Le réveil sonna sous les chants des oiseaux. Il était six heures du matin. Comme à mon habitude lorsque j’ouvris les yeux, je ne pouvais m’empêcher de tendre la main vers ma partenaire pour la prendre dans mes bras. Mais comme à chaque matin depuis son départ, je retrouvais sa place libre dans le lit. La chambre paraissait d’un vide immense sans elle. Viktoria était mon ange, mon soleil, ma bulle d’air. J’avais trouvé un sens à ma vie grâce à elle. La Sampi était étudiante dans ma classe. Son plus grand rêve était de monter sur les planches. Lorsqu’elle incarnait un rôle, elle se sentait être une autre personne. Comédienne d’exception, le théâtre était un métier créé sur mesure pour ma belle. J’avais découvert cela le premier jour de notre rencontre. Quelques répliques échangées et un baiser unissait nos deux existances. Je ne sais pas ce qui m’avait pris sur le moment : ce fût moi qui fit le premier pas. Jamais auparavant je n’avais osé aller de l’avant avec une fille… Avec une femme… Viktoria était unique à mes yeux. Je l’avais compris dès le premier regard que j’avais jeté sur elle. Sa beauté m’avait cloué sur place. Sa personnalité aussi. J’avais immédiatement ressenti comme des papillons dans mon estomac. Et lorsqu’elle s’approchait de moi, je me sentais à l’étroit dans mes sous vêtements. Mes joues s’emprouprèrent facilement lorsqu’elle me montrait de l’intérêt. Etaient ce des signes d’un coup de foudre ? Oui je le pense. Avant je ne croyais pas à ses choses là. Il fallait le voir pour le croire. Je l’avais vécu. Viktoria fut mon unique compagne. Celle avec qui j’avais partagé mes premières fois. Du premier baiser à la perte de ma virginité.

Avec cette nouvelle année scolaire, j’avais pris des résolutions. A l’heure actuelle, j’étais encore incapable de savoir si elles étaient bonnes ou mauvaises. Il n’était plus question que je sorte avec une de mes étudiantes. Avec la promotion entrante, je n’avais pas encore instauré le tutoiement. Et en vue de tous les problèmes que j’avais connus l’an passé, il était préférable que je garde mes distances. Je ne pouvais pas me permettre un autre renvoi. Ne souhaitant plus être devant comme derrière la caméra, il ne me restait plus que mon emploi d’enseignant. Je voulais que Viktoria soit fière de moi. Malgré notre rupture, nous avions tout de même gardé contact.

Viktoria : " – Pacey…. Je crois que je suis enceinte… “

Le sujet de cette conversation fut le dernier que nous avions eu. Cette nouvelle m’avait dans un premier temps fait chaud au coeur. Fermant les yeux, je me voyais déjà père de famille et en compagnie de la femme que je n’avais jamais cessé d’aimer. Mais bien vite la réalité vint me claquer au visage. Notre couple avait cessé d’exister depuis un semestre déjà. Cet enfant ne pouvait pas être de moi. Viktoria avait toujours eu ses règles jusqu’au mois passé. Matthias avait décidé beaucoup de chances. Il réalisait tous mes fantasmes. Si la grossesse venait à se confirmer, il ne restait plus que le mariage pour qu’il vive mon rêve entièrement. Celui que je ne réaliserais jamais.

Pacey : " – Excusez moi, vous me disiez ? “

Je venais à l’instant de me rendre compte qu’une de mes étudiantes me parlait. Et moi je n’y avais pas fait attention. Viktoria hantait toujours mes pensée.

Pacey : " – Euh… “

Je restais interdit face à la familiariter dont cette jeune femme faisait preuve. Viktoria, au secours !!!!

Pacey : " – Restons au vouvoiement si vous me le permettez… “

Viktoria ne savait pas que je l’aimais encore. J’avais appris à dissimuler mes sentiments pour ne pas perdre son amitié. C’était tout ce qui me restait d’elle.

Pacey : " – Je ne vois pas en quoi le fait que ma journée se soit bien passée puisse vous intéresser. “

A son regard, je me rendit compte de la sécheresse avec laquelle je lui causais et je n’aimais pas cela. Ca ne me ressemblait pas.

Pacey : " – Vous… Que pensez vous de mon cours ? “

Je m’en voulais déjà d’émettre cette barrière invisible entre cette jeune étudiante et moi même. A tel point que j’étais incapable de poser un prénom sur sa personne. Nous étions encore en début d’année scolaire certes, mais l’année passée je connaissais déjà tous mes élèves à cette période. C’était la première année que j’enseignais. Je voulais être au top et original. En aucun cas j’avais souhaité devenir un professeur merdique distant avec ses étudiants. L’année passée fut merveilleuse. Du moins le premier semestre. Etant un des enseignants les plus jeunes, j’avais refusé cette barrière invisible qui me séparait de mes classes. Ce piédestal qui faisait de moi l’homme de pouvoirs qui notait son public afin de définir les intellos des cancres lors des interrogations. Certes je reléguais mes connaissances théoriques et historiques du cinéma. Mais avant tout, je partageais ma passion pour mon métier. Non pas celui d’enseignant. Mais bel et bien celui d’acteur réalisateur. Aujourd’hui, amer de la vie et de l’amour, je me planquais derrière un bureau telle une solution de facilité. Me mettant volontairement des oeillères pour ne pas m’attarder sur mon public mais sur mes cours. Enfin… Tel était ce que je voulais faire paraitre pour me montrer un semblant professionnel. Mais bien visiblement je m’étais trompé. Les dires de mon étudiante… Zut ! Comment elle s’appelait déjà ? Impossible de m’en souvenir. C’est pathétique de ma part ! Les dires de cette jeune femme me laissèrent interdit l’espace d’un instant. D’abord surpris – et non choqué – j’étais dans l’incapicité de lui répondre. Sa réponse eut l’effet d’une bombe à retardement dans ma tête. BOUM ! Tu vas droit dans le mur Pacey ! Il faut absolument que tu réagisses et tout de suite !

Pacey : " – On… On ne peut pas vous reprocher votre honneteté… “

Je fronçais les sourcils en baissant la tête. J’étais à la fois triste et en colère. Non pas pour Br…. Bri…. Britany ! Ca y était, je me rappelais enfin de son prénom ! J’étais hors de moi non pas à cause de mon étudiante. Je l’étais contre moi même. La vérité faisait mal. Je ravalais difficilement ma salive.

Pacey : " – Et vous… Tu… Tu me conseilles quoi pour améliorer mes cours si je suis si pathétique que cela comme enseignant ? “

La tristesse prit le dessus. J’avais essayé de maintenir le regard de Britany en relevant la tête mais je n’y arrivais pas. Au lieu de cela, je me mis à fixer une chaise bien précise dans ma classe. C’était celle que Viktoria prenait lorsqu’elle était encore à Berkeley. Lorsqu’elle suivait mes cours. La première fois que je l’avais vu, elle était assise là à m’écouter. J’étais immédiatement tombé amoureux d’elle. A l’époque, j’étais considéré comme l’un des meilleurs professeurs de cette université. J’étais connu pour mon côté fort amical avec mes élèves. Ils n’avaient pas besoin ou presque d’apprendre mes cours une fois qu’ils sortaient de ce lieu. J’avais un sens hors du commun et tellement passionné que je mettais de la vie comme jamais dans mes leçons. Les cours de Mr Stenfler n’étaient pas du vulgaire gratte papier. Non c’était tout sauf ça ! J’utilisais la pratique la préférant à la théorie. Ainsi cela marqué plus la mémoire de mon public. C’était tellement agréable cette époque… En me larguant, en me laissant seul ici Viktoria n’avait pas seulement brisé mon coeur. Elle m’avait aussi pris ma joie de vivre. Maintenant et cela grâce à Britany, je réalisais à quel point j’étais perdu sans elle. Sans Viktoria. Et ça faisait horriblement mal.

Lorsque mon regard se posait sur l’ancienne place de Viktoria, mes yeux fixèrent tristement le mobilier. Jamais à aucun moment je n’avais prêté attention aux étudiants qui s’y installèrent depuis le départ de ma bien aimée. Je ne savais même pas que Brittany s’y mettait pendant mes cours. C’était pour dire à quel point mes pensées demeuraient tournées vers mon ex petite amie. Je savais que depuis le mois de mars mon comportement avait changé. Avant j’étais considéré comme l’un des meilleurs enseignants à Berkeley. L’année passée, j’étais nouveau dans le corps professorat. Apprenant mon métier sur le tas, je m’étais – sans le savoir – fait une excellente réputation. Je n’aimais pas les cours magistraux. Gratter du papier pendant des heures et des heures, c’était d’un ennui mortel ! Non moi, j’avais opté pour l’apprentissage basé sur la pratique. Premièrement, jamais je ne respectais l’emploi du temps que mon patron me donnait. Détestant les amphithéâtres, je les évitais comme de la peste. J’avais instauré une sorte de jeu de piste. Sur la porte de la salle où on était censé faire classe, je collais une feuille blanche avec un peu mot dessus. Lorsque j’avais la flemme de noter ma petite devinette, je notais directement où mes élèves pouvaient me trouver. Souvent lorsqu’il faisait beau, nous nous installions sur les pelouses de Berkeley. Rien de tel que le plein air. Si mes cours étaient fixés entre les midis, on se faisait des piques-niques improvisés. J’étais le seul professeur a réussir à obtenir une salle de bibliothèque pour faire mes cours. D’ailleurs ça me rappelait celui que j’avais fait sur le cinéma muet. C’était tout au début de ma relation avec Viktoria. J’avais emprunté à l’université un vieux projecteur pour diffuser quelques séances en noir et blanc. Ma Princesse chérie s’était installée dans le fond de la salle. Ni vu, ni connu, je l’avais discrètement rejointe durant la projection. Bien évidemment comme notre relation était interdite, on ne pouvait pas se prendre dans les bras l’un de l’autre et encore moins s’embrasser devant autrui. C’était une douce torture de ne pouvoir que lui frôler la main. La caresser tendrement de façon à ce que l’on ne nous surprenne pas. C’était la belle époque. En y repensant, mon coeur se brisait davantage. Plus jamais je n’aurai la chance de revivre ça. Plus jamais je ne pourrai lui caresser la main et encore moins l’embrasser. Ma gorge se serrait. C’était fou comme son absence m’était insupportable. Sept mois qu’elle m’avait largué et cela m’était toujours aussi douloureux. Jamais elle ne reviendrait vers moi. Avec lui elle était heureuse et comblée en tout point de vue. Il n’avait aucune lacune et de l’expérience avec les femmes. Ce qui n’était pas mon cas avant de sortir avec Viktoria. Notre différence d’âge n’avait rien arrangé. Je n’avais aucune confiance en moi. J’avais continuellement peur de la perdre. Et ce qui devait se passer, se passa…

Pacey : " – Euh… Oui… Vous… Vous avez raison. Je suis le professeur et je me dois de trouver solution à mon problème d’incompétence… “

Ma voix n’était que peu audible et monotone. Brittany avait raison de m’ouvrir les yeux sur mes points faibles. Mon plus gros problème n’était pas d’enseigner non. En y réfléchissant, j’étais vide. Vidé de l’espoir et de la joie de vivre. Je regardais à nouveau sur la chaise de Viktoria. J’attendais inlassablement comme si un jour je la reverrai assise dessus. Mais ce n’était que fantasmes. Ou bien souvenirs. Je ne savais pas. Je ne savais plus. Je savais seulement que je devais me mettre à l’évidence vis à vis de mes problèmes et de leurs conséquences. Un point c’est tout.

Tout à coup, Brittany se mit à parler allemand. Ne comprenant pas ce qu’elle me disait, j’eus un air étonné. Elle s’excusa puis me traduit ses paroles. Elle voulait me donner un surnom ? Quel drôle d’idée elle avait là ! Avant même que je ne réagisse, elle m’en trouva un qui… Interdit, je restais planté sur place durant l’espace de quelques secondes. Je sentis même mes joues chauffer légèrement. J’étais très certainement plus inexpérimenté qu’elle. Cela a de soit.

Pacey : " – Euh… Hum… Je vais réfléchir à comment faire pour améliorer mes cours… Sur ce, bonne soirée… “

Je me dépêchais de ranger mes affaires. Je n’avais pas réagi sur la façon que Brittany m’avait surnommé. Elle n’était pas si loin de la vérité en réalité. Je préférais faire comme si je n’avais rien entendu. Viktoria me manquait. Lui faire l’amour aussi me manquait. J’étais frustré comme jamais je ne l’avais été avant de la connaitre. Quoi de plus normal me diriez vous. Je sortis précipitamment de la classe. Brittany me rattrapa.

Pacey : " – Vous désirez autre chose ? “