the great escape
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someday, we will foresee obstacles.

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MessageSujet: someday, we will foresee obstacles. someday, we will foresee obstacles. EmptyMar 21 Juil - 18:08



" We're walking into the wilderness
And there's nobody that's stopping us
Oh baby, just a memory for modern minds
We're walking into the wilderness

We're gonna boar at the consequence
Everything you know will be unknown. "

La main nouée autour sa cravate en soie toute flambant neuve, Clark se dévisageait d'un air désabusé dans l'immense miroir placé au fond d'un ascenseur. Son costume trois pièces, acheté la veille une petite fortune sous l'impulsion de son paternel, enserrait chaque centimètre carré de son corps. Peu habitué à se vêtir d'une telle manière, il s'était pourtant résolu à troquer ses fringues de flic pour une tenue davantage tape à l'oeil, histoire de ne pas tâcher la réputation sans égal de son père. Un homme chauvin on ne peut plus respectable dans la sphère politique américaine. De visite à Vegas, il l'avait gentiment convié à un dîner d'affaires, faute d'avoir du temps à consacrer à son propre fils en dehors de sa vie professionnelle. Clark n'en demandait pas tant, lui qui depuis le divorce de ses parents avait appris à vivre sans eux. A vrai dire, il n'éprouvait aucune envie à l'idée de mettre les pieds dans cet univers de faux semblants. Sa tête était plongée dans sa dernière affaire, il pensait à ce gamin de six ans porté disparu depuis le début de la semaine. Il pensait à ses coéquipiers restés travailler au bureau sans lui. Il pensait à ce pourquoi il avait choisi cette vie et non celle qui allait bientôt s'ouvrir sous ses yeux. D'un geste vif, il dénoua sa cravate et la dissimula dans la poche de sa veste. La seconde suivante, le gong de l'ascenseur retentit et les portes de l'engin  s'ouvrirent doucement sur une salle de réception grande comme trois fois la taille de son appartement. Sous ses yeux sombres défilaient une flopée d'hommes d'affaires fortunés, des avocats, politiques, ambassadeurs, chefs d'entreprise et autres grands noms de l'Amérique, tous sur leurs 31, se côtoyaient dans cette somptueuse demeure. D'une démarche hésitante, il y pénétra sans entrain, guettant au loin une coupe de champagne susceptible de l'extirper de cet enfer. Il eut à peine le temps de trouver un serveur qu'une voix solennelle se dirigeait déjà dans sa direction. « Clark, Dieu soit loué, j'ai cru que tu ne viendrais jamais... » Reluquant la tenue de son fils de la tête aux pieds, Jackson Weil s'arrêta net lorsqu'il constata amèrement l'absence de cravate autour de son cou, un geste considéré comme une insulte pour les gens de son milieu. Fidèle à lui-même, son père reboutonna discrètement le haut de sa chemise avant de lui adresser un sourire acidulé. « Ce costume te va à ravir, je savais que tu ferais le bon choix. Maintenant, laisses-moi te présenter mon ami, Nicholas, avocat chez Gleaton&Koatz à New-York... » Déployant tous ses efforts pour maîtriser son agacement, il afficha sur son visage ce qu'il espérait être une expression des plus professionnelles et se tourna poliment vers l'intéressé. Clark écouta d'une oreille la tirade interminable de son père énonçant avec adresse toutes les qualités de ce grand cabinet. Depuis qu'il avait appris son désir de rejoindre le FBI, Jackson s'était lancé dans une quête sans répit pour tenter de le faire changer d'avis. Lui le voyait avocat, habitant un penthouse grandiose dans l'Upper East Side avec une épouse charmante aussi richissime que leur famille. Weil avait toujours rêvé grand pour son fils, il refusait de le voir risquer sa vie et n'était pas prêt de céder de sitôt. Après avoir rencontré une bonne dizaine d'avocats tous aussi talentueux les uns que les autres, Clark laissa son père vanter les mérites de son dernier placement financier à un groupe d'investisseurs chinois et partit se désaltérer avec deux coupes de champagne. Pour la première fois depuis son arrivée, il prit le temps de contempler les visages des invités aux sourires forcés, tous présents pour exposer leur fortune et planifier leur prochaine acquisition à Vegas. Décidément, il n'avait rien à faire ici. Profitant de l'inattention de son père, il se décida à quitter les lieux et se dirigea vers l'ascenseur qui l'avait mené jusqu'ici. Sur le chemin, il déposa à toute vitesse les deux coupes de champagne sur le plateau d'un serveur et bouscula malencontreusement la personne à ses côtés. Par pure réflexe, il parvint à la sauver d'une chute humiliante en la retenant avec la seule force de ses bras. Ses deux mains déposés de part et d'autre de son corps, Clark croisa le regard d'une jeune demoiselle. Le brun pâle de ses yeux sublimé par sa peau camel. Il la reconnaît d'un coup d'oeil sans hésiter. Il s'en souvient et s'en souviendra encore longtemps de ce regard brutal accentué par les traits froissés de son visage. C'était elle, la fille du Nouvel An. Impossible de se rappeler de son prénom qu'il avait pourtant répété toute la soirée. Tout ce qu'il savait c'est qu'il avait heurté la sensibilité de son âme et en avait joué durant des heures. Ah, et il l'avait embrassé aussi, plusieurs fois, il avait tenté de danser avec elle en étant bourré et se souvenait vaguement de l'avoir porté comme un prince dans une chambre où ils avaient passé la nuit. Le lendemain matin, elle était parti. Il souriait intérieurement, fier d'avoir réussi à reproduire en une poignée de secondes le fil de cette soirée bien alcoolisée. « Encore toi ! » lâcha t-il avec une pointe d'ironie en la délivrant de son étreinte. Une lueur d'amusement était clairement visible au fond de ses yeux. « Si tu continues à me suivre comme ça, je vais vraiment finir par croire que tu as un faible pour moi. » En partant du principe qu'il avait largement plus bu qu'elle, elle ne pouvait pas ne pas se souvenir de lui et ignorer ce qu'ils avaient tous les deux faits ce soir-là. A bien la regarder, cette fille-là le rendait différent : avec elle, il se permettait des choses qu'il n'aurait jamais fait avec d'autres. « Mais où étais-tu passé ? Je dois encore te.. » Déboulant sans prévenir, son père réapparut un tantinet plus agacé qu'à l’accoutumé avant d'afficher un sourire béat en découvrant la divine créature qui conversait avec son fils. Il était incapable de retenir son excitation. C'était la première fois qu'il le voyait avec une femme. « Excusez-moi, Clark ne nous a pas encore présenté. » Présenter ? Il ne connait rien d'elle, pas même son prénom. Inutile de paniquer, Clark s'efforça de sourire et passa affectueusement un bras autour de la fille du Nouvel An. Devant son père, il fit bonne figure et remercia mille fois les cieux lorsqu'il entendit sa jolie voix prononcer son prénom. « Jade, ma petite amie. » reprit-il dans la foulée et le regretta la seconde d'après en voyant le sourire de son père s'agrandir encore plus sur son visage. Bien sûr qu'il avait toutes les raisons de s'en réjouir, son fils bientôt trentenaire enfin casé. Ça faisait des années qu'il en rêvait et s'était même préparé à l'idée qu'il soit gay. « Je te présente Jackson Weil, mon père. » Tout en gardant son self-control, Clark acheva de les présenter dans la pure tradition avant de songer à une solution pour se sortir de ce bordel. « Ravi de vous rencontrer, Jade. Vous m'excuserez, je vais devoir vous laisser mais je tiens à ce que Clark vous invite à notre prochain dîner. Le connaissant, il serait capable d'attendre le jour du mariage pour vous présenter au reste de la famille. Au plaisir de vous revoir. » Sur ces mots, son père tourna les talons après avoir baisé la main de la jolie Jade. Bras dessus, bras dessous, ils le regardèrent s'éloigner sans se quitter l'un de l'autre. A cet instant, il ignorait s'il devait en rire ou en pleurer.
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MessageSujet: Re: someday, we will foresee obstacles. someday, we will foresee obstacles. EmptyJeu 23 Juil - 0:03

" I wonder if you have ever given someone a compliment that wasn't a backhanded insult. "
" I prefer not to, it gives people an unsettling impression of self-importance. "

D'une démarche assurée, Jade fit une entrée impériale dans une salle de réception débordante de convives triés sur le volet. Elle inspira une longue bouffée d'air, prête à replonger dans un monde qu'elle ne quittait qu'à regret, chaque fois qu'elle devait retourner à San Francisco. C'était ici que se trouvait sa place, ici, au milieu de personnes qu'elle connaissait au moins de vue, possiblement depuis sa naissance, au milieu de personnes qui maîtrisaient l'art du paraître, de l'assurance et de l'ego nourri aux rêves de grandeur. Un sourire perça ses lèvres tandis qu'elle avisait plusieurs silhouettes familières. Là, James Howard, pur produit anglais émigré aux Etats-Unis pour y construire le mythe du self-made man, là-bas, Harrison Woodford, dont la réputation le précédait, ainsi qu'une blonde à forte poitrine dont le seul rire suffisait à faire tourner la tête des hommes. Un peu plus loin, Carmen Di Joaio, papesse du yoga, pilates et autres activités dont les femmes se trouvaient si friandes. Jade se fraya un chemin aisé à travers les invités, s'arrêtant parfois pour plaquer une bise sonore sur les joues de quelqu'un, glissant quelques mots courtois comme elle en avait l'habitude. Ce genre d'événement avait cela d'idéal qu'on n'y trouvait aucun imprévu. Tous étaient coutumiers, se comportaient comme ils devaient, et elle aurait pu prédire à la moindre seconde son déroulement : les convives se saluent, d'abord, échangent quelques politesses sur la pluie, le beau temps, les affaires. Puis, coupes de champagne. Les langues commencent à se délier. Puis le dîner. Exquis et raffiné, naturellement, préparé par un grand chef venu d'Europe. Les femmes discutent de l'actualité, les hommes font du business, puisqu'ici, le seul but est d'obtenir plus de commandes que son voisin. Puis, un peu de musique, forçant les invités à quelques pas de danse plein d'entrain. Les rires inondent la salle, tout le monde semble s'amuser. Et lorsque la dernière goutte de champagne est sirotée, les lumières s'éteignent. Fin de soirée, chacun rentre chez soi. Jade, contrairement à beaucoup de personnes de son âge, avait toujours aimé ce genre d'événement pourtant interminable, et au résultat toujours plus que discutable. Sa coquetterie se voyait poussée à l'extrême, et sa mère éclatait d'un rire cristallin en voyant l'état de son lit, inondé de dizaines de robes chacune soigneusement posée à côté de l'autre, triées par couleur, ou bien par longueur selon son humeur du moment. Elle prenait un soin tout particulier à ne laisser aucun détail au hasard, et avait depuis conservé cette habitude confinant à la maniaquerie. Ce soir encore, aucune faute de goût dans le choix d'escarpins (beige), d'une robe noire d'une simplicité troublante, d'un rouge à lèvres carmin. L'expertise de l'expérience parlait d'elle-même. Jade approcha un visage connu, un ami de longue date de son père qui, s'il n'avait pas gratifié l'assemblée de sa présence, semblait laisser planer son ombre sur l'événement. Les murmures s'élevaient lorsqu'ils croisaient sa progéniture, se demandant ce qu'il pouvait bien devenir, lui dont on disait qu'il avait quitté sa femme pour un homme des années plus tôt. Les rumeurs avaient tôt fait de se propager et elle ne pouvait empêcher, encore maintenant, de sentir son cœur se serrer à l'idée que l'on puisse salir à ce point son image. Son père était parti parce qu'il n'aimait plus sa mère. Pour ce qu'elle en savait, il était encore à ce jour célibataire, et amoureux des femmes de façon générale. La décence l'empêchait de faire le moindre commentaire, et elle se contentait généralement d'un sourire hypocrite parfaitement rôdé et d'un silence total qui se suffisait à lui-même. Prête à accoster Terrence, elle manqua chuter après avoir été bousculée par quelqu'un. Elle songea l'espace d'une seconde à faire un commentaire, mais s'arrêta presque aussitôt au son d'une voix moqueuse. Elle eut l'espoir, vain, de faire erreur sur la personne mais un bref regard l'informa de l'identité du maladroit. Elle se renfrogna presque aussitôt en reconnaissant là un type dont elle ne savait pas même le nom, qui avait commis l'affront de critiquer la soirée organisée pour le Nouvel An, et dans les draps duquel elle s'était retrouvée sans vraiment comprendre ni pourquoi, ni comment, avant de s'en enfuir sitôt le jour levé, honteuse et agacée d'autant de faiblesse. Elle qui ne commettait jamais d'écart dans son scénario si soigneusement tracé, s'était laissée avoir par un physique attrayant et un besoin viscéral de lui donner tort, d'une façon ou d'une autre. « Alors tu en es résolu à me pousser pour que je tombe dans tes bras, maintenant ? » répondit-elle entre ses dents, son égo mortifié à l'idée d'être presque tombée, à la vue de tous. Elle se redressa et se détacha de sa prise, pour être rattrapée de volée d'une main contre sa taille. Elle voulut protester, mais l'arrivée d'une troisième personne, qu'elle devina être son père, avorta son élan. Impossible de nier la ressemblance physique entre les deux hommes, et sans pouvoir se risquer à estimer son âge, elle pouvait cependant s'aventurer à dire qu'il était bel homme. D'une infinie classe – un trait qui manquait malheureusement chez tous ces nouveaux riches se sentant obligés de passer par la case U.V – des rides au coin d'yeux rieurs, et un sourire conquis une fois son regard posé sur elle. En d'autres circonstances, et si elle n'avait pas été un monstre de prévisibilité et de codes, elle aurait probablement planté son coup d'un soir sur place, en le laissant se débrouiller avec le mensonge grotesque qui lui pendait aux lèvres. Mais, fidèle à elle-même, elle se contenta d'afficher un large sourire, poli, comme toujours. « Jade » se présenta-t-elle, en voyant l'instant d'arrêt marqué par... comment s'appelait-il ? Clarence ? Clare ? Clark ? C'était sans importance. Son sourire se crispa imperceptiblement lorsqu'il la qualifia de petite amie mais elle parvint à n'en rien montrer. « Enchantée, Jackson. J'ai beaucoup entendu parler de vous » poursuivit-elle, dans une parfaite comédie mensongère que l'expérience lui avait apprise à utiliser lorsque nécessaire. Jackson sembla satisfait, parfaitement ignorant de la supercherie qui se déroulait sous ses yeux. « Oui, il en serait bien capable. Soyez assuré de ma présence à ce fameux dîner, dans ce cas. Je ne manquerai pour rien au monde l'occasion d'en savoir plus sur la famille de votre fils. » Et sur votre fils tout court, étant donné qu'elle ne savait rien de lui, pas même son prénom, qui lui restait pourtant sur le bout de la langue, souvenir embrumé des vapeurs d'alcool. Il baisa sa main en vrai gentleman avant de disparaître. Elle s'assura qu'il ne les regardait plus, avant de s'éloigner de peuimportesonnom brusquement, comme si rester trop longtemps à côté de lui pouvait la brûler. « Ta petite amie ? Vraiment ? C'est la première chose qui te sois venue en tête en me voyant ? » moqua-t-elle d'un ton railleur. « Je savais que je te plaisais, mais en être réduit à organiser cette scène ridicule est proprement navrant » poursuivit-elle, doucereuse. « A présent que je t'ai sauvé la mise, tu serais avisé de ne pas oublier que tu m'es redevable. Et crois-bien que de mon côté, je ne manquerai pas de m'en rappeler. » Peu désireuse de s'attarder à ses côtés, elle s'éloigna de quelques pas, avant de se retourner une dernière fois. « Passe une bonne soirée, chéri. »
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MessageSujet: Re: someday, we will foresee obstacles. someday, we will foresee obstacles. EmptyLun 3 Aoû - 22:20

" petite princesse, ô ma beauté, ma promesse
ma petite faiblesse, ma plus belle histoire de fesse. "



Pris par surprise dans l'engrenage d'une histoire montée de toute pièce, Clark se découvrait des talents d'acteur devant l'immense sourire de son paternel. Lui, qui avait l'habitude de prêcher le vrai du faux au cours de ses auditions judiciaires, se surprenait à user de multiples subterfuges pour se sortir de ce bordel sans nom. Un bordel dans lequel il s'était lui même lancé tête baissé. Qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par l'esprit pour qu'il définisse cette demoiselle, aussi charmante et brillante soit-elle, comme étant sa petite amie. Sa petite amie, qu'il se répéta longuement sans même avoir le culot d'y croire. Un rire étouffé resta coincé au fond de sa gorge. Depuis aussi longtemps qu'il s'en souvienne, Clark n'avait jamais qualifié de la sorte l'une de ses petites aventures d'un soir. Et pour cause, sa vie sentimentale frôlait le néant tant il prenait soin de les quitter avant qu'elles n'aient le temps de tomber amoureuse de lui. Il s'efforçait de croire qu'il était capable de se contenter de ce genre de relation furtive où l'amour n'avait aucune place. Sa cible fétiche était les femmes plus âgées, et de préférence mariées, ces cœurs à la fois vulnérables et expérimentées qui acceptaient de donner bien plus qu'elles ne sauraient recevoir. La jolie fille à ses côtés, c'était comme un accident de parcours, une mésaventure qui allait sans doute lui coûter très chère. Les dents serrées et les mains moites, il restait impuissant devant la discussion très cordiale qu'elle échangeait avec son gentleman de père. Une poignée de minutes qui lui paraissait être une éternité. Heureusement pour lui, elle n'avait pas bronché et avait joué à la perfection la belle-fille de bonne famille raffinée et polie. Le spectacle prit fin à la seconde même où Jackson partit rejoindre ses amis de première classe pour papoter allègrement des dernières actions parues le matin même sur les marchés financiers. La fille du Nouvel An s'écarta de quelques mètres, il vit sur son visage un sourire froid, des traits serrés, des lèvres fermées. Elle ne rigolait plus pour rire, elle rigolait pour s'amuser de la connerie qu'il avait balancé quelques minutes plus tôt. « Estimes-toi heureuse que je t'ai appelé ainsi. On ne peut pas dire que ce soit vraiment dans mes habitudes. » renchérit-il en espérant passer pour l'un de ses types mystérieux. Sa réaction emplie de railleries parvint à lui décrocher un sourire mielleux. Un instant, Clark s'attarda sur le visage de cette fameuse Jade, quatre lettres seulement pour une femme à la double facette. Tantôt grinçante avec son front plissé et l'orchestre de ses gestes millimétrés, tantôt doucereuse dans le rôle de la copine idéale martelant à qui bon lui semble un sourire à la seconde, elle n'avait définitivement rien avoir avec le genre de femmes qu'il avait l'habitude de fréquenter. Par un heureux concours de circonstances, cette fille  - une déesse acidulée dont l'hypersensibilité à elle seule parvenait à le faire craquer  - était maintenant aux yeux de son père, et par conséquent à ceux du reste de sa famille, sa soit-disante petite-amie. Difficile de faire plus court comme entrée en matière. « Comment ça, tu savais que je te plaisais ? » s'enquit-il en reprenant spontanément sa même intonation, assurée et convaincue. « Je ne me souviens pas t'avoir fait comprendre quoi que ce soit. » En réalité, Clark ne se souvenait pas de grand chose de cette folle soirée si ce n'est qu'il l'avait passé avec elle. Dans son état d'ivresse de magnitude 8 sur l'échelle de Richter, il aurait très bien pu lui glisser un '' je t'aime '' sous l'oreiller, lui  répéter une dizaine de fois un poème de Verlaine appris sur les bancs de l'école primaire, lui scander toute la nuit à quel point il la trouvait jolie et même oser lui demander son numéro de téléphone – chose pourtant impossible puisqu'il n'avait aucun souvenir de son prénom dans son répertoire – Mieux valait donc pour lui nier tout signe d'affection et se contenter de jouer la carte de l'ignorance. Face à lui, Jade s'apprêtait à déguerpir non malheureuse de le quitter. Avant de tourner les talons, elle prit soin de le saluer en ponctuant sa dernière parole d'un majestueux '' chéri '' qu'il ne put ignorer. Décidément, elle ne faisait rien comme tout le monde. Lui qui avait l'habitude d'être courtisé se voyait contraint de lui faire la cour. D'un geste tendre, il attrapa son avant-bras pour la retenir. « Tu ne vas quand même pas me quitter comme ça. Je le conçois, je n'ai pas vraiment assuré sur ce coup-là. Mon père est un homme très... très optimiste, un rien le passionne. Il ne m'a pas vu accompagné de quelqu'un depuis la nuit des temps, alors je te remercie de ne pas avoir gâché son enthousiaste. » expliqua t-il d'une voix posée en se surprenant lui-même de se dévoiler autant. Clark n'était pas du genre bavard, ses collègues ne connaissaient de lui que ses anciennes affaires au quatre coin du pays, son penchant un peu trop forcé pour le martini et les jolies filles dans les bars de Vegas. De sa famille, il n'en parlait jamais. Il y avait chez lui cette part d'ombre voilée depuis l'enfance et assombrie durant ses années d'adolescent. Deux parents déchirés par le destin brisé de sa petite sœur. Et lui, seul soldat encore vivant, encore debout, qui tentait tant bien que mal de sortir la tête de l'eau. « Je te rassure, c'est la première et la dernière fois que tu le vois. » acheva t-il avec un vrai élan de sincérité avant de la couler d'un regard charmeur. La main toujours autour de son poignet. « Et si je te propose de tout recommencer à zéro, de faire comme s'il ne s'était rien passé, d'oublier ton caractère de femme parfaite et tes grands airs d'emmerdeuse, tu accepterais de rester avec moi ? » énonça t-il avec une pointe d'humour. Ses yeux d'homme plantés dans la couleur noisette de ses siens, il jouait avec l'un des bracelets argentés qui encerclait son poignet. Un contact peau contre peau qu'il espérait être suffisant pour avoir toutes les chances de la convaincre de ne pas s'enfuir. Il ne savait pourquoi il ne pouvait se résoudre à la laisser partir, lui qui d'ordinaire n'éprouvait aucun mal à se débarrasser de ses conquêtes un poil trop oppressantes. Avant même d'attendre sa réponse, Clark l'invita – ou plutôt, la força – à le suivre jusqu'à l'un des énormes buffets que comptait la salle de réception pour lui offrir un verre de champagne. Sur leur chemin, il croisa le regard attentif de Jackson, encore aux aguets des moindres faits et gestes de son fils. Bien qu'ils se tenaient loin de lui, il l'aperçut marmonner discrètement à l'oreille de son voisin. Sans doute pour informer tout son cercle d'amis ô combien sélecte de la présence d'une charmante demoiselle à son bras d'éternel célibataire. « Clark, vingt-neuf ans. A l'heure actuelle, j'ai juste envie  de me barrer de cette soirée merdique à souhait et enlever ce costume ridicule. Je me sentirai beaucoup plus utile dans un bureau du FBI qu'en train de flâner ici pour rencontrer des amis de mon père, qui de toute façon, m'embaucheraient sans le moindre entretien. J'ai horreur de cette veste que je porte depuis à peine trois quart d'heures, je déteste ces gens qui ne prennent que deux secondes à vous juger pour se faire une sale image de vous, je déteste ce monde là, et malgré tout ça, la seule bonne raison qui me pousse à rester est juste en face de moi. »
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MessageSujet: Re: someday, we will foresee obstacles. someday, we will foresee obstacles. EmptySam 8 Aoû - 1:02

Heureuse ? Devait-elle vraiment se sentir heureuse d’être qualifiée de petite amie – imaginaire, y avait-il lieu de le préciser – par un type dont le seul accomplissement était de lui donner de profondes envies de meurtre ? Savoir qu’il préférait aux relations longues les conquêtes éphémères ne l’intéressa pas le moins du monde. Pire, elle estima que d’eux deux, il était bien le seul à pouvoir se sentir heureux : son inévitable politesse l’avait empêchée de l’humilier copieusement devant son père, quand elle aurait eu toutes les raisons du monde de ne surtout pas s’en priver. Et, toute modestie gardée, il paraissait bien plus probable qu’il puisse s’intéresser à elle que l’inverse. Jade n’accordait qu’un intérêt tout relatif à tout ce qui détonnait de son quotidien si précisément tracé, jusque dans les moindres détails, si l’on ajoutait cela au comportement exaspérant de Clark – c’était bien cela, elle s’en rappelait à présent… plus ou moins – il pouvait s’estimer chanceux d’être parvenu à captiver son attention ne serait-ce qu’une nanoseconde. « Et tu penses que ça m’intéresse parce que… ? » questionna-t-elle avec un dédain parfaitement maîtrisé, fruit d’un haussement de sourcil indifférent et d’une intonation méprisante. « Le fait que je te sauve la mise ne te donne malheureusement pas le privilège de me confier tes penchants sentimentaux » ajouta-t-elle d’un ton mielleux qui ne laissait cependant aucun doute quant à la froideur qui se cachait derrière de tels propos. Elle nota cependant l’information : en plus de se montrer injustement critique, il se trouvait également être un coureur de jupons, deux raisons justifiant parfaitement de ne pas s’attarder en sa présence. Jade savoura intérieurement ce qu’il supposa être une pointe d’angoisse dans la voix de Clark, à l’idée qu’il ait pu avoir la langue un peu trop pendue lors de leur nuit passionnée (ou pas), et ménagea quelques secondes sa réponse. Finalement, sur le ton de l’évidence elle lui offrit une réponse digne de sa grandeur. « Comme si je pouvais ne pas te plaire. » Son détachement n’avait rien de feint. Jade ne tirait pas de satisfaction particulière à l’idée de pouvoir plaire aux hommes, probablement parce qu’elle avait appris qu’une jolie couverture pouvait cacher bien des désillusions. Elle ne jouait pas de physique : elle l’utilisait comme une arme pour mener sa vie, jamais pour séduire les hommes. Toujours parfaitement apprêtée, tirée à quatre épingles même dans les occasions qui ne le nécessitait pas – elle n’oublierait jamais son déménagement sur talons aiguilles - elle faisait de son physique la fameuse jolie couverture qui préserverait les autres – autant qu’elle la préserverait elle-même – de ce qu’il y avait derrière celle-ci : des aspects moins reluisants, qui auraient suffi à faire fuir même le plus déterminé des hommes. Elle n’était cependant pas de celles qui se voilent la face, ou qui se dévaluent pour le plaisir d’entendre une voix suave les contredire en les replaçant à l’endroit qu’elles n’avaient jamais quitté : sur un piédestal. Elle n’avait jamais rencontré un homme auquel son physique aurait pu ne pas plaire – principalement parce qu’elle évoluait au sein d’un milieu fermé possédant des critères physiques à la fois précis et immuables – mais n’en avait jamais tiré la moindre once d’assurance. Il y avait bien longtemps que la vision d’un homme sur elle ne suffisait plus à refermer les failles béantes de son être. Elle détourna les talons, ponctuant son départ d’un chéri incisif et moqueur avant de s’apprêter à rejoindre d’autres invités bien connus, et avec lesquels elle aurait grand plaisir à discuter, contrairement à Clark. Lorsqu’il retint son avant-bras pour l’arrêter de sa lancée, elle se retourna vers lui, surprise. Peut-être que dans d’autres circonstances, si elle avait été dans le film de sa vie, par exemple, il se serait produit quelque chose de ridiculement cliché : une agitation soudaine dans sa poitrine, la révélation aussi brutale qu’intense d’un amour dévorant à son égard ou un baiser langoureux digne de faire pleurer la ménagère de moins de cinquante ans. Au lieu de cela, elle se contenta de lui jeter un regard inquisiteur et un rien dédaigneux. « Ca c’est surprenant » commenta-t-elle, mesquine. Mais puisqu’il se qualifiait lui-même d’homme sans grande attache, elle supposa que les deux allaient de pair. « Tu as profité de mon acte de bonté annuel. » Ce qui n’était pas entièrement vrai. A l’inverse de toutes ces filles qui se pensaient reines de leur monde impitoyable, Jade était capable d’être gentille. Douce. Agréable. Parfois même timide. Mais on lui avait appris à soigneusement garder cela pour elle, et ne réserver ses plus belles qualités qu’aux méritants ayant gagné le droit de voir un peu plus loin que la façade splendide mais austère. Sa demande lui arracha un semblant de rire, et l’espace d’un instant, elle fut tentée de chercher une caméra autour de lui. Elle abandonna l’idée, mais lui offrit sa mine la plus délicatement boudeuse. « Comment refuser de passer du temps avec quelqu’un qui vient de me traiter d’emmerdeuse ? » Elle lui adressa un sourire faux, mais ses yeux restèrent désespérément froids. Ce n’était pas une réponse à proprement parler, ni un oui vaguement intéressé, ni un non ferme et définitif. Clark saisit l’occasion – ainsi que son poignet – pour l’entraîner à sa suite vers le buffet. Elle se laissa faire, plus par refus de faire un esclandre aux yeux de tous que par réelle envie, et surprit le regard conquis de son père. Elle poussa un soupir de frustration, relativement agacée de n’avoir pas la moindre prise sur le déroulement de la soirée et sur la façon dont celle-ci pourrait se terminer. Il prit à nouveau la parole sans lui laisser la possibilité de refuser, ni même de partir, et elle se trouva contrainte à l’écouter encore une fois. Si elle avait pu considérer l’idée de repartir de zéro, tout espoir s’envola définitivement alors qu’il semblait rejeter avec une telle violence les gens du monde dont elle faisait partie. « Juste en face de toi, hein ? » répéta-t-elle avec froideur. « Et pourtant, juste en face de toi, tu as la meilleure représentante d’un monde que tu as l’air de détester. Explique-moi pourquoi je devrais perdre mon temps à discuter avec quelqu’un qui, en plus d’être particulièrement exaspérant, vient en l’espace de trente secondes de dénigrer tout ce que je suis, et le monde dans lequel j’évolue ? » Elle planta un regard irrité dans le sien, attendit une nouvelle réponse emplie de sincérité, puisqu’il semblait s’agir là de son nouveau credo. Clark n’aimait peut-être pas les gens comme elle, mais ce n’était pas elle qui lui imposait sa présence. « Tu ne mérites pas le quart du tiers de mon attention. Et si cet univers te déplaît à ce point, alors crois-moi, je suis loin d’être la raison idéale pour te pousser à rester. » Elle marqua un temps d’arrêt, et reprit avec dédain. « Je ne te retiens pas. » Si Clark avait pu éveiller chez elle le plus infime des intérêts, ce moment était désormais révolu.
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MessageSujet: Re: someday, we will foresee obstacles. someday, we will foresee obstacles. EmptyMar 8 Sep - 22:42

" .I told him a story of two people. Two people who shouldn't have met, and who didn't like each other much when they did, but who found they were the only two people in the world who could possibly have understood each other. "

Clark, il en a connu des filles, jolies et cultivées, aisées ou sans un sou. Toutes émotives, toutes manipulables. Des filles qu'il fascinait, qu'il façonnait comme bon lui semble. C'était facile d'échanger son numéro après la vieille drague du vendredi soir, les appeler le lendemain pour fixer un autre rendez-vous, se retrouver chez elles et rentrer une petite heure dans l'intimité de leur vie. Il voyait des photos de leur famille, savait reconnaître le frère protecteur ou le père absent. En l'espace de trente petites secondes, il en savait bien plus sur elles qu'il n'en avait apprise en quatre heures autour d'un verre de tequila rose. Après, ce n'était qu'une histoire de temps : il les laissait parler, leur faisait boire une bouteille de vin blanc fraîchement piqué de la cave de son père et puis comme souvent, elles finissaient par lui montrer leur chambre en murmurant à son oreille à quel point elles crevaient d'envie de lui faire l'amour. La méthode était d'une simplicité grotesque, pour autant il l'avait choisi ainsi, non pas par pure égoïsme mais parce qu'il se protégeait, lui. Il n'en voulait pas de l'amour. S'il commençait à aimer, il allait avoir des emmerdes et il était hors de question qu'il en prenne le risque. Alors pour ne pas se faire prendre, c'était lui qui les choisissait. Jolies et cultivées, aisées ou sans un sou. Du moment qu'il connaissait le profil. Pas comme celle-la, caractérielle, froide et sans le moindre sourire, qu'il pensait en observant de ses yeux sombres le visage figé de Jade. Les filles comme ça, non, il ne connaissait pas. Sa voix, froide et impérieuse, contenait un profond mystère qu'il semblait incapable de déchiffrer. Cette fille, toute entière, était indéchiffrable. Jade, comme elle disait s’appeler, était l'incarnation même d'un livre inachevé dont on ne parvient pas à comprendre la fin. « Comme si je pouvais ne pas te plaire. » Sa remarque puait l'assurance, elle était droite, sûre d'elle avec son regard de biche planté sur lui. Clark se mit à rire intérieurement voyant dans cette fille dont il ne savait rien la première faille qui lui donnerait la clé de ce trésor caché. « J'espère pour toi que tu n'es pas aussi bornée à chaque fois qu'un garçon s'intéresse à toi. » répondit-il sur la même lancée, direct et franc, avant de l'embarquer avec lui près du succulent buffet dressé sous les yeux des convives. S'il pensait avoir apaiser les esprits en lui proposant un nouveau départ, il déjanta aussitôt en l'écoutant maudire ses paroles. A cet instant-la, il la regarda, il la regarda vraiment. Ses yeux noircis par une fine couche de mascara, le teint sucré parfaitement appliqué sur ses lèvres, ses pommettes saupoudrées de roses ni plus ni moins que nécessaire et une allure, quelle allure, d'une femme moderne à la douce splendeur. D'un air grave, il songeait : combien de temps lui avait-il fallu pour devenir une femme comme celle-la. Coiffée, maquillée, toujours bien apprêtée dans des vêtements valant une petite fortune et sans aucun faux pli. Combien de temps pour atteindre ce niveau de perfection, chaque matin devant le miroir de sa salle de bain, et chaque soir, avant de sortir parader dans les soirées branchées de Las Vegas. Elle s'épuisait à mener cette vie du paraître comme tous les autres riches autour d'elle.  « Tu n'es pas comme eux. » qu'il lança le regard rivé dans le fond de sa coupe de champagne. « Tu veux te convaincre que tu es capable de vivre dans ce monde et tant mieux si ça te plait après tout. » Il but une gorgée l'air las puis daigna reporter ses yeux sur elle. « Mais regardes-toi, tu te fatigues pour rien. Tu veux tout contrôler, toujours avoir le dernier mot, prêter toute ton attention à l'image que tu renvois. Les gens à qui tu sembles tant vouloir ressembler se cramponnent aux apparences, ils montrent ce qu'ils veulent bien montrer. » Son regard aigri se dirigea sur un groupe de riches avocats qui discutaient avec des mots qu'eux seuls pouvaient comprendre, le jargon du métier vous comprenez, histoire de rester en petite comité. L'un d'entre eux, une femme au charisme indéniable, abordait fièrement sa dernière affaire à la cour et le beau pactole qu'elle a raflé en la laissant traîner durant des mois sur son bureau. Clark n'aimait pas ces gens, il détestait la manière dont ils avaient tous de se mettre en avant, leurs voix hautaines et leurs gestes mécaniques pour imposer leur posture de leader. Tout le monde dans ce foutu dîner se jouait des autres pour se cacher derrière ses plus grands secrets. Ici, seule la façade comptait : richesse, réputation, carrière. Le reste, la solitude, leurs ambitions perdues, hurlaient en silence derrière leurs carapaces d'acteurs. « Tu veux que je te dise, je n'ai pas la moindre idée de ce que tu es . Je ne te connais pas et probablement que je ne t'aurais jamais adressé la parole si je n'étais pas bourré au Nouvel An... » Il eut un mince sourire durant un quart de secondes puis la fixa d'un œil franc, sérieux. « … Mais à bien te regarder, ça se voit, ça se sent qu'il y a un truc pas net. Tu te renfermes dans ta rancœur, tu restes blindée dans tes mépris mais à vrai dire, je m'en contrefous d'en connaître les raisons. Si tu veux finir comme eux, très bien, tu es sur le bon chemin. » reprit-il sur un ton plus solennel, le visage fermé. Lui, il avait déjà fait son choix des années en arrière. Rester conditionné à l'éducation rigoureuse de ses parents lui avait bouffé le cœur à l'époque même où la disparition de sa sœur tourmentait ses nuits et ravageait toute sa vie. Clark fuyait les blessures, il courait loin derrière, marchait entre les lignes, se livrait à demi-mot, entre deux phrases volées, toujours là pour esquiver les questions comme si parler davantage pouvait le rendre vulnérable et le détruire un peu plus. Adolescent, il s'était détaché du confort convenable dirigé par ses parents pour mener lui-même la vie qu'il avait envie de vivre, pour devenir l'homme qu'il avait envie d'être. A la chevauchée de ces deux mondes diamétralement opposés, lui avait choisi de dévier aux principes. Il avait cessé de pourrir en silence. « Maintenant, c'est toi qui voit : soit tu préfères perdre ton temps avec un pauvre con de première classe et cesser de te voiler la face,  soit tu restes là à t'emmerder avec des gens qui de toute évidence, auront oublié ton visage dès l'instant où ils auront quitté cette pièce. » Les mains moites, Clark s'empara d'un cocktail déposé sous ses yeux. Il le but d'une seule gorgée puis tendit une main en sa direction alors que l'alcool lui brûlait tout l'estomac. « Allez viens, on se casse d'ici. »
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MessageSujet: Re: someday, we will foresee obstacles. someday, we will foresee obstacles. EmptyMer 16 Sep - 22:37

Elle aurait voulu lui balancer l’une de ces répliques cinglantes dont elle avait le secret, mais les mots se perdirent, étouffés dans sa gorge. Sans le savoir, il venait de mettre le doigt sur une chose qu’elle taisait, par peur du jugement des autres, de ces regards jamais dénués de réprobation qu’elle connaissait par cœur pour les offrir à tous ceux qu’elle côtoyait. Les hommes ne s’intéressaient pas à elle. Et elle pouvait se voiler la face autant qu’elle le voulait, chercher les meilleures raisons du monde pour le justifier, l’excuse du « je suis bien trop hors de portée pour eux » ne pouvait pas durer éternellement. Elle était effectivement hors de portée, mais sans doute pas pour les bonnes raisons. Ils la voyaient, bien sûr, qui n’aurait pas remarqué une créature divine dans un océan de physiques à la banalité affligeante, mais tout n’était que superficiel. Elle n’avait jamais eu l’impression d’être scrutée, ou que quelqu’un était en mesure de voir littéralement à travers son âme. Elle ne se donnait pas la peine de faire d’efforts – pour quoi faire ? – mais force était de reconnaître qu’à se barricader des émotions humaines, Jade était devenue un modèle d’éternelle célibataire dont la condition ne l’enchantait plus autant qu’à ses débuts. Elle finirait sans doute par trouver quelqu’un (c’était probablement là l’un des nombreux avantages de l’univers dans lequel elle évoluait) mais ce serait au mieux un mariage de raison, dépourvu d’amour et de passion. Elle deviendrait mère au foyer et reproduirait la caricature de mère à laquelle elle avait elle-même eu droit. Ses enfants finiraient par la détester de la même façon qu’elle détestait sa mère : jamais violemment, jamais en face. Non, ce serait plus subtil et donc plus pernicieux, et dans trente ans, névrosée au point de non-retour, accro aux antidépresseurs, elle regarderait en arrière en se demandant ce qu’elle avait bien pu rater dans sa vie pour en arriver là. Bien sûr, elle serait à l’abri du besoin, prisonnière d’une cage dorée décorée à son goût, des vêtements par centaines, autant de chaussures, et tout ce qui pouvait faire rêver n’importe quelle femme, mais elle saurait que le revers de la médaille était bien moins attirant. Dans trente ans, à force de s’être protégée par peur que l’on puisse voir à travers ses imperfections, Jade Rutherford serait une femme malheureuse. « Donc tu t’intéresses à moi » finit-elle par noter d’un ton détaché. Il ne s’agissait pas d’une question, simplement d’un constat. Et à celui-ci, elle aurait voulu répondre qu’il perdait son temps parce qu’il en reviendrait bien vite. Au mieux la désirerait-il quelques semaines, assez pour froisser ses draps et réchauffer ses nuits d’hiver, et puis comme tous, il finirait par abandonner devant l’ampleur de la tâche. Elle était un éternel chantier en construction, de ceux qui ne s’achevaient jamais et tuaient toute motivation. Clark se voilerait la face un temps, avant que le désintérêt ne le frappe un beau matin. Et là encore, tout n’était qu’extrapolation faite à partir d’un constat peut-être erroné. S’il avait le don de l’irriter, elle dut cependant reconnaître qu’il était observateur, assez pour penser l’avoir percée à jour, assez pour s’en satisfaire, assez pour croire qu’il venait de mettre le doigt sur la quintessence de son existence. Jade n’était que vanité et rires ampoulés, phrases toutes faites et maquillage soigné en toutes circonstances. Elle ne laissait rien au hasard, et refusait de dépendre du contrôle de quelqu’un d’autre. Ce qu’elle ne chercherait pas à nier, parce qu’il avait raison en tout point et débattre du contraire l’aurait épuisée. Mais il se trompait, Clark, bien plus qu’il ne pouvait le soupçonner. Elle appartenait à ce monde, de toutes les fibres de son être. Elle lui avait appartenu avant même sa naissance, et continuerait de lui appartenir bien après sa mort. « Tu crois m’avoir comprise, hein. Tu t’imagines probablement que tu es fin psychologue et perspicace, par-dessus le marché. Mais si tu me connaissais mieux, tu comprendrais combien tu te trompes sur moi. Tu penses que je veux tout contrôler pour leur plaire ? A eux ? Je suis trop égocentrique pour m’intéresser à ce qu’ils pensent de moi. Ce n’est pas pour eux que je le fais. » Mais elle se garderait bien de développer davantage sur l’étrange rapport qu’elle entretenait avec l’infinie quête de perfection. « Mais qu’est-ce que tu crois, Clark… Je n’ai pas besoin de chercher à être comme eux, je le suis déjà. Tu peux essayer de me trouver plein d’excuses, ou te chercher plein d’excuses pour t’intéresser à moi, croire qu’il y a plus à voir chez moi que ce que je veux bien montrer, mais ce n’est pas le cas. Je suis exactement celle que j’ai l’air d’être. Libre à toi de perdre ton temps à espérer découvrir autre chose. » Elle avait dit cela d’un timbre indifférent, comme si elle s’était contentée de répéter un discours servi des centaines de fois auparavant. Il n’était pas le premier à se laisser berner par ses traits angéliques et sa démarche gracieuse : ils étaient nombreux, ceux qui avaient cru qu’ils finiraient par percer le mystère qui l’entourait. Et tous, sans exception, avaient fini par abandonner en comprenant qu’il n’y avait pas grand-chose à percer. Au moins Clark pouvait-il se targuer d’avoir vu plus de choses d’emblée que la plupart des autres. Mais cela ne l’aiderait pas. La proposition qu’il lui fit aurait d’ordinaire été rejetée avant même qu’il n’ait fini de la prononcer, mais pas cette fois. Un rien ébranlée par le jugement qu’il faisait d’elle, et sans doute trop désireuse de le détromper, Jade finit par lâcher prise. La soirée pouvait se révéler intéressante, mais la vérité, c’était qu’avec lui dans les parages, elle n’aurait pas le loisir d’en profiter. Alors, lentement, elle tendit sa main pour la glisser dans la sienne avec innocence et le suivre à travers la foule. Elle avisa au loin le regard éperdu de satisfaction du père de Clark, et elle songea qu’ils auraient pu être crédibles, comme couple. Elle, la jolie jeune femme infaillible d’apparence, toujours en contrôle, et lui, le jeune homme un rien canaille contrastant violemment avec le décor. L’attente de l’ascenseur lui offrit une bonne occasion de se livrer à son tour à une analyse superficielle de ce qu’il renvoyait. « Voyons voir si je peux faire mieux que toi. Tu viens d’une famille et d’un monde que tu détestes, tu penses ne rien avoir en commun avec cet univers sans même réaliser que t’es déjà foutu, que tu leur appartiens autant que moi, ne t’en déplaise. Tu te caches derrière tes sourires en coin et tes sarcasmes, parce que t’as peur de te réveiller un jour et de prendre conscience que tu ne peux pas y échapper. En attendant, tu joues les types insouciants et charmeurs, parce que dès que ça devient sérieux et réel, tu paniques. Et le pire dans tout ça, c’est que tu n’en as même pas pleinement conscience parce que t’es trop ancré dans tes certitudes pour ouvrir les yeux. » Satisfaite de sa tirade, elle lui offrit un sourire amusé. « Mais si je me trompe, bien sûr, n’hésite pas à me corriger. »
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MessageSujet: Re: someday, we will foresee obstacles. someday, we will foresee obstacles. EmptyDim 15 Nov - 23:01

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