Bored.
Tais-toi, satané cerveau, tais-toi.
Bored.
Je t’ai dit de te taire !
BORED !
TU VAS LA BOUCLER OUI ?!
Blue-Hellen ouvrit les yeux, au comble de l’exaspération. Irritée, elle se leva d’un bond de son lit et marcha à grands pas vers la fenêtre qu’elle ouvrit en grand d’un geste brusque, ignorant le vertige qui l’avait un moment aveuglée parce qu’elle s’était levée trop vite, et ignorant le vent qui soufflait sur ses bras et ses jambes nues. Elle avait passé la matinée allongée dans son lit à lire et relire ses cours et les livres qu’elle avait à terminer pour le mois suivant. Elle n’avait plus rien à faire. Et ne rien faire n’était pas dans sa nature. Son cerveau pourrissait s’il restait inactif, et elle détestait ça. C’était une hyperactive cérébrale, qui avait besoin d’une activité intellectuelle permanente pour se sentir bien. Si elle n’était pas occupée à réfléchir, elle s’ennuyait. Et l’ennui était pour elle la pire des punitions.
En poussant un long soupir, elle s’approcha de sa penderie et en sortit quelques vêtements sans les regarder, avant de se débarrasser du débardeur et du boxer qui lui servaient de pyjama et entrer dans la douche. Elle tourna le robinet et resta de longues minutes sous l’eau chaude, le visage et les cheveux inondés, ses muscles contractés subitement détendus. Elle fonctionnait comme ça. Par phases. Contractée. Détendue. Contractée. Détendue. Sur le qui-vive. Vulnérable. Aux aguets. Sans défense. Un cycle perpétuel et sans fin. Blue-Hellen était une boule de nerfs. De nerfs à vif.
Elle sortit de la douche et s’enroula dans une serviette de bains avant de s’habiller, enfilant sans vraiment y penser une robe noire courte et sobre, dont l’étroitesse faisait ressortir sa minceur presque excessive. Elle ne sécha pas ses cheveux, préférant les laisser sécher tous seuls, et enfila une paire de chaussures avant d’attraper son sac et sortir en fermant la porte derrière elle. Sortir, prendre l’air. S’occuper.
Elle prit le bus qui le menait ordinairement à l’université, se demandant pourquoi elle mettait le cap vers le campus alors qu’on était dimanche. Il n’y aurait probablement personne, et la bibliothèque était fermée. Que faire alors ? Elle ferma les yeux, et laissa son esprit vagabonder quelques instants. Ses doigts se mirent à pianoter sur la barre à laquelle elle se tenait. Les yeux bleus se rouvrirent. Voilà. Elle avait envie de jouer du piano. Pourquoi n’y avait-t-elle pas pensé plus tôt ? Un vague sourire aux lèvres, elle descendit du véhicule d’un pas allègre et se dirigea vers la salle de musique. Gracieuse et de meilleure humeur, elle décrivit un tour sur elle-même au rythme d’une musique qu’elle seule entendait et tourna dans le couloir où elle trouverait la bonne salle. Elle s’apprêtait à pousser la porte lorsque des accords se firent entendre de l’intérieur. Elle s’immobilisa, l’oreille à l’affût. Ca ne ressemblait à aucune chanson qu’elle connaissait, mais la musique lui plaisait. Précautionneusement, elle poussa la porte et jeta un œil à l’intérieur. Elle haussa un sourcil étonné en reconnaissant Danny Nixon, son ami et rival, le garçon qui lui était si semblable qu’ils ne pouvaient s’empêcher de se livrer une compétition qui au fond, ravissait leur esprit de challenge. Elle s’appuya dans l’encadrement de la porte, bras croisés, un sourire au coin des lèvres. Lorsque la musique s’arrêta, elle applaudit, lentement, sans se départir de son sourire mutin.
« Très joli, Danny. » dit-elle en s’avançant vers lui. Elle regarda autour d’elle comme si elle découvrait cette salle pour la première fois, alors qu’elle s’y rendait si souvent… Elle se dirigea vers le piano et s’assit sur le tabouret devant le clavier, avant de parcourir les touches du bout des doigts. Puis elle dirigea de nouveau son regard bleu vers son ami et croisa les jambes. Elle le toisa avec cette assurance toute féminine qui était la sienne, puis poursuivit : « Je ne savais pas que tu jouais de la guitare. Tu te débrouilles bien. Ca fait combien de temps ? »