Je n’étais pas du genre à m’attacher. Dépendre émotionnellement de quelqu’un, très peu pour moi. Mon passé justifiait peut-être cela, mais en même temps, qui ne réagirait pas de la même façon ? Cependant, il y avait quelques exceptions sinon, ce ne serait pas marrant. Dans mon cas, elle s’appelle Aurea et c’est ma meilleure amie. Même regard vide, même façade dur, points communs évidents d’un passé – ou d’un présent dans son cas à l’époque de notre rencontre – chaotique qu’aucune de nous deux n’avait voulu. Quand je suis arrivé à Berkeley après ma cure, elle était là. Avec elle, j’avais réussi à m’acclimater rapidement et à connaitre le monde de la nuit San-franciscaine. Ce matin, la belle m’envoya un sms. « Cet après-midi, rendez-vous devant La Marina, prend ton maillot de bain, on va se faire dorer au soleil et faire tourner les têtes. Bisous Darling. », disait-il. La réponse ne se fit pas attendre. « Excellent programme. Compte sur moi, je ne serais pas en retard. Kiss. » Je balançai mon portable au bas du lit. Dans son élan, il butta contre le pied de mon amant de cette nuit. Grognement. « Et oui, mon grand, dehors ! Ne fais pas ta belle au bois dormant parce que si, dans cinq minutes, t’as pas bougé ton cul, c’est moi qui te ferais bouger. »Je lui lançai le plus beau de mes sourires hypocrites. « Si ça peut t’aider, t’es pas un si mauvais coup que ça. » J’enfilai un vieux t-shirt et un string que je chipai dans mon armoire avant de sortir de la chambre. Je m’affairai dans la cuisine, préparant le café et le petit-déjeuner. Mon coup de cette nuit rentra dans la pièce et voulut venir s’asseoir au bar. « Au revoir ! L’ascenseur est juste en face quand tu sors. » Il afficha une mine déçue et sortit. Ben quoi ? Je ne peux pas garder tous ceux qui finissent dans mon lit, je ne suis pas l’armée du salut. Regardant l’heure, je remarquai que j’étais un peu en retard. Petit-déjeuner avalée à la hâte, douche et me voilà en train de m’habiller d’une robe bleu marine avec une ceinture marron et, à la place de mes sous-vêtements, j’avais enfilé mon bikini USA. Maquillage. Chaussure. Sac. Lunettes de soleil sur le bout du nez. Enfin prête à partir. J’attrapai mes clés de voiture. Je pris le volant de la mini et partis rejoindre le lieu de rendez-vous. La marina ne se trouvait qu’à dix petites minutes de voitures, j’y fus donc rapidement. Je me postai alors sur un petit banc à quelques mètres du parking. J’attendais depuis quelques minutes quand Aurea arriva. Je souris. Elle était la seule avec qui j’osai cette marque sans y incorporer une once de sarcasme. « Je sais, ne dis rien, je suis à la bourre. » « J’ai l’habitude, c’est rien. » Nous nous fîmes la bise. « Je t’offre un rafraichissement pour me faire pardonner ? » J’acquiesçai. Nous entrâmes alors dans un café à quelques mètres du banc où je m’étais installé pour attendre ma meilleure amie. « Comment tu vas ma jolie ? » Malgré les dizaines d’sms qu’on s’envoyait, prendre des nouvelles de vive voix faisait toujours un plus joli effet. « Pareil à toutes les autres fois, je vais bien, je profite de la vie. Et toi ? » Le serveur vient alors prendre notre commande. Je lui demandai une eau gazeuse citronnée et il repartit vers le bar pour nous préparer cela. « Joli fesse le garçon tout de même… », me dit Aurea. Je souris. « Très bon coup aussi. » Et oui, il était l’un des chanceux à être tombé dans les filets de Lucile Delvaux-Leroy et d’avoir eu le privilège de passer une nuit avec moi. « Par contre, je ne sais pas comment je dois le prendre, il n’a pas l’air de me reconnaitre. » J’eus une mine faussement triste avant de partir dans un éclat de rire. Décidément, il n’y avait que l’Epsilon pour me faire agir comme ça.