Qu'est-ce qui avait manqué à Kilian pendant son séjour en France ? La réponse parait plutôt évidente : ses amis ! Certes, ce retour au pays avait fait le plus grand bien à notre breton de naissance, cela lui avait entre autres permis de poursuivre ses études dans un cadre radicalement différent de celui de Berkeley, de revenir à sa langue maternelle, de se constituer une bonne expérience professionnelle et surtout de faire le point sur sa situation familiale. Très complexe depuis que Logan Salaun avait fait son grand retour dans son existence en se faisant embaucher comme prof' de théâtre... Il n'avait pas tellement eu le temps de prévenir ses amis en personne car son départ avait été précipité et du jour au lendemain. Un coup de tête mais parfaitement calculé : un océan ne serait pas de trop pour séparer père et fils le temps que ce dernier accepte que Salaun senior fasse de nouveau partie de sa vie.
Parmi ces amis qu'il avait "abandonné" presque du jour au lendemain, il y en avait un en particulier : Stephen. S'il devait regretter un ami parmi ses connaissances dans le milieu masculin, c'était sûrement lui en priorité. Ils se ressemblaient dans des tas de domaines différents. Le caractère, les passions, la fête, l'art et parfois même le physique. Par nature, Kilian n'était pas une personne spécialement sociable ou du moins qui se liait avec n'importe qui : avoir l'air grognon et peu abordable, ça a le mérite de trier les réels amis sur le volet. Pourtant, ils avaient très vite sympathisé, leurs études et leur confrérie commune jouant par-là un rôle supplémentaire. C'est pourquoi le Sigma comptait bien passer la soirée avec son comparse de toujours, autant pour fêter dignement son retour que pour tout savoir de la vie de son cher Stephen. Portable en main, le beau brun pianota dessus rapidement pour lui envoyer un texto au beau milieu d'un cours de théâtre. Soirée entre hommes ce soir : toute créature féminine est exclue de prêt ou de loin, sauf si l'occasion se présente au cours de la soirée bien évidemment. En lisant sa réponse, un grand sourire fendit le visage de Kilian, de quoi faire s'inquiéter tous ceux qui se trouvaient autour de lui. Eh oui, lui non plus n'était pas du genre à sourire à tout bout de champ, sauf de façon ironique ou déstabilisante.

Kilian arriva comme une tornade dans l'appartement de Logan... eh oui, père et fils crèchent ensemble, merci l'incendie qui avait ruiné l'habitat du plus jeune. Alors que le paternel lui demanda où il allait ce soir, le jeune homme lui répondit vaguement qu'il pouvait ranger les contes de fée car vu l'heure tardive à laquelle il allait sûrement rentrer, inutile de lui lire une histoire pour s'endormir. Après une bonne douche, il s'habilla d'une chemise blanche accompagnée d'un gilet de costume noir. Un jean, une ceinture et des chaussures en cuir plus tard, il se retrouva devant la glace pour arranger très vaguement ses cheveux à la va-vite, une note de parfum boisé pour compléter le tout et roulez jeunesses. Ce soir, Kilian Salaun, tu vas choper. A cette idée et au souvenir de leurs soirées inoubliables, un nouveau sourire gagna les lèvres de l'étudiant qui quitta l'appartement pour sauter dans sa Mustang et rouler en direction de l'Abstinthe Bar. Pourquoi celui-ci ? Car à cause d'une foutue loi, il était majeur en France mais pas aux Etats-Unis... alors s'ils pouvaient au moins se dégoter un bar qui ne soit pas trop regardant sur l'âge de ses clients, ce serait bien.
Installé au bar, le regard azur du fils Salaun se posa sur quelques clients avant d'être brutalement arrêté par une brune physiquement intelligente, comme Juno savait si bien le dire. Un sourire, un regard et une commande de sa part suffirent à la serveuse pour être attirée comme une abeille avec du miel. Ils engagèrent une conversation qui à défaut d'être passionnante avait au moins le mérite de lui donner un ticket avec cette ravissante jeune femme... du moins jusqu'à ce que ce bon Stephen arrive et ruine ses efforts d'une simple parole. Kilian se tourna vers lui en le fusillant du regard mais son sourire aux lèvres trahissait son grand contentement de le voir de nouveau. Il le salua avec autant de chaleur et le regarda s'installer. "On ne change pas les bonnes habitudes ! Mais tu devrais faire gaffe... si t'es rouillé, j'aurai aucune pitié pour toi niveau gonzesse !" Kilian partit dans un franc éclat de rire avant de passer commande avec Stephen. "Laisses, je te paie le premier." Il lui devait bien ça, ne serait-ce que pour le remercier d'être venu.

Whisky en main, le breton trinqua avec son ami dans un bruit de verre avant d'en boire une bonne gorgée. Non, il ne descendait jamais ses boissons en une fois... sauf si c'était un pari. Il aimait profiter tranquillement du goût de ce qu'il buvait au lieu d'enchaîner bêtement les verres les uns après les autres. "Sympa ta tenue... tu postules pour le prochain Twilight ? T'as craqué pour toutes ces gamines prépubères, en fin de compte ? T'as raison, c'est plus dans ta catégorie, junior." Les vacheries étaient leur quotidien mais malgré les apparences, ils s'entendaient à merveille. Ils avaient dix mois à rattraper, la soirée promettait donc d'être mouvementée. Normalement, en tout cas. "Bon alors, quoi de neuf dans ta p'tite vie ? J'ai évité de t'harceler avec des mails par dizaines, je sais que tu crains les nouvelles technologies encore plus que les couleurs claires." ironisa-t-il avec un nouveau sourire en coin. Les yeux du fils Salaun restaient posés sur lui, il était vraiment impatient qu'il lui raconte tout ce qu'il ne savait pas encore. En tout cas, ses sourcils se fronçaient légèrement : il y avait quelque chose qui l'intriguait un peu dans son attitude en général, comme s'il était un peu moins à l'aise qu'auparavant.

Kilian se contenta de lever les yeux au plafond en pouffant de rire à la réplique incisive que lui renvoya son ami : un partout la balle au centre, c'est un beau match en prévision. Un sourire se dessina sur ses lèvres alors qu'il donnait un coup de poing amical dans l'épaule de Stephen en réponse à cette vacherie. Ce que leur relation avait pu lui manquer ! Parler avec un ami, un vrai, un à qui on peut tout dire, un avec lequel on peut partager de A jusqu'à Z. Vu leurs caractères respectifs, on peut aisément se douter qu'ils n'étaient pas du genre à se déplacer avec une myriade de personnes qui pourraient graviter autour d'eux... voilà sans doute pourquoi ils s'étaient aussi bien trouvés. Ils n'avaient rien de superficiel et acceptaient de se faire confiance l'un l'autre. Quant aux conneries, Dieu sait que c'était le moteur principal qui les avait rapprochés !
Cependant, perspicace comme à son habitude, le fils Salaun fronça très brièvement les sourcils lorsqu'il vit la légère gêne éprouvée par son interlocuteur. Rien qu'à sa grimace et sa façon d'hésiter, il pouvait déduire que quelque chose d'assez important s'était déroulé dans sa vie. Curieux, il reprit une gorgée et hocha la tête en déposant son verre ensuite sur le comptoir, un petit rire s'échappa de sa gorge. "Heureusement que je ne suis pas cardiaque... parce qu'avec un type comme toi et les folies qu'on a pu faire, j'aurai plus d'une attaque à mon actif !" En tout cas, il nota que Stephen allait le questionner légitimement ensuite et déjà, Kilian n'y voyait pas la moindre objection. S'il y avait bien une personne à qui il ne cachait vraiment rien, c'était lui.

Sa joue déposée dans le creux de sa main, le regard azur du Sigma restait posé sur son ami... du moins, en partie. Il y avait une jolie métisse là-bas, dans le dos de Stephen, qui lui avait tapé dans l'oeil et dont il aurait éventuellement fait son dîner. Pendant l'espace de quelques instants, son attention avait donc été partagée entre elle et le peintre. Le fait qu'il apprenne qu'il ait une galerie pour lui seul le ravit au plus haut point : depuis le temps qu'il voulait progresser également au niveau professionnel et faire partager son univers si particulier aux autres, c'était un pas en avant de taille dont il était fier pour lui. Ce fut d'ailleurs la raison pour laquelle il déposa une main chaleureuse sur son épaule en s'armant d'un sourire complice. Des déconneurs, certes, mais également des artistes passionnés avec des rêves plein la tête combinés à une détermination sans faille.
Sa main resta sur son épaule alors que son visage passait du contentement à la surprise intégrale. "Une..." Ouah. Stephen Winston-Carter avec une petite amie. Une copine. Rangé, casé, en couple. Lui. Pendant un instant, Kilian se laissa à aller à un petit rire dans la mesure où il croyait dur comme fer qu'il s'agissait d'une autre de ses blagues. Néanmoins, lorsqu'il s'aperçut d'un regard que le Sigma ne plaisantait décidément pas, ce fut de nouveau la surprise qui repris le pas sur le visage du breton. Les yeux un peu écarquillés, il but une gorgée de whisky comme si cela allait l'aider à accuser un peu mieux la nouvelle. "Nom de dieu..." murmura-t-il en posant ses yeux dans le vide .

Qu'on ne s'y trompe pas, Kilian était tout de même satisfait qu'il se soit trouvé quelqu'un. Lui-même croyait en l'amour, à la différence qu'il ne le cherchait pas encore vraiment. Après tout, si cette fille le rendait heureux, pourquoi pas. Mais il craignait une chose : que "madame" ait un peu trop changé son bon vieux Stephen car, bien souvent, être casé signifie que le nombre de délires entre potes est drastiquement réduit. "Eh ben... il était grand temps que je revienne. Dix mois à Paris et tu te fais avoir par une nana ! Mon pauvre ami..." lâcha-t-il sur un ton tout ce qu'il y a de plus taquin et sarcastique. Pour le coup, le fait que Stephen ait sa propre galerie venait de prendre une importance carrément mineure à côté de cette nouvelle que Kilian avait bien envie de creuser. "Et moi ? Près d'un an à Paris, j'ai fais pas mal de choses en dehors des études... cuistot dans un restaurant étoilé, peintre à Montmartre, jeune comédien dans quelques cafés-théâtres... Ah oui, je me suis découvert un attrait pour la bisexualité, aussi !" Et bam, une nouvelle bombe. Effectivement, c'était quelque chose dont nul ne pouvait se douter en regardant Kilian : il était pour le moins viril, un peu bourru et n'avait absolument rien d'efféminé. L'hétéro pur et dur comme on peut se l'imaginer. Eh bien figurez-vous pourtant que le fils Salaun avait découvert l'amour entre hommes - physiquement, pas sentimentalement - et qu'il avait plutôt apprécié. Si la soirée devait être placée sous le signe des révélations les plus sensationnelles, autant dire qu'elle était bien partie.
Sans plus attendre et comme Stephen l'avait fait après sa propre réponse, Kilian rebondit immédiatement sur le sujet brûlant le concernant : sa copine. "Donc tu t'es trouvé une bourgeoise et tu vis avec elle... dis-moi, juste pour savoir : tu lui as envoyé un petit message pour la prévenir que tu sortais avec un ami, ce soir ?" Son ton était assez sérieux et le fond de la question ne tarda pas à arriver. "C'est juste pour savoir si vous en êtes au stade où il faut que tu te justifies de tout... ou au stade où tu t'empêches de pisser debout pour respecter l'hygiène et la bienséance exigée dans la demeure de Madame." lâcha le jeune homme sur un ton tout ce qu'il y a de plus sarcastique. C'était plus fort que lui, il n'arrivait pas à imaginer Stephen en gentil petit ami, même si Kilian était ravi qu'il se sente heureux avec une personne.

Les choses changent. Cette réplique de Stephen arrivait à point nommé dans la mesure où ils s'apercevaient que malgré leur lien étroit et bien rôdé, la vie des deux hommes avait beaucoup évolué. D'ailleurs, à bien y réfléchir, celle de Stephen devait être celle qui avait changé le plus dans la mesure où en se trouvant une relation stable avec une autre femme, certains aspects de sa personnalité et de son quotidien avaient évidemment été modifiés en conséquence. Qu'il le veuille ou non, une femme change un homme, bien que vous en trouverez toujours qui vous affirmeront le contraire. Ce sont d'ailleurs les mêmes qui hochent la tête pieusement quand Madame hausse le ton pendant une dispute... mais bref.
Si Kilian avait été surpris d'apprendre qu'une femme avait été assez attaquée pour tenter une relation durable avec un homme qui avait enchaîné les coups d'un soir plus ou moins régulièrement selon son humeur, Stephen avait marqué son étonnement en recrachant une bonne partie de l'alcool qu'il avait dans la bouche en apprenant que le breton s'était engagé sur une voie que nul n'aurait pu soupçonner venant de lui : la bisexualité. "Les choses changent, tu disais...?" releva-t-il en le voyant tousser pour essayer de faire passer ce qu'il restait de whisky dans sa gorge, un sourire amusé sur les lèvres. Bien qu'il s'assume totalement en tant que tel, désormais, le fils Salaun n'en faisait toutefois pas un étalage dans chaque conversation. Pour tout dire, il n'en parlait même jamais. Non pas par peur des moqueries, ce genre de choses lui passant à des années lumières au-dessus du cigare, mais plutôt pour ne pas en faire tout un fromage. Lorsque son compagnon eut retrouvé ses esprits, il haussa les épaules à sa question, décidé à être honnête jusqu'au bout. Après tout, il leur était souvent arrivé de parler de sexe entre eux, ne serait-ce que par rapport à leurs conquêtes respectives... jamais de gêne ou de tabou. Là, seul le genre de ladite conquête changeait. "J'ai expérimenté. Rien de sentimental, je n'ai pas d'attirance pour les hommes de ce côté-là, ça ne me branche pas du tout même si je le respecte. Par contre, j'ai voulu tenter avec un mec que j'ai appris à connaître à Paris. C'était... différent, mais pour être honnête, c'était vraiment bien." Le Sigma ne savait pas si ce genre de conversation mettait Stephen mal à l'aise mais il avait tellement eu l'habitude de l'avoir en tant qu'ami réel, pur et dur, qu'il ne réfléchissait pas tellement à cela. Se confier à lui, c'était un automatisme qui prouvait leur complicité. "Après, je ne te cache pas que je préfère quand même les femmes. Mais bon, maintenant, un homme de temps en temps... faut voir. C'est une expérience parmi tant d'autres !" ponctua-t-il avec un clin d'oeil en levant son verre dans sa direction lorsque la serveuse revint avec les commandes passées par l'artiste.

D'une certaine manière, Kilian se mit à le regarder différemment. Pas de travers pour autant, c'est certain, mais disons qu'il essayait de visualiser Stephen au quotidien avec une femme. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, il ne l'avait jamais vu plus de deux ou trois jours maximum avec la même créature. Du coup, il était on ne peut plus curieux de savoir ce qui avait pu changer chez lui dans l'appréhension de cette nouvelle relation. Rien que le naturel avec lequel il lui avait répondu qu'il l'avait prévenue avant de partir était un signe suffisant pour le comédien : Stephen avait déjà attrapé le virus de la routine, ça commence déjà à se mettre doucement en place. "Ca démarre avec des textos, après ça va continuer avec des mots sur le frigo... C'est mignon comme tout." ironisa-t-il avec un petit sourire en coin. L'image d'un Stephen propre sur lui qui quitte le domicile conjugal le matin en caressant le chien avant de déposer un petit baiser sur la bouche de sa tendre compagne lui traversa l'esprit. A quand la maison en banlieue chic, si ce n'est pas déjà le cas.
Quoiqu'il en soit, le Sigma semblait trouver un équilibre dans la relation qu'il entretenait avec cette fille. "D'ailleurs, la dame a un prénom, j'imagine ? Avant de devenir la future Mme Stephen Winston-Carter..." Nouveau clin d'oeil taquin pour se moquer un peu de lui. De l'indépendance ? Oui, c'est toujours comme ça, au début. Qu'on ne s'y trompe pas, Kilian n'avait rien contre la vie en couple. Mais lui-même étant du genre solitaire et indépendant, il ne supporterait pas une femme sur son dos à toute heure du jour et de la nuit. "Bien, bien... bon, je dois te dire que ça me fait quand même bizarre de t'imaginer en couple. Je ne te le reproche pas, loin s'en faut. Je suis même content pour toi : si t'es tombé dans le piège de l'amour mais que tu t'y sens bien, alors c'est le principal !" le rassura-t-il en trinquant son verre avec le sien. Toutefois, après avoir bu une petite gorgée, le breton vrilla ses yeux bleu sur lui en fronçant les sourcils. "Juste pour savoir... la dernière fois que tu t'es fait une vraie soirée pour toi tout seul c'était quand ? Sans ta chérie, sans plateau-télé, sans vernissage, rien que toi avec le peu de vrais potes que tu as ?" Le sachant aussi sélectif et peu sociable que lui sur le plan de l'amitié, lui dire qu'il avait peu de vrais amis n'était évidemment pas un reproche. Venant de Kilian, c'était même presque un compliment. Néanmoins, un doute planait dans l'esprit du fils Salaun. Il était à peu près sûr, sans chercher à s'avancer ou présumer de la vie de son compagnon, qu'une soirée comme il avait eu l'habitude de s'offrir remontait à loin, peut-être plus loin qu'il ne voudrait le reconnaître. Après, on peut aussi faire une soirée sans draguer, l'un va bien sans l'autre, mais il se demandait si Stephen ne commençait pas déjà à faire tourner sa vie un peu trop autour de sa petite amie sans s'en rendre compte. Lui qui était d'un naturel possessif et assez jaloux quand un mec regardait de trop près l'une de ses conquêtes à l'époque où il était célibataire... La réponse risquait d'être surprenante.

Un sourire avait flotté sur le visage de Kilian, effectivement cela pouvait paraître plus que surprenant qu'il se soit laissé tenter par l'expérience bisexuelle, mais il ne l'avait pas regretté à un seul instant, bien au contraire. Sans être du genre à ne chercher que des relations sans lendemain, il était tout de même assez curieux sur le plan charnel, ceci l'avait donc entrainé sur une voie différente mais pour le moins agréable. Quant à la réaction de Stephen, elle lui fit franchement plaisir, soulignant ainsi l'aspect très particulier de leur amitié : ils pouvaient décidément parler de tout sans la moindre honte, l'un sachant aussi bien que l'autre faire preuve de respect, d'écoute et de compréhension. Le fils Salaun lui accorda un clin d'oeil pour le remercier de cette tolérance, chose qui fait malheureusement défaut à un certain nombre de personnes à ce sujet.
Un grand sourire profondément amusé et presque victorieux se dessina sur le visage du breton lorsque son compagnon avoua que sa copine lui laissait déjà des mots sur le frigo. "Et il ne manque plus qu'un toutou pour compléter ce parfait tableau du couple modèle..." ironisa-t-il en buvant une gorgée. Moqueur ? Rien qu'un peu, c'est vrai, mais où serait le plaisir s'il ne pouvait pas se permettre de charrier son ami ? Le jeune homme retint tout de même que le nom de l'heureuse élue était Emy. C'est pas mal. C'est court, facile à retenir. Intrigué par les réponses qu'il allait pouvoir lui faire, un rire s'échappa même de sa gorge quand il voulut ralentir le rythme par rapport au mariage. "Excuses, je suis juste en train de t'imaginer endimanché dans un costume de pingouin..." Il faut dire que mettre Stephen Winston-Carter devant un autel, face à un curé et dans un costume chic... c'est spécial. Peut-être que cela lui irait très bien, il ne disait pas le contraire, mais c'est juste difficile à visualiser quand on connaît sa garde-robe de tous les jours.

Soudain, ses yeux bleu semblèrent pétiller quand il reconnut que sur le plan physique, tout se passait apparemment à merveille avec Emy. Encore heureux, autrement il aurait eu de quoi s'inquiéter définitivement sur la santé mentale de l'autre Sigma. Pour avoir récolté un bon nombre de conquêtes tous les deux, Kilian savait que cette dimension charnelle plaisait beaucoup à l'artiste... le voir se caser, mais en prime se caser avec un mauvais coup, ça aurait fait un peu trop pour une seule soirée entre potes. "Oh, ça va, décoinces, tu peux en parler librement, elle n'est pas là pour te fliquer !" plaisanta-t-il en lui mettant une tape dans l'épaule. Puis comme ils avaient souvent eu l'habitude de repartir chacun avec une fille le soir et d'en dresser une comparaison précise et quasi scientifique le lendemain, avec notes à l'appui... Mais bon, l'idée que le jeune homme ait enfin pu trouver quelqu'un d'autre qu'un simple coup d'un soir, quelqu'un avec qui il puisse établir quelque chose de solide et durable, cela l'enchantait vraiment.
Mais voilà, Stephen avait changé son mode de vie et quelque chose disait à Kilian que le Sigma commençait tout juste à en prendre vraiment conscience au fur et à mesure que le temps passait. Il caressa la barbe naissante sur son menton en le considérant avec un visage parfaitement neutre. "Mmm... si tu le dis. Encore heureux que tu sois là ce soir ! Autrement, je serai venu te chercher par la peau du cou !" Le breton arqua un sourcil avec un air sévère. Les soirées entre hommes, c'était presque fait entièrement pour permettre aux femmes de se retrouver entre elles... il espérait sincèrement qu'Emy ne soit pas du genre à reprocher à son petit ami d'être sorti et d'être l'une de ces mégères qui font la tête pendant une semaine en contrepartie.

Le fils Salaun passa son bras autour des épaules de son compagnon et le regarda droit dans les yeux avec un sourire. "On a dix mois de sorties à rattraper en une soirée, alors j'espère que t'es bien accroché !" ponctua-t-il en terminant son verre de whisky d'une seule traite. Il le reposa dans un claquement sec puis soupira en regardant dans le vide, après avoir fait signe au serveur qu'il s'arrêtait là pour l'instant. Il n'était pas là pour se prendre une cuite dès le départ, il était là pour s'amuser avec Stephen. "N'empêche, qu'est-ce qui me dit que tu vas t'amuser autant qu'avant, maintenant que tu es maqué ? C'est vrai, ça va être différente de draguer tout seul..." Il tourna la tête vers son ami avec une lueur de défi dans le regard et un air sarcastique sur le visage. "Je suis sûr que tu ne sais même plus comment on fait." Il y avait pourtant des dizaines de filles franchement sympathiques dans ce bar dansant. Kilian cherchait à le provoquer et voir s'il n'avait pas perdu la main malgré la présence d'une femme dans sa vie. Après tout, la drague, c'est innocent... tant que Stephen connaissait ses limites, ce n'est pas comme si le breton cherchait à le débaucher plus que de raison : il voulait simplement le pousser un peu à lâcher prise.