Tu aurais du refuser. Tu aurais du tenir tête à ton père et refuser, aussi simplement, d’aller dans l’une de vos résidences familiales d’été. Mais non. Tu avais accepté d’y aller, en voiture qui plus est. Et ce, avec quelques cousins et ton frère. Voir ici la fratrie Morello, celle qui se trouvait à Berkeley, à savoir Quinn, Don, Jayson, Casey et toi. La résidence se trouvait dans le sud des États-Unis, à environ une dizaine d’heure sur des routes toutes plus perdues les unes que les autres de San Francisco. Tu aurais dut te douter que le voyage allait être pénible alors que c’était Jay qui prenait les clés de la VUS (voiture utilitaire sport) que votre grand-père avait loué pour vous. C’était peut-être mieux ainsi, cela dit. Cela aurait été d’autant plus pénible si Casey avait pris les clés et que Jay s’était retrouvé à son côté. Les valises mises dans le coffre, tu allas directement vers la banquette arrière où tu pris place avec King. Quinn était sur l’un des deux bancs en face de vous et les aînés se trouvaient à l’avant du véhicule. Quelques dernières vérifications et la voiture démarra finalement.

Au départ, ce n’était pas si pénible. Tu discutais tranquillement avec ton cousin alors que Jay montait de plus en plus le son de la musique, plus vous vous éloignés de la ville. Cela t’embêtait un peu, mais ne dit-on pas que le conducteur fait ce qu’il veut de la musique ? Tu passas donc outre, bien que parler devint un peu plus fastidieux compte tenu de la musique qui pulsait par les haut-parleurs. Toutefois, tu ne ferais pas ton rabat-joie. C’était les vacances, vous étiez en voiture, ça pouvait donc passer. Et puis, tu savais que si tu râlais, Jayson allait être d’autant plus pénible et les vacances seraient d’autant plus chiantes. En te taisant, tu achetais ainsi la paix, ce qui n’était pas si mauvais au final. Deux heures passèrent sans réel problème. Les paysages défilaient, les routes étaient droites et plates et, surtout, tranquilles. En cette belle après-midi ensoleillée, les routes étaient plutôt calmes, il y avait peu de voiture, ce qui rendait le voyage d’autant plus agréable. Tu détestais les bouchons, ça avait le don de te rendre impatient.

Ce n’est qu’après quatre heures de voyage que l’histoire se compliqua un peu. « Jay, ralentit » maugréas-tu, la tête appuyée contre la vitre, fixant l’extérieur. Semblerait-il que le conducteur avait décidé que cela trainait trop et qu’accélérer serait une bonne idée, alors que la route était un peu plus sinueuse. Sûrement l’avait-il fait exprès car il accéléra encore plus. Tu serras les dents. « Jay, je t’ai dit de ralentir. » Ce qu’il ne fit évidemment pas. Une désagréable sensation de nausée te rendait un peu plus renfrogné. Tu avais le cœur au bord des lèvres et c’était plus que désagréable. « Jay, arrête la voiture, maintenant ! » Le ton s’était fait un peu plus urgent. Il sembla avoir compris le message car il s’arrêta sur la voie d’accotement. Tu te jetas presque hors du véhicule pour prendre une bonne bouffée d’air frais. « Merci » lui dis-tu, sans réelle conviction, alors que tu faisais quelque part pour faire passer la nausée. Tu n’avais jamais aimé les longs trajets en voiture. Depuis tout jeune, tu avais le mal des transports. Et c’était encore pire lorsque Jay prenait le volant et faisait des siennes.

Une quinzaine de minutes passèrent avant que tu réintègres la voiture. « C’est bon, on peu repartir. Et, s’il te plait Jay, tiens-toi en aux limites, merci. » T’appuyant contre ta fenêtre, tu attendis que la voiture redémarre. Une minute. Puis deux. Tu entendais le moteur tourner, puis, plus rien. « Jay, t’attend quoi pour redémarrer ? » lui demandas-tu, tournant le regard vers le conducteur. Après tout, qu’est-ce qu’il attendait pour redémarrer la voiture ? Tu avais plus que hâte d’être à la villa familiale, ne serais-ce que pour quitter cette voiture qui te rendait nauséeux.

Spoiler:

J'étais plus qu'enchanté de partir pour la villa familiale. J'avais beau me chamailler constamment avec la moitié de notre petite fratrie Morello, je ne pouvais nier que me retrouver en famille était ce que je préférais. J'étais certain que je reviendrais sur cet enthousiasme un peu plus tard lorsque j'aurais enterré Aidan sur le bord de la route que je sillonnais depuis déjà un bon moment, une main sur le volant et l'autre battant légèrement au rythme de la musique que j'avais moi-même choisie. C'était d'ailleurs la seule raison qui m'avait poussé à prendre le volant le premier. Sûrement pas pour faire plaisir aux quatre autres, qui savaient combien je pouvais être une plaie lorsque mon attention n'était pas concentrée sur quelque chose. Nous avions quitté la grande ville et la voiture roulait assez rapidement le long d'un paysage qui ne changeait plus. J'avais l'impression de faire du surplace tellement le même décor revenait sans cesse. Cette route menait-elle seulement quelque part? Cela dit, j'appréciais les roadtrips. C'était l'une de mes activités favorites. Je ne pensais à rien, montais le son de la musique et chantais à tue-tête avec les quatre personnes qui comptaient le plus dans ma vie. Je pouvais passer mon temps à tous les emmerder, reste qu'être enfant unique, ça pesait. Quoi que Quinn aurait pu ne pas avoir de frère qu'elle aurait agi exactement de la même manière. Elle était indigne de King, il aurait dû naître de mon côté, définitivement! Je l'avais déjà dit de nombreuses fois, mais il n'existait personne dans ce monde que j'aurais choisi avant un autre Morello. Si un  tel individu existait, il me tardait de le connaître.

J'observais le paysage désertique défiler devant moi, aucunement lassé par la longueur du trajet. J'aurais pu conduire tout le reste de la journée sans problème, sauf si Aidan finissait par convaincre les autres d'éteindre la musique. Il recevrait les clés en pleine tronche, si tel était le cas. Je n'entendis pas ses premières supplications, un peu parce que j'avais la tête ailleurs et un peu aussi parce que j'avais développé très tôt dans ma vie le don d'ignorer Aidan jusqu'à ce que mort s'en suive. Je pouvais instinctivement détecter l'instant exact où un son qui m'insupportait sortait de sa bouche - son consistant la plupart du temps en un reproche ou autre parole vraiment barbante - et faire comme si une telle atrocité n'avait jamais été prononcée. À un moment, je crois que je montai même légèrement le son de la musique, question de m'assurer que ma bonne humeur serait au rendez-vous jusqu'à ce que le lancer d'un corps par la fenêtre soit sécuritaire. Lorsqu'une telle occasion se produirait, je serais enfin débarrassé de monsieur mal des transports. Moi, compatir? Dans un univers parallèle, peut-être. Dans celui-ci, il n'en était pas question. Je levai les yeux au ciel et tournai légèrement la tête vers mon co-pilote, en l'occurrence mon meilleur ami. « Parfois je me demande vraiment s'il a des liens de sang avec nous. », dis-je en garant le véhicule sur l'accotement. Je ne pensais pas y avoir été plus fort qu'à l'habitude. Certes, je dépassais la limite permise, mais il n'y avait pas âme qui vive sur cette foutue route et ça lui évitait de crever sur place pendant des heures supplémentaires, non? Il se plaignait de quoi au juste?

Lorsque Aidan réintégra la voiture en se la jouant code de la route sur pattes, je me retournai brusquement, prêt à répliquer. Casey pouvait être fier de moi d'avoir résister à l'envie aussi longtemps, ce type me narguait depuis que j'avais mis le contact quatre heures plus tôt. Je n'eus pourtant pas le loisir de m'exprimer ouvertement, Quinn s'en occupant à ma place, et avec brillo d'ailleurs. Les rares fois où je m'entendais avec ma cousine incluaient évidemment notre alliance commune contre Aidan. « Écoute la demoiselle, tu veux? Tiens-toi tranquille si tu veux qu'on arrive avant l'année prochaine. T'as qu'à ouvrir une fenêtre. » L'effet Quinn avait été bénéfique, puisque je m'en tins à ces seules paroles. Je n'avais pas envie de gâcher ce roadtrip et encore moins le séjour qui suivrait. Les vacances étaient enfin arrivées et j'avais simplement envie de m'amuser, profiter à fond. Pas de me prendre commentaire négatif sur commentaire négatif en pleine figure. Je tournai la clé dans le contact, mais rien ne se produisit. Convaincu que j'avais simplement mal effectué le geste, je retentai le coup une deuxième fois, puis une troisième. Rien. « Aidan, si tu veux être utile pour une fois, ferme-la. », répliquai-je d'un ton agacé en réessayant encore et encore. Au bout d'un moment, je fus forcé d'abandonner et mon poing s'abattit sur le volant. « Manquait plus que ça. Quelqu'un a pensé à traîner une tente? », sifflai-je amèrement en passant mes mains sur mon visage. Instinctivement, je pris mon téléphone, question de vérifier si on avait du réseau. « Putain, on se croirait dans un film à la con. » Et ce n'était pas la dernière fois que je dirais ça d'ici les prochaines heures. « Vous en avez? »

Les vacances en famille, j'adore ça. Il faut le dire, j'aime me retrouver avec tout le monde, car malgré les histoires, j'aime ma famille. Je ne sais pas comment vont se dérouler ces vacances dans la villa familiale, surtout que je ne suis pas sûr que tout le monde soit vraiment enchanté d'être là. Mais je garde espoir que ces vacances se passent bien, que nous ayons aucun soucis, que personne ne se disputent et qu'il n'y est pas d'histoires. Autant dire que je garde espoir en quelque chose qui est totalement impossible dans la famille Morello. Mais tant pis, on va dire que ceux sont ces histoires qui font que nous passons des moments uniques et qui rend chaque minute ensemble, les uns avec les autres, plus.. exceptionnelles. Même si je dois être le seul dans cette famille a pensé comme cela, le seul à être aussi positif..

Cela fait maintenant plusieurs heures que nous sommes partis, Jayson est au volant et à mit la musique à fond, ce qui ne m'étonne pas de lui, avec Casey à côté de lui, puis Quinn, Aidan et moi, derrière. Au début du trajet, je discutais avec Aidan, mais au fur et à mesure des heures, Jay a monté la musique et il est depuis totalement impossible de réussir à s'entendre. J'ai bien cru qu'Aidan allait faire une réflexion et donc que les vacances allaient commencé par une dispute, mais non, heureusement, il a fait un effort. Je fixe alors la route, pensant à plusieurs choses, totalement perdus dans mes pensées. Au bout de quatre heures de route, Aidan a commencé à se sentir mal et a donc demandé à Jay de s'arrêter. Ce qui n'a pas réellement était des plus faciles. Il sort de la voiture et je soupire, attendant patiemment qu'il revienne pour que l'on reparte. J'aime pas ce coin, il y a personne, c'est le désert total. Quand je vois ce genre d'endroit, je pense directement à des films d'horreur que j'ai vu et je me dis ça pourrait très bien m'arriver à moi avec la chance que j'ai. Il revient et j'attends donc que Jay redémarre la voiture, mais rien. Quinn ne peut s'empêcher de répondre à Aidan avec toute la gentille dont elle sait faire preuve et je préfère encore ne rien dire. Je préfère les laisser ce chamailler dans leur coin, pour l'instant je veux juste partir, car j'imagine déjà des psychopathes sortir de nulle part pour nous tuer.

J'écoute alors les paroles de Jay et je comprends. Je comprends que la voiture ne redémarre pas et ne redémarrera pas. Je comprends qu'on est bloqué dans cet endroit désert où il n'y a aucune personne vivante, enfin, en apparence en tout cas.. Je secoue négativement la tête à ses paroles, non non, pas comme dans un film à la con, je ne suis absolument pas d'accord. Je sors mon téléphone et j'observe que je n'ai pas de réseau. « Non, j'ai rien ! » dis-je en soufflant, observant par la fenêtre les alentours et la route. Rien, ni personne. C'est pas possible, qu'est-ce qu'on a fait pour mériter ça ? Je veux pas mourir ici, c'est clair. « C'est magnifique ! On est bloqué ici, on a pas de réseaux, il doit y avoir une voiture qui passe tous les 100 ans dans le meilleur des cas et il y a pas âmes qui vivent dans le coin. » Moi qui suis normalement le plus positif, là, je suis juste le plus désespéré. Bien évidemment, je garde espoir sur le fait qu'on va trouver une solution et qu'on va pouvoir aller à la maison qui nous attend pour commencer les vacances qui s'apprêtent à être mémorables vu les récents évènements. Je me demande déjà ce que va être la prochaine connerie qui va nous arriver. C'est dans ces moments-là que je me dis qu'il faut que j'arrête de regarder des films d'horreur, car il arrive toujours des trucs comme ça et à la fin, ils sont tous morts. Alors je me rassure en me disant qu'on est pas dans un film et donc que tout va se passer normalement. « Quelqu'un a une idée de ce qu'on pourrait faire ? » dis-je en observant chaque personne de ma famille. Vive les vacances, vive les histoires de la famille Morello.

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