Héra Calligan && Kimberly A. Richards


N’avoir jamais l’envie de se confier était sûrement inhumain. Surtout quand le besoin était aussi pressant. Héra le savait. Penser qu’elle était inhumaine semblait être une idée plus facile à envisager. Surtout face à celle de devoir parler d’elle. Une chose parmi tant d’autres qu’elle ne supportait pas.

Ce jour-là avait commencé comme tous les samedis. Une grasse matinée bien méritée. Un réveil doux. Une matinée agréable. Pourtant, tout avait basculé par un simple appel.
Sa mère. Cela faisait deux mois qu’Héra n’avait plus eu de contact aussi direct avec celle-ci. C’était de sa faute et elle le savait. Mais si elle ne prenait pas la peine de l’appeler, c’est qu’elle ne le voulait pas. La jalousie de sa mère, totalement déplacée, l’avait poussée à s’éloigner de sa famille. Elle n’avait jamais regretté sa décision et ne le ferait sûrement jamais. Après tout, Anna avait été bien plus aimante durant cette unique année que sa propre mère durant toute sa vie. Héra aimait sa mère, il ne fallait pas douter de ce point. Mais l’attitude de celle-ci l’avait toujours profondément blessée. Sa mère l’aimait également. Et Héra le savait. Mais elle ne le montrait pas. Cela expliquait peut-être l’attitude de sa fille, pourquoi la jeune fille était si réservée, aussi peu amène à
exprimer ses émotions.

La raison de son appel était d’autant plus étonnante. Ses parents allaient repasser devant le maire. Renouveler leurs vœux n’était certainement pas une idée de son père. La jeune fille en était persuadée. Faisant mine de se réjouir, Héra avait tenu les 10 minutes qu’avait duré l’appel. La plus aimable possible. La plus enjouée possible. Et cela avait été assez difficile à tenir. Quand elle raccrocha, Héra se laissa tomber sur le lit.

Le besoin de ne penser à rien ou du moins de penser à autre chose devint oppressant. Elle attrapa son mobile et envoya un texto à la seule personne qu’elle avait envie de voir à cet instant. Ses doigts s’agitaient beaucoup trop vite sous l’émotion et elle du s’y reprendre à plusieurs reprises avant d’écrire correctement l’entièreté du message.



Elle referma son mobile et attrapa sa veste. Que son amie sache venir ou non, la jeune fille avait réellement besoin de sortir s’oxygéner. Garder tous ses neurones s’avérait primordial si elle devait affronter une horde de visages heureux pour le mariage (encore) de ses parents. Elle claqua la porte plus bruyamment qu’elle ne l’avait voulue et sortit en vitesse de l’université. Ses pas rapides finirent rapidement par l’essouffler et elle du ralentir l’allure tandis qu’elle arrivait à River Court.

S’asseyant sur un banc, assez à l’écart, Héra attendit. Elle ne savait pas si son amie arriverait vite, ni même si elle arriverait. Mais elle ne doutait pas de la fidélité de son petit démon personnel.

Héra avait replié ses genoux à la hauteur de sa poitrine, dans une attitude très enfantine. On aurait pu la confondre avec une petite fille d’ailleurs. Ses épaules étaient complètement affaissées sous le poids de l’incertitude, peut-être. En réalité, rien ne lui aurait plus fait plaisir à cet instant que de retrouver l’âge insouciant de l’enfance. 10 ans peut-être. Même plus jeune, si c’était possible. Cet âge où tout vous parait beau, où tout le monde vous semble gentils. Mis à part peut-être les monstres cachés sous le lit ou dans le placard.

Héra aurait mille fois préféré devoir affronter les monstres de son enfance. Plutôt que de devoir assister au remariage de ses parents. Tout valait mieux que cette journée à venir. Tout. La jeune fille soupira, une vague de frissons parcourant l’échine de son dos. Il faisait terriblement froid. Elle se demandait pourquoi elle avait donné rendez-vous à Kim dans cet endroit.

Il est clair qu’Héra préférait les endroits calmes. Mais de la à choisir un endroit aussi isolé. Il lui fallait moins de quelques minutes pour comprendre ce qui l’avait mené à ce choix. Un choix de solitude. Un choix qui reflétait son plus profond désir à l’heure actuelle. Paradoxalement, elle avait besoin de la présence de sa meilleure amie. C’était d’ailleurs le seul visage qu’elle aurait supporté. Sa grand-mère Anna ? La vieille dame serait beaucoup trop heureuse pour ses parents. Ses autres amis ? Ils ne comprendraient même pas qu’elle aille mal. Ils ne le verraient même pas d’ailleurs. Héra était devenue trop experte dans l’art de cacher ses émotions au fil des dernières années. Elle resserra encore un peu son manteau autour d’elle. Dieu qu’il faisait froid ! Heureusement qu’elle avait sa grosse écharpe.

Une quinzaine de minutes s’était écoulée depuis qu’Héra s’était posée sur le banc, dans un froid presque polaire. Soudain, deux petites choses glacées se posèrent sur ses yeux, la faisant une nouvelle fois frissonner. A n’en pas douter, il s’agissait de son petit démon. Personne d’autre qu’elle n’aurait pu lui faire un coup pareil. Un large sourire s’étira sur ses lèvres quand elle entendit son amie prononcée les mots habituels.

- Devine qui c’est ?

Héra ne prit même pas la peine de laisser planer le suspense. Elle était bien trop heureuse de la présence de son amie.

- Un petit démon bien glacé !

Un léger rire s’échappa de sa bouche. Malgré les récentes nouvelles qui l’avaient plongée dans un état de lassitude profond, la proximité de Kimberly lui suffit à reprendre son sourire. La jeune fille s’installa à côté d’elle et Héra lui lança un petit sourire. Elle était gênée en repensant au message de détresse qu’elle lui avait envoyé.

- Merci beaucoup d’être venue. Si vite en plus. J’espère que je ne t’ai pas arrêté en pleine occupation.