La météo n’était pas très clémente ces temps-ci. Le soleil se cachait derrière les nuages gorgés d’eau. La pluie ne se faisait pas rare. Malgrès mon anorak, ce matin j’arrivais trempé au boulot. Super pour débuter un nouvel emploi ! Comment cela s’était il produit ? Pour simplement en attendant le bus. Comme il y avait du monde à l’arrêt, j’avais voulu m’appuyer contre le bord de la poubelle du kiosque où j’achetais chaque jour mon magazine. Malheureusement, contrairement à ce que je pensais, la fameuse poubelle n’était pas scellée au sol, c’était celle que le marchand mettait à disposition à la population pour ne pas avoir de détritus à terre devant son stand. Je tombais donc avec la poubelle sur le trottoir. Et avec ma chance légendaire… PLOUF ! Dans une claque de boue ! Et encore SPiCH ! Un petit con en voiture avait trouvé amusant de rouler à toute vitesse devant moi, roues dans le caniveau, afin que je me prenne une douche de boue supplémentaire… La poisse ! Ce fût sous les rires des passants et sans aucune aide de leurs parts que je me relevais et fis demi tour à mon appartement pour me changer. Comme si je n’étais pas assez en retard… Montre en main, il me restait un petit quart d’heure avant le bus suivant. Le temps de faire l’aller et retour, il me restait moins de cinq minutes pour me faire un minimum présentable. Douche rapidos pour ne plus avoir de boue sur la peau et dans les cheveux. Je m’habillais avec des vêtements propres et retournais à l’arrêt de bus. Je n’avais plus qu’une fine veste pour me protéger de la pluie. Je me pointais avec dix minutes de retard au Starbuck Coffee. Ca me faisait bizarre de revenir. Lorsque je venais ici, j’enseignais encore à Berkeley. C’était aussi le lieu de mon premier rendez vous galant avec Viktoria. Cela faisait un an et demi et pourtant je m’en rappelais comme si c’était hier. Après notre premier baiser échangé dans mon bureau, nous ne savions pas comment réagir l’un face à l’autre. Chacun était reparti chez soi. J’avais la trouille au ventre que ma douce Sampi décide de quitter mon cours et ne plus me revoir. Je l’aimais déjà. Je ne la connaissais que depuis quelques heures mais je l’aimais déjà. Connaissez vous le coup de foudre ? Un simple regard avec l’autre personne et vous restez cloué sur place. Vous l’avez un peu l’impression de faire comme un malaise car vous vous sentez tout chose. Mais votre cœur vous rappelle à l’ordre en tambourinant dans votre poitrine. Viktoria était assise au troisième rang. Seconde table sur la gauche. Elle avait une jolie robe blanche à fleurs rouges. Mais ce n’était pas ce que me marquait le plus de cette rencontre. Lorsque ses grands yeux verts croisèrent mon regard, j’eus un violent frisson qui traversa tout mon corps. J’étais entrain d’expliquer mon cours et d’un coup je ne savais plus où j’étais ni qui j’étais. Sous l’étonnement de mes élèves, je mis un petit temps avant de continuer mon cours. Sentant mes joues chauffer. Durant le reste de l’heure, j’avais évité de regarder Viktoria. En revanche j’avais perdu toute confiance en moi. Constamment sous le trac que je n’arrivais plus à maitriser…

Mon patron n’avait pas apprécié mon retard. De mauvais poil, il me colla un avertissement. Super ! Je sentais que j’allais bientôt refaire les petites annonces pour trouver un autre job. Décidément… J’avais commencé mon poste en nettoyant et préparant les tables de la salle. Comme ça elle était déjà prête à accueillir nos clients. Ensuite un collègue m’expliquait comment les machines à café fonctionnaient, comment on les rechargeait… Je fis un essai qui semblait plutôt concluant. Puis arriva le moment où une jeune femme me passa sa commande. Elle désirait un café à la cannelle. Sur ces mots, je ne pus m’empêcher de baisser la tête tristement. Viktoria adorait cette boisson. C’était sa favorite. Ravalant difficilement ma salive, je m’exécutais quand la cliente me questionna si cela allait. Je relevais la tête vers elle, lui acquiesçant un sourire bref. En versant le café à la cannelle dans la tasse, mes pensées s’échappèrent à nouveau vers mon ex. L’odeur du breuvage me fit fermer les yeux. Viktoria. Déjà j’oubliais le Starbuck Coffee, ma cliente… Je n’avais plus que ma belle en tête. Ce fût le cri de mon patron qui me réveilla. AÏE ! Voilà que je renversais tout sur le comptoir, sur la cliente et aussi sur moi. Second avertissement. Mon patron déclara à la jeune femme que le nettoyage de ses habits lui sera payée et me précisa que cela sera décompté de ma paye. Pendant ce temps là, un garçon qui était dans la salle depuis un moment commençait à nettoyer le comptoir. « C’est gentil merci, je vais terminer. Pour… Pour vous remercier, je vous paye votre prochaine consommation. » Pas une seule fois, je n’osais regarder mon aidant. Honteuxde toutes mes bêtises. Heureusement que Viktoria ne me voyait pas en ce moment. Je me sentais si minable sans elle…

Je finissais de nettoyer les dégâts que j’avais faits lorsque le jeune homme prit un sac en me demandant s’il devait le payer. Il sortit son portefeuille et déposa un billet sur le omptoir. Je ne comprenais pas le pourquoi du comment de cet argent. Sous mon regard médusé, mon patron me poussa brusquement pour prendre ma place. Il prit la monnaie et la fourra dans son sac banane attaché autour de sa taille au lieu de la mettre dans la caisse. « Mais… Euh… Pourquoi vous… ? » Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase qu’il me répondit « C’est un pourboire Crétin ! » Ah ? VDM ! Et dire que j’aurais pu me faire un peu d’argent de poche. Bah c’était loupé du coup… « Allé va prendre ta pause. » En voyant la lassitude dans son regard, je compris qu’être loin de mon patron lui ferait des vacances. C’était évident que je l’avais bien énervé. Je n’eus pas le temps de rincer mon éponge que le jeune inconnu bien sympathique m’empoigna et me traina avec lui à l’étage. Je ne savais pas ce qu’il voulaiit. Mais très vite il me le fit savoir. Le garçon demanda que je retire mon haut. « Pourquoi voulez vous que je me déshabille ? Nous ne sommes pas dans un bar de striptease. Et je ne suis pas une jolie jeune femme attirante non plus. » Le garçon m’obligea quand même. Je m’étais un peu débattu car j’avais peur. Oui j’avais eu peur que ce mec veuille me violer ou ne sais je quoi d’autre. Adolescent, j’avais été témoin du viol d’un autre gamin. C’était horrible. Je refusais que cela m’arrive aussi. « Pitié, ne me faites pas de mal… » Quoique… Pouvait il me faire plus de mal que je ne souffre actuellement ? J’en doutais fortement. J’avais perdu la femme de ma vie. Plus rien n’avait d’importance à mes yeux. Lorsque le garçon me lança un tee shirt, je me sentais davantage imbécile. En plus il souhaitait m’aider. Tout simplement. Le vêtement était neuf. Il y avait encore l’étiquette avec le prix attachée dessus. D’ailleurs en lisant les chiffres… Il était hors de prix cet habit ! Jamais je n’avais payé aussi cher pour des fringues. Je n’avais jamais eu les moyens non plus de me tourner vers le luxe. Je repoussais le bout de tissu vers son propriétaire « Non merci. Je ne peux pas accepter. Me sentant nu malgré que je cachais mon torse comme je pouvais avec mes mains, je repris mon tee shirt et le remis. Je m’éclipsais dans les toilettes pour nettoyer avec de l’eau et du savon les tâches que j’avais fait en renversant du café. Peu après que je sois entré, j’entendis la porte derrière moi. Le garçon m’avait suivi. Je faisais comme si je ne l’avais pas entendu.

Torse nu, je me sentais encore plus moche que d’habitude. Je n’aimais pas mon corps. Je ne supportais pas qu’on le regarde. J’avais toujours été assez mince. Mais depuis que Viktoria m’a quitté, j’avais perdu pas mal de poids. Je n’avais pas faim, ne mangeais presque plus. Mes os se dessinaient sur ma peau pâlotte. Je ne souriais plus, évitais sans cesse le regard des gens. Des cernes bien contrastées s’étaient installées sur mon visage. Je négligeais l’usage du rasoir, oui c’était vrai. A quoi cela servait il que je tente encore de me faire beau ? Elle n’était plus là pour me voir. Et si bien même cela avait été le cas, Viktoria ne m’aimait plus. Elle était en couple avec un autre, mariée et attendait un bébé. Bref la vie rêvée quoi. Celle que je souhaitais partager… Avec elle. Seulement je n’avais plus aucun espoir. Tout ce que je voulais était son bonheur. Viktoria fut la seule femme avec qui j’eus une liaison. Et des relations. Etant très pudique, cela avait été dur pour moi de franchir le pas. D'autant plus que je ne savais pas comment m’y prendre. Si un jour je devais sortir avec une autre femme, j’ignorais si je serais encore capable de revivre tout ça. En rompant avec mon ex, par vengeance elle m’avait rabaissé plus bas que terre. Par la suite elle s’était excusée. Mais je demeurais brisé au fond de moi. Nous avions jamais réussi à nous remettre ensemble après cette dispute. En papillonnant avec les garçons, elle avait fini par trouver chaussure à pied. De mon côté je m’enfonçais dans la dépression. Ça me faisait vomir de la voir dans les bras d’un autre alors que je me rendais malade comme un chien pour elle. Je lui avais tout donné et même lancé sa carrière de star. En remerciement elle m’avait littéralement détruit. J’avais souhaité la détester mais je n’y arrivais pas. L’amour me rendait aveugle. Aujourd’hui encore j’osais espérer qu’elle m’avait réellement aimé. Qu’elle ne s’était pas jouée de moi…

Le jeune homme m’avait suivi dans les toilettes. Je tentais si bien que mal de nettoyer les tâches sur mon tee shirt. Je voulais que Viktoria soit là pour m’aider. Etant une femme elle savait surement mieux que moi comment faire pour éliminer du café sur du coton. Ah là là c’était fou combien elle me manquait. J’avais limite les larmes aux yeux. Ce n’était vraiment pas ma journée. Nous n’étions pas encore midi et j’étais déjà incapable de calculer le nombre d’humiliations que je m’étais encore tapé. J’étais déjà à deux avertissements. Donc à la limite du licenciement. J’avais perdu plus d’argent que je n’avais gagné car je devais payer le teinturier à une cliente. Le jeune inconnu qui était là entrain de s’énerver tout seul me faisait peur. Peut être qu’il m’avait suivi pour la tabasser. Qui savait ? Enfin quoiqu’apparemment non car il s’excusa et se présenta. Il sortit des toilettes. Après un temps d’hésitation, je le coursais et le rattrapais. Je lui tendis la main. « Pacey-Danyaël. » Les présentations faites, je l’emmenais s’asseoir à une table dans un coin de la salle. C’était celle où je venais quelque fois avec Viktoria. Notre couple étant interdit, on se mettait à l’écart des regards indiscrets. « Pourquoi voulez vous m’aider ? » Ce Jaden m’intriguait…

Sur la fameuse table en question, des notations y étaient gravées sur le bois dont une de la main de Viktoria. « Kattunge » entouré d’un cœur. Cela signifiait « Chaton » en norvégien. Elle l’avait écrite quand nous étions encore ensemble. C’était un soir peu avant les vacances de Noël. Elle m’attendait secrètement ici pendant que je donnais mon dernier cours. J’avais si hâte de la rejoindre. De la prendre dans mes bras. De sentir son odeur. De l’embrasser… Bref ! C’était le bon temps. Tout ceci était aujourd’hui terminé à mon grand désespoir.
Assis à la table, je touchais la gravure du bout de mes doigts. Je me perdais sans m’en rendre compte dans mes pensées. Elles étaient tournées vers mon ex petite amie. Comme toujours. Inutile de le préciser. Il s’était peut être passé quelques secondes avant que je refasse surface. Jaden me fixait sans rien dire. Cet homme piquait ma curiosité. A tel point que je ne pus m’empêcher de lui demander le pourquoi du comment de son aide. Et apparemment… Ce type là ne savait pas non plus pourquoi. Prétextant que c’était dans son tempérament. Sans aucun doute que je lui faisais pitié d’une manière ou d’une autre et qu’il ne préféreait pas me l’avouer par peur de me blesser. Cette option là me semblait la plus évidente vu son comportement. Jaden regardait le sol. Pour réponse, j’acquiesçais simplement de la tête. Garder le silence était mieux que dire du grand n’importe quoi. Surtout que j’excellais pas mal dans ce domaine.
Cette interruption de parles dans notre conversation qui n’avait pas encore réellement commencé se faisait pesante. D’autant plus que j’entendis mon patron à l’étage inférieur m’appeler. Au son de sa voix, il était évident qu’il n’était pas content. J’étais censé être en pause. Ce fut même lui qui me l’avait imposé. Et maintenant il me réclamait… Ralala ! Jamais contents les patrons ! Je regardais ma montre. Ma pause ne durait décidément pas longtemps. A peine cinq minutes…
Jaden me proposait son croissant. C’était bien gentil de sa part. « Non merci. Je n’ai pas faim. Et puis si mon boss me voit manger avec toi, je crois que cette fois ci je suis bon pour la porte. » Sans le vouloir, j’avais tutoyé mon client. Pris de panique par la fureur de mon employeur mais aussi de ma bourde, je me levais précipitamment. [i] « Désolé je… Je dois reprendre mon service. A plus tard peut être… » Je m’éclipçais immédiatement. Aussitôt au rez de chaussée, je me fis sarmonner. Le patron me prenait réellement pour un chien qui quand on le siffle, il doit accourir de suite à ses pieds. Jetant un coup d’œil à mon collègue, je n’en menais pas large. J’ouvris la bouche pour me justifier mais le supérieur ne me laissa pas d’autre fois que de prendre mes clics et mes clacs. Je venais de me faire viré. Super ! Trois renvois ce mois ci…
Je rendis mon tablier, pris ma veste et sortit dehors sous la pluie qui ne cessait de tomber. Je me dirigeais vers l’arrêt de bus pour rentrer chez moi.