Elle venait d'avoir 20 ans, elle était sur le point de terminer sa première année redoublée à l'université, mais elle venait surtout de vivre une expérience hors-du-commun. Une expérience qui laisse des marques, comme on dit. La peur, la mort, l'odeur du sang. Jamais elle n'avait songé vivre quelque chose comme cela dans une existence, et c'était clair, ça l'avait changée. Le changement avait fait partie intégrante de cette année, à un point où elle avait du mal à se souvenir de qui elle était vraiment avant d'arriver ici. Tout avait commencé avec cette envie d'arrêter la drogue. Puis, des rencontres - de belles rencontres - l'avaient poussée à se projeter dans le futur, à se créer un avenir. Étrangement, elle s'était arrêtée de douter, elle avait fini par prendre conscience de ses capacités et une certaine confiance de soi s'était installée. Entre amour et amitié, ambition et réussite, Shiloh s'était rendue compte que sa vie d'avant existait de moins en moins. Mais il est difficile de tirer un trait définitif sur ses vieux démons, et ça l'est d'autant plus lorsqu'en cours de route, on obtient déception ou frustration. Après tout, la vingtaine faisait d'elle une femme toujours aussi jeune que celle qu'elle était à dix-neuf ans. Une jeune femme avec ses problèmes de coeur et de recherche de soi. Il était donc impensable à ce moment là d'envisager plus de changements qu'il n'y en avait déjà. Seulement, à la plus grande stupeur de tous, le grand drame s'interposa, et laissa une cicatrice dans l'histoire de Berkeley. Une fusillade. C'était ça qui l'avait vraiment changée, ou plutôt, qui l'avait poussée à saisir ce tournant de sa vie pour aller jusqu'au bout. Pousser le changement au maximum, en fait. Aujourd'hui, samedi début d'après-midi, elle poussa la porte de sa nouvelle confrérie. Terminé les étiquette ridicule de rebelle, anarchiste et m’en-foutiste. Enfin la voie d'accès à ses rêves se trouvait devant elle, accessible. Enfin, elle ne pouvait plus repousser à demain l'effort d'une meilleure vie, d'un meilleur avenir. Elle déposa ses premières bagages dans l'entrée. Peu de monde étaient présents et Coleen n'avait pas pu venir l'accueillir, elle était occupée. Dans un soupir à la fois de soulagement, mais à la fois d'angoisse face à la nouveauté, Shiloh retourna chercher d'autres cartons entreposé à l'arrière de sa voiture. Le temps de retourner à l'intérieur, une jeune femme, ravissante et tout sourire, prit les valises déjà posées au sol et les souleva en se présentant à Shiloh. C'était un visage inconnu, mais elle semblait sincère et la seule chose qui comptait vraiment en cet instant, c'était de trouver quelqu'un qui accepterait de l'aider et de lui faire une présentation des lieux. Même si Shiloh avait l'habitude des déménagements - puisqu'elle avait bougé toute sa vie - c'était la première fois qu'elle s'établissait dans un lieu qu'elle savait sien. Un lieu qu'elle savait adapté à ses attentes. Pour la première fois, elle était sûre de l'endroit où elle allait vivre. Pour la première fois, elle avait devant elle son "chez soi" qui le resterait plus d'une année. « Moi c'est Shiloh, enchantée. Merci pour ton aide ! Je suis logée au deuxième étage, chambre 2 si jamais. ». Ensemble, elles s'embarquèrent au deuxième et la jeune femme qui disait s’appeler Esmeralda jouait son rôle à la perfection, comblant les vides par des mots qui s'entrechoquaient tant elle avait l'air contente de pouvoir parler à quelqu'un de nouveau. Est-ce que tous les artistes agissent comme ça entre eux ? Ce qui était sûr, c'était qu'un accueil comme celui-ci n'était pas de refus. Une fois face à la porte, Shiloh sortit le double des clefs qu'elle avait été chercher au préalable au secrétariat du campus. Elle se tourna vers sa nouvelle rencontre qui avait déposé les cartons à l'intérieur de la chambre et lui adressa un sourire chaleureux qu'elle n'avait pas eu l'occasion de faire sous le poids des bagages. « Merci beaucoup pour ton accueil Esmeralda, je vais pouvoir m'installer tranquillement maintenant. J'aurais une petite question par contre, est-ce que ça t'embêterais de me faire visiter les lieux dès que j'aurais un peu allégé mes valises ? Je ne veux surtout pas t'embêter, mais je dois t'avouer que ça me rassure d'avoir quelqu'un qui accepte de m'aider d'office comme ça et étant donné que la seule personne que je connaisse ici n'est pas disponible aujourd'hui, ce serait vraiment super ! ». Acceptant d'une façon tout aussi aimable la demande de Shiloh, les deux jeunes femmes se donnèrent rendez-vous dans le hall d'ici une heure. « à toute à l'heure alors ! ». Se jettant sur le lit, Shiloh ne pu s'empêcher d'être émue à l'idée d'enfin tourner la page sur un passé douloureux et pénible qui l'avait tant poursuivie. Désormais, tout allait changé et elle ne serait plus jamais la jeune fille problématique et seule qu'elle était avant.