Mais lâche-moi, maintenant, t'as toujours pas compris que je suis innocente ? Je n'en ai peut-être pas l'air, mais cela n'était que pure vérité. Allez, va voir ailleurs si j'y suis, monsieur le policier, il y en a d'autres qui ont l'air bien plus coupable et qui devraient être interrogés en premier, ceux qui n'étaient pas présents à la soirée, notamment. Je tourne la tête, exaspérée par la situation, apeurée par le fait que j'avais du mal à me contrôler. Oh non, pas le regard de Joe ! Je me sens pâlir en une fraction de seconde et perds le fil de la conversation avec l'agent qui m'interroge, perdue dans mes pensées. Il allait me tuer, c'était une certitude, pour lui cacher un tel secret concernant son fils alors que j'avais juré de tout lui raconter quant à sa relation avec Tacha. J'avais failli à ma tâche, ce qui ne m'arrivait que trop peu, mais au vu de la situation et du fait que Joe soit tout sauf à un ourson en peluche, je craignais qu'il ne vienne à s'en prendre à Benedikt. Je détournais le regard, faisant presque mine de ne pas l'avoir vu, tentant tant bien que mal de me concentrer à nouveau sur les questions qui m'étaient adressées. On se détend, je n'avais rien à me reprocher quant à ce meurtre étant donné que je dansais tranquillement avec Noah au moment des faits, je n'avais rien vu non plus, bien trop absorbée par cet instant privilégié avec le médecin, ce que je me tins de garder pour moi, bien évidemment. Je pousse un soupir alors que l'agent prend quelques notes et rejette mes cheveux en arrière d'un rapide geste de la main. Mais qui me parle ? Je tourne la tête et aperçois ce cher William, le frère de Noah, que j'aime plus que tout au monde. On parle du cadet des Clives sur ce point, qu'on soit d'accord, entre son ainé et moi, les relations étaient plutôt tendues, bien que le premier ne se doutait de rien. Je comprenais pourquoi Joe avait quelques différends avec lui, enfin peut-être pas entièrement, mais en partie. Exécrable, il n'y avait pas d'autre mot pour le définir. « Et vous, vous avez besoin de mon poing dans votre figure ? Histoire de vous enlever ce sourire de débile. », lâchais-je alors sur un ton des plus froids et des plus secs en lui adressant un regard noir. J'vais t'apprendre moi à parler de verre et de désaltérer au cours d'un interrogatoire alors que je suis vraiment en manque. J'estimais être encore aimable envers lui, car j'aurais pu faire pire, comme me lever et lui fracasser la tête sans perdre une seule seconde. Ou alors j'aurais pu tout simplement lui enfoncer sa tête d'abruti dans le distributeur d'eau, histoire de voir s'il savait respirer comme les poissons, ou histoire qu'il se désaltère, tout simplement. L'agent présent à mes côtés s'éclaircit alors la gorge en m'adressant un regard des plus... étrange. « C'est affectif, ne vous inquiétez pas ! », lui lançais-je avec un sourire aussi débile que celui qui était apparu sur les lèvres de l'ainé Clives un instant plus tôt. Non mais Kirby, tais-toi une bonne fois pour toute ou tu vas finir au poste en moins de temps qu'il n'en faut pour ne dire ouf. Je commençais à taper du pied gauche sur le plancher de la salle. Un verre... oui, j'en voulais un. Un grand verre de vodka, avec de la glace, de préférence, pas cette eau sans goût et que je rêvais de jeter à la figure de William. Il fallait vraiment que j'apprenne à me détendre, mais que voulez-vous, ce n'était pas le soir pour me chercher des noises.

Intérieurement, je jubilais sur place de voir William se faire rabaisser de la sorte par Constance et un sourire mesquin s'étira délicatement sur mes lèvres, montant à quel point je trouvais ce petit jeu plus intéressant que n'importe quoi d'autre. Depuis le temps que je rêvais de voir le professeur s'en prendre plein la figure par qui que se soit, Iota, professeur, ou même policier, me voilà quelque peu satisfaite, non pas entièrement, mais cela suffit amplement à faire mon bonheur. Je croise donc les bras contre ma poitrine, non sans perdre une miette des propos cinglants qu'ils viennent à échanger tandis que l'agent qui m'avait interrogé un instant plus tôt était parti afin de faire d'un autre étudiant, sa nouvelle proie. À noter que je l'avais entendu marmonner dans sa barbe que j'étais des plus insolente, mais que voulez-vous, il faut de tout pour faire un monde. Avec un peu de chance, j'aurais seulement le droit de faire un tour au poste de police afin que l'on me remette les idées en place. Une sorte de douche froide, sans aucun doute. J'observe furtivement un autre policier s'approcher alors de Noah et lui demander de le suivre, ne le quittant pas un seul instant du regard afin de cerner toute parole échangée au cours de son interrogatoire. Il suffit d'un cri, de brèves secondes plus tard, pour que je détourne la tête, les oreilles plus dressées que jamais à l'affût d'un nouveau bruit qui pourrait me parvenir. Voilà un nouveau cri, féminin, à deux pas de la maison sans nul doute, lequel me fait cette fois-ci me redresser alors que j'aperçois Joe se précipiter à l'extérieur. Je me fraie un chemin parmi les quelques Iotas qui s'afféraient déjà à suivre le professeur, dont j'entends d'ailleurs la voix s'élever. Il ne me faut pas plus longtemps pour comprendre que l'une des nôtres est blessée, mais qui ? Qui ne s'était pas encore présentée à cette réunion ? Les noms étaient nombreux à courir dans ma tête, jusqu'à ce qu'enfin, je me retrouve aux premières loges alors que les étudiants afférés autour de la victime viennent de faire quelques pas en arrière en vu de l'énervement dont vient de faire preuve le professeur Shark. « Roxane... », murmurais-je pour moi-même alors que je sentais les larmes me monter aux yeux, lesquels en furent embaumés en un rien de temps. Je reste tout d'abord stoïque, l'espace seulement d'un bref instant qui me paraît durer une éternité tandis que la jeune femme souffre le martyre. L'avertissement que Joe a pu lancer me sort alors de la tête et je tombe rapidement à genoux à côté de la blondinette, m'emparant de sa main, laquelle je serrais délicatement dans la mienne. Shark pourra me hurler dessus, je n'en ai qu'à faire. Pour m'arracher d'à mon amie, il faudra qu'il fasse appel à une garde entière, ce que je fis brièvement comprendre au professeur d'un simple regard. Je connaissais Roxane presque comme ma poche, ayant toutes les deux eues un parcours quelque peu similaire. Un accident de voiture qui aura changé nos vies, des problèmes avec l'alcool, il n'y avait pas un seul instant où je ne pensais pas que dans une vie antérieure, nous étions sœurs. « Ne bouge surtout pas Roxane, reste calme. Tout ira bien, quelqu'un va venir prendre soin de toi... Tout ira bien. » Ces trois derniers mots, je les avais plutôt prononcé pour moi-même, afin de me rassurer à mon tour quant à l'état de santé de mon amie, mais rien n'y faisait, j'étais au bord de la crise de larmes tandis que j'examinais brièvement l'état de ses jambes, non sans continuer à serrer sa main et à en caresser le dos avec délicatesse à l'aide de mon pouce. Venant de valider ma troisième année de médecine, m'étant spécialisée dans la chirurgie en vue de suivre les traces de ma défunte mère, j'effectuais de nombreux stages à l'hôpital depuis l'an passé et j'avais toujours brillé dans tout ce que j'avais entrepris quant à mes études et tout ce qui s'en suivait, mais à l'heure actuelle, j'étais impossible de penser comme cette brillante étudiante, préférant attendre l'arrivée de Noah qui se faisait bien trop long à mon goût.