état de santé de sa bien aimée. D'après lui, elle passait beaucoup trop de temps aux toilettes ou dans la salle de bains...En tout cas, bien plus qu'à l'accoutumée. Mais surtout, son teint semblait bien plus pâle et son corps davantage frêle qu'à l'accoutumé, comme si elle venait subitement de perdre la force qui la caractérisait. Pourtant, elle mangeait juste ce qu'il fallait,jamais plus qu'il n'en fallait, et très rarement moins que son corps ne le nécessitait, et ne paraissait pas encombrée de soucis. En effet, lorsque le jeune homme lui demanda à plusieurs reprises si tout allait bien, elle répondait simplement d'un signe affirmatif de la tête. Jamais elle ne se plaint ni ne lui indiqua un quelconque soucis...Ne sachant que penser, le danseur avait fini par penser que la demoiselle n'avait rien et que c'était son côté surprotecteur qui lui jouait des tours. Il en fut ainsi jusqu'à la veille du concours. Abby, ce jour-là, avait l'air encore plus terrassée que les jours précédents. Le pauvre n'osa pas lui faire de remarque tant elle souriait et semblait heureuse dans ses bras...Il ne voulait pas non plus qu'elle pense qu'il la surprotège encore...Bien que ce fusse toujours le cas. Sa possessivité faisait qu'il suivait le moindre de ses pas...Mais la jeune aveugle en faisait de même, bien évidemment. Deux têtes de mule qui forment un couple, c'est beau n'est-ce pas? Le proverbe « qui se ressemble s'assemble » semblait bien vrai à cet instant. Lorsqu'avant d'aller dormir la demoiselle lui demanda du réconfort, il ne put que le lui apporter.

« Bien sûr qu'on va y arriver! Ne stresses pas autant, voyons....Je suis là! Tu te souviens de ce qu'on a dit. » dit-il avant de lui rendre tendrement le baiser qu'elle venait de déposer sur ses lèvres.
Ensemble pour toujours, quoi qu'il arrive, quoi qu'il se passe. Mais bien entendu, à cet instant, le jeune homme était bien loin d'imaginer la réelle cause des nausées de son amante...Seul l'avenir pourrait révéler comment il réagirait à une nouvelle telle que ce que s'imaginait la jeune femme...

Le lendemain matin, Adrian fut de nouveau empli de doutes. Serait-elle malade? Que lui arrivait-il donc? Il ressentait ce mal qui l'encombrait...C'était comme s'il tentait de toutes ses forces de prendre en lui la moindre douleur que pouvait contenir la demoiselle...Ce matin-là elle ne put lui cacher plus longtemps ses nausées, bien que son rire et ses manies parurent plutôt sincères. Mais comment en être sûr alors que son coeur lui dictait le contraire? Surtout que le discours de la jeune russe ne lui avait pas réellement plu. Merder? Mais de quoi? Quand? Comment? De quel jour parlait-elle? Il commença rudement à réfléchir à ce moment, ne pensant plus au concours qui avait lieu d'ici quelques heures, mais ressassant sans cesse dans son esprit ce qui se produisait dans le corps d'Abby. Fort heureusement ou fort malheureusement, il ne lui vînt à aucun instant l'idée que celle avec qui il partageait la couche et les jours pouvait être enceinte...Sinon, sans doute aurait-il été bien trop troublé pour continuer à danser devant les spectateurs, ne pouvant se concentrer sur ses pas, ni même apprécier cet énorme lien qui se créait entre lui et sa compagne de danse à chacune de leurs prestations.

« Non, je vais bien...Mais je m'inquiète à ton sujet. Tu couves quelque chose, j'ai l'impression...Je sais que tu détestes ça, mais je pense bien qu'il te faudra voir un médecin, et cela dès aujourd'hui...une fois, le concours terminé, même si j'aurais préféré qu'on y aille tout de suite... »

Bien évidemment, la seconde possibilité était à écarter, il leur restait tout juste le temps de se rendre à la compétition, de se changer et de s'entraîner une dernière fois. De plus, Abby refuserait catégoriquement...Adrian connaissait bien la personnalité si brûlante de son amante et il savait pertinemment qu'elle ne permettrait pas qu'un rêve de longue date échoue, qu'un projet si lourd tombe à l'eau pour quelques nausées qu'elle qualifierait sans doute de sans importance...

C'est pourquoi, le jeune bulgare n'attendit même pas sa réponse et fila tout droit se préparer. D'ailleurs, il tenta de toutes ses forces de mettre de côté ses inquiétudes pour se concentrer, se mettre pleinement dans l'affaire. Il se voyait déjà, essayait tant bien que mal de s'imaginer sous les lumières, alors que les premières notes de musique retentissaient et que leur tour venait de danser, de montrer ce dont ils étaient tous deux capables, d'impressionner le monde avec leur union et leur sensualité. Et surtout, le moment parfait pour Abby qui lui indiquerait clairement qu'elle était toujours capable de terminer un concours d'une telle ampleur...Après cela, ils seraient tous deux liés pour toujours. Ils ne faisaient qu'un dans la danse, ils ne faisaient qu'un dans la vie. Des promesses avaient été prononcées et ils étaient bien temps de les lier dans leur âme afin de pouvoir les tenir chaque jour que Dieu leur donnerait à vivre l'un dans les bras de l'autre. Il n'était plus question de perdre une minute. Déjà quelques instants plus tard, ils se trouvèrent ensemble dans un taxi partant tout droit pour les salles où se tenait l'événement.

ABBY & ADRIAN ;
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« C’est pas la mer à boire, je vais tenir le coup. Tu verras, je vais te surprendre. »

Enfin…Facile à dire. Abbygail souffrait de ses nausées à répétition, et elle ne pouvait qu’espérer de tout cœur qu’elles allaient la laisser en paix au moins le temps de la représentation. Ce fut le cas au moins durant le moment de l’habillage, ainsi que du coiffage, auquel Abby consacra un temps précieux. Le maquillage ne serait placé sur les beaux traits fin de la jeune russe qu’une une fois sur place, par une maquilleuse professionnelle réservée à l’avance. Mais pour l’instant, le résultat de l’œuvre de la demoiselle était déjà un régal pour les yeux. Elle regretta aussitôt de ne pas avoir la capacité de se délecter du spectacle offert par Adrian, qui portait un costume semblant avoir été taillé pour lui. Cette occasion était une grande première pour les deux, autant dire qu’Abby ne lui lâcha pas la main une seule seconde durant tout le trajet en taxi. Comme s’ils échangeaient leurs ondes positives d’un simple contact, et que le jeune homme était capable de se saisir de cette douleur qui avait envahi le corps de la jolie blonde. Pour l’instant du moins, elle avait oublié ses nausées, devenues plus discrètes pour un temps. Elle fit mine de le dévorer des yeux sur la route, avant de lover délicatement sa tête contre son épaule, fermant quelques secondes les yeux afin de puiser en elle le courage nécessaire pour faire fi de tout ce qui aurait pu malheureusement gâcher leur moment de gloire. Cette sorte de pause lui fit un bien fou, lui faisant retrouver un sourire éclatant dès lors qu’ils mirent un pied hors du taxi, devant l’immense salle où allait se dérouler le concours. Les couples participants venaient des quatre coins du monde, possédaient tous un talent éblouissant, si bien que la concurrence s’avérait plus rude encore que les années précédentes. Au milieu de tout cela, la jolie russe et le bulgare, couple lié comme jamais, étaient placés dans les favoris depuis leur inscription. Il fallait dire que la danse était leur futur métier, leur ligne de conduite, leur rêve, sans parler de cette passion qui les animaient dès qu’ils en évoquait le nom. Les derniers préparatifs semblèrent donc totalement dérisoires par rapport à la préparation qu’ils avaient faite en vue de ce moment précis. Le public était placé en ce moment même, tandis qu’Abby jouissait d’un dernier instant de paix et d’angoisse simultanés avant de faire leur grande entrée dans la salle, sous un tonnerre d’applaudissements. Elle se mit à caresser sa joue de sa main gantée, avec une douceur telle que l’on aurait presque pu croire qu’elle cherchait à ôter toute tension du corps du jeune homme. En quelque sorte, c’était le cas…Mais le clou de ce geste fut marqué par ce baiser tendre et délicat qu’elle déposa sur ses lèvres, avant que leurs noms ne soient appelés pour la grande entrée.

« Je t’aime… »

Le tonnerre d’applaudissements se fit entendre dès lors que le numéro de chaque couple fut prononcé. Abby et Adrian furent rapidement présentés, sous le numéro 104. Leur entrée fut particulièrement acclamée, sans parler du sourire radieux qu’ils affichaient l’un comme l’autre. Ce moment, la jolie russe l’avait rêvé depuis qu’elle avait démarré la danse, et que sa tante lui avait évoqué l’existence de ce concours mondialement disputé. Si bien que lorsque la première danse fut énoncée, Abby sentit l’excitation se saisir de tout son être. La valse…Cette danse qu’ils avaient répétée des semaines, des mois durant afin d’être en parfaite symbiose ! Les premières notes se firent entendre, et aussitôt notre petite couple occupa l’espace. Cela ne faisait pas l’ombre d’un doute, ce lien tissé entre eux était si soudé que toute la danse en était sublimée admirablement. Leurs pas étaient gracieux, aériens, si légers que l’on pouvait à peine voir qu’ils frôlaient le sol. On pouvait voir de nombreux spectateurs émus par leur prestation, plus divine encore qu’elle ne l’avait jamais été. Abby et Adrian donnèrent le meilleur d’eux-mêmes sur chaque danse qu’ils eurent à appréhender. Aucune hésitation ne fut commise sur le Paso Doble, la danse qui leur avait toujours donné le plus de mal ; Le Mambo fut leur moment le plus audacieux, car ils l’avaient réinventé à leur manière en ajoutant des pas à la fois souples et ardents. C’était cette danse qu’Adrian n’avait guère pu « réviser » avant le concours à cause de son genou, et ce fut pourtant le moment où Abby afficha le sourire le plus radieux tant elle se sentait en parfaite symbiose à son bras. Le Quick Step fut leur clou de spectacle, marquant leur sans faite absolu, leur fougue ainsi que leurs sentiments dévoilés au gré de leurs pas. Lorsque les derniers pas survinrent, ils étaient parfaitement ensemble : Aucun des deux n’avait eu un geste de trop ou de moins…Non seulement leurs entraînements acharnés avaient payé, mais en plus ils en tiraient un résultat proprement divin. Les dernières notes se firent entendre, et les couples se mirent en place pour le salut de rigueur, tandis que le public hurlait, comme s’il était possible d’avoir une danse supplémentaire à se mettre sous la dent. Mais chaque couple numéroté disparut l’un après l’autre, jusqu’à ce que le jury soit seul avec le public et qu’il puisse délibérer durant la demi heure de rigueur. C’était le pire moment du spectacle, l’instant de doute dans lequel toutes les danses repassaient inlassablement dans l’esprit des danseurs. Cependant, les idées d’Abby n’étaient pas uniquement tournées vers le résultat. Ses nausées, qui lui avaient fichu la paix durant toute la représentation, reprirent soudainement, l’obligeant à s’éclipser quelques secondes pour aller le soulager aux toilettes pour dame. Elle prit quelques minutes pour souffler après avoir eu l’impression de donner jusqu’à ses propres tripes : Le doute était guère possible, étant donné les circonstances ; mais le pire dans tout cela, c’était certainement la peur panique ressentie par Abby à l’idée même de devoir annoncer la chose à Adrian. Si bien que lorsqu’elle revint dans le salon où les couples étaient tous disséminés çà et là, son visage était légèrement pâle et son sourire quelque peu effacé. Lorsqu’elle se présenta devant le jeune homme, son stress remonta d’un coup, et elle trouva miraculeux de ne pas s’écrouler en plein milieu de la salle.

« Après les résultats, il faudra que je te dise un truc. On va garder l’esprit clair pour l’instant, mais après, il faudra…Il faudra juste que tu me promettes de m’écouter sans m’interrompre, de rester calme et de ne pas t’imaginer des choses fausses. »

Abby s’assit contre une chaise déposée là pour l’attente des résultats, se rendant compte que son discours n’avait strictement rien de cohérent : Adrian n’allait pas s’imaginer que le bébé puisse être de quelqu’un d’autre. Mais de toute manière, elle ne pourrait en être certaine qu’après avoir fait des analyses sanguines…Cela rejoignait donc l’urgence d’aller voir un médecin, dictée par le jeune homme lui-même ! Mais pour l’instant, mieux valait le laisser dans le flou pour éviter tout débordement. S’il la plantait là maintenant, la demoiselle n’aurait sûrement pas la force d’aller jusqu’au bout.

« On a géré jusqu’à maintenant, on ne va pas s’éparpiller maintenant, hein ? Pas besoin de faire comme l’autre couple là bas…S’ils continuent à prendre des calmants, dans cinq minutes ils vont être plus allumés que des sapins de Noël ! »

Abby, tout en se passant les mains sur le visage pour essayer de calmer les battements affolés de son pauvre petit coeur, ne pu réprimer un sourire face à sa propre réplique. Cela ne l'empêcha pas pour autant de finir par partir sur tout à fait autre chose, comme si elle ne pouvait pas s'enlever cette prétendue grossesse de la tête:

« Au fait, mon père ne te déteste pas, rassure-moi? Non parce que je ne me souviens plus si tu n'as rencontré que ma tante ou si tu as croisé Vodianov père...Juste histoire d'en causer. »

Pourtant, c'était bien connu qu'Abby faisait ou disait rarement des choses n'ayant aucun sens...

Le chemin en taxi, durant lequel ils ne se lâchèrent pas un seul instant la main permit à Adrian de déstresser et de se concentrer enfin totalement sur l'épreuve qui allait suivre. Un concours auquel ils rêvaient tous deux de participer depuis toujours. Dès qu'ils se sont rencontrés, ils savaient qu'il ferait un jour ce type de compétition ensemble. Et le grand jour était enfin arrivé. C'était comme si le temps s'était raccourci et les années avaient couru comme des diables. Ils descendirent du taxi avec une folle joie enfantine au cœur, comme s'il s'agissait là du tout premier concours qu'ils feraient ensemble. Pourtant, ils étaient déjà passé par cette case de nombreuses fois, ne serait-ce que lors de leurs examens. Toujours main dans la main, ils coururent presque jusqu'au bâtiment qui les accueillerait tout au long de cette si importante journée, de cette journée des aveux. Enfin, ils démontreraient de quoi ils étaient réellement capables et signeraient leur amour devant tout le monde. Car, oui, vu le lien tissé entre eux, ils ne pourraient sans doute pas dissimuler leurs sentiments le long de la danse, et là n'était pas leur intention qui plus est. Ainsi, le jeune homme sentait déjà son coeur battre d'excitation, mais aussi de ce petit trac qui submerge à ces instants-là, même dans l'esprit du plus âgé des interprètes ou comédiens expérimentés. Lorsqu'ils furent parfaitement vêtus et maquillés, il n'y avait plus rien d'autre qui lui tenaillait les entrailles que leur prochaine entrée sur scène. C'est pourquoi le baiser de sa compagne ne put que le rassurer pleinement et lui remettre de l'ordre dans les idées. Il se donnerait à fond, l'un pour l'autre, l'un avec l'autre.

« Et moi, je t'adore... » répondit-il simplement à Abbygail en lui rendant son tendre baiser.
Il le savait, cela allait être parfait, merveilleux, leur meilleur danse depuis qu'ils se connaissaient. C'était le moment ou jamais. Les lumières de la scène étaient allumées et la musique distribuait ses nombreuses notes aux oreilles de tous les présents alors que les couples étaient appelés un à un à venir sur la piste. Numéro 104. C'était leur tour. Sans un moment d'hésitation, sans une question, ils s'élancèrent comme un seul homme et surent parfaitement que faire. Malgré le fait que les événements passés les aient empêchés de s'entraîner le temps qu'il fallait pour quelques unes des danses, ils ne perdirent rien de leur magnificence. Chacun de leur geste respirait la paix. Comme s'il était totalement naturel de se mouvoir ainsi. Pas un faux pas, pas une erreur dans leur longue danse. C'était vraiment comme si les deux jeunes gens ne faisaient plus qu'un et que leur deux corps étaient en symbiose suivant le rythme donné par le métronome de leur coeur. Si bien qu'ils fuirent ovationné par le public. Lorsqu'ils quittèrent la piste avec les autres couples, ils eurent le sentiment si bon qu'ils n'avaient rien perdu. Même s'ils n'arrivaient pas premier au classement, ils avaient de quoi être fier, ce n'était pas évident d'atteindre une telle perfection dans un concours si réputé. Le jeu en avait valu la chandelle.
Adrian et sa bien aimée rejoignirent la salle dédiée à l'attente des résultats. Certainement la demi-heure la plus insoutenable de la journée. Chacun croisait les doigts pour que la chance soit avec lui, même s'il semblait que notre beau jeune couple de l'est parte favori.
Mais Abby pourtant semblait tout autant tourmentée qu'auparavant, voire même bien plus qu'elle ne paraissait l'être plus tôt. Les nausées reprirent et elle dût quitter un instant son compagnon pour allait se soulager. Lorsqu'elle revînt, son teint était toujours pâle, ses traits tirés. On aurait dit qu'elle paniquait.


« Quoi? Pourquoi tu ne veux pas me le dire maintenant? C'est quoi? » demanda-t-il avec impatience. Elle ne se sentait pas si stressé pour rien. Cela devait être bien important. Mais voyons qu'elle ne se lancerait décidément pas dans ce qui semblait être de nouveaux aveux douloureux (du moins, c'est ainsi qu'il lui semblait), il décida de suivre son jeu. « Bon d'accord, je te promets que je ne te couperais pas quand tu m'en parleras. »

Au moins, cette phrase allait peut-être lui permettre de perdre un peu son angoisse assassine. Il s'assit à côté d'elle alors qu'elle passait du coq à l'âne. La jeune femme lui indiqua un couple qui ne faisait que prendre des calmants depuis cinq bonnes minutes. Sans doute les avait-elle repéré au bruit qu'ils faisaient alors qu'ils tentaient de se calmer. Le bulgare ne put s'empêcher de rire face à la remarque de la demoiselle, même si son rire ne fut pas très joyeux. Il commençait sérieusement à s'inquiéter, espérant qu'il ne s'était rien produit de grave et que l'annonce de son interlocutrice ne serait pas trop douloureuse à encaisser...A vrai dire, bien qu'il soit des plus angoissé et qu'il se faisait déjà des tonnes de scénarios dans sa tête, il se trouvait bien loin de la vérité. Sans doute était-ce tant mieux, sinon il serait au bord de la crise cardiaque.

« Mais arrête de t'angoisser comme ça, on a assuré! Même si on ne gagne pas, on n'aura rien à regretter! On s'est donné à fond! » s'exclama-t-il espérant d'un côté que la nervosité de sa compagne de danse ne soit dû qu'au résultat.

Puis soudain, cette étrange question... Son père? Mais que venait-il faire dans l'affaire? Pourquoi lui parler tout à coup de monsieur Vodianov alors qu'ils attendaient tous deux l'un des résultats les plus importants de leur vie, qui marquerait un tournant, une étape...Il haussa les sourcils d'étonnement, restant béat un instant...

« Ton père? Euh...J'en ai aucune idée, je ne l'ai croisé qu'une fois...Je ne sais pas du tout ce qu'il pense de moi, il ne m'a même pas adressé la parole! Mais pourquoi tu me poses cette question soudainement? Il t'arrive quoi, là? Qu'est-ce qui te passe par la tête? J'ai l'impression que tu es toute déboussolée, comme si tu venais d'apprendre un truc de fou, comme par exemple que Tasha était enceinte et que t'allais devenir tata ou que tu avais une autre soeur jumelle quelque part dans le monde... »

Il rit en prononçant ses dernières paroles. Non pas qu'il pensait que Tasha n'aurait jamais d'enfants, d'ailleurs, il souhaitait de tout coeur son bonheur et qu'elle puisse un jour fonder sa propre famille, mais il était bien trop nerveux pour se rendre compte des sottises qu'il sortait. Et surtout, il ne savait pas à cet instant combien il se trouvait proche de la vérité. Vérité qui allait bien finir par lui tomber dessus comme une enclume...

Soudain, une voix retentissant des hauts parleurs les sortit de leurs pensées tarabiscotées. On allait annoncer les noms des couples dans l'ordre décroissant avec nombre de points et remarques. Les premiers noms ne furent pas les leurs...Bien heureusement.

ABBY & ADRIAN ;
I want to reconcile the violence in your heart. I want to recognise your beauty's not just a mask. I want to exorcise the demons from your past. I want to satisfy the undisclosed desires in your heart. You may be a sinner. But your innocence is mine. Please me. Show me how it's done. Tease me.

« Celle qui va devenir tata dans l’histoire, c’est pas moi, c’est probablement elle. »

Probablement était le mot, car l’incertitude d’Abbygail restait entière. Ce n’était qu’une simple supposition, soutenue par des faits réels certes, mais une hypothèse quoi qu’il en soit. Elle se mit à respirer profondément dès qu’elle eut dicté sa réplique, se rendant bien compte qu’elle avait à moitié dévoilé ce qui la tracassait de but en blanc. Elle n’y revint pas pour l’instant car les noms commençaient à être énoncés par le porte parole du jury, et elle ne souhaitait pas s’y étendre. Elle s’efforçait de fixer ses yeux sur un point quelconque, qui s’avérait être une réplique de tableau, tandis que le trio de gagnants commençait à être énoncé. Ce fut à ce moment-là qu’Abby se saisit de la main d’Adrian, se mettant à la serrer très fort pour essayer de calmer les battements effrénés de son cœur. Le troisième couple gagnant fut deux danseurs anglais, qui avaient tous deux dansé à merveille ; le deuxième, un couple originaire de France, quant au couple gagnant…C’était évidemment Abby et Adrian, qui bondirent telles deux gazelles au centre de la pièce, sautillant de joie face à cette nouvelle qui allait certainement bouleverser leur avenir en tant que danseurs. La jolie russe avait les larmes au bord des yeux lorsqu’ils reçurent des mains du jury les deux trophées du concours, qu’ils brandirent fièrement pour que le public les acclament une fois encore. Un petit discours fut donné à leur attention par le même porte parole qui les avaient donnés vainqueurs, afin de féliciter leur grâce, leur habileté et afin de les remercier d’avoir littéralement transporté leur public avec un brio très professionnel. Ils furent bientôt conduit à la salle suivante, où une réception était donnée en l’honneur des différents vainqueurs du concours, autour d’un buffet qui aurait fait pâlir bien des organisateurs de réceptions en tout genre. Le trophée en main, Abby n’avait pas pour autant lâché la main d’Adrian durant tout le trajet de la salle de représentation à la salle de réception. Lorsqu’ils furent un peu plus « isolés », Abby se permit de prendre possession des lèvres de son sexy dancer, avec cette passion qui l’avait déjà animée durant tout le temps qu’ils avaient dansé. Elle fit perdurer ce moment autant qu’elle le pu, du moins jusqu’à ce que sa tête se mette à tourner violemment et qu’elle ne doive se soutenir à un mur voisin pour éviter de vaciller. A la limite du malaise, la demoiselle était devenue soudainement très pâle, comme si elle allait tomber dans les pommes à la seconde même. Evidemment, elle fut aussitôt conduite auprès d’un médecin, afin qu’il puisse statuer de son état. Adrian fut prié de rester à la réception en attendant qu’elle ne revienne, et même si Abby souhaitait l’avoir auprès d’elle, son vœu ne fut malheureusement pas exaucé. Le médecin qui la prit en charge était une femme brutale, qui ne manqua pas de lui malmener le ventre dès lors qu’elle lui eut énoncé qu’elle y ressentait une sorte de crampe. Lorsqu’elle n’en pu plus, elle repoussa les mains pourtant expertes du médecin avant d’énoncer, d’une voix particulièrement excédée :

« Je vais vous faciliter la tâche : Je pense être enceinte. Ca fait cinq jours que j’ai des nausées toute la journée, j’ai des crampes dans le bas ventre, et mes règles sont en retard. Faut vous faire un dessin ou vous avez capté le bidule ? »

Abby soupira bruyamment, comme si elle avait affaire à une incompétente. Néanmoins, celle-ci eut un léger rire avant de l’obliger à faire un test, seul moyen à disposition pour savoir si le diagnostic de la jolie blonde était véridique. Cependant, durant les trois minutes d’attente avant résultat, Abby eut l’impression que son existence toute entière basculait. Comme si elle sentait que tout son monde déjà fragile allait s’écrouler en fonction du résultat. Comme elle ne pouvait pas voir le petit plus rose de ses propres yeux, ce fut le médecin en personne qui lui annonça qu’elle avait eu un juste diagnostic : Les places n’étaient pourtant pas échangées, et la jolie russe n’ayant aucune envie de devenir médecin, cela lui faisait une belle jambe. Durant quelques secondes, sa respiration fut saccadée, histoire d’encaisser le coup. Ce ne fut que le « félicitations « de l’autre femme qui la ramena à la réalité. Elle lui passa un gant d’eau fraîche sur le visage, avant de lui donner un morceau de sucre ainsi qu’un médicament visant à calmer les nausées. Du reste, cette médecine douce lui fit du bien, et son teint fut nettement moins pâle lorsqu’elle quitta l’infirmerie du bâtiment. Elle se laissa guider par le médecin jusqu’à la salle de réception, où elle était visiblement attendue, tremblant de tout son être à l’idée de devoir annoncer la nouvelle à Adrian…Car ce bébé ne pouvait être que de lui, c’était l’évidence même. Elle entra donc avec un sourire radieux aux lèvres au cœur de la salle, jusqu’à ce que l’autre femme lui énonce que son cavalier était accompagné d’une aguicheuse qui n’avait strictement rien de charmant. Autant dire que ce n’était pas la chose à lui dire, pas après ce véritable poignard reçu en plein ventre ! Abby se saisit donc d’un verre de champagne avant de s’élancer vers l’endroit indiqué par le médecin. Elle le balança en plein dans le mille, et bientôt la belle coiffure de cette brunette en prit un coup considérable. Par chance, elle ne l’avait nullement manquée, et n’avait pas éclaboussé Adrian dans l’affaire.

« Je serais toi, j’éviterais de contrarier une femme enceinte dont les hormones risquent de la pousser aisément au meurtre. Pour info, je ne suis pas partageuse, alors si tu veux bien aller faire ta poulette et caqueter ailleurs, j’avoue que j’en serais ivre de joie. Au cas où tu serais trop idiote pour comprendre le message : DEGAGE ! »

Tout en finesse, comme à son habitude, Abby s’était dépêchée de rayer cette rivale de quelques secondes, qui partit les larmes aux yeux aussitôt le discours de la jolie russe fini. Il ne valait mieux pas la contrarier, effectivement…Même si ses tremblements avaient cessé, elle n’en était pas rassurée pour autant. Lorsqu’elle se tourna vers Adrian, le regard aussi fier et droit que possible, elle mit un temps considérable avant d’être capable de pouvoir dégoiser un mot. Mais dès lors qu’elle fut en mesure d’entrouvrir les lèvres, elle fut incapable de s’arrêter avant d’en avoir terminé.

« J’ai essayé de te le dire ce matin, avant le concours, avant les résultats…Mais je n’étais pas sûre. J’ai fais un test en compagnie du médecin, et c’est avéré : Je suis enceinte. J’angoissais davantage sur ça plutôt que sur notre danse, pour être honnête…J’ai toujours eu confiance en nous, en notre duo, mais je n’ai jamais eu suffisamment confiance en moi pour ce genre de choses. Quand je parlais d’avoir merdé, je parlais de l’absence de protection quand nous avons fait l’amour…D’accord, nous sommes deux fautifs dans l’histoire, mais je vais te passer le discours mélodramatique : Je n’ai aucun regret. C’est comme si c’était une véritable bénédiction, ce bébé. On ne peut pas dire qu’il me soit arrivé tant de choses positives dans ma vie, alors je n’ai aucune envie de gâcher ce moment…Et encore moins d’avorter. Même si tel était ton désir, je ne répondrais jamais présent. Ce bébé, j’ai commencé à l’aimer au moment même où j’ai compris qu’il était en moi. Tu peux me détester, me fuir, ça ne changera rien. Je l’aime autant que je t’aime, et dieu sait que je ne pourrais pas vivre cette vie si tu n’en faisais pas partie…Alors, si mon père évite de nous massacrer pour ça, je vais ajouter une dernière information : Il est de toi. Je n’ai absolument aucun doute là-dessus non plus. »

Abby prit une grande inspiration sitôt que ses lèvres furent closes. Tous les points mystérieux qu’elle avait pris soin de lui énoncer avant qu’ils ne soient déclarés vainqueurs venaient soudainement d’être éclaircit : L’enfant était bien de lui, il l’avait écoutée jusqu’au bout, et il ne manquait plus qu’à ce qu’il reste calme pour que la boucle soit bouclée.

« Adrian, dis quelque chose je t’en prie… »

Pire que l’attente du résultat du test, il y avait celle de la réaction d’Adrian…Mais, chose nettement plus étonnante, ce fut l'unique larme qui s'écoula le long de la joue droit d'Abby: Pour quelqu'un qui n'avait pas pleuré depuis huit ans, il fallait bien un évènement de cette ampleur pour qu'elle s'y risque, surtout devant celui qui avait tant d'importance à ses yeux désormais...Et qui allait en avoir d'autant plus dans les mois à venir.

Les mots d'Abbygail semblèrent loufoques aux oreilles d'Adrian. Pourtant elle avait l'air vraiment très sérieuse...Comment cela Tasha allait devenir tata? Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose en toute logique: Abby serait enceinte? Ou ne faisait-elle que déconner? Il eut un air totalement désappointé.

« Qu'est-ce que tu dis?! » s'exclama-t-il fortement en saisissant soudain Abby par le bras. Mais il n'eut aucune réponse, les résultats étant annoncés de vive voix. Son coeur battait tellement à l'attente des trois couples vainqueurs qu'il en oublia la remarque de la jeune femme, pensant sans doute qu'il n'avait s'agi là que de remarques en l'air, puisque Abby semblait bien peu compréhensible en cet instant. Tout son être était tourné vers cette voix de femme qui allait certainement leur annoncer le plus grand tournant de leur carrière de danseur, de leur futur ensemble. Et leur rêve fut concrétisé,,. Ils étaient les vainqueurs! Ils venaient de remporter le concours de Blackpool avec de nombreux points d'avance! Ce fut sans doute l'un des plus beaux moments de la vie du jeune homme. Son coeur battait à en rompre sa cage thoracique tant il était fier et heureux, fier de son Abby...

« Tu vois, tu vois que t'es capable de tout défoncer! » s'exclama-t-il à son attention, heureux, sautillant presque frénétiquement de joie.
Les récompenses leur furent remises dans un tonnerre d'applaudissement. Quelque chose de peut-être un peu mauvais pour leur ego respectif. Un homme du jury vînt étrangement féliciter personnellement Abby, la dévorant des yeux, mais il fut bien vite chassé par le tendre Adrian qui lui lança un regard meurtrier. S'il avait des balles sur la rétine, l'homme serait déjà bon pour l'enterrement. Rapidement, ils passèrent ensuite de la salle de représentation à une grande salle de réception où un banquet était donné en l'honneur des vainqueurs de la compétition, mais aussi des autres danseurs. Il faut dire qu'aucune prestation n'avait été médiocre et que chacun avait brillé à sa manière.
Que ne fut doux le moment où la danseuse se saisit des lèvres de son compagnon, alors qu'ils s'étaient écartés dans un coin de la pièce où ils seraient un peu plus au calme, bien qu'il n'y ait pas vraiment moyen de se retrouver seul discrètement dans une telle salle de fête. Un baiser si beau qu'il en dura plusieurs minutes, alors qu'ils ne cessaient d'en redemander, que leur corps brûlaient de continuer. Mais soudain, Abby s'écarta, frêle, prête à s'évanouir. Le jeune homme eut le réflexe de la rattraper au dernier moment alors qu'elle semblait pâle comme du linge. Elle lui fit un signe pour le rassurer, alors que déjà un chargé de la sécurité se chargeait de la conduire dans ce qui semblait être une petite infirmerie. On lui interdit d'y aller avec son amante, ce qui eut pour effet de l'induire dans la panique. La pauvre resta seul à la réception, observant les gens d'un air vague, inquiet. Il ne prenait plus aucun plaisir en pensant qu'Abbygail se sentait si mal, craintif de ce qu'elle pouvait bien couver. Ses nausées répétées n'étaient vraiment pas bon signe et elle aurait dû aller voir un médecin plus tôt au lieu de s'entêter...Le bulgare s'en voulait à présent de n'avoir rien vu réellement venir.
Il alla simplement s'asseoir sur une chaise, impuissant. A présent, il n'avait plus d'autre choix que celui d'attendre qu'on vienne lui communiquer les dernières données. C'est à cet instant, alors qu'il était seul dans son coin qu'une jeune femme brune, l'oeil plutôt félin, vînt le rejoindre.

« Bonsoir. » dit-elle sur un ton malicieux. « J'ai vu votre prestation et je dois vous dire que vous m'avez beaucoup plu... » continua-t-elle toujours de la même façon, tournant une de ses mèches autour de son index.
Adrian se leva, prêt à déserter et quitter la salle. Il n'était pas d'humeur à ce qu'une aguicheuse vienne lui prendre la tête .
« Franchement, vous étiez magnifique tous les deux... Moi, j'aurais tellement aimé qu'on ressente tant de sentiments lorsque je danse...Vous ne voudriez pas tester avec moi? » demanda-t-elle un point de pétillement au fond des prunelles. C'est à cet instant que le drame (enfin c'est ainsi que cette chère demoiselle pouvait qualifier cet acte en ce qui la concernait) se produisit. Sans que personne ne put s'en rendre compte, Abby déboula et avec une précision extraordinaire pour une jeune aveugle, vida le contenu d'une flûte de champagne sur les cheveux et les vêtements de la poulette. Mais ce furent ses paroles qui alarmèrent Adrian. En temps normal, dans une telle situation, il aurait bien rit, et même peut-être serait-il tombé dans un fou rire affreux. Mais il 'ne fit rien, les paroles prononcées par Abby avant l'annonce des résultats lui revenant alors à l'esprit. Comme ça, c'était donc vrai? Elle était enceinte?
Le visage du jeune homme pâlit à vue d'oeil alors que son amour lui annonçait la nouvelle. Son discours fut long et sévère. Elle avait déjà fait tous les choix, si bien qu'Adrian eut l'impression d'être dénigré et de n'avoir aucun mot à dire. Il resta un instant béat à regarder la jeune russe dans les yeux, comme si on venait de lui enfoncer un poignard dans les côtes et que son souffle en était coupé.

« En...en..Enceinte? » bégaya-t-il maladroitement. « De...de...moi...Mais... »
Son pauvre coeur fragile n'était pas en état de supporter cela et il se laissa tomber sur la chaise qu'il venait de quitter à l'instant.
« Tu...tu veux dire qu'on va avoir un enfant? » Ses mots stupides étaient sortis tous seul, alors qu'il ne regardait même plus son interlocutrice, perdu dans des pensées incompréhensibles et troubles. La situation lui paraissait irréel et il avait presque envie de tomber dans les pommes à son tour, au moins, il n'aurait pas à faire face à cet aveux auquel il ne savait que répondre. Une annonce merveilleuse habituellement pour un jeune couple...Mais eux...Ils n'étaient même pas encore mariés!

« Mais...Enfin...c'est pas possible! Comment on va faire! Toi, aveugle, et moi...Moi je ne sais pas! Je...J'ai...Enfin...tu ne comprends pas que ce n'est absolument pas responsable de notre part de garder ce bébé? »

Cette question avait franchi ses lèvres avec beaucoup de mal. Puisqu'après tout, d'un certain point de vue, il était heureux que leur amour ait donné un fruit, que leur sentiments mêlés aient permis la création d'un futur être vivant...Et puis cet enfant les lierait encore davantage. Mais de l'autre côté, il ne s'imaginait pas père. Père, mais qu'est-ce que c'est? Lui, il n'avait jamais eu que sa mère alors la paternité, il n'était même pas capable de la définir...Il avait peur, peur de ne pas être à la hauteur, peur qu'Abby lui en veuille...

De plus, il craignait la réaction de leur famille respective. Sa mère allait le prendre pour un salaud s'il lui annonçait devenir papa et que son enfant était celui d'une femme avec laquelle il n'était même pas fiancé!
Il fit quelques pas vers la sortie, ressentant le besoin impératif de prendre l'air. Dès qu'il fit un pas au dehors, s'éloignant du brouhaha de la fête, ses poumons semblèrent plus remplis...

ABBY & ADRIAN ;
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« Lâche…Comme tous les hommes. »

Cette généralité, Abbygail n’aurait jamais voulu l’appliquer à Adrian. Un bref instant, elle avait cru qu’il puisse être de son avis, accueillir cette nouvelle, ce bouleversement à bras ouverts ; mais il n’en fut rien. Sa voix était hésitante, ses propos aussi blessants que des poignards, si bien que la jolie blonde eut un violent mouvement de recul à l’entente de ceux-ci. Visiblement, ils étaient dans une impasse : Abby désirant garder cet enfant, et Adrian souhaitant visiblement le contraire. D’ailleurs, chose très étonnante, les larmes s’écoulaient désormais sur le visage de la jolie russe, redevenu impassible par la force des choses. Cette fois, elle les laissa s’écouler librement, sans chercher à cacher sa tristesse ni même à les effacer…Un silence on ne peut plus pesant se mit à les entourer durant de longues minutes, silence de mort que ni l’un ni l’autre ne semblait être capable de briser. Ce fut donc Abby qui se chargea de la chose : Brusquement, elle effaça rageusement ses larmes avant de laisser échapper un rire aussi cynique que possible. Dans le fond, elle n’était pas étonnée : Comment aurait-elle pu l’être ? Fondamentalement, on avait toujours fini par la décevoir, l’abandonner ou faire passer son nouveau handicap pour une excuse…Sauf que cette fois, elle allait vivre en décidant ce que serait la suite des évènements. Si Adrian ne souhaitait pas assumer sa part de responsabilités vis-à-vis de cet enfant, alors très bien…Abby se sentait mue par une volonté nouvelle, celle d’avancer toute seule malgré les difficultés qui allaient très certainement lui être imposées. Elle savait par avance que la tâche allait être titanesque…Mais, pour la première fois depuis un lustre, elle allait agir à sa guise, à sa manière, selon SON bon vouloir. Ce fut pourquoi son jugement tomba telle une guillotine contre le cou d’un criminel :

« Très bien. Je ne t’ai jamais rien demandé…Ce n’est pas aujourd’hui que je vais commencer. Reste avec tes doutes, je vais vivre avec mes certitudes ! Mais j’y pense…Ça me prouve que tu es finalement incapable de tenir la promesse que tu m’as toujours faite ! Comme quoi, les masques finissent toujours par tomber. Ne t’inquiètes pas, il n’est pas question de faire un esclandre. Cette affaire restera secrète, comme beaucoup de choses dans ma vie…Je ne suis pas fille de mafieux pour rien ! Je sais très bien ce que j’ai à faire, contrairement à toi. Inutile de te cacher derrière mon handicap, car aveugle ou pas, j’y arriverais, même sans toi ! »

Aussitôt, Abby tourna les talons, ayant la ferme intention de quitter cette fête qui n’avait plus lieu d’être à ses yeux. Son trophée avait d’ors et déjà été expédié à son appartement, et conservé dans le bureau de la gardienne de l’immeuble, il n’était donc plus question de s’en inquiéter. Sa canne d’aveugle en main, elle essayait de trouver la sortie, jusqu’au moment où elle fut interrompue par l’un des membres du jury, visiblement désireux de prendre de ses nouvelles suite à son malaise…Mais également de profiter de sa présence afin de célébrer cette victoire à laquelle Abby ne pensait déjà plus. C’était étrange, du reste ; elle avait espéré participer à ce concours depuis toujours, surtout en compagnie d’Adrian, mais maintenant qu’elle y était parvenue, sa joie éphémère avait été remplacée par l’amertume, l’abandon, la frustration. Tout ce que la jolie russe pensait avoir mis derrière elle après la perte de James, et tout ce qui lui sautait à nouveau à la gorge. Cependant, elle fit bonne figure durant tout le moment que dura sa discussion avec le membre du jury. Ils parlèrent de la pluie, du beau temps, jusqu’à l’instant où elle parvint à s’éclipser habilement. Elle s’était emparée d’une bouteille de vodka commandée au serveur du buffet, sans même prendre la peine de chercher un shooter à remplir afin de pouvoir boire. C’était inutile, n’est-ce pas ? Elle n’était pas russe pour trois sous, et n’avait besoin d’aucun verre afin de nettoyer cette brûlure qui sciait littéralement son cœur en deux. Elle arpenta la salle jusqu’à se trouver au fond, dans un coin un peu moins bruyant, où l’un des danseurs, un anglais, noyait sa défaite dans un whisky pur malt douze ans d’âge. Fatalement, ce fut la meilleure compagnie qu’elle eut de toute la soirée…Ils trinquèrent de façon tout à fait singulière à l’aide de leurs bouteilles respectives, avant qu’Abby n’avale une bonne rasade de vodka cul sec. Le liquide trouble se mit à lui rafraîchir puis à lui brûler la gorge, preuve qu’elle n’en avait plus ingurgité depuis longtemps…Certes, boire comme un trou n’était pas la meilleure idée qu’elle ait eue, mais cela lui faisait du bien. Elle n’en but que deux longues gorgées, soit assez pour que ça lui fasse un peu d’effet, mais pas assez pour être saoule. Elle reposa ensuite la bouteille, avant de se lever, ayant la ferme intention de reprendre sa quête où elle l’avait laissée : Partir de cet endroit était devenu sa priorité numéro un.

« Lâche mon bras immédiatement si tu ne veux pas pleurer une certaine partie de ton anatomie ! »

La voix d’Abby fut particulièrement glaciale lorsque le danseur anglais la retint par le bras, désireux qu’elle ne le quitte pas ainsi, en le laissant seul à sa boisson. Face à la virulence des propos de la demoiselle, il ne pu que s’exécuter, tout en se levant afin de l’empêcher de faire un pas en avant…En plus de cette détestable scène en compagnie d’Adrian, il fallait maintenant qu’elle repousse un prétendant complètement saoul !

« Écarte-toi. »
« Hors de question…Tu es la plus belle danseuse de cette assemblée, et tu es seule. Bois donc avec moi ! »
« J’ai dit : Écarte-toi. »

Abby le contourna non sans mal, perdant ses deux longs gants noirs en soie dans la bataille, tout en rattrapant de justesse sa canne d’aveugle pour mieux s’élancer vers la sortie. Ce ne fut qu’une fois dehors qu’elle s’installa contre les grandes marches de l’entrée et qu’elle explosa littéralement en pleurs. Depuis combien de temps n’avait-elle pas pleuré de cette manière, telle une enfant perdue recouverte par un manteau de nuit ? Pratiquement huit ans. Si bien que lorsqu’elle sentit une chaleureuse main se poser contre son épaule, son premier réflexe fut de la repousser avec toute la virulence dont elle était capable, avant de se relever et de faire face à la personne qui avait osé la toucher.

« Ne me touche pas ! Pas besoin de la pitié pourrie d'une personne X ! Je m'en sortirais très bien SEULE ! »

Qui était cette personne, que lui voulait-elle c’était un mystère. Fondamentalement, elle s’en foutait comme de sa première robe…Ce fut pourquoi elle tourna aussitôt les talons, descendant les marches aussi rapidement qu’elle le pu pour s’élancer dans la rue, espérant y trouver une toute petite lueur d’espoir, même infime…Et même si elle était frigorifiée par ce vent glacial nocturne, le visage encore embué de larmes et le cœur criant au supplice.

Le ton froid que prit son interlocutrice pour lui répondre glaça le corps entier d'Adrian. Le rire franc qu'elle laissa échapper lui brûla le coeur. « Lâche ». Ce mot résonna dans son esprit non pas comme un injure, mais comme une espèce de vérité face à laquelle il restait impuissant. C'est pourquoi il ne sut quoi dire, toujours perdu dans des pensées sur un avenir quasi-compromis, une situation des plus dramatiques. Le jeune homme savait pertinemment qu'il n'avait aucun droit de demander à Abbygail d'avorter, elle qui semblait si heureuse de cet enfant, si fière et si combattive. Pourtant, il n'arrivait point à s'imaginer de ce que pourrait être la vie avec un enfant...Le bulgare avait toujours su que sa bien aimée aimerait fonder une famille, mais il n'avait jamais cru que cela viendrait si vite!
Le silence fut coupé par les paroles tranchantes de son interlocutrice. Un froid net et distinct se glissa entre eux. La jeune femme venait de briser ses rêves et ses promesses...La situation était bien paradoxale: ils avaient tous deux rêver longuement de ce concours et ils venaient de le gagner haut la main. Ce devrait être un événement empli de joie et de fête et non une triste scène mélodramatique pleine de cris et de larmes. Il ne put que voir son amante se glisser dans la foule alors qu'il resta au dehors. L'air rentrait et sortait avec peine dans ses voies respiratoires, bouchées par la tristesse et une certaine colère. Comment pouvait-elle s'imaginer qu'il pouvait l'abandonner? Le coeur prêt à exploser sous l'effet de l'amertume, il se dirigea simplement vers un banc voisin, s'asseyant avec nonchalance. Leur histoire serait-elle finie? Il leva les yeux au ciel, encore clair malgré l'heure tardive et se mit à observer la Lune naissante derrière les nuages.

« T'as sans doute tout écouté ma belle.. » dit-il alors en l'air comme s'il parlait avec l'astre lunaire. Après tout, il devait bien trouver un moyen de se calmer. « T'as bien raison, c'est pas du joli-joli... »
Et c'était le moins que l'on puisse dire de cette scène désastreuse. Abby...Son visage ne cessait d'apparaître devant les yeux du jeune homme alors qu'il n'arrêtait pas de penser à sa grossesse. Elle venait enfin de trouver le moyen d'être heureuse, et lui il gâchait tout avec cette fichue crainte...Mais il n'y pouvait rien. Son instinct lui dictait qu'il n'aurait sans doute rien d'un bon père et qu'il ne pourrait jamais faire la joie d'un enfant...Un petit être qui compterait sur lui et qu'il ne pourrait jamais ravir, c'est certainement ce qu'il y a de plus terrible dans ce bas-monde...A y penser, Abby était dans la même situation...Elle jouait à la forte de caractère, celle capable de déplacer des montagnes sans brancher, ne ressentant jamais aucune peine, mais ce n'était qu'un masque. Elle aussi était une créature frêle qui n'avait fait que compter sur lui...Et Adrian avait fini par la décevoir. A croire que c'était une manie pour lui de décevoir les personnes chères à son coeur.
Je ne saurais dire combien de temps il passa ainsi à regarder la Lune, mais le fait est que lorsqu'il se leva de son banc, le ciel était déjà noir. Il avait longuement réfléchi et son visage venait de prendre de nouveaux traits. Une décision avait germé dans son esprit pour finalement exploser à son âme. Il était à présent certain de la démarche qu'il devait suivre. Il avait écouté son coeur et celui-ci lui avait soufflé le comportement à avoir, les gestes et les moindres actes qui allaient suivre.
Plein de certitudes, il se leva presque d'un bond et prit le chemin de la salle de réception, jetant un oeil dans la foule pour savoir si Abby était encore là....Mais visiblement ce n'était plus le cas...A cet instant, un membre du jury l'arrêta pour lui poser quelques questions, ce qui eut le simple don de l'énerver. Il parla avec lui quelques instants, tentant de faire bonne figure lorsque celui-ci lui annonça qu'il avait discuté quelques temps auparavant avec sa partenaire. Adrian eut alors un sursaut et alors qu'un danseur anglais légèrement ivre lui indiqua qu'elle venait de partir, il prétexta un besoin urgent pour s'éclipser.
Très vite, il se retrouva de nouveau au dehors, prêt à se jeter sur Abbygail, mais il ne la vit nulle part. Son coeur battait à tout rompre, faisant des tours de 360 degrés dans sa poitrine. Elle venait de quitter la salle seule, quasiment en pleine nuit...Le quartier était chic, il n'avait pas vraiment peur qu'elle tombe sur une mauvaise compagnie, mais sa cécité ne lui permettrait sans doute pas de se retrouver. Le jeune danseur décida donc de la retrouver, bien évidemment, criant son nom à tous les coins de rue. Quand enfin il l'aperçut, elle semblait totalement perdue...En larmes...La rattrapant, il l'empoigna par le bras, avec douceur mais fermeté. Cette scène semblait être le remake de ce qui s'était produit à San Fransisco, le jour de leur premier baiser...Une petite fille en pleurs dans une ville en pluie...


« Abby...je t'aime. Tu devrais savoir que je ne t'abandonnerai jamais, c'était ma promesse! Ma réaction de tout à l'heure a peut-être été un peu surprenante, mais...Enfin, pourquoi ne veux-tu pas tenter de comprendre mes craintes? » s'exclama-t-il, la tenant toujours fermement par le bras.
« Tu sais très bien que je n'ai jamais eu de père, alors je ne sais pas vraiment quel doit être le rôle d'un père...J'ai tout simplement peur de ne pas être à la hauteur...de nous faire du mal, d'être un mauvais parent... Je n'ai aucune idée de comment on s'occupe d'un enfant! J'ai paniqué...Comprends moi, je t'en prie... »

Il soupira. Mais, tout à l'heure sur ce banc, observant la lune, il avait pris sa décision, et malgré l'angoisse ressurgissant, il n'allait pas revenir en arrière. Il avait décidé et il ne reviendrait pas sur sa décision.

« Je veux vivre cette nouvelle étape avec toi et franchir ce cap ensemble. Cet enfant est le fruit de notre amour, voilà pourquoi je ne te demanderai pas d'avorter...Je sais que je n'en ai pas le droit, même si j'avoue y avoir pensé Te voir heureuse est le but le plus important de ma vie. Mais alors, j'aimerais... »

Il la saisit doucement par la main, caressant sa paume droite de son pouce, fixant son regard dans le sien et passant son autre main sur a joue de la demoiselle.
« J'aimerais que tu acceptes ma demande en fiançailles... »

Et bien voilà, la balle était à présent dans le camp de la demoiselle. Adrian avait promis de rester avec elle pour toujours, de rester à elle pour toujours...Et il avait la ferme intention de tenir cette promesse.

ABBY & ADRIAN ;
I want to reconcile the violence in your heart. I want to recognise your beauty's not just a mask. I want to exorcise the demons from your past. I want to satisfy the undisclosed desires in your heart. You may be a sinner. But your innocence is mine. Please me. Show me how it's done. Tease me.

« Adrian, je n’ai jamais eu de mère non plus, et alors ? Ca ne m’empêche pas d’essayer de tout faire pour que ça marche…Je te rappelle qu’on est deux dans l’histoire, ce n’est pas comme si tu étais seul pour accepter et gérer la situation ! Je serais toujours là pour t’épauler, et cet enfant, il ne manquera jamais d’amour ! Pourquoi n’as-tu donc jamais confiance en moi quand je te dis que tout ira bien…Tu me trouves si faible que ça ? »

C’était tout du moins la question qu’Abbygail était en droit de se poser. Certes, l’instinct maternel était nettement plus évident que l’instinct paternel, mais il existait bien des femmes qui n’en étaient jamais dotées…Par conséquent, elle n’avait aucune crainte sur le fait qu’ils se complèteraient l’un et l’autre dès lors que ce petit bout de chou pointerait son bout de nez. Abby avait confiance en eux, ce qu’elle ne souhaitait pas, c’était craindre sans cesse d’être abandonnée alors qu’elle avait besoin d’être soutenue plus que jamais. Cependant, face au reste des paroles d’Adrian, elle ne se permit pas d’intervenir. Elle se contenta d’essayer de le regarder droit dans les yeux, même si elle avait bien du mal à en être capable. L’espace d’un instant, l’envie de lui rétorquer qu’il ne fallait pas seulement voir le bonheur de la demoiselle mais aussi celui d’Adrian s’empara d’elle, et elle eut énormément de mal à ne pas ouvrir la bouche pour le lui faire savoir. Cependant, la suite énoncée par le jeune homme la coupa littéralement dans son élan : Accepter…Sa demande de fiançailles ? Cette question eut l’effet d’une bombe sur le cœur et l’esprit d’Abby. Elle avait l’impression d’avoir fait un énorme retour en arrière, et d’être non plus en face d’Adrian mais de James. Il lui fallut plusieurs minutes pour passer outre cette sorte de malaise qui s’était soudainement emparé d’elle, pour réussir à respirer plus normalement et calmer ainsi les battements effrénés de son pauvre petit cœur. Un immense frisson l’avait parcourue de haut en bas, et à plusieurs reprises, elle entrouvrit ses lèvres pour répondre, mais aucun son ne daigna en sortir. Comme si Adrian, de par sa demande, l’avait rendue complètement muette. Ce fut un souffle de vent plutôt glacial qui lui remit les idées en place. A cet instant précis, elle se jeta littéralement à son cou, s’emparant fougueusement, presque virulement de ses lèvres, comme pour marquer sa joie immense mêlée à cette frustration qui lui avait fait tant de mal précédemment. Il fallait qu’Adrian n’ait aucun doute sur ses sentiments…Ni même sur la réponse qu’elle s’apprêtait à lui donner.

« Oui, oui, oui, oui, OUI ! Mille fois oui ! »

On pouvait difficilement faire plus enthousiaste qu’Abby, visiblement hautement guidée par les hormones qui ne cessaient de faire du yoyo avec son moral depuis le début de la journée. Somme toute, cette demande en mariage était on ne peut plus parfaite…Il y avait le décor, leurs tenues respectives, et si l’on excluait les traces encore visibles des larmes sur le visage de la demoiselle, tout y était romantique à souhait. Il ne fallait pas oublier que la jolie blonde n’était pas romantique pour deux sous, et si elle était émue en cette soirée, c’était suffisamment rare pour être noté.

« Juste une chose…Ce qui compte, ce n’est pas seulement mon bonheur Adrian, c’est aussi le tien. Je ne supporterais pas le fait que ce soit un poids pour toi…J’espère que tu en as conscience. Aussi vrai que je compte te soutenir et être avec toi à chaque étape de notre nouvelle vie, je ne veux pas que tu écrases ta propre satisfaction à chaque fois pour la mienne…Pourquoi ne pas nous mettre sur un même pied d’égalité, alors que nous serons bientôt mari et femme ? »

Ce terme était encore relativement nouveau pour Abby, mais tout aussi effrayant qu’il était merveilleux. Elle ne pourrait jamais n’être que sur la défensive à cause de sa précédente expérience avec James…La peur de le perdre, de ne jamais être assez bien pour lui, ou de le blesser carrément.

« Est-ce que tu…Veux cet enfant avec moi ? »

Cette question, d’apparence totalement stupide, avait une importance capitale aux yeux d’Abby. Cependant, elle n’eut pas le temps d’obtenir la réponse, car elle sentit aussitôt son bras être tiré par une force inconnue, pour une raison qui lui échappait totalement. Ce ne fut qu’en entendant la voix détestable de ce foutu agent du FBI, qui la harcelait depuis des mois, qu’elle comprit pourquoi. Projetée sans aucune douceur contre la vitre d’une voiture, ledit agent lui mit les mains dans le dos avant de la menotter, telle une véritable criminelle. Abby se débattit autant qu’elle le pu, mais la fatigue, le stress ainsi que ses symptômes de grossesse eurent raison de sa volonté cette fois-ci.

« Je t’ordonne de me relâcher espèce de fou ! Tu n’as aucune autorité ici, tu es flic à San Francisco, pas en Angleterre !! Ici, je suis sous la protection de l’ambassadeur, et compte sur moi pour détruire ta carrière en utilisant ce genre de méthode pour preuve !! »
« Mais oui, mais oui…Vous ne pouvez plus m’échapper maintenant, fille Vodianova numéro 1. Votre mafieux de père me prendra sûrement au sérieux, maintenant que je suis prêt à mettre l’une de ses précieuses filles en détention ! La police parisienne aura sûrement de la sympathie pour ma cause lorsqu’elle connaîtra votre identité. »
« Tu vas au devant de très gros ennuis si tu ôtes pas de suite tes sales pattes de moi ! »
« C’est plutôt vous qui êtes dans de sales draps, demoiselle ! Vous n’aurez qu’à remercier votre charmant géniteur de l’héritage de casier judiciaire qu’il vous offre… »

Abby n’eut même pas le temps de prononcer le moindre mot que l’agent la secouait dans tous les sens pour la faire marcher vers sa voiture, louée à son arrivée sur Blackpool. Elle n’eut même pas la capacité d’appeler Adrian au secours : Qu’aurait-il pu faire ? Empêcher ce fou de lui faire du mal en se mettant lui-même dans les ennuis ? Pour l’instant, la jolie blonde ne pouvait qu’essayer de retarder l’échéance en mettant toute la mauvaise volonté du monde à se diriger vers la voiture de ce harceleur de première…