Cela faisait maintenant quelques temps que Madison était sortie de l’hôpital. Heureusement, elle n’y était pas restée trop longtemps. Le peu de jours où elle y est restée, je suis venue lui rendre visite. Je n’y ai pas passé toutes mes nuits comme la première, car on me l’avait interdit : l’hôpital, comme le commissariat. Je ne pouvais donc pas être présent aux côtés de Madison la nuit. Ce qui fit que j’avais eu énormément de mal à m’endormir, toutes ces nuits. Je m’inquiétais pour ma belle. Et au moment où je plongeais dans les bras de Morphée, je me mettais à faire des cauchemars me concernant. Mon propre enlèvement. Mon père m’en avait parlé, mais je n’étais alors qu’un bébé, pour en avoir de réels souvenirs. Seulement des flashs me reviennent maintenant. Des années plus tard. Tout cela combinait, faisait que je dormais très peu durant mes nuits. Et cela se voyait sur mon visage. Au commissariat on pensait que je passais trop de temps sur des affaires. Comme ça m’était arrivé, auparavant. Or, ce n’est pas le cas. J’aimerais pouvoir dormir, et avoir de bonnes nuits de sommeil. J’ai essayé les médicaments, mais en vain. Les médicaments ne font pas partir les cauchemars. C’est donc avec une tête de zombie, que je rejoignis Madison. Je lui avais proposé une petite sortie en cette belle journée d’été. N’étant pas une fille, je ne pouvais pas cacher ces cernes sous mes yeux. Je me faisais peur à moi-même, alors je n’imaginais pas la réaction de Madison lorsqu’elle me verrait. Après tout, ça faisait bien plus d’une semaine qu’on ne s’était pas vu. Mon boulot + son refus de me voir. Elle avait surement peur que je la protège trop. Et elle avait raison. Je serais devenu un vrai pot de colle. Ça ne fit qu’empirer mes nuits. Malgré ce visage que j’avais, j’étais heureux de la revoir. On se retrouvait dans le quartier d’Harlem, là où je venais d’emménager il y a peu de temps maintenant. Madison n’était pas encore venue dans ce nouvel endroit. Elle y viendrait quand elle le souhaiterait. Je lui avais donné rendez-vous au Häagen-Dazs pour qu’on savoure leurs glaces parfaites. J’allais même l’offrir à ma belle. (…) je la vis enfin arriver, encore plus belle que la dernière fois. Je la pris directement dans mes bras. « Tu as l’air d’aller bien. » Ou alors ce n’est qu’une façade. Une façade que j’aurais aimé avoir moi-même, pour ce visage que j’affichais. Cette fatigue trop présente sur mon doux visage. « Alors prête à prendre des calories ? » Elle ne pouvait pas dire non, j’allais l’y en obliger de toute façon. On ressort toujours de l’hôpital avec des kilos en moins.

"T'as une sale gueule."

Premier mot de leur rencontre, murmurer dans un sourire taquin. Pas de moquerie néanmoins, juste le besoin de le pousser un peu. Les vieilles habitudes ont la peau dure!  Elle aurait bien ris de sa propre bêtise mais Madison passait sa main sur ses côtes douloureuses pour calmer un élan de douleur. Ce petit rictus enjoué qu'elle avait oublié de réprimer avait réveillé la peine que provoquaient des côtes fêlées. Sans perdre sa joie et sa bonne humeur habituelle, blondinette relevait la main libre en direction du visage du garçon pour effleurer du pouce les cernes trop marquées.

"Un peu d'anti-cerne, ça ne te tuerait pas. Tu sais que ça se fait maintenant et c'est pas parce que t'es un gars, un gros dur qu'il faut se laisser aller. Regarde moi. Je sors de l’hôpital et j'ai l'air d'une mannequin."

Madison tournait sur elle-même pour montrer son joli corps à Kevin. Il le connaissait bien! Ses jambes fines, sa taille frêle et cette poitrine trop petite mais qu'elle gonflait pour la rendre plus ronde. Le petit manège avait pour but de le rassurer, de le laisser regarder et lui prouver qu'elle allait bien. Tout était fonctionnel! Les blessures se remettaient. Les médecins avaient bien pris soin d'elle. Madison n'avait manqué de rien. Le soutien de Kevin, les soins et maintenant l'air frais de la rue avaient offert à la demoiselle la possibilité de reprendre sa vie. C'était la théorie. La réalité était bien autre. Madison mijotait en secret un plan de vengeance qui lui laissait espérer que tout irait mieux, qu'elle obtiendrait justice. Déjà, ses préparations la conduisaient à partir bientôt pour San Francisco, ville où se trouvait son frère. Mais pour l'heure Madison jouait le rôle de la fille heureuse, qui avait tourné la page et qui avait choisi d'avancer. Elle espérait ainsi que Kevin parviendrait à faire autant. Rien ne paraissait plus important pour elle qu'il continue sa vie sans continuellement regarder par dessus son épaule. Il n'avait rien à se reprocher. Ce n'était pas lui le responsable. Elle était maître de sa vie, maître de ses choix et son agresseur constituait à lui seul la tâche sombre à éliminer, LE responsable.

Pour l'heure, il était question d'aller s’empiffrer et Mad approuvait l'idée. Le sucre, le gras ou l'acidulé rendaient la vie meilleure. Ca pouvait paraître cliché, comme ses filles qui se goinfrent de glace devant une comédie romantique après s'être faite larguée, mais ça marchait. On était pas dans un mauvais film hollywoodien. On était pas sponsorisé par une grande marque de glace. Et alors? Sortir ne pouvait que rapporter un peu de soulagement à Kevin et permettait à Mad se changer les idées. Tant qu'elle avait le droit à la glace avec des morceaux de chocolat fondant dedans, ou du chocolat fondant... ou les deux, elle était d'attaque pour tout et n'importe quoi! La preuve, elle avait mit un jean un peu trop large pour laisser de la place à son ventre!

"Une glace alors? Toi tu sais parler aux femmes! Toi et le chocolat!"

Le chocolat ne parle pas. Mais il n'en avait jamais eut besoin. Il suffisait de le regarder pour craquer!

J’avais eu peur de faire peur à Madison. Apparemment je ne lui fis pas peur, elle semblait juste surprise, et choquée par la tête que j’affichais. Et elle me le fit comprendre en me disant pour commencer que j’avais une sale gueule. Toujours dans la finesse celle-là. Mais ça ne m’étonne pas, et au fond j’aime cette franchise. Je mis mes lunettes de soleils noirs sur mon nez. « C’est mieux comme ça ? » Je suis sûr que ça l’était déjà oui. Je fis même un grand sourire pour cacher cette fatigue. Mais pas besoin de sourire avec ces lunettes. Elles cachent assez bien toutes ces cernes et ces petits yeux que j’ai sur le visage. Pendant que j’essayais de cacher ma fatigue, Mady se mit à tournoyer sur elle-même, soit disant pour me montrer qu’elle allait très bien, elle. Alors qu’elle venait de sortir de l’hôpital. Ce qui eut le don de me faire encore plus sourire. « Mais toi tu avais un beau policier à tes côtés pour bien guérir. Moi, personne. » Non, je ne suis pas en train de me plaindre. Je dis simplement ça pour lui prouver encore une fois que je serais toujours là pour elle. Et au fond, je ne pouvais qu’être heureux de la voir aussi resplendissante. « Oui, tu es sublime ma puce. » Après lui avoir dit cela, je lui posais un doux baiser sur son front, tout en la prenant délicatement dans mes bras. Ne sachant pas si elle avait encore mal à quelques endroits de son corps. Je ne souhaite pas la faire souffrir. Au pire des cas, je lui mettrais de la glace sur tout le corps, pour la soigner. Même si de l’Häagen-Dazs ne risque pas vraiment de lui faire du bien. Juste à ses papilles, et à son ventre. On entra dans le magasin. En attendant que ce soit notre tour, on regardait toutes les saveurs qu’ils avaient. Le nombre de boules de glaces qu’on prendrait. Et une fois notre tour, je commandais une boule de glace au caramel. Je me tournais vers Mady. « Tu veux quoi ? Je te l’offre. » Non je ne suis pas un gentleman. Je fais tout simplement ce qui est normal. (…) Une fois nos glaces en main, on sortait dehors. « Tu veux gouter ma boule ? » Puis je lui mis la glace sous son nez, pour lui donner encore plus envie. Le caramel c’est la vie. Je suis beaucoup plus caramel que chocolat. Mais apparemment Mady adorait plus le chocolat. Après tout, le chocolat lui parle. « Le caramel c’est la vie ! Miaaaam. » Et voyant qu’elle ne voulait pas me piquer de ma petite boule de glace, je lui passais la glace sur les lèvres, ce qui fit qu’elle en avait pleins sur les lèvres, et le visage. Ce qui me fit rire. « Oui, en effet, t’es sublime aujourd’hui ! »

Mad redressait un sourcil à sa réplique. Comment ça personne à ces côtés? De quoi devait-il se remettre, lui? Il n'avait rien fait, rien vu ou presque. Son métier devait peser trop lourd mais chaque individu devait porter son fardeau. Mad ne serait pas compris dans celui de Kevin.

"Ah oui? Alors dis moi, si toi, tu es à côté de moi, ne suis-je pas à côté de toi? En toute logique... Tu es si fatigué que tu oublies l'évidence. Alors fais moi plaisir. Prends toi une vraie de nuit de repos. Ne m'oblige pas à t'attacher à ton plumard. Ca serait nettement moins plaisant que dans 50 nuances de grey, crois-moi." Annonça Mad dans un clin d'oeil malicieux.

Les pratiques de sado-masochisme n'attiraient pas spécialement la blonde. Néanmoins, en grande curieuse, elle avait accepté quelques séances, pour voir. Le bouquin avait l'air d'une pitoyable parodie face à la réalité de la pratique. Mais revenons-en à Madison et Kevin, à la glace et la commande de son compagnon du moment. Mad avait serré les dents face à la situation. Le petit nom affectueux, la glace offerte et la présence continuelle de Kevin prés d'elle commençait à lui peser. La compagnie sonnait étrange. L'amitié constituait une donnée qu'elle ne savait mesurer et plus encore, les relations affectives. Un regard noir avait tenté de se cacher derrière un sourire lorsqu'il l'avait appelé "ma puce" en lui prenant le bras et à l'instant, ses lèvres pincées par la frustration tentaient de formuler une demande de parfum. Aussi, dans un grognement digne des plus rustiques hommes préhistoriques, Mad pointa du doigt le bac de glace au chocolat. Le serveur semblait désorienté mais il avait l'habitude des enfants qui agissaient parfois de manière similaire.

"Une ou deux au chocolat, ma petite?"

Les poings serrés, le visage virant au rouge cramoisie, la respiration bloquée annonçaient une explosion imminente. Il existait une règle dans ce bas monde, immuable et primordiale. Lorsque la frustration se fait sentir, quelqu'un doit payer et ce n'était pas toujours la bonne personne. Ici encore, la loi de la frustration avait frappé. Sautant sur place, le doigt pointant le vendeur, Mad hurlait.

"Est-ce que j'ai l'air petite? HEIN? HEIIIIN? " Madison attrapait un des cornets en gaufrette sur le sommet du comptoir pour l'écraser entre ses doigts. "Je pourrai t'écrabouiller comme ça." En même temps, il n'y avait pas réellement de mérite à aplatir une gaufrette en mille morceaux, même avec une seule main. Le serveur semblait sur le point de lui faire remarquer lorsque Madison donna un coup du plat de la main sur la vitre séparant les clients des bacs de glaces. "Donnes moi le bac de glace au chocolat, OKAY? JE VEUX TOUT!"

Rien à faire des indigestions! Aussi, le serveur acquiesça. Un client qui offrait prêt de cent dollars en une commande ne pouvait être contrarié, non. Dans un beau sourire, il approuva les propos de la tarée qui lui faisait face et attrapa le bac de glace, 5 kilogrammes de glace pour être exact.

"Vous m'offrez le cornet et je reviendrai. " Grogna Mad en déposant les miettes qu'elle avait toujours en main sur le sommet de son bac au chocolat. Le gâchis, c'est mal!

Alors qu'elle déposait un énorme billet sur le comptoir, l'homme hocha la tête de haut en bas. Il avait fait son chiffre de la journée. Il serait meilleur employé de la semaine! Sans attendre, la blondinette entourait sa crème glacée de ses deux bras en marmonnant à Kevin.

"Je suis pas un cliché comme Briget Jones ou les greluches de série...Je suis pas une puce. Je suis pas...HIIIIII!"

Pas le temps de finir de pester contre Kevin que la jeune femme restait immobile, incapable de lever son énorme pot de glace. Soulever cinq kilogrammes avec des côtes fêlées constituait une épreuve particulièrement douloureuse. Dans un élan d'orgueil, Mad redressa le nez et tira le pot vers elle en le laissant glisser contre son torse.

"Je suis mieux que Wonderwoman, t'as vu ça, mec?!" Peina à articuler Mad à Kevin.

Sauf que Wonderwoman porte des voitures au dessus de sa tête et ne peine pas à porter un malheureux pot de glace. Surtout que l'effort semblait énormément lui coûter. Mais Kevin avait toujours l'air de s'amuser! Il lui passa même sa glace au caramel sur les lèvres. Incapable de se débarrasser de ce truc sur les lèvres, elle attendit d'être assise pour ensuite écrabouiller ses lèvres sur celles de Kevin.

" C'est bon aussi comme ça!Bisou caramel!"

La jolie blonde me parla de m’attacher au lit, ce qui me fit rire. Surtout lorsque j’entendis la référence qu’elle mentionna. Je n’étais pas aller voir ce film, je n’avais pas lu les livres. Mais pas besoin, au vu du succès. Je sais juste qu’il s’agit d’une histoire pornographique autorisée. Je ne vois vraiment pas l’intérêt d’aller voir un film sur une telle histoire. Je n’en compris encore moins le phénomène mondial que ce fut. Mais il y a tellement de choses dans ce monde que je ne comprends pas que j’ai arrêté d’essayer de comprendre certaines choses. « Tu es allée voir ce film, toi ? Tu n’es pas trop jeune pour ce genre de films déjà ? » Je savais très bien que j’allais l’énerver en la taquinant sur ce sujet, mais elle ne me faisait pas peur. Et puis de toute façon, sa colère semblait se poser sur le vendeur. Il me regardait, l’air apeuré face à cette dingue. Je lui fis une moue légère, de telle sorte à m’excuser face à son comportement. Oui, j’avais honte, et je n’arrivais pas réellement à accepter ce genre de comportement. Seulement il s’agissait de Madison, et je voyais de tout avec elle. J’essayais de passer outre, et de penser aux autres côtés de sa personnalité. Les bons côtés. Je repassais derrière elle, prenant son billet, et payant le tout au serveur. Je lui donnais même un bon pourboire. Par la suite, je remis le billet de Mady dans sa poche. Si je dis que je lui offre la glace, je lui offre. Elle n’écoute vraiment rien celle-là. Elle n’en fait vraiment qu’à sa tête. Une fois qu’on fut dehors de la glacerie, elle affirma qu’elle n’était pas petite, ni une puce. Je posais mon regard sur elle, avant de répondre. « Oui bien sûr. Mais pas besoin de créer une telle scène… » Elle n’allait pas aimer cette remarque, mais je ne pouvais pas rester là, sans rien lui dire. Elle m’avait fait honte, je n’avais pas su où me mettre. Même si je sais qu’elle ne m’écoutera pas, je préfère lui dire ce que je pense. Au moins j’aurais le cœur plus léger par la suite. On s’assit alors sur un banc, pour manger tranquillement nos glaces. Elle me donna un baiser glacé. Je passais alors ma langue sur mes lèvres pour retirer toutes cette glace. « Tu sais que t’es folle ? Mais vraiment quoi ! » Je lui souris, pour bien lui montrer que ce n’était pas une remarque méchante. « Tu es sur que les médecins ne sont pas passés à côté d’un trauma crânien ? » Je serais presque en train de prier pour ce que ce soit le cas, au moins j’aurais une excuse pour elle concernant son comportement de tout à l’heure. Elle n’a que 22 ans, mais tout de même. Elle est une adulte maintenant, elle n’est plus une enfant. Et c’est bien moi qui le dit oui. Je suis le premier à faire des bêtises de gosses, mais pas de là à faire une telle scène en public. Un peu de respect pour ces travailleurs.

Madison rongeait son frein. Folle? Elle? Kevin venait de prononcer le seul mot capable de la blesser. L'envie de jeter le pot de glace à la figure du policier se bloqua face à la douleur engendrée par le geste. Les côtes tiraient violemment lui arrachant un grincement de douleur. Merde... La vie n'avait jamais été rose ou belle mais aujourd'hui, elle était réellement pourrie. Madison pestait intérieure, sachant pertinemment qu'elle ne pouvait rembarrer Kevin. Il lui avait sauvé la vie et durant toute celle-ci, elle lui en serait redevable.

Dans un grognement, la blonde reposait son pot sur ses genoux. En guise de calmant pour ses nerfs, la cuillère heurtait sa glace par chocs répétitifs. La faim s'était envolée pour laisser place nette à la contrariété. Folle. Peu importe si le ton humoristique avait été employé car la vérité se cachait toujours derrière un sourire taquin. La pensée de Kevin restait donc parfaitement claire. Il la trouvait barré. Peut-être regretterait-il de l'avoir sauvé, de venir la voir et de manger la glace avec elle ou pire encore il devait se sentir obligé de garder un œil sur elle. Après tout, dans certaine culture, sauver une vie vous en rend responsable. Les méninges de Madison se bousculaient dans de mauvaises directions, aveuglées par la colère.

"Bah si t'es pas content, t'avais qu'à pas venir." Grogna-t-elle de mauvaise humeur en massacrant sa glace à coups de cuillère. "Je t'ai rien demandé. Jamais rien."

Troublée par le désordre intérieur qui s'installait toujours plus en elle, Madison ne prêtait pas attention aux émotions de son interlocuteur. Le plus important semblait être l'idée ou le besoin de l'éloigner d'elle, comme si elle représentait la pire menace possible pour lui, la tâche dans son existence. Il avait assez payé pour elle.

« De toute façon, je m’en fou de ton avis. » Bougonna blondinette sans plus de cérémonial.

Non. Son avis comptait comme sa présence ici ou lorsqu’elle avait été attaquée. Cependant, son cœur ne parvenait à concevoir la présence d’un individu comme fiable ou positive. Un jour ou l’autre, elle devrait le payer et peut-être trop chèrement.

« Je suis pas folle. » Marmonnait-elle dans sa barbe imaginaire en continuant de massacrer sa glace.

Le dire l’aidait à s’en convaincre. Parfois, elle doutait si fortement d’elle-même qu’elle était prête à croire tout ce qui sortirait de la bouche d’un autre. La vie, de toute façon, ne valait pas le coup de tous les efforts réalisés pour s’en tirer. Prendre conscience de cette idée l’effrayait avant de se lasser et de plonger dans un mutisme. Le pot de chocolat virait à la crème sur le dessus à force de coups de cuillère. L’ustensile en plastique pliait parfois violemment avant de reprendre sa forme initiale. Ce n’était qu’une question de minutes avant que la propriétaire de l’objet ou la cuillère ne craque.

A peine avais-je prononcé mes paroles que je me rendis compte que j’aurais du tourner sept fois ma langue dans ma bouche, voire plus. J’aurais du faire attention aux mots utilisés. Je m’en voulais, et je comprenais totalement que Mady m’en veuille à cet instant précis. Mais ma fierté faisait que je ne voulais pas lui montrer que c’était elle qui avait raison. Je ne pouvais pas lui prouver qu’elle avait raison d’être en colère, parce qu’au fond, elle est légèrement folle, excentrique. Je l’adore ma Mady, mais il y a des fois où elle est vraiment barrée, et on ne peut plus la stopper à ce moment-là. Je n’aurais pas du utiliser ce terme là : « folle ». Je la regardais s’énerver contre sa glace. Je l’imaginais bien voir ma tête dans cette glace, et essayer de me faire disparaitre en bouillis. Je voulais la calmer, seulement je ne savais pas comment m’y prendre. J’avais peur de m’y prendre encore mal, et de l’énerver encore plus. Et après quelques secondes de silence, je me lançais dans la gueule du loup. De toute façon, si elle veut m’en vouloir, être en colère contre moi, elle trouvera bien une raison pour cela. Je la pris dans mes bras, et lui murmurais dans son oreille. « Non tu n’es pas folle, je suis désolé. » Puis, je la levais, en faufilant ma main dans la sienne. « Allez je te raccompagne chez toi, pour que tu te calmes. » Ça ne servait plus à rien qu’on continue ce rendez-vous, je l’avais totalement gâché en lui parlant de cette façon. Je ne pouvais que m’en blâmer. Sur tout le long du trajet, aucunes paroles furent dites. La seule discussion qui se faisait était entre nos deux mains. Main que je caressais avec le bout de mes doigts. Je voulais et j’espérais qu’elle comprenne que j’essayais de m’excuser. Une fois devant chez elle, je la lâchais. Et ce fut comme lâcher un lion de sa cage. Elle se précipita vers la porte. Ce que je peux être con. Non, je ne peux pas la laisser partir en étant aussi fâchée contre moi. « Attends Mady. » Je m’avançais vers elle, ma main s’attardant vers sa taille pour la tourner vers lui. Je l’embrassais, avec grande douceur. Ma main se leva pour se retrouver sur sa joue. Et une fois le baiser terminé, je lui dis « Maintenant tu peux partir. » Ou l’autre façon de lui dire qu’elle ne pouvait pas rester fâcher contre moi. Je lui laisserais autant de temps et d’espace qu’elle veut. Mais si elle reste trop de temps dans le silence c’est moi qui risque de me comporter comme un fou à la traquer pour retrouver notre complicité.

the e.n.d