Mon esprit veut s'envoler

Des ombres effrayantes vagabondaient autour de lui. Il se sentait tellement froid, si vide! Il posa son regard sur ses mains tremblantes avant de serrer les poings. Tu es plus fort que ça, tu peux lutter! Mais les ombres en avaient décidé autrement. Va-y, prends en quelques unes. Allez, ce n'est rien de grave! Juste deux ou trois de plus. Tel un zombie, il se leva et marcha jusqu'à la salle de bains. Le sol était froid et ses pieds le ressentaient. Une onde glacée parcourut le corps du jeune homme alors qu'il progressait dans le couloir sombre. Cette pièce l'appelait, la boîte d'antidépresseurs également. Tel un automate, Peter ouvrit la pharmacie et s'empara de la précieuse plaquette. Allez, va-y, tu y es presque! Sans s'en rendre compte, il engloutit un, deux, trois, quatre comprimés, la plaquette entière. Un bruit léger résonna à ses oreilles quand la boîte vide tomba dans le lavabo. C'est à ce moment que Peter reprit contact avec la réalité.

"ALLEN!"

Prit de panique, il courut jusqu'à leur chambre et il faillit bien tomber plusieurs fois. Il cogna violemment son épaule contre l'encadrement de la porte et il termina sa course à plat ventre.

"ALLEN!"

Mais il n'était pas là. Pourtant, il avait averti Peter la veille au soir qu'il avait cours toute la journée, contrairement à lui. Il était seul. Complètement paniqué. Il se releva rapidement, les yeux hagards et il regarda autour de lui. Mais qu'avait-il fait? Pourquoi a-t-il suivi les ordres de cette voix? Pourtant, il avait résisté de toutes ses forces! Mais l'appel avait été trop envoûtant et convaincant. Au bord de la crise de panique, Peter enfila un survêtement par-dessus son T-shirt et il enfila des baskets avant de quitter l'appartement en courant comme si le diable était à ses trousses. Il oublia de fermer correctement la porte d'entrée si bien qu'elle resta entrouverte. Il n'avait pris ni son téléphone portable, ni ses clés, ni son portemonnaire. Il se contenta de foncer en direction de l'hôpital.

Sur le chemin, il bouscula de nombreux passants et il s'en rendit à peine compte. Sportif dans l'âme, il n'eut pas trop de problème à couvrir la distance entre son quartier et l'hôpital universitaire de San Fransisco. Il ignorait que le métabolisme de son corps augmentait avec le stress et la course, son coeur battant beaucoup plus vite, les antidépresseur l'intoxicant un peu plus rapidement.

C'est en sueur et à bout de forces et essouflé qu'il débarqua aux urgences, se rendant directement au bureau derrière lequel se trouvait un secrétaire.

"Ai... Aidez-moi..."

"Monsieur, je vous prierai de bien attendre: comme vous pouvez le constater, il y a une fil d'attente et des personnes en moins bonne santé que vous."

"Vous... Vous ne comprenez... pas..."

Pratiquement affalé sur le comptoir, il agrippa le poignet de la secrétaire qui eut un mouvement de recul, effrayée.

"Si vous ne vous calmez pas, j'appelle la sécurité."

"J'ai pris une plaquette entière d'antidépresseurs. Des voix... Elles sont là..."

Quand une main se posa sur son épaule, Peter sursauta et se retourna vivement, prêt à en venir aux mains. Ses yeux écarquillés et hagards avaient de quoi effrayer comme sa mine démente et son visage pâle et transpirant. Il était bien débraillé lui qui d'ordinaire s'habillait de manière plutôt classe. L'ancien Peter avait momentanément disparu et ce Peter, une seule personne le connaissait...  

(c) AMIANTE

I need your help..

Peter G. McLahan

Le réveil n’avait pas encore sonné ce matin-là et pourtant, Leanne était déjà réveillée. Elle se tournait et se retournait sous ses couvertures alors que Pims, sa petite boule de poils blonde entrait dans la chambre de sa jeune maitresse pour quêter quelques caresses aussi matinales pouvaient-elles être. Elle n’arrivait pas réellement à trouver le sommeil depuis qu’elle avait quitté Londres pour venir jusqu’ici. Tout s’était étrangement accélérer et bousculer dans sa tête suite à sa décision de changer d’air ! Sa petite vie tranquille, seule avec son petit chiot prenait des accents qui lui étaient étrangers. Pas vraiment connus certes, mais tellement doux et chaleureux.. que s’en était au final très agréable ! Et comme pour couronner le tout, elle avait croisé par pur hasard une personne qui lui était des plus chères au parc et dont elle n’avait pas eu de nouvelles depuis de nombreux mois. Elle avait son chiot avec elle, trouvé un charmant jeune homme qui lui avait promis de bons cookies à vie, son frère était venu la rejoindre (d’ailleurs il devait encore dormir à cette heure, lui qui s’était installé provisoirement dans l’appartement de sa sœur, plus confortable qu’une vulgaire chambre d’hôtel !), et puis Peter.. Ce simple prénom et tous ces souvenirs qui en découlaient (de très bons comme les très mauvais des débuts !) lui signifiaient qu’elle était presque faite pour venir vivre ici.. Et pourtant, malgré ce merveilleux départ, elle ne trouvait pas les bras de Morphée..

Se redressant sur ses coudes, Leanne tendit l’une de ses mains vers le petit museau du petit chiot et le caresser distraitement du bout des doigts. Un léger sourire, celui qui lui était si habituel, tirait les traits de son visage encore sensiblement endormi. Soupirant doucement, elle chassa sa couverture d’un geste précis de ses jambes tout en regardant Pims qui semblait impatient de sortir faire sa petite balade.

- Pims, tais toi.. Kay dort encore. Et oui, oui on va y aller. dit-elle en baillant tout en s’étirant un peu.

Elle devait faire vite si le petit chiot voulait déjà sortir. C’était Kasey qui était censé le sortir ce matin-là, la petite anglaise devant se rendre à l’hôpital pour une nouvelle journée de travail. Bon, elle s’était réveillée en avance donc pourquoi pas en fait.. Se tirant de la chaleur de son lit, Leanne fila en direction de la salle de bain pour un petit ravalement de façade, un passage obligatoire après une courte nuit. Aller travailler en mode « zombie-panda » n’était de loin pas au programme. Rapidement prête, elle mit le petit harnais au chiot ainsi que sa laisse pour une petite balade au parc, comme toujours..

Quelques heures plus tard, elle sortait d’une chambre de l’hôpital. C’était enfin l’heure de la pause. Un bon café s’imposait ! C’était un petit rituel des plus plaisants et Leanne descendait les étages dans l’idée de retrouver une jeune femme à la machine près du secrétariat. Alors qu’elle marchait tranquillement dans ce hall, une voix l’interpella..

« Vous ne comprenez pas.. »

Une voix étrangement familière qui lui faisait remonter un lot de souvenirs dont elle se serait bien passée.. Se souvenant de ces débuts pas toujours très évidents à gérer même si Leanne mettait un point d’honneur à rester fidèle à sa réputation, son sang ne fit qu’un tour..

« J’ai pris une plaquette entière d’antidépresseurs. Des voix.. Elles sont là. »

Se dirigeant rapidement vers lui, d’autant plus que la secrétaire ne semblait pas ressentir l’urgence de la situation, Leanne ne pouvait pas le laisser dans cette impasse. Si la secrétaire appelait la sécurité alors que ce Peter qu’elle appréciait tant était conscient qu’il avait besoin d’aide… Nul doute qu’elle devrait subir la fureur de la petite anglaise ! Histoire de détendre doucement le jeu, si le jeune homme se calmait ne serait-ce qu’un peu, ça ne pourrait que les aider à surmonter ce nouveau coup du sort. La brunette porta alors l’une de ses mains vers son épaule, un contact physique qu’elle ne se serait pas permise durant son stage mais le contexte était tout autre maintenant. S’adressant à la secrétaire qui la regardait avec de gros yeux, l’air de dire « Ne fais pas ça, Michaels, il est fin fou ! », elle regardait son ami se retourner vers elle, se doutant clairement à la vue de son expression qu’il ne devait pas s’attendre à la voir débarquer à ce moment même..

- Je l’emmène avec moi. Dit-elle calmement mais strictement, sous-entendant que la secrétaire n’avait pas intérêt à émettre la moindre réserve à ce sujet.

A ce moment, la petite anglaise ressentait un mélange d’inquiétude et de colère à l’égard de Peter. C’était bien pour éviter ce cocktail de sentiments contradictoires que la brunette s’interdisait toute « copinerie » avec des patients.. Il échappait à la règle, étant devenu bien plus qu’un simple « patient fou » mais plutôt celui grâce à qui elle avait eu son diplôme. Tout simplement. Oui, elle se sentait impliquée et elle ne pouvait décidément pas le laisser sur la touche ! Resserrant doucement sa prise sur le bras de son ami, elle lui intima calmement un presqu’ordre de la suivre. Une fois en retrait de l’écoute de la secrétaire, Leanne dont le regard était fixé droit devant elle, se permit enfin de lui adresser quelques mots tout bas qui témoignaient clairement de son inquiétude.

- Bon sang, Peter..

Ouvrant à la volée une porte donnant sur une pièce vide de toute autre présence humaine, la demoiselle était consciente qu’elle ne pouvait pas se permettre grand-chose. Elle allait certainement devoir faire appel à un médecin qu’elle pourrait mettre dans la confidence. Le faisant s’assoir, la brunette traversa la salle de long en large en croisant ses bras devant elle. Elle réfléchissait à toute vitesse, consciente qu’elle ne devait absolument pas trainer. Mais, avant d’envisager quoique ce soit, elle devait savoir..

- C’est arrivé quand exactement ? Pourquoi.. ?! Tu n’as pris « que » ça, rassures moi ?

Leanne s’était arrêtée de marcher pour l'épier du regard un bref instant, attendant d’en savoir un peu plus.. Une étrange sensation, celle-là même qu'elle redoutait en revivant un passage qu'elle connaissait déjà et dont elle pensait la page définitivement tournée la saisissait en le voyant dans cet état..

Mon esprit veut s'envoler

Qui se permettait de le toucher, surtout dans l'état actuel de sa santé mentale? Le coup faillit partir mais quand il reconnut le visage de Leanne, un brin de lucidité s'empara de son regard. Il n'avait pas pensé une seule seconde au risque qu'il avait pris en agressant cette pauvre secrétaire. S'il s'était retrouvé dans la rue dans cet état, il ignorait où il aurait fini. Peut-être aux urgences mais dans un autre état. Comme toujours, il avait une chance inouïe, à croire que la vie se jouait de lui. Tiens, fais une connerie et tu verras, tu seras sauvé par une âme charitable. Portant une main à son front, Peter se laissa entraîner par la jeune infirmière. Il savait pertinemment qu'il avait fait une grosse connerie alors même qu'il avait promis de ne plus jamais en refaire une du genre. Complètement paniqué, il s'approcha de son amie, le regard exorbité et suppliant.

"Je... C'est... Je ne voulais pas le faire! Mais elles m'ont forcé! Je te jure que j'ai lutté!"

Complètement à côté de la plaque, notre homme se mit à arpenter la pièce aux murs blancs, ses mains plaquées contre ses oreilles. Il l'avait déçue et il était furieux envers ces maudites voix, envers lui-même. Soudain, il envoya un coup de pied dans une chaise qui roula à l'autre bout de la pièce avant de heurter violemment le mur.

"C'est de leur faute! Je..."

Soudain, Peter ressentit une bouffée de chaleur et il eut le réflexe de se laisser tomber assis par terre. Il agrippa son survêtement au niveau de sa poitrine et il se mit à respirer difficilement.

"J'me sens... Pas bien..."

Sa panique n'arrangeait rien à son état alors il posa son regard sur Leanne, focalisant son attention sur une source apaisante. Il se mit alors à respirer amplement tout en sentant son coeur faire des bonds dans sa poitrine. Il connaissait cet effet à l'intoxication aux antidépresseurs car il l'avait déjà ressenti quand il avait pris la boîte entière quelques mois auparavant. Mais une plaquette était tout aussi néfaste et son coeur exprimait clairement son mécontentement.

"J'arrive... Plus... A respirer..."  

(c) AMIANTE

I need your help..

Peter G. McLahan

De tous ses souvenirs qui pouvaient assaillir ses pensées, Leanne n’avait encore jamais vu ce jeune homme aussi mal en point. Durant son stage, il était évident qu’il n’était pas lui-même, que quelque chose clochait mais la brunette était alors entourée de l’équipe médicale qui s’occupait de lui. Là, la donne était différente. Il n’y avait qu’eux deux, pas un seul médecin sous la main. Seule face à ce « problème », Leanne ne pouvait pas se permettre de perdre encore plus de temps à la recherche d’un médecin capable de venir la soutenir, d’autant plus qu’une agitation des plus intenses régnait dans ces couloirs. Le nombre de nouveaux arrivants aux urgences ne cessait d’augmenter de manière folle, ils devaient être débordés.. D’autant plus que nul ne savait ce qui pouvait arriver à son ami si elle se permettait de quitter cette pièce. Elle se devait de rester près de lui. Ainsi seule face à ce mur qui se dressait devant elle, la brunette devait faire abstraction de ce poids sur ses épaules qui la faisait chanceler pour pouvoir le franchir tout en limitant la casse. Elle se devait d’agir au mieux pour lui..

« Je... C'est... Je ne voulais pas le faire ! Mais elles m'ont forcé ! Je te jure que j'ai lutté ! »

Ah, s’il lui arrivait la moindre chose.. Elle s’en voudrait d’une force sans nom ! La petite anglaise se mit à chercher frénétiquement dans cette pièce un élément qui pourrait l’aider, ne pouvant s’empêcher de lui prêter une brève attention par moments. Il semblait si faible malgré cette énergie qui l’avait poussé à envoyer valser cette chaise jusqu’au mur opposé. Bien entendu, elle l’écoutait. La brunette ne remettait pas en cause sa volonté de lutter contre ces démons qui l’attaquaient à nouveau.. Après tout, il s’en était si bien sorti. Preuve qu’il possédait une réelle volonté de s’en sortir mais comme bien souvent, on se fait toujours rattraper par son passé. La vie serait bien trop facile sinon. Trouvant enfin ce qu’elle cherchait, la brunette vint rejoindre son ami alors qu’il se laissait tomber à terre tout en maudissant la personne charger de ranger cette pièce de ne pas mettre les traitements nécessaires aux intoxications, maux pouvant être des plus graves.. Tenant à se montrer rassurante bien que son angoisse intérieure soit au plus fort, Leanne lui dit tout en se mettant à son niveau, s’accroupissant près de lui tout en posant une de ses mains sur son épaule.

- Peter.. Je sais de quoi tu es capable pour lutter contre tout ça. Le connaissant, elle ajouta même.. Ne t’ajoutes pas un poids supplémentaire en me sachant face à toi.. Sous-entendu, elle se doutait que cet envol de chaise n’était pas des plus innocents mais cachait une bonne dose de colère et de culpabilité.

Elle se devait de ne pas céder en laissant monter tout ce qu’elle pouvait ressentir sur le moment. La petite brune était consciente qu’elle endossait une responsabilité qui, sur le papier, ne lui était pas forcément destinée. Mais, son ami avait besoin d’elle plus que par le passé.. Sa vie elle-même était en jeu. A elle de faire en sorte, sans aide extérieure, de mener cette mission à bien d’autant plus qu’elle le sentait partir doucement, chose confirmée en entendant un petit ..

« J'me sens... Pas bien... »

C’était comme si entendre ces mots lui glaçait le sang. Le voyant peiné à respirer, la brunette savait pertinemment qu’elle devait abattre les cartes qu’elle tenait en main. Et rapidement.. Sa main qui tenait sa petite trouvaille qui, le pensait-elle, pouvait être la solution à cette fâcheuse situation posa cette sorte de flacon à côté d’eux pour pouvoir poser ses deux mains sur les avant-bras du jeune homme tout en se décalant un peu pour être face à lui. Son regard attirait celui de son ami comme pour dévier l’attention qu’il portait à son mal. Calmement, elle ajouta dans le but qu’il se concentre sur elle tout en l’informant de ce qu’elle avait en tête..

- Restes avec moi.. J’ai trouvé de quoi contrer l’effet des antidépresseurs, ça devrait pouvoir te soulager mais.. Ses doigts resserrèrent doucement leurs prises sur les bras de son ami. C’est facile à dire mais je t'en prie.. Calmes… Je suis là, je ne partirai pas tant que tu seras dans cet état..

Espérant que ces quelques paroles pouvaient avoir cet effet rassurant que la brunette leur vouait, l’une de ses mains lâcha sa prise pour se saisir de cette bouteille près d’elle qui contenait de quoi pouvoir neutraliser cet effet dévastateur qui s’emparait du jeune homme. Certes, il faudrait du temps pour que cela fasse effet, que tout retrouve un soupçon d’ordre dans son corps même. Mais Leanne veillerait sur lui n’ayant pas dans l’idée de le laisser repartir si vite ! Toujours face à lui, l’anglaise attendait de voir si ses paroles avaient eu un quelconque effet avant de lui présenter ce « remède » dont elle avait entendu parler grâce à Kasey, son frère..