Le changement de ville de Jézabel avait été signification pour elle de pouvoir repartir d'un nouveau pied, sur de nouvelles bases et ne plus avoir à trainer son passé comme un boulet qui avait fini par l'entailler plus d'une fois la cheville. Elle avait juste envie de pouvoir oublier, de mettre tout ces sentiments négatifs de côté et voir la vie d'une autre couleur. Le rose était pas mal non? C'était la couleur qu'elle avait choisi, dorénavant elle se voulait être une personne optimiste et souriante, qui n'aime pas voir le mal et préfère même fermer les yeux dessus. Elle voit le monde à travers les yeux d'une utopiste et aime cette vision. Elle aime paraitre futile et naïve, elle aime le fait que les gens ne la connaissent pas, elle aime sentir ce nouveau regard sur elle, c'est une bouffé d'air dont elle avait besoin depuis tant d'année.. C'était comme une libération qu'elle ne s'était pas permise jusqu'à maintenant. Elle redoublait d'idées au quotidien pour les nouveaux personnages qu'elle incarnerait au fil des mois. Oui, elle voulait devenir actrice et elle faisait parti des adeptes de la pratique au quotidien dans la vie réelle. Pour elle, se mettre dans la vrai situation durant un laps de temps déterminé était le meilleur moyen pour savoir au final bien interpréter le rôle. Il était donc parfois difficile de la suivre, mais ses amis s'en amusent la plupart du temps, et la trouvent complétement barrée. Pour l'instant elle était dans l'apprentissage et donc refusait de se présenter à un casting tant qu'elle ne se sentait pas à la hauteur, elle ne voulait pas être ridicule devant des professionnels, ça serait se faire honte et leur faire honte par la même occasion. Vous allez me dire, pourquoi le droit alors? Pour sa mère qui voulait être sûr qu'elle aurait un métier plus tard, elle ne peut s'empêcher de s'inquiéter pour elle. Peut être s'en voulait-elle toujours de n'avoir pas réagit plus tôt avant que son père ne finisse par lever la main sur Jézabel? Allez savoir.. Mais la jolie blonde le ressent au fond d'elle et fera tout ce qu'elle lui demande, c'était la personne qui comptait le plus pour elle.
Aujourd'hui, Jézabel avait du mal à avoir le sourire, à être sociable, elle ne parla pas beaucoup lorsqu'elle s'était retrouvée dans la salle commune entourée d'epsilon. Non, elle semblait tracassée et angoissée à la fois, pourtant la journée semblait banale d'apparence, une journée de cours toute simple.. Mais non, il y avait plus pour Jézy', ce rendez-vous qu'elle avait en après-midi avec Esmeralda. Qu'est-ce qu'il y a de si dur? Cette fille connait son passé et apparemment par son père à elle qui partagerait la même cellule que le sien.. C'était la première fois qu'elle ré-entendait parler de son père depuis qu'il avait été mi derrière les barreaux il y a plusieurs années de cela. Elles avaient échangé déjà à plusieurs reprises quelques mots mais la situation rendait tellement fébrile la jeune femme qu'elle n'avait pu aller plus loin avec elle. Reparler de cela était la replonger dans sa vie d'avant, ce qu'elle ne désirait pas mais pourtant..aujourd'hui, elle était bien là, sur ce bas dans un petit morceau de verdure reculé, à attendre Esmeralda qui ne devrait pas tarder. Pourquoi avoir accepter ce rendez-vous? Peut être parce qu'elle se dit que ça ne lui ferait pas de mal de parler un peu de ça? Peut être aussi parce qu'elle est curieuse et aime le fait d'avoir trouver quelqu'un au passé sombre avec un père en prison.. Elle n'avait jamais parlé à cette fille avant qu'elle ne vienne à sa rencontre pour lui annoncer la nouvelle. Elle semblait sympa d'apparence mais elle avait tellement de mal qu'elle ait percé son 'secret'.. Jézy' habillée d'un jean slim accompagné d'un chemisier blanc avec par dessus un gilet fin gris et aux pieds des talons aiguilles, les cheveux attachés en un chignon décoiffé, attendait patiemment la jeune femme, la boule au ventre..

Lorsqu’on venait dans une ville où on connaissait personne et où personne ne nous connaissait ce n’était certainement pas par pur hasard. Rares étaient les personnes qui décidaient de tout plaquer dans une ville où tout leur réussissait pour recommencer en bas de l’échelle avec ce qu’il y avait comme désagrément. Très rare même. La plupart du temps, la véritable raison était l’envie de changer de vie, de tout recommencer à zéro, dans une ville où personne ne nous connaissait, où personne ne nous jugerait. Quelles qu’en soient les raisons de départ qui nous poussaient à prendre cette décision, le résultat était le même : prendre un nouveau départ. C’était ce qu’Esmeralda avait fait, elle avait tout plaqué pour venir s’installer à San Francisco. Certes, elle restait dans le même pays mais, ça restait assez loin quand même. Lorsqu’elle s’était réveillée dans cette chambre d’hôpital seule et ses rêves gâchés à jamais, elle avait voulu partir loin, très loin de toute cette misère qui la poursuivait depuis tellement d’années et qui ne semblait plus vouloir la lâcher. Aujourd’hui, avec le recul, elle savait qu’elle avait pris la bonne décision, elle avait fait le bon choix, un choix qui lui permettrait de dormir sur ses deux oreilles pour le reste de sa vie. En acceptant de rester aux Etats-Unis et de témoigner contre son père, sa décision avait été prise, elle avait décidé de se battre pour vivre heureuse, avoir une meilleure vie que ce qu’elle vivait actuellement. Quatre ans qu’elle était à San Francisco, quatre ans qu’elle cachait à son entourage son passé, sa vie, ce qu’elle était avant, quatre ans qu’elle y arrivait aisément ou presque.

Pourquoi faisait-elle ça ? Pourquoi rouvrait-elle une plaie qui avait mis beaucoup de temps à cicatriser ? Pourquoi faisait-elle souffrir une jeune femme dans la même situation qu’elle ? Tout simplement parce qu’elle se voyait en Jézabel, elle savait ce qu’elle pouvait ressentir, elle connaissait ce sentiment d’impuissance face à son passé et ces efforts fournis pour faire en sorte que cela reste dans le passé. Le problème était que ce genre de blessure ne cicatrisait jamais vraiment, il ne suffisait pas de simplement tourner la page et de se convaincre que tout irait pour le mieux afin que ce le soit. Le chemin jusqu’à la guérison était long et parfois même interminable et la seule chose qu’on pouvait faire était d’essayer d’aller mieux ou de s’aider à aller mieux. C’était pour cette seule raison qu’elle avait décidé de prendre contact avec la jolie blonde. Esme avait entendu parler de son existence grâce à l’agent Andrews, chargé de sa protection. Ce n’était pas toujours facile d’aborder ce genre de sujet avec la personne concernée, elle-même aurait été mal si les rôles avaient été inversés. Découvrir que ce qu’on tentait de cacher par tous les moyens nous revenait en pleine figure, pas facile. Prenant une profonde inspiration, la présidente des Sigma quitta sa voiture pour se diriger vers le parc de l’université, là où elle devait retrouver Jézabel. Maintenant que le moment de vérité était arrivé, la brunette n’était plus sûre de vouloir aller jusqu’au bout. Qu’est-ce que ressasser le passé pourrait leur apporter de bien ? Surement rien, surement tout. La seule manière de le savoir était de se jeter à l’eau et d’en voir les conséquences.

« Salut ! » Lança-t-elle en s’asseyant à côté de Jézabel. « J’espère ne pas t’avoir fait trop attendre ? »

Jézabel n'avait aucune envie qu'une autre personne à part elle sache la vérité sur son passé, mais apparemment c'était déjà trop tard puisque Esmeralda était au courant. Tout cela lui faisait peur, elle voulait garder cela pour elle car elle savait que sinon le regard des autres allait changer sur elle et elle ne pourrait aller de l'avant, tout cela la ramènerait en arrière. Elle espérait qu'Esmeralda ne soit pas le genre à colporter tout ce qu'elle savait parce que sinon elle mettait irrémédiablement une croix sur son avenir à Berkeley. Non, Jézy n'avait aucune envie de supporter le regard des autres durant encore plusieurs années. Après tout chacun avait son passé et avait le droit de le garder s'il le désirait, la jeune femme n'avait fait qu'éviter celle qui lui causait tant d'angoisse depuis ces derniers jours mais lorsqu'elle finit par lui donner un rendez-vous, elle s'est décidée enfin d'affronter la réalité. Si elles discutaient, au moins les choses seraient mises au clair et Jézabel serait fixée une bonne fois pour toute. D'ailleurs elle n'avait pas trop compris comment Esme' avait été au courant, apparemment son père était dans la même prison que le sien? C'était bien sa chance ça tiens! Mais en passant au dessus de son cas à elle, elle se demandait bien pourquoi son père avait atterrit en prison. Bon certainement pas qu'elle irait lui demander de but en blanc car elle n'aimait faire aux autres ce qu'elle n'aimerait pas qu'on lui fasse, elle la laisserait parler si elle en avait envie. Aujourd'hui était le jour et Jézabel ne pouvait s'empêcher d'être stressée par cette rencontre, elle avait peur de pleins de choses, elle savait que ce face à face serait une épreuve mais qu'elle devait l'affronter. Elle était assise là, sur ce banc dans un des parcs entourant la faculté, elle attendait patiemment la jeune femme, elle avait un peu d'avance, certainement à cause du stress. Elle s'était surement dit, plus tôt j'arrive, plus tôt j'en aurais fini.. C'est quand elle vit arriver Esmeralda que la jolie blonde sortie de ses pensées qui n'allaient nulles part au final. Elle eut même du mal à lui adresser un sourire quand elle vint la saluer, tellement elle était en attente de la suite. Elle acquiesça d'un mouvement de tête négatif tandis qu'elle s'asseyait à côté d'elle. Non, j'étais en avance. Lui fit-elle n'arrivant toujours pas à se détendre d'un poil, elle trifouillait ses mains, preuve de son anxiété. Un silence de quelques secondes vint prendre place, il était assez lourd et cela se ressentait que l'on attendait la suite, Jézabel avait du mal car elle aimerait direct parler du sujet pour lequel elles étaient toutes les deux là, mais c'était impoli non? Oh ce n'est pas grave, Jézy tourna son regard vers Esme' pour alors lui demander.. Tu ne diras rien, hin? Lui demanda t-elle, elle avait cette détresse dans le regard qui faisait clairement peine à voir. Elle n'avait pu s'empêcher de poser cette question directement car c'était la question qui la tourmentait le plus depuis plusieurs jours, elle ne savait pas comment était la jeune femme donc elle n'avait pu se faire une idée de ce qu'elle allait faire. Elle la regardait, toujours avec cette lueur dans le regard, attendant sa réponse avec une petite pointe d’appréhension..

Le sujet que les deux jeunes femmes allaient aborder n’était pas des moindre, elles n’allaient pas parler de la pluie et du beau temps, loin de là. Une conversation des plus sérieuses entre deux inconnues. C’était le genre de conversations que la brunette évitait en temps normal, le genre de conversation qu’elle arrivait à détourner avec brio mais, aujourd’hui, c’était elle qui avait tenu à parler de ça. Son père et celui de Jézabel. Deux hommes qui avaient fait de la vie de leurs propres filles un véritable enfer, deux hommes qui ne se souciaient pas du bien être de leurs familles, deux hommes qui ne méritaient pas de faire partie de la vie des deux demoiselles. Ce n’était certainement pas l’un des meilleurs sujets qui poussaient quelqu’un à avoir confiance en vous surtout quand cette même personne semblait en savoir beaucoup plus que ce qu’elle ne devait savoir mais, c’était un sujet à aborder surtout avec une personne dans la même situation. Esme ne se croyait pas meilleur que la jolie blonde, elle n’était même pas sûr d’avoir elle-même réussit à oublier cette histoire seulement, lorsqu’elle avait appris l’existence de Jézabel, elle avait tenu à lui parler, à faire sa connaissance et peut-être qu’elle avait espéré de cette manière mettre un terme à toutes ces années de souffrance. Quelle qu’en soit la raison, elles y étaient. Assises dans le parc universitaire, l’une à côté de l’autre, Esme offrit un sourire rassurant à sa vis-à-vis, elle ne voulait pas qu’elle pense qu’elle l’utilisait pour une quelconque raison ou pour faire du mal à qui que ce soit. Ses intentions étaient bonnes même si on pouvait croire le contraire. « Ne t’en fais pas, je ne dirais rien à personne. » La présidente avait tout intérêt à taire cette découverte autant pour la jolie blonde que pour elle. Son père n’était pas un enfant de cœur, faire partie de la mafia n’était pas un détail qu’on voulait voir étaler au grand jour. Et puis, ce genre de détails ne concernait personne d’autre qu’elles. Première chose à faire, convaincre l’Epsilon de lui faire confiance et lui faire confiance en retour, si elles voulaient passer à autre chose. « Je sais que tu n’as aucune raison de me faire confiance mais, crois-moi, je n’ai pas l’intention d’utiliser ce que je sais sur ton père contre toi, le mien aussi est dans la même situation alors, je sais ce que c’est… » Et même plus. Esme portait encore sur elle les marques d’ « affection » de son père. Des cicatrices sur le corps et un cœur meurtri. Parler de son père était pour elle une véritable torture, la seule évocation du nom de cet homme lui provoquait des frissons alors de là à en parler. Et puis, elle avait tout quitté à New York, allant jusqu’à changer de nom pour ne pas avoir à repenser à son passé ce n’était certainement pas pour en parler à tout va et vient. Seulement, à toujours taire cette partie de sa vie, cela allait finir par la dévorer de l’intérieur comme cela avait été le cas avec Duncan. « Ca fait longtemps que tu es à Berkeley ? »

Jézabel n'a jamais été le genre à se plaindre, à rendre public ce qu'elle ressentait même si parfois ses sentiments pouvaient se révéler tout seul sans qu'elle ne puisse rien y faire. Des fois il y a des choses bien trop grave, des choses qui vous touchent si profondément que même si vous le vouliez de tout votre cœur, ne pourraient être cachées. Jézabel a toujours été une personne plutôt pudique qui n'aime pas se laisser percer au grand jour. Pour elle, être percée au grand jour c'est lui dire directement qu'elle devra supporter durant un laps de temps incertain les regard ampli de compassion, de pitié dans le regards de ceux qu'elle côtoie régulièrement. Elle n'a aucune envie de cela, aucune envie de faire pitié, que les gens ressentent de la peine pour elle lorsqu'ils la voient juste parce que son passé ne l'a pas gâté. A San Francisco c'était une toute nouvelle vie, une vie qu'elle n'avait pas l'intention de gâcher à cause de son passé douloureux. Elle voulait juste faire une croix dessus les années noirs qu'elle avait vécu et voir la vie d'un autre œil, avec l'optimisme qu'elle n'avait pas eu à une époque. Jézabel savait qu'il fallait vivre avec son passé, chaque psy' pourrait te dire ce genre de paroles, mais de son point de vue, vivre avec son passé était juste impossible car elle ne le comprenait pas, vivre avec quelque chose qu'on arrive à percer est juste une mission vouée à l'échec. Pourquoi s'était-il mi à frapper sa mère? elle? Il y avait tant de questions qu'elle voudrait lui poser sans pour autant trouver la force d'aller jusqu'au parloir pour le voir et les lui poser. Pour elle, c'est comme s'il était mort, et pourtant elle ne pouvait s'empêcher de redouter le moment où il viendrait à sortir de cette cellule. Malgré les années qui s'étaient écoulées, la jeune femme avait toujours autant peur de son père que ça soit vis-à-vis d'elle ou de sa mère. Elle angoissait, elle se demandait si cette fille allait lâcher un mot sur cette histoire, ou si au contraire elle allait la comprendre car elle aussi avait son père en prison. Pourrait-elle vraiment se comprendre? Peut être pouvait-elle finalement trouver une amie en la personne d'Esmeralda car elles avaient la même souffrance? Elle ne savait pas et tant qu'elle ne serait pas fixé sur la première question, elle ne pourrait juste pas se sentir en confiance avec celle-ci. C'est comme si on lui avait enlevé un poids lorsque la jeune femme vint lui répondre qu'elle ne dirait rien. Le soulagement, voilà ce que ressentait Jézabel. Pouvait-elle lui faire confiance? Son regard lui disait que oui, et elle avait envie de la croire. Toutes les paroles qu'elle lui disait semblaient des plus sincère, elle esquissa un léger rictus au bord de ses lèvres comme pour lui dire qu'elle était désolée pour elle, pour son père. Qu'avait-il fait? La même chose que son père? Elle ne savait pas si les prisonniers ensemble dans une cellule avaient forcément commis le même crime, et elle n'avait eu l'occasion de lui demander. Serait-ce déplacé? Elle ne savait pas mais se disait que ça pouvait être une façon de se rapprocher. Jézy' hocha négativement de la tête lorsqu'elle vint lui poser cette question. Non, depuis le début de cette année scolaire. Lui fit-elle en la regardant avant de lui dire. Toi plus longtemps, non? Je sais que tu es présidente des Sigmas. Lui dit-elle ne pensant pas se tromper sur cette information. Cela se voyait qu'il y avait toujours quelque chose qui la chagrinait, elle semblait hésité à parler mais finalement un instant plus tard, se jeta à l'eau. Quand tu dis que ton père est dans la même situation, tu entends par là qu'il est condamné pour la même chose? Lui demanda t-elle essayant de prendre des pincettes, et ne semblant pas des plus sûr car le sujet était délicat, elle le savait mais elle avait le droit de savoir non? Elle avait apprit par elle-même que son père était en prison donc maintenant elle se demandait pourquoi, c'était naturel..

On n’oubliait pas, on pouvait essayer de toutes ses forces, de tout son cœur mais, on n’oubliait pas. Le temps ne faisait rien à part nous aider à mieux supporter la situation et c’était mieux que rien après tout. Il valait mieux pouvoir se lever le matin et réussir à se regarder dans un miroir en se persuadant que tout irait bien que de passer sa vie à ressasser encore et toujours le passé. On laissait de côté notre passé, on taisait ces sombres années qui avaient réussit à nous détruire pour ne pas bénéficier de la pitié d’autrui. Leurs regards emplis de désolation qui faisaient beaucoup plus mal que n’importe quel mauvais traitement. C’était l’une des raisons principales qui faisait que la jolie brune n’aimait pas parler de son passé, de sa vie à New York et de son père. Un homme en apparence si adorable et si gentil mais qui en réalité n’est autre qu’un être abominable qui ne se gênait pas pour frapper femme et enfant pour prouver qu’il était maître de la situation. Et tant qu’on ne l’avait pas vécu, on ne pouvait comprendre. Dès que ce genre de choses se savait, les gens tentaient de comprendre sans jamais vraiment y arriver, c’était différent lorsqu’on était l’un des acteurs de cette tragique situation et quand on se retrouvait en tant que simple spectateur. Alors, il valait mieux ne rien dire à personne pour ne pas risquer de voir les regards changer à son égard. Après la mort de sa mère et de son fiancée, Esme avait bien entendu consulté un psy, c’était la seule chose à faire pour espérer s’en sortir et éviter la dépression mais, elle ne parlait que très rarement de celui qu’elle ne considérait que comme son géniteur et ce n’était pas faute d’avoir essayé. Il lui avait fait tellement de mal à elle et à sa mère, il les avait brisé toutes les deux et il aurait très bien pu continuer s’il n’avait pas été stoppé à temps. Et qui sait ce qu’il serait advenu d’elles s’il avait fait partie de leur vie encore plus longtemps que ça. On les aurait surement retrouvées mortes, enterrées en plein désert, là où personne n’aurait pu les retrouver. La jeune femme ne connaissait pas l’histoire de Jézabel, elle n’en connaissait qu’une infime partie, elle ne savait même pas comment elle avait réussit à en ressortir vivante parce qu’il ne fallait pas se voiler la face, on craignait toujours d’y laisser la vie sous la brutalité des coups et si ce n’était pas le cas, on s’estimait heureux jusqu’à la prochaine fois. Malheureux mais réel. C’était à ça que se résumait leur vie en gros. Pas très glorieux pour beaucoup mais, assez pour les concernés. « Oui, c’est vrai… Ca va faire quatre ans que je suis ici ! Et je dois dire que je ne regrette pas d’avoir tout quitté pour venir m’installer dans cette ville… La vie me paraît beaucoup plus accessible ici… » Esmeralda avait toujours peur de son père et si elle venait à recroiser son chemin, elle redeviendrait cette petite fille sans défense qu’elle était autrefois mais, à San Francisco, elle avait pu penser à elle et à se reconstruire sans craindre de le croiser à chaque coin de rue. « Entre autre… Disons que mon père n’est pas très fréquentable et en plus de ça, il n’était pas tendre avec moi et ma mère, tu sais ce que c’est… » Son regard se perdit un instant au loin, les mauvais souvenirs remontaient à la surface et ce n’était jamais bon quand cela se produisait mais, il était peut-être temps de les laisser réapparaitre pour mieux s’en débarrasser. Enfin, c’était le seul moyen d’y arriver. « Je n’en parle jamais… Je veux dire, de lui, je ne parle pas de mon père, à personne, tu es bien la seule à savoir où il se trouve actuellement… »