J'étais dans tous mes états en cette fin d'après-midi, ne sachant plus vraiment sur quel pied danser. D'un côté, je trépignais en attendant la baby-sitter de la petite Angelina, non pas qu'elle soit attribuée, juste qu'elle était en période d'essai pour la semaine, et de l'autre, je pensais déjà à ce qui pourrait se dérouler une fois que je serais arrivée là où je souhaitais me rendre. Berçant tendrement ma fille dans mes bras, je lui chantonnais quelques mélodies dans ma langue natale sous son regard conquis. Elle ne cessait de me sourire, de gesticuler dans mes bras et de secouer ses petites mains. Une petite merveille, voilà l'expression parfaite pour décrire la charmante Angie. Deux minutes plus tard, et la sonnerie de l'appartement retentit. Autant dire que je ne me suis guère pressée pour aller ouvrir à la brunette d'environ mon âge qui gardait la petite Angie depuis quatre jours maintenant. Quatre fameux jours où je suis retournée à l'université afin d'y suivre pleinement mes cours. Ne plus rester cloîtrer entre ces quatre murs à cause de ma fille, voilà l'objectif des prochaines semaines. « Bien. Alors, vous... vous savez comment faire ? Il lui faut sa petite peluche si jamais elle a sommeil, sinon elle va vous faire un caprice de star en se réveillant. » Évidemment, il était plus qu'improbable que je ne répète pas les consignes à la baby-sitter pour la millième fois depuis qu'elle avait commencé à garder la petite rousse. « Euhm, elle aime bien qu'on lui raconte des histoires, et pas seulement pour s'endormir. Et ensuite... » Et c'est parti pour cinq minutes de débriefing tout en gardant fermement contre moi Angie. L'on n'est jamais trop prudent avec les jeunes baby-sitters. « Vous comptez me la donner ? » « Pardon ? » « La petite. » Quelle petite ? Ah oui, ma fille. Bah non, pas vraiment, j'aurais aimé l'emmener avec moi, mais je crois que pour cette fois-ci, je devrais faire sans elle, et surtout, sans Benedikt qui, d'ailleurs, allait rentrer plus tard que d'habitude, d'où la venue de la baby-sitter. « Ah oui, bien sûr. Maman revient vite, ma chérie. » Je dépose un dernier baiser sur le front de ma fille, caresse une dernière fois sa joue et lui adresse un dernier sourire avant de la placer dans les bras de sa baby-sitter, non sans une moue inquiète sur le visage. « J'essaierais de ne pas être trop longue, je vous appellerais s'il y a quoi que se soit. Et n'hésitez pas à me téléphoner au moindre problème. Et avec un peu de chance, mon compagnon rentrera avant moi. » Un dernier regard à Angelina avant d'attraper mon sac à main poser au pied du canapé, et voilà que je me fais presque jeter de mon propre appartement par la jeune femme qui ferme la porte une fois que je me trouve dans le couloir. Je pousse un soupir, saisissant déjà mon portable. Non, je ne composerais pas le numéro de la baby-sitter... pas pour le moment. Un instant plus tard, et j'interpelle un taxi en bas de l'immeuble pour me conduire jusqu'à cet endroit que je redoute tant. Le trajet me paraît un peu trop rapide. Une boule s'est formée dans ma gorge, m'empêchant presque de parler et me donnant l'envie de vomir. Je ne me souviens plus de la dernière fois où j'ai autant eu peur de faire face à Joe Shark, en tête-à-tête. Car oui, aujourd'hui, je me rends chez l'éditeur dans la surprise la plus totale. J'avais d'abord prévu de l'appeler et de lui demander si cela ne le dérangeait guère que nous nous voyions, mais j'avais eu peur qu'il accepte et que je me défile en dernière minute. Quelle image lui aurais-je renvoyé ? Aucune idée, alors que là, je pourrais toujours rebrousser chemin si la tension est trop difficile à gérer. Je n'ai cessé de jouer avec mes doigts pendant tout le trajet et ne me suis arrêtée que pour payer le chauffeur avant de sortir du véhicule. Arrivée devant la porte, j'ai attendu quelques secondes, voir quelques minutes sans vraiment savoir si j'aurais le courage d'affronter la personne qui se trouvait derrière ces murs. Je joue un tantinet avec le bracelet de Sophie, que je porte au poignet depuis que Shark me l'a donné, et me rends compte d'un détail qui pourrait changer la donne. Cette bague de fiançailles à mon annulaire gauche. C'était il y a un mois, lors de ce week-end de la Saint Valentin. Je ne m'étais attendue qu'à un simple week-end de détente, comme Benedikt me l'avait tout d'abord annoncé, et je me suis retrouvée à lui dire oui, au moment où il a demandé ma main. Un détail que Shark ne devait guère connaître, sans quoi, Beni et moi serions peut-être déjà six pieds sous terre. Plusieurs secondes ont suffi à ce que je me décide à dissimuler la bague dans... une simple robe comme tenue, une paire de talons hauts, un sac à main aussi vaste qu'une valise et où je ne cacherais ce bijou tant précieux. Et bien, je me contenterais de dissimuler ma main autant que possible. Finalement, je me suis décidée à sonner, le cœur battant à tout rompre. Avec un peu de chance, il ne serait guère présent, mais ce fut peine perdu, car la porte s'ouvrit sur Joe Shark lui-même. « Bonjour. Eeuhm, j'espère ne pas vous déranger. » Et maintenant, j'ai l'air mignonne comme ça. « Vous... Est-ce que vous auriez quelques instants à m'accorder ? » Oui, si je suis venue ici, c'est dans le but de parler à Shark, et pas que. Difficile à croire, je sais.

J'étais parti du bureau plus tôt, comme de nombreuses fois ces derniers mois, afin de pouvoir m'occuper de Camille avant que Connor ne rentre de l'école à son tour. Après avoir laissé à Rayan le soin de préparer la présentation des dernières ventes de romans de la société pour les investisseurs qui viendront demain, je suis monté dans ma voiture, direction la maison pour remplacer la baby-sitter en service depuis huit heures ce matin. Certains parents doivent avoir du mal à déléguer leur rôle à quelqu'un d'autre, j'imagine : dieu merci, ce n'est pas mon cas. Ne pas avoir à entendre les jérémiades à longueur de temps, c'est une bénédiction. Lorsque j'arrive enfin chez moi, je fronce les sourcils : la baby-sitter, jeune femme d'environ vingt-cinq ans, tient Camille dans ses bras pour essayer d'arrêter de la faire pleurer. À en juger par la voix fatiguée mais encore assez forte de la petite, je pense qu'elle doit faire son cinéma depuis un sacré bout de temps. Je pose ma serviette en cuir sur une chaise et j'approche après m'être débarrassé de ma veste de costume. "Donnez-la moi." La nourrice s'exécute et je me retrouve avec ma fille dans les bras. Je la tiens contre mon torse, une main allant et venant sur son dos et, tout doucement, je lui souffle dans le cou. Les pleurs se calment, sa respiration est de moins en moins saccadée. Je chuchote à son oreille sur un ton plutôt doux et en à peine deux minutes, elle est calmée. J'appelle ça la méthode de Satan : chuchoter à l'oreille des innocents pour les charmer et les piéger jusqu'au sommeil. À chacun sa vision de la parentalité. Je souris à Camille puis je la dépose dans son berceau, somnolente et souriante à son tour. "Elle... Je crois qu'elle a rendu un peu sur votre chemise." annonça la baby-sitter. Je tourne la tête et constate sur mon épaule un léger renvoi. Classique. Dos tourné, je déboutonne ma chemise et la retire pour la mettre à laver. "Je devais aller prendre une douche, de toutes manières. Vous pourriez lancer une machine dans la buanderie ?" La jeune femme me dévisage avec un air intrigué et séduit alors que je lui tends la chemise en m'approchant d'elle, torse nu et avec un sourire en coin. "À moins que vous ne souhaitiez rentrer chez vous maintenant, bien sûr." Elle secoue la tête et récupère la chemise presque timidement en la serrant contre elle. Sans dire un mot de plus, je prends les escaliers en direction de ma chambre et de la salle de bain qui y est collée, de sorte qu'elle ne puisse apercevoir la lueur prédatrice dans mon regard. Une heure plus tard, cette lueur s'est éteinte : je suis allongé nu dans mon lit en compagnie de cette ravissante baby-sitter, nos corps entremêlés et repus sous les draps de soie. Sa main court sur mon torse, sa jambe frôle sans arrêt ma cuisse tandis que mes doigts dessinent des arabesques sur son épaule. Un sourire flotte sur mes lèvres, lié à la béatitude qui suit logiquement chaque ébat aussi intense que ceux que j'ai l'habitude de mener. "Il y a des façons beaucoup moins agréables de finir son service... - Et d'utiliser la machine à laver. - Ou encore la douche de la salle de bains." Nous partons dans un léger éclat de rire tandis qu'elle se détache de moi. Je l'observe s'habiller, détaillant son corps sans aucune gêné lorsque j'entends sonner à la porte. J'arque un sourcil et soupire. Il est temps de quitter également le lit, sauf s'il s'agit d'un démarcheur à faire pleurer comme ceux qui ont déjà fait l'erreur de passer. Je me lève et m'habille à mon tour d'un t-shirt bleu propre et d'un pantalon avant de descendre pour aller ouvrir. Une chance, Camille dort assez profondément pour ne pas entendre la porte. J'ouvre et je tombe sur Tacha. Seule. À ma grande surprise. "Bonjour." Pas de renforts ? Même pas un ? J'avoue être plutôt étonné car, même si nos rapports sont un peu moins conflictuels depuis quelques temps, je suis loin d'être un cadeau, comme beau-père. "Même si c'était le cas, c'est trop tard." L'humour anglais, ironique au possible. À vrai dire, si elle était arrivée dix minutes plus tôt, oui, elle m'aurait dérangé. Le ton et la demande de la Gamma me font arquer un sourcil mais avant que je ne réponde, la baby-sitter descend de l'étage et arrive dans mon dos. Je m'écarte pour la laisser passer et la salue poliment d'un mouvement de tête. "J'ai jeté un œil à Camille, elle dort encore très bien. À demain, Monsieur Shark." Elle s'en va en souriant gentiment à Tacha tandis que, par réflexe, je ne peux m'empêcher de dévisager la jeune femme de dos avec un fin sourire fier et un tantinet macho. Quoi ? Je ne changerai pas à mon âge. Bref, je m'écarte et invite Tacha à rentrer. "Bien sûr. Tant que ce n'est pas pour poser vos valises." glissai-je en baissant les yeux sur son sac. Si, c'est encore de l'humour, malgré le ton et le visage très sérieux que je renvoie. Je referme la porte et passe au salon avec elle. "Je peux vous offrir quelque chose à boire ? Thé, café, jus de fruit, de l'eau ?" Politesse britannique oblige. Toujours est-il que j'attends aussi de connaître la raison de son arrivée à l'improviste, elle qui m'évite comme la peste et qui s'arrange pour avoir au moins son petit-ami à côté d'elle quand elle ne peut faire autrement. Comme si elle avait besoin d'un témoin au cas où il m'arriverait de faire une bêtise.

Aucun bruit n'émane de l'intérieur de l'appartement, et la déduction ne tarde pas à se faire dans mon esprit. Joe est tout simplement absent. Je m'apprête à rebrousser chemin lorsque finalement, la porte s'ouvre. Perdu. Une boule s'est formée au fond de ma gorge et m'empêche de respirer l'espace d'un instant, juste le temps de jeter un coup d'œil de haut en bas à l'homme qui se tient à présent face à moi. Évidemment, mais je pourrais repartir et le laisser à ses petites affaires, je ne mentirais pas en disant que cela m'arrangerait vraiment. Des pas se font entendre et je découvre une jeune femme qui s'apprête à quitter l'appartement. La baby-sitter. Un peu ébouriffée, le maquillage ayant un peu disparu et ce regard de tigresse qu'elle pose sur Shark me font hausser un sourcil. Oh mon Dieu, c'est... dégueulasse. Je ne peux cependant m'empêcher de suivre du regard la jeune femme qui s'éloigne dans le but de quitter l'immeuble. Pincez-moi, je rêve. Shark ne changera donc jamais ses habitudes et arriver chez lui à l'improviste est une idée qui me passera dans les jours, les mois et les années à venir au risque d'avoir à nouveau affaire à pareille situation. « Si j'avais voulu poser mes valises, le couloir en serait rempli. Et soyez sûr que votre appartement serait la dernière destination où j'irais. » Qui plus est, il en va de soit que la petite Angelina aurait été avec moi. J'ai déjà passé un peu de temps sous le même toit que Shark et je ne tiens plus à réitérer pareille erreur. Entre le défilé de femmes en tout genre, les tentatives d'assassinat et la surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre, j'ai assez subi, ce qui me passe l'envie de me jeter à nouveau dans la gueule du loup. Les talons claquent sur le sol alors que je m'avance jusqu'au salon, douce mélodie de mon exécution à venir. « Avec plaisir pour un café, merci. » Je ne crois pas avoir été un jour aussi aimable avec l'éditeur, mais depuis quelque temps, plus précisément depuis la venue au monde d'Angelina et la mort de Sophie, la donne à un tantinet changé. La tension est toujours palpable, mais les attaques verbales et les affrontements entre deux animaux sont de moins en moins présents. Avoir ma fille et perdre la seule personne en qui j'avais plus que confiance, sans compter Benedikt, m'a clairement changé dans mon comportement. Je n'en ai jamais parlé, mais la douleur reste à la fois présente et pesante malgré le temps déjà écoulé. Je m'avance vers la fenêtre, jetant un coup d'œil sur la vue que l'appartement peut offrir en attendant le retour de Shark avec les boissons. Le temps d'un instant, je me contente de fermer les yeux et de me concentrer sur ma respiration qui s'est subitement emballée. Lorsque Joe revient dans le salon, je me retourne et m'installe sur le canapé en saisissant la tasse de café d'une main droite qui se veut impartiale. Elle ne tremble pas, contrairement à toute attente, mais je peux sentir les battements de mon cœur s'intensifier. Le tout est bien évidemment accompagné d'un sourire qui pourrait se traduire par un merci plus que sincère. « Je vois que la baby-sitter sait aussi bien s'occuper de Camille que de vous. » Mauvais point pour ma baby-sitter à l'essai, qu'elle ne s'avise même pas de poser un regard sur mon Beni, sans quoi je lui offrirais une place à la morgue de l'hôpital le plus proche. Si je suis plus que possessive envers ma fille, cela s'avère être pire lorsqu'il s'agit du seul homme que j'ai toujours aimé et qui m'offre du bonheur au quotidien. Éternelle observatrice, mais lorsque l'on connaissait un tantinet l'homme qui se tenait à quelques pas de mois, ce détail ne pouvait étonner. « Je suis désolée d'arriver à l'improviste, ce n'est pas dans mes habitudes. En fait, je passais dans le coin et je me suis dit que je pourrais prendre de vos nouvelles. » On y croit tous. Quand est-ce que j'arriverais à avouer que j'ai délibérément souhaité rendre visite à Joe Shark ? Certainement pas demain la veille, sans aucun doute, puis personne ne me croirait, évidemment, pas même le principal concerné qui sait très bien que je l'évite comme la peste, encore plus ces derniers temps. Le calme avant la tempête. Pendant un bref moment, je fus pleine d'envie de choisir l'option de la fuite, tirer la carte de la sécurité et ne plus venir seule ici. Il fallait être fou pour oser s'aventurer en territoire ennemi de la sorte. Le risque était là, imposant à souhait, mais j'y tenais, ne serrait-ce que pour tenter d'arranger ma relation avec un homme important aux yeux de mon compagnon, son père. J'allais bientôt faire tomber la barrière de glace qui se trouvait depuis bien trop longtemps entre mon beau-père et moi, peut-être pour mieux la reconstruire, mais la fierté serrait déjà grande si j'arrivais enfin à lui parler seul à seul. Ceci dit, le simple fait d'être venue seule dans cet appartement, sans la pression de qui que se soit, était déjà une grande victoire en soit. Une bataille de remportée, mais pas la guerre, pour cela, un long chemin resté encore à parcourir.

"Et c'est pour le mieux, ma maison n'est pas l'arche de Noé." lâchai-je sur un ton laconique en refermant la porte derrière Tacha. Vivre avec autrui me pose un problème de taille, j'ai déjà dû bousculer mes habitudes lorsque j'ai découvert l'existence de Connor puis de Beni, inutile de dire qu'accueillir toute la famille Shark sous le même toit était absolument hors de question, hormis en cas de force majeure. À la rigueur, je réfléchissais de plus en plus à changer mes habitudes pour les beaux yeux d'une certaine Bêta qui se reconnaîtra, mais cela s'arrête là. Je détaille brièvement la compagne de mon fils aîné, non pas d'un œil prédateur mais plutôt intrigué. C'est étrange, je ne me rappelle pas qu'elle soit déjà venue seule dans cette maison. Et la voilà qui fait preuve de politesse, maintenant... Je serais presque tenté de lui demander si elle s'est lancée dans la consommation active de drogues dures, mais je retiens cette remarque entre mes dents tout en hochant la tête afin de lui préparer un café. J'avais promis à Beni de faire un effort pour mieux m'entendre avec la mère de sa fille et celle qu'il décrit comme la femme de sa vie. En outre, malgré mon attitude distante, j'apprécie un peu plus la Russe qu'à ses débuts pour la bonne et simple raison qu'elle veille sur Beni et Angelina quand je ne peux pas le faire. Son instinct maternel force mon respect, mais je serai piqué de faiblesse de le lui dire de vive voix. Depuis la cuisine ouverte sur le salon, j'entends sa remarque concernant la baby-sitter. Une distraction ponctuelle, sans plus, à mes yeux. Je reviens avec le café et une tasse de thé pour ma part et lorsque mon regard azur plonge dans celui de la Russe, il se fait impitoyable et dénué d'une absence totale de vexation. "Si vous souhaitez vous épargner l'effort de prendre la porte dans les prochaines minutes, je vous saurai gré de retenir ce genre de remarques entre vos dents, mademoiselle." annonçai-je avec un calme olympien. En d'autres termes, dans un anglais impeccable : mind your own business, missy. Je m'installe en face d'elle, sans la lâcher des yeux. Le Shark en pleine séance d'évaluation de la situation. Une gorgée de thé plus tard, ses mots me font arquer un sourcil. Là, c'est officiel, il lui manque une case. Peut-être même plusieurs. J'attends quelques secondes puis je finis par reposer la tasse dans sa coupelle qui trône sur la table basse. "Bien, je pense qu'il est grand temps de ne pas tourner davantage autour du pot." Non, je ne vous crois pas sur votre intention de prendre de mes nouvelles, jeune fille. "À mon tour d'être observateur, si vous le voulez bien. Vous avez les mains moites, vous êtes crispée, votre regard a du mal à soutenir le mien, vous êtes d'une amabilité déconcertante et, en prime, vous vous présentez seule chez moi dans l'intention de prendre de mes nouvelles... Je ne sais pas si mon fils arrive à se faire avoir s'il vous arrive de lui mentir, mais cela ne prend pas avec moi." Je me penche un peu plus en avant en plissant les yeux. "C'est mon métier, d'arriver à savoir si on me cache quelque chose ou non." ajoutai-je avec un fin sourire au coin de la bouche. Entre ma position de businessman et celle d'agent du MI6, on ne peut pas dire que je manque d'entraînement. Je m'adosse plus confortablement dans le fauteuil et je croise les bras en relevant le menton. "Je vous écoute : qu'y a-t-il de si important que vous n'auriez pas pu me dire autrement qu'en venant ici en personne ?" Je penche la tête sur le côté avec un visage paré d'une froide neutralité, malgré la lueur assassine qui coule dans mon regard de glace. "Si j'apprends que vous êtes enceinte à nouveau, je déshérite Benedikt." Il me faut du temps pour me faire à l'idée d'être grand-père - brrr, quelle horreur - alors par pitié, qu'on me laisse du temps. Les choses s'améliorent depuis que j'en ai discuté avec Logan, mais j'ai tellement horreur du changement qu'il va falloir m'accorder encore un peu de délai. Curieux et attentif à cette vérité tant attendue, j'écoute Tacha.

Le sourire se fit à la fois ravageur et arrogant face aux paroles et au calme dont faisait preuve Shark. La taquinerie, les pics en tout genre perdureront sans nul doute entre nous, mais il n'y a là aucune méchanceté gratuite comme cela fut toujours le cas. Simple remarque pour détendre l'atmosphère, en quelque sorte. Ou, voyez cela comme bon vous le semblera. Non, je n'ai rien bu, rien fumé, encore moins pris une quelconque substance illicite avant de venir jusqu'ici, là ne sont que de simples mensonges qui, visiblement, sont loin de passer inaperçus. Évidemment, comment arriver à mentir à un agent du MI6 sans se faire prendre ? Question encore sans réponse à ce jour. Le rictus ne se fait pas plus attendre. Me voilà à présent démasquée et obligée de lui énoncer les faits que je craignais tant de lui dire. La discussion n'ayant après tout jamais été notre fort. « Benedikt est loin d'avoir votre sens de l'observation, mais jamais je ne lui ai menti. Arriver à mes fins avec lui est un véritable jeu d'enfant et j'espère pour vos deux autres enfants qu'ils ne se laisseront jamais mener à la baguette par le sexe opposé, comme cela est le cas pour votre aîné. » Où je veux en venir ? Que Beni est loin d'être aussi rusé que son paternel et qu'au final, j'obtiens toujours ce que je veux avec mon compagnon. Non pas qu'il soit naïf, quoique les doutes peuvent commencer à peser sur ce sujet. À nouveau enceinte ? Oh que non, loin de là, peu après la naissance de la petite Angelina, les mesures de précautions ont été immédiatement prises, sans le consentement de Benedikt, évidemment, mais que voulez-vous. Je m'inquiète assez pour Angelina et pour la suite de mes études pour faire un second enfant dans les mois qui vont suivre. « Oh non, vous n'avez aucune crainte à vous faire de ce côté-ci. Cela ne se reproduira pas avant des années. » Peut-être jamais, qui sait, peut-être qu'Angelina sera la seule et unique petite-fille de Joe Shark jusqu'à ce que Connor ou encore Camille ne se décident à sauter le pas. Si leur père ne prend évidemment pas de précautions pour empêcher la reproduction de ses enfants, cela va de soit. Pendant quelques instants, je reste silencieuse et de marbre, cherchant les meilleurs mots à placer pour lui annoncer ce que j'avais à dire. Mais les mots tournent et tournent encore dans ma tête. Ne tournons pas autour du pot, avait-il dit. Alors, j'irais droit au but. « Beni et moi sommes... » L'hésitation se fait grandement sentir, est-ce sage d'en parler de suite au paternel Shark ou aurai-je mieux fait d'attendre que mon compagnon se décide à lui transmettre lui-même l'information ? Autant dire que je n'ai plus d'autre choix que celle d'aller au bout de ma pensée. Comme l'éditeur l'a si bien souligné, il m'est impossible de lui mentir sans qu'il ne vienne s'en rendre compte. « Nous sommes fiancés. Depuis plus d'un mois. » Cette main, jusqu'à présent soigneusement dissimulé pour ne laisser paraître aucun soupçon de la part de l'homme en face de lui, finit par se dévoiler intégralement, laissant apparaître une somptueuse bague de fiançailles. Bague que je ne peux m'empêcher de fixer afin d'éviter le regard de Joe Shark. « En fait, je suis également venue pour... discuter. Pour vous dire que... » Mon regard s'est finalement redressé pour croiser les yeux azur du maître de ces lieux. Un frisson parcourt alors ma colonne vertébrale de bas en haut. Bon, d'accord, mauvaise idée que d'être venue dans cet appartement pour lancer une pareille bombe. J'avale difficilement ma salive, la gorge aussi sèche que ne l'est le sable au beau milieu d'un désert. Je vais mourir. Jamais je ne sortirais de cet appartement, vivante, ou en un seul et unique morceau. Au pire, Joe découpera mon corps en petits morceaux avant de les lancer dans l'océan afin que les requins viennent dévorer ce qui restera de moi. C'est fou l'imagination que je peux avoir depuis que j'ai fait la rencontre de l'homme qu'est Shark. Si je n'ai jamais tremblé devant ce dernier auparavant, adoptant le plus souvent cette démarche de tigresse et cet air fort arrogant qu'il méprisait tant dans le seul but de lui causer du tort, il en est autrement depuis que j'ai donné naissance à ma fille, encore plus depuis la mort de Sophie. Deux évènements qui m'ont psychologiquement perturbé. Et malgré les semaines et les mois passés, je n'arrive plus à me dresser vaillamment devant l'éditeur. Cependant, je garde ce côté sauvage en moi, prêt à surgir lorsque le moment se montrera opportun. Mais je ne suis pas venue ici dans le but de me disputer ou de voir l'un de nous succomber sous les mains de l'autre. Tout le monde sait d'ailleurs que Shark finira par remporter cette partie, bien que l'affrontement sera colossal jusqu'au bout.

"J'ose croire qu'il a malheureusement hérité des faiblesses de sa mère dans ce domaine. Et de l'influence crédule de Sophie." C'était une sainte femme, mais qu'il était simple de la mener en bateau... J'ai peur que ce soit aussi le cas de Connor qui est d'une facilité extrême à manipuler en se donnant peu de peine. Il ne me reste qu'à faire grandir Camille pour en faire une vraie Shark jusqu'au bout des ongles. Son éducation sera rude, mais j'en ferai une Joe Shark 2.0 au féminin. Toujours est-il que je plisse un peu les yeux en imaginant mon fils aîné se faire mener à la baguette par sa petite-amie. Il va falloir que je lui parle en homme, s'il veut se réveiller et s'imposer un peu. Malheureusement, si elle arrive à l'avoir sur le plan charnel, il se peut que la situation soit trop grave pour que j'y change quoique ce soit : ça, c'est une faille typique des hommes de la famille. "J'espère bien." Hors de question que je vois une nouvelle tête s'ajouter à la famille pour les prochaines années. Les protections seront d'usage chez les Shark-Kovalevski, et il va falloir que je forme Connor très tôt avant que ses hormones ne lui mettent la tête dans tous les sens. Patient, j'attends donc qu'elle se décide à cracher le morceau une bonne fois pour toutes, non sans essayer de spéculer sur ce qui pourrait être assez grave pour qu'elle se lance dans une telle mise en scène. Soudain, la nouvelle tombe après un suspense insoutenable. Fiancés. Mon regard désorienté finit tout de même par tomber sur la bague qu'elle porte au doigt. La bouche entrouverte, on peut facilement voir ma veine au niveau de l'arcade se mettre à palpiter, signe que mon cœur est en train de tambouriner sans s'arrêter dans ma poitrine. Je fixe à nouveau Tacha qui s'interrompt. Chose rarissime : des émotions tourbillonnent dans mon regard, toutes plus contradictoires les une que les autres. Parfois, mes yeux tombent sur son cou. Est-ce que je lui montre que je suis un as de la strangulation ? Finalement, j'opte pour un soupir et je la regarde avec une sérénité immense. "Eh bien... Je crois que des félicitations s'imposent." Un sourire vient même se loger au coin de mes lèvres. Je me lève et l'attire contre moi pour la serrer chaleureusement entre mes bras. Pourtant, Tacha parviendra-t-elle à se sentir rassurée, à l'aise ou moins stressée ? Tout paraît facile. Presque trop. Je relâche mon étreinte et marche jusqu'au bar pour sortir une bouteille de scotch et m'en verser un verre. Mes mains ne tremblent pas, je semble extérieurement satisfait de cette nouvelle. "Après tout, il me semble que cela tombe sous le sens, étant donné votre situation avec Angelina. Cela fera plaisir à cette petite de vivre dans un couple bien installé pour de bon." Je lève mon verre en direction de Tacha avec ce même sourire énigmatique et indéchiffrable. Vous savez, ce genre de sourire qui veut vous faire croire que vous avez réussi votre pari, mais qu'en réalité, vous avez commis le pire faux pas de l'Histoire. Je le vide d'un trait et le repose délicatement sur le bar. "Vous avez bien fait de venir, je comprends mieux. Ce n'est pas une nouvelle qu'on annonce au téléphone. Très jolie bague, soit dit en passant." ajoutai-je en pointant sa main de mon index. Je viens me rasseoir sur le fauteuil et je croise les jambes avec un air parfaitement détendu, pour ne pas dire serein. "Vous vouliez me parler d'autre chose, peut-être ? La date du mariage est fixée ? Vous pourrez vous vanter d'être la première femme à épouser un Shark." La bague que j'avais gardée du temps où, avant la naissance de Connor, j'avais envisagé d'épouser Sophie, repose avec elle dans l'océan, lorsque j'ai dispersé ses cendres. Je me suis promis de ne jamais épouser qui que ce soit, mais qui sait si une certaine étudiante Bêta ne saura pas me faire changer d'avis avec le temps. Attentif aux éventuelles autres choses que Tacha pourrait avoir à me dire, je la fixe sans la lâcher des yeux. "Juste pour savoir : ce mariage est une ruse dont vous me parliez tout à l'heure, ou c'est d'un commun accord ?" taquinai-je en esquissant un fin sourire au coin de la bouche. Pourtant, vous savez ce qu'on dit : Shark ne sourit pas, il montre les dents...

Évoquer la mère de Benedikt était encore une épreuve en soit, cette dernière m'en avait assez fait baver, bien qu'indirectement, certes. Je ne pouvais m'empêcher de revoir, l'espace de quelques cours instants, la peur qui régnait dans les pupilles de ce jeune garçon d'à peine quelques années qui vivait l'appartement en face de celui où je vivais avec ma mère. Combien de fois était-il venu se réfugier derrière la porte qui se trouvait juste en face afin d'échapper aux coups que sa mère pouvait lui porter ? Trop de fois, et ce, pendant des années. Et comment ne plus penser à la mort de cette dernière, tuée par son propre fils qui pendant des semaines, a refusé de me regarder dans les yeux ou même de me parler après cette tragédie. Trop de mauvais souvenirs qui ne pouvaient être balayés. Tout comme la mort de Sophie, dont il m'est impossible de me remettre. Il m'arrive parfois de regarder Camille d'un mauvais œil en la tenant pour responsable de la disparition de cette personne qui a toujours su m'apporter le soutien nécessaire quand les choses allaient plutôt mal. Et non, il n'y aura sans doute pas de nouveaux petits Shark-Kovalevski avant des années, voir peut-être des décennies. De toute manière, il n'y en aura plus si je meurs dans les trente secondes qui vont suivre la bombe que je viens tout juste de lâcher. Mon regard ne lâche en rien celui de Shark, je me contente d'avaler difficilement ma salive et de faire une dernière prière, pourvu que ma mort soit rapide et indolore. Et pourquoi me fixe-t-il de la sorte ? Il va m'étrangler ? Me décapiter ? Pire encore ? Jusqu'à ce que soudainement... « Des quoi ?! » Des félicitations Tacha, des félicitations, c'est lorsque que quelqu'un récompense d'une manière ou d'une autre, une certaine personne. J'ai pris une grande inspiration au moment où les bras de Shark ont fini par m'entourer, ne respirant presque plus, gardant les bras collés le long de mon corps. Joe Shark est en train de me serrer contre lui... Je dois rêver, sans aucun doute, ou cauchemarder, ce n'est pas toujours bon de voir ce dernier dans mon sommeil. Derrière ce geste doit se cacher un plan plus que démoniaque, j'en reste persuadée et les idées se précipitent déjà au portillon quant à ce sujet. Bouche-bée, j'observe l'homme s'éloigner afin de se servir un verre, n'osant même plus bouger ne serrait-ce que le petit orteil. Ce sourire, son attitude, comment l'interpréter ? Joe Shark ne peut faire preuve de gentillesse, cela relèverait du surnaturel. Et il vient de boire son verre d'une seule et unique traître, au secours, que quelqu'un me vienne en aide ! Finalement, il se rassoit, comme si de rien n'était, ce qui n'est pas pour me rassurer. « Merci. C'était la moindre des choses à faire, Benedikt aurait sûrement attendu des semaines avant de vous l'annoncer de peur de nous attirer votre courroux. » À défaut, je me jette plus tôt dans la gueule du loup et épargne mon compagnon... pendant quelques minutes seulement, si cela se trouve. « Non, nous n'en avons pas encore concrètement parlé. » Le tout étant assez récent, et parce qu'avant, il fallait tout naturellement que Shark Senior soit au courant de la situation. Si je veux lui parler d'autre chose ? Oui, mais... Non. Ses taquineries... je ne sais guère comment les prendre, alors me voilà en train de plisser légèrement les paupières. Peu importe la réponse, mon heure est venue, c'est ça ? « Soyez certain que je ne suis pas du genre à jouer avec les sentiments de votre fils, alors oui, ce mariage est d'un commun accord, et non pas une ruse, ou encore une décision prise sur un coup de tête... Enfin, si, mais c'est... naturel. » Évidemment, la réponse que j'avais offerte à mon compagnon fut des plus spontanée, il n'y avait pas eu à réfléchir pendant des heures et des heures après tout ce par quoi nous étions passés ensemble. « Je veux dire par là que Beni et moi, nous connaissions depuis notre tendre enfance, nous avons toujours tout fait ensemble. Aujourd'hui, nous avons Angie et oui, cela tombe sous le sens, mais... ce n'est là qu'une preuve de l'amour que je lui porte. C'est aux côtés de votre fils que je veux passer le restant de mes jours. » Il me fait clairement peur, et mes paroles semblent se perdre dans la pièce. Je n'ai pas dit oui pour faire plaisir à Benedikt, non, j'ai dit oui parce qu'il était l'homme que j'aimais, le seul à pouvoir me rendre si heureuse et aux côtés duquel je rêvais de me réveiller chaque matin. « Et je suis aussi venue pour vous parler d'autre chose. De... Sophie. » Et s'il ne voulait plus parler d'elle ? S'il ne voulait plus en entendre parler ? J'ai besoin de me confier à ce sujet, et je ne voyais personne d'autre que Shark pour cela.

J'ai parfaitement senti la crispation de Tacha, et j'ai même eu la courtoisie de ne pas lui faire remarquer. Après tout, j'ai horreur de ce genre de contact également, mais il va sans dire que pour une occasion pareille, une exception est envisageable. Le verre resté sur le bar, je m'assois et l'écoute me dire que Beni aurait attendu des semaines, contrairement à elle. J'arque un sourcil en silence et demeure coi quelques instants de plus, amusé intérieurement de la voir se justifier pour expliquer la raison de ces fiançailles. Bien sûr que je connais leur passé, du moins les grandes lignes. Au fond, même si je ne le dirai jamais à voix haute, une part de moi jalouse parfois Tacha de connaître Beni depuis toujours alors que son propre père ne le connait que depuis deux ou trois ans. Mon regard tombe dans le vide pendant une ou deux secondes puis revient vers la Russe. Je lève une main pour lui faire signe que j'ai compris. "Inutile d'en rajouter autant, je sais que vous n'êtes pas une inconnue." Ni aux yeux de Beni, ni aux yeux du MI6, d'ailleurs. "J'espère qu'il en sera ainsi car, s'il y a bien une chose qu'un Shark ne peut pardonner, c'est une promesse non tenue." Je braque mes yeux azur sur elle, plonge dans son regard comme l'avertissement d'un prédateur sanguinaire. Mes lèvres sont closes, mais on pourrait croire que mes pensées marquent l'esprit de la Gamma au fer rouge. Avisez-vous ne serait-ce qu'une seconde de penser à quitter Beni et vous rentrerez en Russie sous forme de dons d'organes. Je ne tolèrerai pas que mon fils aîné soit victime de nouvelles déceptions, encore moins venant de la seule femme qu'il arrive encore à tolérer sans mal depuis ces derniers mois. Je n'ajoute donc pas la moindre parole supplémentaire, j'imagine que Tacha a parfaitement compris cet avertissement silencieux sur lequel elle pourra compter jour et nuit. J'allais me pencher pour attraper mon téléphone lorsque soudain, la jeune femme annonce vouloir parler de Sophie. Ma main reste suspendue au-dessus du portable quelques secondes avant que je ne l'attrape pour de bon. Le sujet "Sophie" est sensible. Selon les jours, mon humeur varie. Si c'est un mauvais jour, vous arriverez à tirer plus de conversation d'un rocher plutôt que de ma bouche. Si c'est un bon jour, il se peut que je veuille bien en discuter à condition de ne pas pousser le bouchon trop loin. Je croise le regard de Tacha et fronce un peu les sourcils. Elle tient vraiment à en parler. Sans la lâcher des yeux, je réponds sur un ton monocorde. "C'est le problème, avec Sophie… elle se fait une place là où vous ne pensiez pas avoir besoin de quelqu'un, et elle disparaît au moment où vous en avez le plus besoin." Elle m'a fait le coup deux fois. La seconde a été définitive. Je sais qu'elle s'est sentie très proche de Tacha, la considérant comme sa propre fille au même titre qu'elle considérait Beni d'une façon égale à Connor, pourtant son fils biologique. Qui a été la première à démarrer de la maison pour foncer à la maternité en apprenant la naissance d'Angelina ? Sophie. Elle se réjouissait de la venue au monde de cette petite, imaginant déjà la vie que Camille et elle auraient… tout en sachant d'avance qu'elle ne serait probablement pas là pour le voir. Je déglutis et soupire. Si je suis appelé à être le beau-père "officiel" de Tacha, j'imagine que cela inclut de devoir avoir ce genre de discussion ? Adossé dans le canapé, je repose le téléphone pour lui signifier qu'elle a toute mon attention. "Je vous écoute, de quoi voulez-vous parler ?" Si ça se trouve, elle n'a aucun sujet précis en tête, juste le besoin de pouvoir en parler à quelqu'un qui l'a réellement connue et qui ne se braquera pas au premier mot utilisé.