CAMERON & AIDAN

❝ Lost and insecure, you found me ❞

Les premières notes de « Sulsburry Hill » fameuse chanson de l’ex chanteur de Genesis, Peter Gabriel, résonnèrent dans la chambre encore plongée dans la pénombre. Sans motivation aucune, un bras s’extirpa de sous la couverture pour se tendre en direction de la table de nuit, la main se mettant alors à tapoter le dessus du meuble à l’aveugle jusqu’à buter contre le téléphone portable qui émettait sa sonnerie de réveil, signe qu’il était temps de sortir de son sommeil. La musique éteinte, Aidan soupira et bougea légèrement la tête, s’autorisant quelques secondes pour refaire réellement surface. Et ce ne fut qu’après ces quelques secondes qu’il sentit une présence à ses côtés, celle de Logan qui, encore profondément endormie, était logée contre lui, sa tête reposant dans le creux de son cou. Sa respiration régulière venait caresser sa nuque, le faisant sincèrement hésiter quant au fait de se lever pour se rendre en cours ou non. La soirée qu’ils avaient passée hier avait été des plus éprouvantes, et pour cause ! Ils s’étaient retrouvés par pur hasard dans le même bar du centre ville et Aidan s’était vu intervenir alors qu’un autre étudiant Berkeleyen tentait de s’approcher un peu trop de la jeune femme. L’altercation avait fini en bagarre, Logan avait obligé l’Irlandais à rentrer chez lui, l’accompagnant pour soigner ses blessures. Et de fil en aiguille, leur conversation avait dérapé au point où tous les deux avaient fini en larmes, à se lancer des phrases qu’ils ne pensaient pas réellement, ou qu’à moitié. La jolie blonde n’avait pas tenu très longtemps et avait fini par s’enfuir de l’appartement, rattrapée rapidement par Aidan qui l’avait trouvée dans la rue, en pleine crise d’asthme. Il avait heureusement réussi à la calmer et, pour le reste de la soirée, ils avaient semblé réconciliés, formant le couple qu’ils avaient pour habitude d’être. Preuve étant qu’elle avait passé la nuit dans ses bras, ce qui expliquait sa présence contre lui au réveil.

Se remémorant progressivement cette soirée désastreuse –ou pas-, le jeune homme finit par passer une mains sur son visage et se força à s’extirper de son lit le plus délicatement possible, afin de ne pas réveiller la demoiselle qui dormait encore et qui n’avait pas cours ce matin là. Tache accomplie, il prépara ses vêtements qu’il emmena avec lui dans la salle de bain, à savoir un jeans foncé, un tee-shirt gris clair et un sweat-shirt plus foncé. Enfermé dans la pièce, il prit une douche rapide et, serviette enroulée autour de la taille, se lava les dents et se coiffa avant d’enfiler ses vêtements et de terminer sa coiffure. Une fois la buée recouvrant le miroir s’étant à peu près dissipée, la vision de son reflet le frappa : si Logan s’était occupée de nettoyer ses blessures la veille, il faisait pourtant peur à voir. Son œil droit était souligné d’une marque bleutée, son arcade laissait voir une trace de sang séché et la bordure de ses lèvres était gonflée. Passant le bout de ses doigts contre les traces de sa bagarre, Aidan grimaça. Il allait devoir supporter les regards des étudiants qui allaient certainement se voir intrigué à la vision de son visage se rapprochant de la défiguration. Soupirant, il jeta un coup d’œil à sa main blessée et constata une fois de plus qu’elle était loin d’être guérie. Alors il l’entoura d’un bandage, histoire de camoufler les égratignures marquant ses phalanges qui prouvaient que lui aussi avait donné des coups –et pas des moindres. Puis, se voyant avec l’appétit complètement coupé, il rangea la salle de bain et retourna dans sa chambre pour enfiler son blouson en jeans, une parie de converses et son bonnet qu’il enfonça sur sa tête en espérant détourner l’attention des gens et éviter ainsi d’être dévisager. Se rapprochant du lit, il observa quelques secondes Logan et fut touché de la voir aussi paisible. Elle semblait si calme, si tranquille, en parfait contraste avec l’état dans lequel elle s’était retrouvée la veille au soir. Se penchant alors vers elle, il alla déposer un baiser sur son front et lui laissa un rapide mot griffonné sur un morceau de papier qu’il laissa sur la table de nuit afin de lui expliquer qu’il était à l’université pour ses cours. Finalement, il attrapa son sac qu’il passa en bandoulière autour de son torse, s’empara de la sacoche de son appareil photo réflex, de ses clés et de son téléphone et, tout en joignant ce dernier à ses écouteurs, il se dirigea vers la porte d’entrée de son appartement, prêt à partir pour la fac.

Passant les portes principales de l’université, l’Irlandais eut la soudaine sensation que tout le monde le dévisageait. C’était comme si toutes les lumières étaient tournées vers lui pour le dénoncer aux yeux de tous avec un mesquin « Eh regardez, il s’est battu avec un inconnu ! ». Enfonçant légèrement sa tête entre ses épaules, il monta le volume de sa musique et pressa le pas pour se rendre au plus vite dans sa salle de cours, rasant presque les murs et se fondant dans la masse d’étudiants tel un caméléon désireux de se cacher de la vue de son ennemi. Heureusement pour lui, il n’eut pas à marcher très longtemps pour arriver aux salles réservées aux étudiants en art, rejoignant alors celle de photographie. Une fois à l’intérieur, il ressenti cette même horrible sensation d’être dévisagé, mais en nettement moins forte étant donné qu’il n’y avait qu’une poignée de personne présente dans la salle. Alors, sans un mot et en baissant le volume de sa musique, il marcha jusqu’au fond de la salle, prenant alors place sur une chaise qu’il n’avait pas pour habitude d’occuper. Et pour cause : ce cours, il le suivait avec Cameron, son meilleur ami qu’il connaissait depuis des lustres, et tous les deux avaient plutôt pour habitude de se tenir vers l’avant de la salle, passionnés qu’ils étaient par la photographie. Sauf qu’à cet instant, Aidan ne voulait pas le voir. Il voulait rester seul, éviter toutes les questions que pourrait se poser son ami, et ainsi, il espérait lui échapper en restant au fond de la salle, son bonnet encore enfoncé sur son crâne et le col de son blouson légèrement remonté de sorte à dissimuler au mieux son visage marqué. Pour être d’autant plus sûr qu’il n’attirerait pas l’attention, il sortit alors ses affaires de cours, laissant son appareil photo dans sa fourre sur la table, puis il ouvrit son livre de théorie pour y plonger le nez, parcourant les lignes écrites en diagonale sans réellement les lire. Son but était simplement de se faire le plus discret possible si ce n’est existant. Avec un peu de chance, Cameron ne le remarquerait pas et lui enverrait un message pour lui demander où il se trouvait, message auquel il répondrait par un léger mensonge prétextant un mal de crâne qui le clouait au lit. Mais pour ça, encore fallait-il que son ami ne le trouve pas dans la salle.