Aujourd’hui, on fêtait mes deux mois chez Starbucks. J’étais contente d’avoir trouvé cet emploi avec tous ces employés chez qui j’avais trouvé de vrais amis. Dommage que la jeune femme qui m’avait formée, Caroline, avait abandonné l’emploi afin de se concentrer sur ses études. Je ne la croisais jamais sur le campus, ou presque. Pour ma part, j’avais seulement réduit mes heures à une vingtaine d’heures par semaine. C’était déjà beaucoup pour une étudiante à temps plein, mais je n’avais pas le choix. Il fallait que je paye mes traitements, mes frais de scolarité et ma nourriture. Le coût de la vie était assez cher de nos jours alors les pourboires obtenus chez Starbucks étaient les bienvenus. Heureusement que Pacey était là. Il m’avait offert un toit pour lequel je n’avais même pas besoin de payer au bout du mois. Évidemment, le tout s’était un peu compliqué depuis que j’avais appris qu’il s’était marié, un peu sur un coup de tête, avec sa meilleure amie. Mais il l’aimait malgré tout. J’avais assez mal digéré le morceau, d’autant plus que maintenant je me sentais totalement coupable d’habiter avec lui sans qu’il ne demande quoi que ce soit en retour. Ce n’était pas normal. Au début, j’avais cru voir en Pacey des sentiments cachés pour moi, et je devais avouer que cela avait réveillé en moi des sentiments envers lui. Maintenant, j’étais complètement déboussolée. Je m’étais complètement plantée et m’étais fait prendre à mon propre jeu. Peut-être avais-je bien vu ce que je désirais voir. Et pourtant, il y avait eu Joe durant tout ce temps dans le portrait. Je ne voyais pas pourquoi mon subconscient aurait voulu brouiller les cartes. J’avais d’ailleurs tout balancé cela au visage de Pacey quand j’avais appris qu’il était marié. Le pauvre. Jouer ainsi avec sa tête et son cœur. Je me sentais terriblement mal de lui avoir avoué mes sentiments pour lui, mais en même temps j’avais eu besoin de savoir pourquoi tout cela s’était passé aussi vite. Ces temps-ci, à l’appartement, j’avais développé de supers habiletés afin de l’éviter le plus possible. Ce n’était pas correct, et cela me pousserait probablement bientôt à déménager de nouveau – et de toute façon, il était marié, alors qu’est-ce que je foutais encore là-bas ? Je soupirai en lavant le comptoir parsemé de gouttes de café de gens trop pressés. L’heure de pointe était terminée alors je levai tout de suite la tête vers le client qui venait d’entrer au son de la cloche suspendue au haut de la porte. Mon cœur s’arrêta quand je reconnus Romane, la femme de Pacey, justement. Je lui souris faiblement. « Bonjour, puis-je prendre votre commande ? » Je ne savais absolument pas comment réagir à sa venue, alors j’avais décidé de l’ignorer. Après tout, nous ne nous étions jamais officiellement rencontrées. Je ne savais pas comment elle réagissait en sachant que son mari habitait avec moi, alors je préférais ne pas trop brasser les choses. Je ne voulais pas mettre Pacey dans le pétrin, malgré le fait qu’il m’avait fait énormément de peine sans même le vouloir.

Puisque je n’étais pas nécessairement l’amie de Caroline en dehors du boulot, je n’étais pas au courant qu’elle était tout simplement partie de San Francisco. Je l’avais croisée une fois sur le campus après son départ du Starbucks, puis plus rien. Je ne m’étais toutefois pas vraiment posé de questions étant donné que le terrain de l’université est assez grand et que mes cours ne se trouvaient pas forcément dans les mêmes pavillons que les siens. Tout laissait à croire que nous n’étions juste pas aux mêmes endroits, aux mêmes moments. C’était le cours naturel des choses. J’avais donc pris la nouvelle sans trop m’en faire. Si seulement j’avais su les réelles raisons de son départ du café. Bref, je ne réfléchissais à rien en particulier quand Romane, la nouvellement femme de Pacey, entra dans le restaurant. Je lui souris, comme je le faisais à tous les clients, en prenant sa commande. Je vis dans son visage l’incompréhension dû à mon vouvoiement et à ma froideur. Je me sentais alors tout d’un coup très ridicule. Elle n’avait rien fait de mal. Elle avait marié Pacey. Qui ne l’aurait pas fait ? Je n’avais pas à lui en vouloir. Si je devais être distante par rapport à quelqu’un, c’était bien vis-à-vis de mon colocataire. Son comportement m’avait laissé croire qu’il m’aimait bien, ce qui avait conduit à ce triangle amoureux des plus honteux pour moi. Après tout, j’avais bel et bien le rôle de la méchante dans l’histoire. Celle qui désire briser le beau et heureux nouveau couple de mariés. Loin de moi le désir de ruiner leur bonheur. J’avais été prise par surprise, voilà tout. Bref, Romane me commanda un café latté du Brésil, en soulignant bien le fait qu’elle me tutoyait. Je me sentais encore plus ridicule et stupide. « Tout de suite. » Je tournai les talons et allai lui préparer son café. Elle me demanda alors si j’avais bientôt ma pause, si je pouvais prendre un café avec elle. Je restai un moment figée, dos à elle. Je fixais le comptoir, incapable de bouger, de penser. Puis je fermai les yeux un moment, respirai, puis me tournai vers elle, une main appuyée sur le comptoir, l’autre bras le long de mon corps. « Hum … oui, je … j’imagine que je peux bien faire ça. » Je terminai son café brésilien, le lui tendit avec un sourire et allai voir ma superviseur pour lui demander si je pouvais prendre ma demi-heure tout de suite, exceptionnellement. Elle accepta, puisqu’il n’y avait personne. J’espérais que cette discussion avec Romane ne serait pas une corvée ; ma pause était précieuse. Je me fis donc un café à la vanille française et allai m’asseoir avec la meilleure amie de Pacey. Je lui souris, les mains emprisonnant mon café, les réchauffant. « Alors … de quoi désirais-tu me parler ? » J’étais anxieuse, nerveuse. Je ne savais pas si c’était un bon ou un mauvais signe de voir Romane ici. Peut-être voulait-elle simplement faire la connaissance de la colocataire de son mari, ou peut-être avait-elle appris mes sentiments pour Pacey et maintenant, elle voulait que je foute le camp de chez lui. Ce qui serait compréhensible.