Tout semblait basculer du mauvais sens que j’avais cette sensation de repartir à zéro. De devoir mener de nouveau un combat contre cette fichue maladie qui m’atteignait une seconde fois, cette fichue leucémie qui aurait peut-être raison de moi car je n’avais aucune envie de me confronter à elle encore. J’avais obtenu mon diplôme université en Littérature française et anglaise mais à quoi bon si le temps m’était compté ? Et puis j’avais atteint mon but en devenant également une femme d’affaire tout en suivant quelques cours en parallèle à Berkeley en langues étrangères. Seule la réussite professionnelle me souriait, le reste étant chaotique comme ma vie sentimentale, ou je m’étais séparée de Stephen... Bref, je voulais oublier, le temps d’un soir peut-être deux, pour ne plus penser et profiter de moments ou plus rien ne compterait.
Prenant une douche, je m’habillais d’un pantalon droit noir, d’un petit chemisier blanc et enfilais une veste assortis de cuir. Perchée sur des escarpins de même teinte que mon ensemble, me voici donc clé en main pour rejoindre les rues de San Francisco histoire de m’évader. Je roulais empruntant divers routes jusqu’à m’arrêter non loin d’un bar. Je m’étais pourtant promis de ne plus faire de la vodka ma seule et unique amie mais ce fut m’exception depuis bien longtemps. Coupant le moteur et refermant ma berline à distance, j’avançais vers l’enseigne de l'Absinthe  avant d'y pénétrer et d’aller m’asseoir au comptoir du bar, commandant à peine installée une vodka. Je ne fis pas cas de qui était présent en ces lieux, et cela m’importait peu à vrai dire. Je voulais simplement être tranquille, penser à autre chose et m’enivrer ! Certes, j’aurais pu le faire chez moi en ma villa, mais sortir de ma bulle me serait peut-être bénéfique non ?
Je bus mon verre doucement, du moins les deux premières gorgées avant de le terminer d’une seule traite avant d’en commander un second. L’alcool me brulait le fond de la gorge mais après quelques verres, je n’aurais plus cette sensation forte, mon esprit vaguerait et se confondrait, voilà ce que j’étais venue chercher en ce genre d’endroit. Je pris mon autre verre en main et le regardait avant de me décider. Était-ce réellement une bonne chose de me laisser aller de la sorte, baissant les bras face aux épreuves que la vie m’imposait ou bien alors devrais-je combattre ? Je n’en avais ni la force et ni l’envie d’ailleurs. Ce soir une chose était certaine j’allais me laisser envahir par un afflux d’alcool. Je sentais déjà cette douce chaleur m’envahir que j’en ôtais ma veste de cuir noir et déposais mon sac sur le dossier de mon tabouret quand je vis qu’on s’installa à mes côtés…Un homme plus âgé que moi,-espérons qu’il ne me raconte pas sa vie-le voyant peut-être divorcé venant ici pour également noyer son chagrin après une dure journée de labeur…Espérant également ne pas entendre ses jérémiades, n’en ayant pas le courage et encore moins la patience. J’étais venue ici dans le seul but de me détendre en tous sens. Je jetais à peine un œil sur cet homme avant de relever mon verre à mes fines lèvres pour le terminer d’une seule traitre grimaçant au contact de cet alcool fort...

S'enivrer pour oublier

Emy & William

L’absinthe Bar. Certainement l’un des établissements les plus connus dans San Francisco, notamment par la population estudiantine de l’université de Berkeley. Il faut avouer que l’ambiance y était bonne. Un bar chaleureux, grand et bondé dans lequel on peut toujours trouver une place pour s’asseoir. Des billards sont disposés dans une partie, dans le fond à droite. Le mélange entre un pub un peu délabré et un bar chic. Je m’y rendais lorsque j’avais envie de prendre un bon whisky après une journée de travail. Davantage lorsque je passais une sale période. Le fait est que personne ne m’attend chez moi. Je pourrais très bien ne plus m’y rendre durant quelques jours que personne ne s’en rendrait compte à part le chaton qui a décidé de taper l’incruste dans mon salon. Mes pensées vont tout droit vers Cailin. Je m’inquiète pour elle, désespérément. Je dois me changer les idées.

- Un whisky, s’il vous plaît.

Je m’assois au comptoir sur l’un des grands tabourets en cuir, aux côtés d’une jeune femme pour qui je ne prête pas encore d’attention. Je joue avec les boutons de manchette de ma chemise blanche avant de les faire sauter pour retrousser mes manches jusqu’à mes coudes, dévoilant ainsi mes deux tatouages à l’intérieur de mes poignets, traduisant une série de chiffres romains. Je desserre ma cravate puis passe mes mains dans mes cheveux blonds. Je suis crevé et tendu à la fois. On m’apporte mon verre de whisky. Je remercie le barman d’un signe de tête puis glisse mes doigts sur le rebord du récipient contenant ce liquide ambré.

Je porte mon verre jusqu’à mes lèvres afin d’en boire une gorgée. Ce n’est qu’en le reposant sur le comptoir que je daigne enfin tourner la tête vers la femme assise à mes côtés. Je l’observe un instant. Son physique m’est familier. Je l’ai déjà vu quelque part, à plusieurs reprises. L’université se présente donc comme la solution la plus logique. Finalement, j’ai comme un flash. Je la revois assise sur une chaise dans l’un des amphithéâtres de Berkeley. Elle est étudiante. Je tente de replacer cette vision dans son contexte. Elle étudie la littérature. Elle possède donc quelques cours d’histoire même s’ils sont peu nombreux, ce qui explique ma difficulté à la reconnaître. Finalement je m’imagine Kilian. Pourquoi ? Ah oui. Il me semble qu’il traîne souvent avec le petit ami tatoué de la jeune femme. J’ai toujours eu une mémoire d’éléphant, je n’y peux rien.

- Qu’est-ce qui vous amène ici à boire toute seule ? Vous n’avez pas des cours à réviser ?

Je la taquine, bien évidemment. Je cherche juste à souligner le fait que je l’ai reconnue.

Spoiler:

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La soirée commençait dans ce bar ou j’avais pris l’habitude de me rendre –surtout lorsque j’étais au plus mal pour noyer mon chagrin- depuis quelques semaines maintenant. La vodka redevenait mon unique et meilleure amie. Regardant devant moi, sans vraiment prêter attention à tout ce qui pouvait m’entourer jusqu’à la venue de cet homme d’âge mur à mes côtés. Il ne m’était pas inconnu et pour cause, il avait été l’un de ses professeurs avec qui j’avais eu cours, encore en l’an dernier. -J’étais devenue une femme d’affaire en parallèle de quelques cours de langues que je prenais encore au sein de l’université, ainsi que quelques notions de marketing. - Mais j’étais physionomiste, qu’il m’était quasi impossible d’oublier un visage. Ne manquait plus que cela, même si je doutais qu’il savait qui j’étais. Des cours donnés toute une journée à des centaines d’élèves, cela me ferait vraiment sourire ou non en fait…
Dure journée à le voir, manches retroussées, allure débrayée dorénavant, se mettant à son aise, moins carré dans son image de professeur. Cela m’étira un léger sourire. Je pus le voir dans ce miroir qui nous faisait face, derrière toutes ses bouteilles entreposées pour les clients…Large choix cela va s’en dire. Relevant ce verre à mes fines lèvres, visionnant toujours droit devant moi, voilà que la voix grave de cet homme –l’un de mes professeurs de Berkeley, prenant des cours que je souhaitais poursuivre, aimant l’Art et l’Histoire en tout lieu- que je crus presque m’étouffer. Fronçant les sourcils je me demandais comment je devais prendre ses propos. Reposant mon verre quelque peu recourbée sur le comptoir et essuyant ma bouche, que je portais les yeux sur sa personne, interrogative.
« Je peux vous retourner la même question ? Je ne vous dois rien, Nous ne sommes pas à l’université et je n’ai aucun compte à vous rendre. Concernant mes cours, j’ai toujours réussi à gérer. Vous devriez plutôt vous préoccuper de ce qui vous amène ici. On ne traine pas les bars pour boire un simple verre, du moins pas tout seul… »
Je venais de voir qu’il n’était pas là pour se détendre simplement d’une longue journée mais pour mieux avaler une pilule qu’il aurait avalée de travers. Chagrin d’amour ? Contrariété familiale ? Ou professionnelle ? Que sais-je, et alors ? Mais je venais également de me mette en position de faiblesse ; je buvais également ici et non accompagnée.
Peu importe qu’il disait cela de façon légère ou non. J’étais dans une attitude des plus mélancoliques ces temps-ci et à fleurs de peau. Impulsive comme je l’étais il ne me faudrait pas longtemps avant de me montrer désagréable plus que jamais, faisant ressortir en moi ce côté que je refoulais depuis bien longtemps, celle d’une bas girl, aux mauvaises fréquentations, non agréable et se fichant de tout par la même occasion. La preuve en était que je poursuivis dans mon élan de paroles.
«Si vous comptez jouer le rôle du professeur à l’écoute de son étudiante, alors dites-vous que c’est peine perdue. Jamais vous n’aurez ce plaisir. Je ne suis pas du genre à me plaindre ou encore à lécher les bottes de quiconque. »
L’alcool dans le sang et le fait de faire cette rencontre me fit monter bien vite sur mes grands chevaux…le mettant de suite à la page. Je n’étais pas d’humeur à discuter de tout et de rien et encore moins avec l’un de ses professeurs. J’étais imprévue, presque sauvage dans mon attitude et alors, je ne devais rien à personne, pensais et faisait comme bon me semblait après tout la vie avait été chienne avec moi et l’étais de nouveau aujourd’hui. J’en avais assez et tout cela ressortait ce soir par cette méchanceté et cette froideur dont je faisais foi, malheureusement pour Mr Clives.
« Vous devriez retourner auprès de votre chère et tendre… »Ne sachant s’il avait une compagne –ou compagnon-qui partageait sa vie…

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Emy & William

La question que j’avais posée à cette jeune femme n’avait rien de formel. Disons plutôt qu’il s’agissait d’une accroche, une façon de lui faire comprendre que je l’avais reconnu malgré les plusieurs centaines d’étudiants que je pouvais posséder. Et rapidement, elle fut sur la défensive, comme si je venais de lui faire une remarque, comme si elle ressentait le besoin de me prouver qu’elle ne faisait rien de mal, rien qui puisse attirer ainsi mon attention. Mes sourcils se haussèrent sous la surprise. Ah les femmes ! Si je le pouvais, je me ferais gay sans hésiter. Elles prennent trop vite la mouche, c’est agaçant. Je la laisse cependant parler, ou plutôt cracher son venin. Et quand elle m’explique qu’on ne vient pas ici pour boire un verre seul à moins d’être dans une mauvaise passe, je tourne la tête vers elle et l’observe avec insistance afin de lui faire comprendre silencieusement que cette remarque marche également pour elle.

Je la laissais continuer son monologue en observant le plafond avec un air exaspéré. Pourquoi montait-elle ainsi sur ses grands chevaux ? Visiblement avait-elle trop bu. Je me gardais néanmoins de lui faire la réflexion, au risque qu’elle m’écrase la première bouteille en verre qui lui passerait sous la main, sur la tête. Ce n’est qu’une fois qu’elle eut terminé que je daignais tourner la tête vers elle pour lui adresser un regard d’une arrogance qui m’est propre.

- Ah très bien, vous avez vos règles. Inutile d’en faire toute une histoire.

Finalement, je levais les mains comme un hors-la-loi qui vient de se faire prendre en flagrant délit par la police.

- Ceci est une blague. On se calme.

Je reportais mon verre jusqu’à mes lèvres afin d’en boire une gorgée. Je ne préférais même pas répondre concernant ma dite « chère et tendre ». Sans avoir à prêter attention aux rumeurs, n’importe qui m’ayant pour professeur serait capable de comprendre que je suis un homme à femmes, et non pas l’homme d’une seule femme. L’hypothèse de la femme ou simple petite-amie semble donc invalide. Et quand je vois comme peut réagir Emy, je me dis que j’ai raison de ne pas perdre mon temps dans une relation sérieuse pour entendre la gent féminine aboyer sans raison.

- Je ne compte pas jouer les professeurs à l’écoute car pour tout vous avouer, je me fiche pas mal de ce qui vous a amené ici pour boire plusieurs verres de vodka. Ca ne regarde que vous. J’ai mes problèmes, inutile de rajouter les vôtres à ma liste. On a tous une croix à porter.

Oui, je peux être un éternel salaud. Mais Emy se trompait lourdement si elle pensait avoir un professeur aimable à côté d’elle, prêt à faire la conversation concernant ses problèmes. Je ne suis pas connu pour avoir l’oreille généreuse.

- Ma question n’était qu’une forme d’accroche, pour faire la conversation. Mais d’un coup, vous m’avez coupé dans mon élan et retiré toute envie de faire preuve de sociabilité. Je vous en prie, continuez à boire, ça vous rendra peut-être plus aimable.

Et après, je me demande pourquoi je me prends autant de gifles…

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J’étais grincheuse, certes et alors ? Peut-être n’aurais-je pas dû réagir au quart de tour me fichant bien de ce que l’on pouvait penser de moi. Mais ce soir, j’étais venue en ce lieu pour décompresser, noyer mon chagrin, me saouler et oublier mes soucis ! De plus, j’avais un problème avec tout ce qui pouvait représenter l’autorité en bien des sens. Mon paternel, ma tante arrivée en ville…Bref, j’aimais être et me sentir libre sans rendre de compte mais le fait que ce cher professeur m’ait reconnu et qu’il se soit adressé à moi, me mise dans un état second de contrariété ! L’alcool faisait, j’avais bien plus de mal à me contrôler d’ailleurs… ses propos ne m’aidèrent nullement à faire redescendre la pression qui montait en moi…un regard noir sur sa personne prête à rétorquer quand je le vis me narguant au final. Serrant mon verre en ma main je le levais, le buvant d’une seule traite ! La gorge me chauffait et pourtant cela ne me ferait pas me stopper. C’était le commencement d’une longue série de vodka !
Je ne pus me restreindre à le regarder du coin de l’œil avant de soupirer. Mais quelque chose chez lui me fit me tempérer malgré tout. Il avait su me tenir tête, peu le faisait par peur ou bien par découragement ayant souvent le dernier mot. Cette autorité ou encore cette façon de vouloir me défier me plaisait beaucoup. Surtout chez les hommes, les hommes murs -il faut savoir que par mon passé, j’avais eu une relation très soutenue et active avec un professeur de Berkeley, il y a bien longtemps…- ce qui me tira un léger sourire aux lèvres. -Bien que nous fussions amis, nous étions également amants ! Une époque particulièrement enjouée- Concernant ce Monsieur Clives, je ne connaissais rien de sa vie, ni même écoutais les ragots de sur sa personne, sachant simplement ce que les étudiants en pensait en tant que professeur non en tant qu’homme... J’avais suivi certains de ses cours et après ? ca s’arrêtait là. L’homme d’âge mur repris, ayant toute mon attention malgré tout sans me montrer trop intéressée par ses paroles. Un rictus se dessina sur mes fines lèvres qui embrassaient une nouvelle fois le verre, un autre encore, commandé auprès du barman d’un simple signe de la tête.
«Preuve de sociabilité, vous ? »Dis-je tout en riant doucement. Même si je ne le connaissais que très peu, les réputations de certains professeurs n’étaient pas sans se savoir. Il me cherchait ou bien tentait il de me piquer au vif ? Mes doigts toujours crispés contre la paroi froide de mon verre, je tournais la tête en sa direction, toujours ce sourire narquois aux lèvres.
« Je vous demande pardon ? Vous pensez pouvoir me donner des leçons d’éducation peut-être ? Ou que sais-je encore ? Vous feriez bien mieux de vous préoccupez de votre personne, à votre âge il serait dangereux d’abuser de certaines choses, Monsieur… »J’aimais taquiner -allez savoir comment les gens prendraient mes propos- et parfois même attaquer sur la virilité de certains. Un homme ne devait sans doute pas aimer le fait de s’entendre dire qu’il était « âgé ». Certes, il n’était pas vieux mais son arrogance lui donnait cet air encore plus mature et autoritaire qu’il ne paraissait. Ce qui n’était pas pour me déplaire intérieurement…. L’alcool me chauffant davantage l’esprit, je devrais peut-être me stopper après ces quelques verres, avant que je ne regrette d’aller trop loin en mes propos et trop loin dans mes pensées…Mais il en fut autrement. « Me paierez-vous le prochain verre ? »Aguicheuse ? Joueuse ? Casse-pied ? Et alors ? Était-ce le fait que cet homme avait su me remettre à ma place, sans prendre de gant? Ou encore parce qu’il était d’une arrogance et une franchise sans limite qu’il en devenait attirant ?
« En guise de …paix ? »J’attendis patiemment du regard de connaitre sa réaction, le visage moins dur mais toujours aussi énigmatique. Je n’étais pas du genre à me dévoiler ouvertement, pour quelques raisons que ce soient…

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Emy & William

La jeune femme sembla fortement surprise et amusée de mes paroles concernant mon désir de devenir plus sociable. Oui, je tente de faire des efforts de ce côté-là, car je suis un homme solitaire, mystérieux, qui n’a presque que des contacts charnels avec différentes femmes qui croisent mon chemin. Je suis libre, je ne rends de compte à personne. Enfin ça, c’était avant. Oui, avant, puisqu’une famille m’est tombée dessus. Si j’étais venu ici pour retrouver mon frère, aujourd’hui, je ne lui parlais plus, le haïssant pour ce qu’il a osé me faire subir. Dans la foulée, j’avais appris que je possédais deux fils, des jumeaux. J’avais pris de nouveau contact avec mes parents après plus de vingt ans d’absence et de manque de nouvelles. Kenzo avait adopté un bébé, faisant de moi un grand-père avant l’âge. Bref, je possédais désormais une famille ce qui m’obligeait à donner de temps en temps des nouvelles. Je devais donc apprendre à ma sociabiliser un peu pour ne plus posséder ce statut de loup solitaire. Mais ça semblait plus facile à dire qu’à faire puisque je n’arrivais pas réellement à m’intéresser à la vie de l’espèce humaine.

- Qu’est-ce que vous surprend et vous fait rire ?

J’avais répondu en posant cette question, un sourire amusé inscrit sur les lèvres. Bon d’accord, je ne suis absolument pas crédible. Le fait est que ma réputation me suit. Je suis connu pour être un connard qui ne pense qu’à sa gueule et à tirer son coup à droite et à gauche. Dans le fond, ce n’est pas faux. Et même lorsque je tente d’expliquer le contraire, je me rends compte que je n’y crois pas moi-même. Au moins, on ne pouvait pas nier le fait que mon comportement prêtait parfois à rire.

Elle décida ensuite de me taquiner sur mon âge. J’arquais un seul sourcil en l’observant, l’air dubitatif. Je ne me considère pas non plus comme âgé. Certes, elle est jeune à côté de moi, mais cela ne me donne pas le qualificatif de « vieillard » non plus. C’est pourquoi je prends cette parole avec amusement. Inutile de se prendre la tête là-dessus, d’autant plus que mes années d’avance sur elle ne semble pas la freiner dans sa quête d’attirer mon attention. Elle me proposa ensuite de lui offrir un verre afin de faire la paix. Faussement sceptique, je semblais réfléchir longuement. Au moins, ça me permettra de garder un œil sur elle. Car si je ne souhaitais pas la protéger, je ne désirais pas non plus qu’elle devienne une proie facile pour quelques hommes peu scrupuleux. Je terminais mon verre avant de poser mon attention sur le barman.

- Deux autres, s’il vous plaît.

L’homme nous servit donc deux autres verres. Je le remerciais d’un signe de tête avant de me retourner vers Emy. Je plantais mes yeux bleus aciers dans les siens, prêt à vouloir y lire les réponses à mes questions.

- Alors dites-moi, de quelles choses je ne devrais pas abuser à mon âge ? Car c’est un peu vague.

Je cognais doucement mon verre contre le sien de façon à trinquer. Comme le souhaitait la coutume, je ne la quittais pas des yeux avec une expression d’arrogance sur le visage dont j’ai le secret.

- Et puis, je suis bien curieux de savoir ce que pourrait m’apprendre une jeune femme seule, dans un bar, en train de noyer ses chagrins… amoureux ? Si c’est le cas, vous êtes plus prévisible que vous ne le pensez.

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Emy & William

Si j’aboie plus que je ne mords ? Mh… possible. Disons que je suis bel et bien capable de mordre si les aboiements ne suffisent plus. Je ne troquerais jamais l’image que je me suis faite auprès de ceux qui m’entourent. Mon côté « ours mal léché », comme elle n’était pas la seule à l’appeler, me permettait de me faire respecter. Si quelques personnes osaient me tenir tête, ce qui, soyons réalistes, ne sont pas nombreux, les autres se taisent, tremblent et obéissent comme de vulgaires pantins. Ca, ça nourri mon côté sadique et le fait que je puisse être un maniaque du contrôle. En dehors de ça, je peux savoir qui sont les personnes les plus intéressantes : celles qui sauront me tenir tête et me remettre à ma place. Chose difficile en somme, mais on peut toujours essayer !

- Disons que je peux mordre. Ca dépend si j’ai encore assez de voix pour aboyer ou non.

J’esquisse un sourire arrogant puis fais signe au barman de nous servir deux autres verres. Le fait que j’accepte sa requête semblait la surprendre au plus haut point. Et pour couronner le tout, je gardais mes yeux plantés dans les siens. Un petit jeu auquel j’aime me livrer : dans la mesure où mes yeux sont perçants, j’intimide. Bref, c’est le fameux concours de celui qui baissera les yeux en premier. Un jeu auquel on joue lorsque l’on est enfant. Normalement. J’observe ses joues rosirent et un bref sourire amusé se dessine sur mes lèvres. Ma question est d’ordre privé, certainement trop directe pour être polie. Mais c’est bien la dernière de mes occupations. Nous sommes ici, ensemble, à boire de l’alcool au comptoir d’un bar. Les limites « professionnelles », nous les avons déjà franchies.

- Ca tombe bien, je suis quelqu’un de sportif.

Il faudrait être sourd pour ne pas comprendre les multiples sous-entendus. Ce que j’ai appris en venant ici, c’est que la plupart des étudiants d’une vingtaine d’années considèrent comme « vieux » les personnes à partir de quarante-ans, voir une fin de trentaine. Je passe mon temps à me faire charrier sur mon âge. Et si quelques uns s’amusent à me surnommer « old man » en cherchant gentiment à me faire comprendre que je suis trop vieux pour certaines choses, y compris pour séduire, le plus étonnant, c’est que ces personnes là, j’ai toujours réussi à coucher avec elles juste après. Tant mieux, ça me permettait de leur prouver que je ne suis pas si vieux que ça.

- Les chagrins amoureux ? Quand on est un ours mal léché qui passe son temps à aboyer, on n’a pas ce problème là.

Ce que je sous entendais ? Que j’étais un homme à femme, et non pas l’homme d’une seule femme. Je n’étais pas connu pour mon sérieux à ce niveau-là, y compris à l’université de Berkeley. Je m’étais rapidement forgé cette image lorsque l’on m’avait loué une chambre dans l’internat. Là-bas, des étudiants avaient eu l’occasion de voir une femme différente sortir le matin de ma chambre et la plupart du temps, j’arrivais un peu en retard, un peu débrayé. Donc les relations sérieuses non, ce n’est pas ma tasse de thé.

- On possède tous ce vilain défaut alors.

Je plissais les yeux dans un nouveau sourire à la fois arrogant et amusant. Le summum de la tête à claques. Soudain elle se leva en m’expliquant qu’à mon âge, je devrais jouer dans ma catégorie. Cette remarque m’amusa. Elle régla les verres à ma grande surprise pour finalement se diriger vers les toilettes. Je portais mon whisky à mes lèvres en gardant mes yeux fixés sur la chute de ses reins. Nouveau sourire à peine visible. Je fus aussi bien tenté d’approuver ces paroles et aller séduire une femme davantage de mon âge, uniquement pour la faire rager quand elle reviendra, ou bien m’inviter dans les toilettes des femmes afin de continuer cette conversation.

On prit la décision pour moi puisqu’une femme dans les environs de trente cinq ans prit le tabouret anciennement occupé par Emy afin d’engager la conversation. Une belle femme, splendide, intéressante – par là, j’entends un beau décolleté plongeant, mais pas vulgaire –, au sourire ravageur. Face à elle, je lui renvoyais la balle afin d’alimenter cette conversation, tout en scrutant la porte des toilettes dans le fond en espérant revoir très bientôt la jeune femme en sortir. Et déjà, l'inconnue à mes côtés venait murmurer à mon oreille quelques sous entendus qui me firent sourire.

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