Cela fait cinq jours. Cinq jours que l'imprévisible a fait surface. Cinq jours que le destin m'a claqué à la gueule. Je suis allé à ce mariage. Rowan devait m'y rejoindre. Mais avant qu'elle n'arrive, je suis tombé sur Nora. Nora que j'avais pas vue depuis des années. Nora qui est et restera à jamais une partie de moi. Je n'ai jamais cessé de l'aimer Nora. Jamais. Alors je l'ai embrassée. Je l'ai embrassée en espérant qu'elle accepte de s'enfuir avec moi. Au bout du monde s'il le fallait. Mais de s'enfuir avec moi, pour qu'enfin nos destins ne fassent qu'un. Pour qu'enfin notre histoire ressemble à ce qu'elle doit ressembler. Sauf que Nora a refusé. Elle a refusé, puis elle m'a tout avoué. Que la bague à son doigt, c'était son mari qui la lui avait mise. Que c'était trop tard. Qu'y'aura jamais d'elle et moi. Jamais, à part dans le recueil des histoires ratées. Alors, le lendemain de ce fichu mariage, le lendemain de ces retrouvailles à la con, j'ai pris une décision. Un peu comme un alcoolique choisit de rejoindre un groupe pour arrêter de boire. Moi j'avais décidé de demander à Rowan de m'épouser. Pour tourner cette fichue page. Pour gommer un peu le prénom de Nora, et commencer à inscrire celui de Rowan. Pour de bon. Pour le meilleur et pour le pire. Alors je suis allé chez un bijoutier. J'ai pioché dans mes économies, et j'ai pris à Rowan la plus belle bague du présentoir. Celle que j'aurais aimé offrir à Nora. C'est seulement maintenant que je commence à culpabiliser. Maintenant alors que je m'apprête à rentrer à la maison, et à poser mon genou à terre. Ma motivation d'épouser Rowan n'est pas la bonne. Je n'aurais pas dû prendre cette décision sur un coup de tête. Même si le mariage est dans la suite logique des choses. Même si nous y serions passés tôt ou tard. Je suis assis dans ma voiture. Garé devant la maison. La nuit vient de tomber, je rentre à peine de la pâtisserie. Mais je ne sors pas du véhicule. La tête appuyée contre le volant, j'ai le coeur qui se serre dans ma poitrine. Rowan mérite une vie remplie de bonheur. Une vie remplie d'amour. Elle mérite quelqu'un qui veuille l'épouser parce qu'il l'aime, et non seulement pour oublier celle qu'il aurait aimé épouser mais qu'en a épousé un autre. Elle mérite bien mieux que moi. Même si je l'aime sincèrement. Même si je suis heureux avec elle. Parce qu'elle est parfaite. Je sais que j'ai de la chance. Pourtant j'arrive pas à sortir de la voiture. Mais je refuse de faire demi-tour. Et je me promets de m'améliorer. De ressembler un peu plus au potentiel fiancé parfait pour Rowan. Comme elle le mérite. Je lâche finalement un soupir. Je ne sais même pas comment m'y prendre pour lui demander sa main. Je n'y ai pas réfléchi une seule seconde. Alors je ferme les yeux. Comment ferais-je pour demander à Nora de m'épouser ? Non Evan, merde. Arrête de penser comme ça. Y'a pas de Nora. Ce n'est pas elle que tu vas demander en mariage. C'est Rowan. Les minutes passent. Si je rentre pas à la maison, Rowan qui a sûrement dû voir la voiture arriver va se demander ce que je fous. Et même si d'habitude, je fume toujours une clope avant de rentrer, ça met bien moins de temps que ça. Alors je prends mon courage à deux mains, et sors du véhicule. Je marche lentement jusqu'au pallier de la porte, priant pour qu'une idée me vienne. Et c'est finalement ce qui se passe. J'attrape une marguerite dans le jardin, la coince derrière mon oreille, et grimpe les quelques marches qui mènent à la porte d'entrée. Là, je me racle la gorge, patiente quelques secondes, mon coeur commençant à s'emballer. J'ai l'impression de sauter à l'élastique. Et je sonne finalement à la porte, m'empressant de poser mon genou à terre avant que Rowan ne vienne m'ouvrir. Je ne sais pas si je dois sortir la bague maintenant. Si je dois attendre qu'elle ouvre. J'ai l'impression que ma vie va basculer. Et y'a un tas de trucs qui me passent par la tête. Dont Nora, bien sûr. Comment la chasser de mon esprit à un moment pareil. Puis finalement, la porte s'ouvre. Et mes yeux se lèvent pour trouver ceux de Rowan. Alors je me force. À oublier Nora et tout ce qu'on ne sera jamais. Je suis avec Rowan. Et je l'aime. Quel imbécile ne pourrait pas se contenter d'une vie aussi belle que la mienne ? Je lui lance un sourire, la marguerite toujours coincée derrière mon oreille. Et finalement, j'attends. Qu'elle me demande ce que je fiche par terre, ou qu'elle réalise. J'attends sa réaction, avant de me lancer. Se souvient-elle de soir-là, dans le parc de Berkeley ? Ce soir où je lui avais dit que je la choisirais si je le pouvais ? Et bien c'est que je fais, à ce moment même. Je la choisis. Qu'importe ma motivation première. Tout cela n'a plus d'importance. Je ne pense plus à Nora, je ne pense plus à notre histoire bousillée, à notre histoire loupée. Je ne pense plus qu'à Rowan, dont j'attends toujours la réaction pour lui demander. Lui demander de devenir ma femme. À tout jamais.
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Sujet: Re: be the one. (revan) Sam 8 Fév - 23:46
you've got the love i need to see me through.
Elle n'aurait su expliquer d'où venait ce sentiment, cette atroce pressentiment que quelque chose irait mal aujourd'hui. C'était quelque chose qui ne pouvait se décrire, qui lui prenait les entrailles de telle sorte que toute sa journée l'avait transportée d'un endroit à un autre sans que ce nœud ne se défasse complètement. Elle n'était pas aveugle, Rowan. Pas stupide non plus. Elle savait qu'Evan avait revu Nora, parce que les gens parlaient, les gens se repaissaient du malheur des autres pour ne pas avoir à se concentrer sur les propres morceaux éparpillés de leur vie. Elle n'avait rien dit, s'était tue du début à la fin. Comment aurait-elle pu lutter, même à présent, en sachant que cet homme-là, qu'elle fréquentait depuis si longtemps, ne lui appartenait toujours pas ? Elle y avait cru, au bonheur. Si fort que son cœur s'en était serré quand ils avaient franchi les étapes de la vie les unes après les autres. Le diplôme, la vie active, emménager ensemble. Et s'il lui semblait qu'elle était heureuse, quelque chose en elle ne se réparait jamais vraiment et elle se traînait ainsi, toujours empreinte d'une mélancolie qu'elle n'arrivait pas à fuir à l'idée d'aimer un homme qui, encore maintenant, en aimait une autre et que s'ils étaient encore ensemble, Rowan n'était qu'un maigre lot de consolation. C'était affreux, comme sentiment. Celui de ne pas être assez. De ne pas suffire. Elle essayait de faire avec, jour après jour, mais le mariage l'avait détruite plus qu'elle n'aurait su le dire. Certains étaient venus la voir, étaient venus lui dire qu'ils avaient vus Evan et Nora, identifiée comme une fille brune par ceux qui n'avaient pas la moindre idée de qui elle était. Mais Rowan avait su, immédiatement. Et s'était tue, comme elle le faisait toujours, parce que l'idée-même de dire quoi que ce soit l'effrayait bien trop. Elle vivait sur un fil, dans un équilibre précaire qu'elle craignait de rompre si elle haussait la voix ou si elle envisageait simplement de le quitter. Elle était lâche. Terriblement lâche. Effrayée par une solitude dont elle ne voulait pas, et qui la poussait à rester auprès d'un homme dont elle était éperdument amoureuse mais qui ne parviendrait jamais à la rendre complètement heureuse en dépit de ses efforts. Toute la journée, elle avait attendu quelque chose sans savoir quoi, terrifiée de ce qui se passerait une fois qu'elle rentrerait chez elle. L'insécurité la guettait, chaque jour un peu plus, et ces cinq derniers jours davantage encore, si bien qu'elle n'était plus qu'une boule de nerfs à peine avait-elle mis le pied chez elle. Evan était arrivé à peine quelques minutes plus tard et le bruit caractéristique du moteur dans l'allée l'avait fait sursauter alors qu'elle ne parvenait même plus à prétendre que l'émission quelconque à la télévision la divertissait. Elle compta mécaniquement dans son esprit les minutes que cela lui prendrait avant d'entrer dans le salon, de l'embrasser rapidement, de lui demander comment sa journée s'était passée avant d'enchaîner sur une discussion quelconque, sur l'actualité peut-être, et de dîner, l'un en face de l'autre, se souriant presque timidement. Rowan était rompue à l'habitude de leur couple, une habitude qui d'ordinaire la rassurait, la réconfortait presque, mais qu'elle trouvait aujourd'hui parfaitement insupportable. Pourtant, les minutes s'égrenèrent et Evan ne donnait pas signe de vie. Elle fronça les sourcils, soudainement inquiète. Il ne lui fallait jamais aussi longtemps pour passer le pas de la porte, d'ordinaire, et le nœud dans son ventre se resserre encore. La sonnette retentit, et, le cœur battant, elle s'approcha de l'entrée avant d'ouvrir la porte. Là, elle trouva Evan, à moitié agenouillé par terre, une marguerite coincée derrière l'oreille, qui se mit à sourire. Cela ne parvint pas à la rassurer, cependant, et elle posa sur lui un regard perturbé, presque apeuré. Lentement, son esprit fit la connexion et elle sentit cette fois son cœur tambouriner dans sa poitrine, menaçant d'imploser juste là, sur le pas de la porte. Son souffle se fit plus erratique, alors qu'elle comprenait, et elle écarquilla les yeux. « Qu'est-ce que tu fais Evan ? » C'est comme si la peur qu'elle avait éprouvée jusqu'alors atteignait son apogée, magnifiée par ce qu'il était en train de faire. En train de lui faire. Elle en aurait pleuré, sans pouvoir dire s'il s'agissait de joie ou de désespoir. Peut-être qu'avant, cela aurait été de la joie, mais à présent, elle ne pouvait l'affirmer réellement. La peur, très vraisemblablement. La peur de savoir pourquoi de tous les moments il avait choisi celui-ci. L'insécurité, toujours, qui lui disait que cela ne pouvait pas être une coïncidence. « Je suis pas sûre que ce soit... » Mais Evan était là, et il souriait, il souriait comme elle aimait le voir sourire. Ses craintes furent balayées presque immédiatement, parce que c'était ainsi qu'elle l'aimait le plus. Souriant, peut-être même un peu heureux. Alors elle ne dit rien de plus, attendit qu'il fasse quelque chose, agenouillé sur le pas de la porte.
"Qu'est-ce que tu fais Evan ?" Rowan vient d'ouvrir la porte. Je devine dans ses yeux une surprise inattendue. Le problème, c'est qu'elle semble apeurée. Alors sa peur multiplie la mienne, et je me demande si c'est une bonne ou une mauvaise surprise que je lui fais là. Et en tout honnêteté, en plus de ne pas avoir réfléchi à la manière dont je lui demanderai sa main, j'avoue ne jamais avoir réalisé qu'il existait la possibilité qu'elle dise non. Et soudain, ça me terrifie. Je sens mon coeur s'affoler, et tout me semble alors plus fragile. Plus incertain. Mais je ne cesse de sourire. Je ne peux pas cesser de sourire. Parce que de l'autre côté, elle pourrait dire oui. Et nos vies pourraient basculer. Tout pourrait changer. "Je suis pas sûre que ce soit..." J'attends la fin de sa phrase, mais elle ne vient pas. Rowan s'arrête là, et finalement, elle semble plus détendue. Mais chez moi, c'est l'effet inverse. Que voulait-elle dire ? Elle n'est pas sûre que ce soit quoi ? Le bon moment ? Est-ce que ça veut dire qu'elle n'est pas prête ? Pire encore, est-ce qu'elle sait ? Que j'ai revu Nora ? L'a-t'elle aperçue au mariage ? C'est alors que tout refait surface, et me saute à la gueule. Nora qui s'approche de moi et qui réapparait après des années entières d'absence. Le baiser dans les cuisines. Et finalement, la révélation qui a suivi. Celle qui m'a détruit. Alors j'ai réalisé. Que Nora ne serait jamais avec moi. Que c'était trop tard. Et c'est peut-être bien pour ça que je suis là aujourd'hui, agenouillé devant Rowan. Mais je chasse littéralement cette idée de mon crâne. J'aime Rowan. Point final. Je dois arrêter les comparaisons. Je l'aime, c'est tout ce qui compte non ? Qu'importe si c'est moins qu'une autre. Cette autre là ne sera jamais mienne. Elle finira par disparaître, par se faire la belle, et je finirai par l'oublier. C'est comme ça que cela doit se passer. Mais mon sourire finit par se ternir, malgré tout. Et je l'interroge du regard, finalement hésitant. "Tu n'es pas sûre que ce soit quoi Rowan ?" Mais je ne la laisse même pas répondre. "Écoute, qu'importe ce que tu voulais dire, laisse moi finir ce que j'ai commencé." J'inspire profondément. Je ne peux pas faire machine arrière, mon genou est déjà à terre. Et même si je le pouvais, je ne le voudrais pas. Je suis bien, là, devant elle. Je suis bien avec cette peur qui m'habite, et ce sourire qui penche un peu. Et peut-être bien que j'aurais aimé lire des livres qui disent comment faire, des livres qu'on appellerait "la demande en mariage pour les nuls". Sauf que si je les avais lus, j'aurais peut-être un peu fait comme tous les autres. C'est à dire une demande dans un grand restaurant, ou avec un magnifique bouquet de roses. Avec la traditionnelle phrase "veux-tu m'épouser ?", cette phrase que l'on a déjà trop entendue. Rowan mérite quelqu'un chose de différent. Je retire finalement la marguerite coincée derrière mon oreille, et la lui tends, avant de retrouver mon sourire initial. Celui qui prouve que, malgré tout, je suis heureux. Au moins un petit peu. "Je sais même pas quel jour on est aujourd'hui. Mais je sais qu'il y a des fleurs qui poussent devant notre maison, et que tant qu'elles pousseront, je voudrais les cueillir pour toi. Mais pas que pour les occasions particulières. Pas que pour ton anniversaire, ou pour la Saint Valentin." Je m'arrête un instant, et me contente de la regarder. Rowan est belle. Il m'a fallu du temps avant de le réaliser. Il a même fallu qu'on m'ouvre les yeux. Qu'Aurore m'ouvre les yeux. C'est grâce à elle que nous en sommes là aujourd'hui. Grâce à elle que nous nous sommes rapprochés, et que j'ai appris à l'aimer malgré Nora. Puis plus que tout, c'est grâce à Rowan que j'ai appris à être heureux un petit peu. Et même si notre vie a l'allure de routine, c'est une routine qui réconforte, une routine qui tient chaud. Mais voilà qu'aujourd'hui je romps la routine. Voilà qu'aujourd'hui les choses pourraient prendre un tournant différent. Alors, finalement, je sors le boitier de ma poche. Je le regarde plusieurs secondes, avant de l'ouvrir, et de le lever vers Rowan. "Mais la fleur d'aujourd'hui peut tout changer. Il se pourrait bien que je l'ai cueillie pour une occasion particulière. Si tu es d'accord pour lui laisser cette chance là." Mon coeur se met à battre plus fort. À battre plus vite. Ça y'est, j'ai sauté.
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Sujet: Re: be the one. (revan) Dim 16 Fév - 23:49
Elle se tenait là, suspendue à ses moindres mots, le cœur battant tellement fort qu'elle l'aurait cru prêt à sortir de sa poitrine s'il ne s'arrêtait pas. C'était donc cela, ce qu'elle avait tant redouté. Comme un signe du destin, un coup de malchance, un truc à la con. Le moment aurait pu être parfait, et il l'aurait sans doute été si ce n'avait été question de mauvais timing. Stupide, vraiment. A quelques jours près, quelques semaines près, elle se serait noyée de bonheur à l'idée qu'il puisse la demander en mariage. Aujourd'hui, plus que jamais, elle avait la désagréable impression d'un immense gâchis, et ses insécurités qui revenaient toujours plus nombreuses. C'était comme si tout ce qu'elle avait contenu toutes ces années, tout ce qu'elle s'était gardée de dire, toutes les peurs qui avaient manqué la submerger, s'emparaient enfin pleinement d'elle et la livrait au désarroi le plus complet. Evan continua à parler, l'empêcha de poursuivre, ce qu'elle n'aurait pas été capable de faire dans tous les cas. Il semblait si adorable, si sincère, qu'elle ne put se résoudre à ne pas sourire. Elle se mordit l'intérieur de la joue pour empêcher son menton de trembler. Elle en aurait pleuré, si elle n'avait pas eu si peur qu'il la voie le faire. Parce qu'elle avait compris, Rowan. Elle savait qu'il était en train de lui demander de l'épouser, dans les formes, avec tout le romantisme dont une demande devait regorger. Genou à terre, fleur à l'oreille, écrin dans les mains et regard tendre. Il y avait tous les éléments réunis, tout pour qu'elle accepte, et pourtant, au lieu d'un large sourire, d'un éclat rieur dans les yeux, au lieu d'accepter et de lui sauter dans les bras, elle resta plantée là, plus terrifiée qu'elle ne l'avait jamais été auparavant. Terrifiée de tout ce que cela impliquait, terrifiée de savoir qu'elle ne pourrait pas faire marche arrière. Terrifiée de savoir qu'il le lui demandait en ayant en tête l'image de Nora. Surtout ça. Elle le laissa parler, sans doute parce qu'elle n'était pas capable de prononcer le moindre mot, et que son cœur se serrait un peu trop à l'idée de se poser toutes ces questions. Et lorsque le silence se fit, il lui glaça jusqu'aux os, et elle se mit à frissonner. Elle savait qu'il attendait une réponse, peut-être même n'avait-il pas douté un seul instant de ce qu'elle serait. Comment aurait-elle pu refuser, alors qu'ils étaient ensemble depuis si longtemps qu'elle ne se rappelait même plus le nombre d'années ? La suite logique, c'était celle-là. Le mariage. Et d'ici quelques années, sans doute un premier enfant, puis un deuxième. Pourtant, quand elle imaginait son futur avec lui, elle ne pouvait s'empêcher de le noircir un peu, puis beaucoup trop. Elle se savait condamnée à vivre avec cette boule au ventre, à l'imaginer penser à Nora, aimer Nora, vouloir Nora, plutôt que la femme à côté de lui, dans un lit devenu trop grand avec le temps, symbole même du gouffre béant qu'était devenu leur mariage. Et combien de temps, avant que tout cela ne cesse ? Et si un jour, il lui était permis d'être avec cette autre ? Combien de temps, avant qu'il ne s'en aille, avant qu'il ne la quitte sans la moindre hésitation ? « Evan... » Elle se mordilla la lèvre, réfléchit encore à ce qu'elle allait pouvoir lui répondre. « Je voudrais tellement pouvoir te dire oui, là, comme ça tout de suite, me jeter dans tes bras, t'embrasser et te répéter combien je t'aime, mais tu vois, aujourd'hui j'y arrive pas. » Elle croisa les bras contre sa poitrine et baissa les yeux au sol. « Je sais que tu l'as revue. Et je peux pas m'empêcher de me demander pourquoi tu m'en as pas parlé... Si tu l'avais oubliée, tu me l'aurais dit, comme ça, pour faire la discussion. Tiens, j'ai revu Nora, elle va bien, elle est devenue ça, elle fait ceci cela. Si tu me l'as pas dit, je sais que c'est parce que t'es chamboulé. Et je veux pas dire oui à quelqu'un qui me demande en mariage alors qu'il est chamboulé de revoir une autre femme. Je veux pas t'épouser parce que c'est dans la suite des choses, ou parce que je suis ton choix par défaut. » Son menton trembla un peu plus encore et, lorsqu'elle releva les yeux vers lui, elle n'était plus même en mesure d'y cacher les larmes qui les engloutissaient. « Tu m'aurais demandée en mariage si tu l'avais pas revue ? Sois honnête, Evan. Je peux pas dire oui à quelqu'un qui n'est pas honnête avec moi. » Elle songea pendant une seconde au fait que s'il confirmait, son cœur se briserait encore un peu plus et qu'elle le quitterait sans doute sur le champ, accablée de douleur. Et puis finalement, elle comprit. S'il confirmait, elle se contenterait de hocher la tête, de dire que ça ne faisait rien, tant qu'elle le savait, et qu'elle voulait bien l'épouser. Qu'elle voulait bien épouser un homme dont elle n'était même plus sûre qu'il l'aimait vraiment, et qu'elle devrait encore partager avec un fantôme. « Parce que si tu t'engages avec moi, c'est pour la vie. Pas juste pour passer le temps. »
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