« Tu n'y peux rien Casey. Je suis même plutôt contente que tu ne le connaissais pas. » Heureusement Léo était là. A mes côtés. Dans les bons comme dans les mauvais moments. Nous avions traversé beaucoup de choses toutes les deux, que ce soit à Londres ou à San Francisco. Je ne regrettais pas de la connaître. A chaque fois, elle me soutenait et me montrait que je n'avais rien à craindre. Nous étions plus fortes à deux et elle continuait de me le prouver. Même à ce moment-là alors que j'étais à deux doigts de faiblir et de me montrer sous un de mes plus mauvais jours. Je n'aimais pas le danger, le risque et la mort. Je ne voulais pas devoir affronter ce genre de choses. Les seuls risques que je prenais étaient pour les cours. J'étais trop ambitieuse. Pourtant le bal de fin d'année m'avait obligé à faire face à de nouvelles choses. Un événement effrayant. J'avais été aux premiers rangs face à ce corps inerte. Et maintenant j'y étais de nouveau. Au bord du précipice, je devais trouver qui avait pu commettre un tel crime. Ôter la vie de quelqu'un me semblait un acte abominable. Inimaginable. J'étais et je resterai une omicron dans l'âme. J'étais arrivée avec une vingtaine d’autres étudiants avec qui j'avais partagé les chaises d'Oxford. Nous étions considérés à Berkeley comme des étrangers de passage et nous étions supposés repartir avant l'été. J'avais arboré fièrement les couleurs vertes de ma confrérie et je n'avais pas hésité à revendiquer le prestige et l'honneur de faire partie des rangs d'Oxford. Mais je ne pouvais pas m'empêcher de me sentir coupable. Coupable d'être à présent une mauve. Coupable d'être dans cette pièce pour pouvoir toruver le meurtrier d'un garçon que j'avais cotoyé -probablement de nombreuses fois- dans les couloirs d'Oxford. Coupable de ne rien savoir. Coupable finalement d'être encore vivante. Léo avait beau essayé de me rassurer, elle ne pouvait pas enlever ce sentiment de culpabilité qui me rongeait. D'une certaine manière je me disais que ça aurait peut-être pu être moi gisant sur le sol. Peut-être que le meurtrier visait juste les omicrons, les étrangers venus d'Angleterre. Peut-être que c'était un pur hasard si Riley avait été tué. J'essayais de sourire sans grand succès à Léo pour la rassurer. Je ne voulais pas qu'elle croit que ses mots et sa gentillesse ne me touchaient pas. « J'aurai dû pouvoir donner plus d'informations sur lui. Il venait d'Oxford. Nous étions dans la même promo ! » Je regardais autour de moi. Personne ne semblait réellement se soucier de Riley. De la personne qu'il était avant que tout le monde parle de lui en évoquant son corps gisant sur le sol pendant le bal de promo. Ils étaient tous là à se dire qu'il avait ruiné leurs vacances et leur fin d'année. Ils se fichaient pas mal de savoir s'il avait une copine, si ses parents avaient été prévenu. Ils voulaient juste sortir de cette pièce et partir en vacances comme ils l'avaient prévu. C'était scandaleux. « Je reviens Léo. Je vais exploser ici. » Je ne pouvais pas rester dans la même salle que tous ces étudiants qui se crépaient le chignon pour des histoires futiles. Un étudiant était mort et au lieu de trouver le coupable, ils passaient leur temps à régler leurs comptes. Je préférais donc me retirer et respirer un bon coup. Je cherchais à m'éloigner de la salle principale et je décidais finalement que le second étage serait plus calme et plus tranquille. Les toilettes me semblaient être un bon échappatoire. Avant même que je puisse atteindre la porte, je fus prise de court. Un film plastique entourait mon visage. Il m'était impossible de respirer. Je sentais un corps derrière mois qui m'aggripait. J'essayais tant bien que mal de me débattre. Je lâchais ma pochette dont je n'entendis même pas le bruit quand elle tomba sur le sol. Mes bras attrapèrent les poignets de la personne qui tenait le sac. Je n'arrivais à rien faire. Je ne m'attendais pas à ça. Mes jambes étaient comme plantées dans le sol. Impossible de faire quelque chose. C'était la fin. Je ne pouvais rien faire. J'étais seule dans ce couloir. Quelle idée de m'éloigner du groupe alors qu'un meurtrier rodait ! J'avais peut-etre raison après tout, il en voulait aux omicrons et j'étais la deuxième sur la liste. Progressivement je suffoquais et j'avais l'impression que son emprise diminuait au fur et à mesure que ma respiration devenait plus lente. Il semblait arriver à son but. Me tuer. J'essayais de garder les yeux ouverts et de contrôler mon souffle mais le manque d'oxygène accéléra les choses. En une minute à peine, il m'avait coupé la respiration. Sans même que je m'en aperçoive, je tombais sur le sol. Laissée pour morte dans ce couloir.

L'oxygène rejetait par leur poumon se métamorphosait en un élément lourd et pesant, presque destiné à être oublié dans les méandres des ténèbres. La pièce était enivrée de particules infiniment minuscules mais pourtant bien imposantes qui faisait particulièrement jaillir cette tension discernable le reste de l'année entre les confréries. Cependant, elle se démontrait davantage complexe que ce que les regards ne laissaient prétendre. Une rivalité envenimée qui prenait tout son sens lorsque les confréries se réunissaient, mais qui s'en retrouvait démunie lorsque les membres se présentaient en solitaire. Le débat s'était attisé, ramenant une vie sans précédent, mais il n'avait engendré aucune conséquence déplorable. Cette discussion laissait le goût amer de l'inutilité, comme si toutes ces paroles crues déclarées à voix haute n'avaient été reçues que par un mur froid et inerte illustré par les hommes vêtus de vêtements d'officier. Ils étaient censés trouver le coupable de cette affaire angoissante mais rien ne semblait se manifester, même leur uniforme et gadget ne semblaient pas y parvenir. Impuissant, tel était le sentiment que cette situation procurait dans son organisme, mais également au sein de son regard qu'elle jetait sur son entourage. Tous étaient impuissants face à l'ampleur du sujet dramatique. Saisie d'un sursaut électrique, une main inconnue s'autorisa le trajet sinueux de ses épaules. Son regard devenu subitement vif s'accrocha à celui de son cousin bien familier. Rassurée, des pensées furtives inappropriées fuyaient l'enceinte de son esprit. L'instant d'une seconde, elle s'était imaginée le tueur la saisissant par le cou afin de lui obstruer la trachée. Des pensées stupides qui possédaient cependant tout à fait leur place en cette journée affolante. « L’année prochaine, rappelle-moi de ne pas mettre les pieds au bal de fin d’année, d’accord? »  Le sourire délivré par son cousin ne pouvait obtenir qu'un reflet de ce qu'il renvoyait. Ces propos reflétaient une réalité exemplaire. Les personnes qui ne s'étaient pas manifestées lors de la soirée échappaient à ces questions éternelles. Sa réflexion devenait au fur et à mesure complexe. Et si l'assassin s'avérait être une personne qui ne s'était pas présentée au bal? Les questions devenaient trop compliquées, et le raisonnement acharné ne faisait qu'empirer la situation. « Qui aurait cru un jour que les Morellos auraient à aider des policiers à résoudre une histoire de meurtre? » Sourire amusé sur les lèvres, la jeune fille présentait un regard enjoué et songeur. Les Morello, se retrouvant dans l'obligation de se justifier auprès des autorités. Quelle ironie. Ses pensées se retrouvaient transportées par l'initiative adoptée par son cousin. Celle qui résonnait tel un désir : quitter cet endroit et retrouver des activités normales. Cette réunion ne possédait aucune description se référant à la normalité, ne possédant aucun objectif fixe. La distance qui persistait se réduisait à vu d'oeil, deux ou trois pas, et le plein air effleurerait leur poumon. Le rêve se brisait alors soudainement, sous le bruit sourd qui ne suscitait que de mauvaises intuitions. Lily qui s'était éclipsée quelques secondes auparavant afin d'éviter les foudres embrumées se retrouvaient inerte sur le sol, sous le regard effrayé de la blonde. Cette couleur rouge vive se donnait pour mission d'orner le sol bientôt immaculé de sang, sous le regard terrorisé de la foule. Les tensions venaient d'être relâchées pour simplement céder à la panique commune, un sentiment qui ne valait pas mieux que le précédent. « Je pense qu’on en a assez eu pour la soirée… Tu ne te sentirais pas faible soudainement à cause de tout ce monde et de ce qui vient de se passer? Peut-être même un grand besoin de prendre l’air? Ou à la limite serait-il mieux que je t’escorte jusqu’à ta chambre pour que tu t’étendes? » Les paroles de son cousin lui parvenaient avec beaucoup de difficulté, comme inaudible, rendant son cerveau dépourvu d'oxygène. Assimiler la réalité et les faits devenaient complexes pour la jeune fille, si bien qu'elle percevait la scène actuelle comme un mauvais cauchemar. Une réalité artificielle qui pourtant aurait de réels impacts sur leur vie. Le coeur de la jeune fille se resserrait progressivement, à la vue du corps de Lily. Ses lèvres se desserrèrent en vue d'une quelconque déclaration qui ne se manifesta jamais. Le regard perdu, son esprit embrumé, la seule chose qu'elle réussit à faire parvenir à son cousin fut un regard choqué et désorienté qui signifiait clairement le besoin de partir instantanément. Ses poumons ressentaient plus que l’extrême nécessité de s'éclipser à l'air libre, au risque de ne plus pouvoir supporter cette atmosphère lourde et désagréable qui la ferait succomber. Partir, c'était ça la clef de leur survie.

Les secours se pressent autour des blessées à mesure que j'invite Valentina à se reculer en gardant un bras autour de ses épaules délicates. Protecteur et attentionné malgré cet ego démesuré que je promène, je ne souhaite pas voir ma petite-amie souffrir davantage en étant confrontée à des visions aussi peu avenantes. Mes lèvres rejoignent son front pour un baiser rassurant puis mon index vient courir avec douceur sur sa joue. Je sais qu'elle est forte, mais je sais également que la jeune femme a besoin d'un soutien indéfectible sur lequel s'appuyer. "Viens, on rentre. On ne peut rien faire de plus pour le moment." Je fais tourner ses épaules et nous prenons ensemble la direction de notre pavillon, accompagnés par nos confrères et consœurs Deltas et Bêtas. Un silence assez pesant semble s'installer alors que la fraîcheur de la nuit tombe sur nous. Je retire ma veste et je la pose naturellement sur les épaules de Valentina, un baiser vient à nouveau effleurer sa tempe. Non loin de notre pavillon, je m'arrête en tournant la tête vers le pavillon des Iotas, un peu plus loin. Mes sourcils se froncent car je sais que mon père William ainsi que mon oncle Noah doivent s'y trouver. L'inquiétude m'étreint soudainement l'estomac. Si ce type peut frapper n'importe où, alors ils peuvent ne pas être à l'abri. J'ai traversé le globe dans l'espoir de retrouver ma famille, je ne veux pas la perdre quelques mois seulement après les avoir rencontrés. "Rentres avec Casey, il est juste là. Je reviens, je veux juste m'assurer que William va bien." J'avais déjà parlé à Valentina de mon père, du rapport encore étranger que j'ai avec ce géniteur rencontré vingt-et-un ans après ma naissance. Je ne l'appelle pas Papa, mais je me permets d'utiliser son prénom. Pour savoir que la doyenne des Bêtas est également très soucieuse du bien-être de son père, elle me laisse partir. Non sans que je lui délivre un baiser langoureux pour la rassurer. Je prends la direction du pavillon des Iotas en marchant rapidement. Soudain, j'ai la sensation d'être suivi. J'ai l'habitude de me méfier, c'était même vital pour s'en sortir dans le bidonville où j'ai grandi. Je tourne plusieurs fois la tête, mais je ne vois rien. Finalement, je sors mon portable pour envoyer un sms à mon oncle. Non, je n'ai toujours pas le numéro de mon père. "Noah, j'arrive près du pavillon des Iotas, je vous rejoins. Kenzo." Par "vous", il saura que je parle de son frère ainé. J'allais reprendre l'allée des Grecs quand on me colla un chiffon sur la bouche et le nez. Par réflexe, je me débats en envoyant mon corps en arrière, idem pour mon coude qui rencontre l'abdomen de mon agresseur. Vu la force que j'y mets, le type recule et j'essaye de courir… mais je fais à peine trois ou quatre mètres avant de tituber. Ma vue se brouille, je suffoque, j'ai les yeux qui piquent. Je chute sur le sol et sans pouvoir rien faire, je sens qu'on me traîne. Je ne sais pas qui c'est, mais il ou elle semble décidée car avec un mètre quatre-vingt-dix de muscles à mon actif, je pèse mon poids, mine de rien. J'essaye de lever la tête pour tenter de voir un visage mais, comme par hasard, ma tête rencontre la carrosserie et je grogne de douleur en abandonnant cette idée. Une légère plaie se met à saigner sur mon front et après m'être fait traîner dans un coffre de voiture, l'obscurité s'installe. Je ne sais pas où nous allons et le confinement me pousse à lâcher prise malgré moi. Je perds connaissance.

Les barbies et Ken de l'université semblaient vouloir prendre la poudre d'escampette. Grand bien leur prenait. Gusto les contemplait, un rictus satisfait sur le bord des lèvres. D'ici quelques minutes, sa maison aurait repris une allure parfaite, débarrassée de tous ces parasites. Lily-Rose fut l'une des premières à quitter la salle pour partir, dieu seul sait où. Son verre à la main, il poursuivit sa conversation avec sa sœur. Soudain, un bruit résonna dans l'entièreté de sa confrérie mauve. Jayan fut debout en une fraction de seconde et s'ensuivit un mouvement de foule. Bien trop égoïste pour se soucier de quoi que ce soit, il resta en place. Avant d'entendre des cris s'échapper de diverses bouches. Ses prunelles se levèrent vers le ciel, il grogna quelques palabres dans sa langue maternelle avant de daigner esquisser quatre pas vers le lieu où l'horreur avait eu lieu. Lily était à terre, et du sang s'écouler de sa tête. Merde, elle tachait leur carrelage et il lui était impossible de la faire payer pour ça. Inconsciente, elle l'était sans aucun doute. Second soupir. « Plus de bonniche. » Murmura-t-il vaguement déçu de devoir partir à la pêche d'une nouvelle servante qui exaucerait ses moindres désirs et qui se plierait à ses quatre volontés. Malgré tout le mal qu'il lui avait dit, la bêta avait toujours honoré sa part du contrat. Toujours à l'écart de la foule, une moue boudeuse sur le faciès, il observa Eden qui se découvrit un cœur et Camélia l'apostropher sèchement. De l'air, de l'air qu'elle disait. Tu parles, personne n'allait lui faire du bouche à bouche à la Lily. A moins qu'Adriel ne se dévoue … « Elle a surtout besoin qu'on appelle la morgue à ce stade. » Répliqua-t-il avant que la jeune Pelizza Da Volpedo ne se prenne trop dans son œuvre de charité. Pfffff, elle a souillé son sol. Cette constatation, pourtant bien désuète face à la situation, l'agaçait prodigieusement. Même aux portes du paradis, elle parvenait à l'irritait. Toutefois, Augusto dû reprendre ses esprits pour revenir à la réalité. Ce qui venait d'arriver à Lily-Rose en bouleversait plus d'un. D'ici peu, ce serait une pagaille sans nom au sein de son antre sacré. Il était de son devoir de calmer tout le monde avant que la situation ne dégénère complètement. « Les Epsilon ! Vous revenez dans la salle de réception et personne ne sort de cette pièce seul ! » La mesure de sécurité était prise. Toujours se déplacer en groupe pour assurer sa survie. S'ils devaient faire face ( de nouveau ) à des cinglés comme lors du bal de la Saint-Valentin, il n'était pas question qu'il laisse un mauve s'échapper. Quant aux Beta – Delta … Que le sort leur soit favorable. Chacun sa croix après tout. Alors qu'il se préparait mentalement à devoir en convaincre plus d'un, quitte à devoir user de son autorité légendaire, son cellulaire vibra dans la poche de son pantalon. Il le sortit et fixa durant un instant le nom de l'émetteur. Tiens … Voilà que mademoiselle La Tour Dubois se plaisait à lui faire signe de vie. Une sonnerie. Eh bien, elle attendra un peu que lui, veuille bien décrocher. Deux sonneries. A moins qu'il ne la laisser poireauter comme elle a osé le faire durant toute la soirée. Trois sonneries. Voilà, elle patiente, elle patiente et lui jubile de sa vengeance qu'il déguste encore tiède. Quatre sonneries. Et le pire, c'est qu'il la voie pincer des lèvres, irrité comme pas permis parce qu'il ne lui répond pas. Cinq sonneries. Dans un élan de bonté, il active d'un glissement de doigt l'appel. L'oreille collé à son iPhone, il ne perçoit que de vagues bruits qu'il n'arrive pas à reconnaître. Il pense tout d'abord à une fausse manipulation. Ce serait bien le genre de la iota. Juste pour l'enquiquiner un peu plus.  Puis un son d'un objet qui tombe. Son téléphone. Et là, c'est le drame. Il se met à penser qu'il lui est arrivé quelques chose. Et la frayeur prend le dessus. « Constaaaance ! » Rugit-il dans le combiné tel un fou. Pas de réponse. Un des bruits étranges puis un silence de mort. Autant le fait que Lily gise sans vie ne l'émotionne pas outre mesure, mais que sa rouge favorite ne lui parle pas … Là, c'est plus problématique. Il attrape le bras de sa jeune sœur. « Je vais la chercher. » Il n'a pas besoin de lui fournir plus amples explications. Elle sait très bien de qui elle parle. Il vient à peine de donner l'ordre de rester groupé, qu'il désobéit lui-même à sa propre règle. Sauf que là, il s'agit d'un cas de force majeur. Personne n'a le droit de toucher à un seul cheveux de sa brune. Personne.