Imagine Dragons me réveilla à 6h01 du matin. Pourquoi la minute de plus ? Pourquoi pas, tout simplement. Je ne voyais pas quelle était la force obscure qui obligeait tout le monde à se lever à une heure aussi fixe, alors juste pour être encore une fois marginale, j’ajoutais toujours la minute de plus. Dès que je me levai, je me rendis à ma garde-robe dans laquelle j’attrapai des shorts noirs avec une ligne turquoise de chaque côté ainsi qu’une camisole agencée à ces mêmes lignes. Mon soutien-gorge d’entraînement aplatissait ma poitrine d’une façon plutôt inconfortable, mais pour une heure, ce serait supportable. J’enfilai mes bas et une paire de chaussures de course, puis m’attachai les cheveux. Le tout fut réalisé par des gestes robotiques et peu réveillés. J’espérais que Cassiopea ne m’ait pas oublié ce matin, car je n’aurais sans doute pas la force de courir les 5km prévus pour ce matin si j’étais seule. Au moins, avec Cass, j’allais pouvoir discuter, parler dans le dos des gens trop populaires que je n’aimais pas, et aussi lui raconter mes histoires de cœur, de sorte que j’oublie que j’étais en train de courir. Bref, je descendis dans la cuisine de la maison des Lambda et j’attrapai deux fruits ; une banane et une pomme. Je m’assis sur un fauteuil le temps de manger mon petit-déjeuner santé. Je regardai ma montre et constatai qu’il n’était que 6h07, alors que je n’avais rendez-vous que dans une vingtaine de minutes avec mon amie. Je soupirai, regardant dans le vide, réfléchissant à ce que j’allais faire de ma journée. Puis je tombai dans la lune en mâchant ma nourriture. Après dix minutes à être perdue dans mes pensées, je réalisai que le temps de me rendre au San Francisco Stadium, j’aurais quelques minutes de retard. Je sortis donc de la maison en trombe et pris le premier bus que je rencontrai. Une fois arrivée, j’aperçus mon amie qui m’attendait à l’extérieur, debout sur le gazon. Je lui envoyai la main tout en m’approchant. « Désolée, je ne suis pas trop en avance ! Tu me connais … je tombe facilement dans la lune, surtout aussi tôt le matin ! » Je rigolai avec elle alors que nous nous dirigions vers l’entrée du stade sportif. Tout autour du terrain, il y avait une piste de course qui rendrait le compte des kilomètres plus faciles que sur la rue. Je commençai à sautiller sur place afin de m’échauffer. « Je t’avertis, on a souvent dansé ensemble et tout, mais pour la course c’est pas pareil. Je n’ai pas du tout d’endurance ni de cardio, alors je ne vais pas courir très vite … » Ce que Cassiopea ignorait, c’était que tout cela était dû à une maladie qui attaquait mes poumons, la fibrose kystique, et que même si je m’entraînais à tous les matins, ce problème ne se règlerait pas. Si elle se rendait compte un jour de mon absence d’adaptation ou d’évolution, je serais forcée de lui avouer mon état de santé.

Ce matin, j'ouvre les yeux sur la chanson « super bass » de nicki minaj. Il est cinq heure, alors j'ai au moins une heure pour me préparer et me mettre jolie pour la course. Je me lève alors sans perdre une minute de plus, parce que mon temps est compté, je n'ai pas de temps à perdre dans mes couvertures même si j'adore me prélasser et ne rien faire après avoir passé une soirée à fêter ; ce qui - exactement - s'est passé la veille. Je prends une douche rapidement, puisqu'en revenant de faire de l'exercice, je repasse toujours sous la douche. C'est pas que j'aime pas sentir la sueur, mais ... ça ressemble vraiment à ça. Alors donc, je passe une bonne heure à me préparer, me peigner les cheveux en chignon pour éviter de me ramasser avec les cheveux dans le visage pendant que je cours, mes vêtements sont toujours tendance, alors voilà ça ne change pas. Des shorts violettes, un haut sans ventre doré et des baskets doré et violet ; il faut absolument que mes vêtements puissent aller ensemble, vous pensez quoi. Alors j'attrape finalement mes clés, mon téléphone et balance ce dernier dans mon sac de sport que je met sur mon épaule. Je passe dans la cuisine pour m'attraper un croissant que je mangerai sans doute en route vers le lieu de rendez-vous. Astor doit déjà m'attendre depuis quelques minutes, elle aura simplement plus de temps pour s'échauffer, c'est tout. Je prends mon trousseau dans ma main et fait démarrer ma voiture à distance ; il est hors de question que je monte dans un autobus, ça me donne le mal de mer et je ne sais pas de quelle maladie ces affreux transports en commun sont munis. Je me dirige donc simplement en voiture jusqu'au San Francisco Stadium ; il était du coup plus facile de courir et nous étions vachement moins distraites par le paysage qu'en courant dans la rue. Personnellement, j'aimais mieux à l'intérieur, ça empêchait les gens de me voir suer à grosses gouttes dans le dernier kilomètre. Je gare ma voiture et en descends en regardant autour de moi, pas d'Astor à l'horizon. J'hausse les épaules et me dirige vers l'intérieur, avant de me demander si elle ne rebrousseras pas chemin si je ne l'attends pas dehors. J'arrête donc finalement de marcher et attends quelques minutes jusqu'à ce qu'un autobus s'arrête juste devant moi. En même temps, j'ignore toujours pourquoi on ne se rends pas aux endroits où l'on vas ensemble, dans ma voiture, plutôt que de lui faire gaspiller son argent en transport en commun. Bref, je la regarde descendre avec un léger sourire, l'air de dire qu'elle est en retard ; chose que je ne suis pas, pour une fois. « Hm-hm ! » que je lui réponds avec le même sourire avant d'entrer dans la bâtisse en rigolant avec mon amie. Il n'est pas rare que nous passions du temps ensemble, j'adorais sa personnalité, ses réactions, ses petites manies ; elle était amusante, simplement.

Je balance donc mon sac de sport sur un des bancs placé contre l'un des murs bas, avant de me tourner vers elle. Je m'étire les jambes en la regardant en fronçant légèrement les sourcils ; j'avais l'habitude de courir seule, avec quelqu'un s'était d'autant plus essoufflant à force que la gueule m'arrête jamais. Elle me dit qu'elle ne court pas rapidement et tout, mais ça ne me dérange pas. J'aime courir, alors ne serait-ce que le faire plus longtemps et moins rapidement, ça ne me fais rien. J'hausse finalement les épaules, puis lui fait un clin d'oeil. « Tu sais bien que ça ne me dérange pas, je suivrai ton rythme aussi longtemps que dureras la course. » Je lui souris encore une fois avant de terminer mes étirements habituel, qui ne m'avaient jamais valu de courbature jusqu'à maintenant. Je me relève finalement, puis jette un petit coup d'oeil autour pour être certaine qu'on ne m'observe pas trop. « Tu es prête ? » Je sens que cette course sera pleine de conversation, parce que je n'ai pas l'intention de courir dans le silence pendant longtemps, je n'en serais pas capable de toute manière.

Je souris en voyant à quel point Cassiopea avait pris le temps de se préparer et d'être convenable malgré l'heure qu'il était. J'avais l'air d'avoir dormi dans un sac à ordures, si on me comparait à elle. Je portais des shorts et un chandail trop grand avec des couleurs qui n'allaient pas forcément très bien ensemble. J'avais de vieux souliers de course que j'avais trouvés pas trop cher dans un petit marché aux puces. Je n'avais pas beaucoup d'argent, alors je me contentais de ce que je trouvais dans les friperies ou magasins à rabais. Cassie et moi étions plutôt différentes sur plusieurs points en fait, mais cela n'empêchait pas que nous nous entendions plutôt bien. Nous ne serions sans doute jamais les meilleures amies du monde, mais je ne pensais pas non plus que l'on puisse se disputer à propos de quoi que ce soit. Même si je ne m'habillerais sans doute jamais avec un haut laissant voir mon ventre ou que je ne ferais jamais partie d'une confrérie comme celle des Bêta alors que Cassie le désirait profondément, j'étais capable de mettre ces détails de côté et de me concentrer sur ses qualités. Certaines personnes jugeaient les Bêta trop vite. Je ne m'arrêtais pas aux apparences. Je rigolai légèrement à sa remarque sur mon rythme et le fait que ça ne la dérangeait pas de me suivre. « Tu vas courir longtemps, alors ! » Je me levai après avoir étiré mes jambes, et me tint toute droite alors que mon amie me demanda si j'étais prête. « Oui ! » Enfin, je l'espérais. En même temps, Cassiopea et moi commençâmes à courir sur la piste. J'aimais bien me donner le défi de ne pas toucher aux lignes blanches qui délimitaient mon corridor. Ça me permettait de penser à autre chose pendant que nous nous habituions chacune à notre rythme commun. Quand ma respiration devint un peu plus stable, je pu parler. « Alors, la rentrée n'est pas trop difficile ? C'est ta deuxième année c'est bien ça ? Tu as des stages ou seulement des cours ? » Beaucoup de questions en même temps, mais c'était seulement pour me tenir au courant. Cassiopea était dans un domaine d'étude peu commun qui n'existait d'ailleurs pas dans toutes les universités, au contraire d'ailleurs ces études étaient plutôt propres à la Californie, du moins pour ce qui était des États-Unis. J'aimais bien lui parler de ses cours et de ce qu'elle apprenait sur la sexologie. C'était original et intéressant. Un peu plus que moi, au moins. Difficile d'avoir de bonnes anecdotes à raconter quand on étudie en architecture de paysage !