❝ Beautiful Day. ❞

En ce moment, c'était un peu la galère ; entre mes horaires impossibles, à ne plus avoir le temps de dormir, oublier parfois de manger, et tout le stress qu'il y avait derrière. Je n'avais pas une seconde à moi, et pourtant, j'arrivais à me démerder pour faire des trous dans l'emploi du temps, écouler ma came vitesse grand V ou prendre le risque d'avoir du retard pour passer des après midi comme celle d'aujourd'hui. Toute bête : au parc avec Cameron. On approchait de la fin de la journée, alors la bête était calmée. J'étais passé le prendre chez Maël à l'heure du déjeuner, avait fait le tour du centre ville avec lui en m'arrêtant à chaque fois que ses yeux se posaient sur une chose intéressante. Le truc, c'est que des choses intéressantes, un gamin de deux ans, il en voit partout. Et c'est chiant en plus de ça, à hurler qu'il fallait absolument rentrer dans tel magasin, comme si notre vie à tous, le destin de la planète s'y trouvait. Enfin, j'avais mon aprem, je m'étais arrêté partout sans râler – ou en faisant exprès de râler -. Dernière étape le parc, et la boule de nerf semble un peu reposée. Assis en tailleurs, Cameron est en train de nous faire ce qui est censé ressembler à un château de sable, dans le bac du jardin enfant. A moitié couché dans le sable, m'appuyant sur un avant bras, je regarde l'œuvre d'art se construire, tirant par intermittence sur ma clope. C'est pas fameux, faut croire que Benson junior n'avait pas le compas dans l'oeil, ni même l'image d'un château dans le crâne. Mes yeux glissent vers le côté, jetant un coup d'œil au beau château cette fois d'une gamine du même âge. Parfait son truc, t'avais les deux tours, des belles formes et compagnie. Connasse, je re braque mon regard sur le gros tas de sable de Cameron, lâchant un soupir. Le petit à maintenant les yeux posés sur la nana, la moue triste. Fais chier, elle pouvait pas aller faire ses pattés plus loin ? Je tire une nouvelle latte sur ma clope, renverse doucement la tête vers l'arrière en crachant ma fumée. « C'est moche. » la gamine redresse la tête dans notre direction, et je pointe son château du menton. « C'est moche. » C'est ça, part en courant, pleurant et laisse Cameron nous faire un château plus … conceptuel. Connasse de gamine. Mégot jeté un peu plus loin, je passe la main dans les cheveux bruns de Benson Jr. « Tu sais ce qu'on va faire ? Je te paye une glace et ensuite on ira chercher papa okay ? » Et son visage s'illumine. Il se dresse sur ses deux jambes, un sourire immense sur le visage, et se fout derrière moi pour grimper sur mes épaules. Il est adorable ce gamin.

Hier, le médecin qui suivait Andy m'avait dit qu'il pourrait sortir demain en fin d'aprem. Le bonheur absolu, j'en aurais pleuré de joie au téléphone. Ça se sentait, quand je venais le voir, qu'il allait de mieux en mieux : il reprenait un peu de poids, des couleurs, et de l'énergie. Le calvaire s'achevait enfin, après plusieurs semaines d'attente, dans le doute etc. Il allait pouvoir retrouver sa famille, et surtout son fils. Bien entendu, Andy n'était pas au courant que je venais le chercher avec Cameron, la surprise de fin. Il m'en parlait à chaque fois, et Cameron demandait après son père tous les jours. D'ailleurs il commence à me saouler à bouger comme un dingue sur mes épaules. Je suis pas non plus monsieur muscle, s'il commence à se dandiner, je vais simplement me casser la gueule et fin de l'histoire. Puis il hurle, pire que les fois où il aperçoit une peluche qu'il lui faut absolument, question de vie ou de mort encore une fois. Une espèce de chanson qu'il sort de n'importe où, sur le fait qu'il allait revoir son père. C'est mignon … Mais mignon les dix premières minutes. Là ça va faire vingt bonnes minutes qu'il hurle la même phrase à mon oreille, sur des tons un brin différents à chaque fois. Arrivée à l'hôpital, je monte directement à l'étage où se trouve Andy. L'infirmière me réceptionne avec un grand sourire, pour m'expliquer tous les papiers qu'il faudrait emplir etc, et me signaler qu'Andy se trouvait dans le parc. Bien, on était repartis pour marcher un peu plus. Je laisse échapper un soupir en retournant dans l'ascenseur, éclatant de rire quand Cameron se remet à chanter. Il est lourd. Surtout que je viens de remarquer un truc : plus je marche vite, plus il chante vite, ce qui me lance dans un fou rire monumentale. Tu repasseras pour la discrétion dans le jardin de l'hôpital. Les deux gros lourds qui font du bruit, dérange les patients, et ne s'arrêtent pas pour autant. Je repère enfin Andy, sur un banc, et fait glisser Cameron de mes épaules. C'est beau comme moment, si on oublie qu'Andy était ici pour une cure de désintox. Je passe une main dans les cheveux de Benson junior, et le pousse un peu. Il ne lui en faut pas plus : le gosse court vers son père, et je reste un peu en retrait, les bras croisés, à les regarder avec un sourire.

.SOAN & ANDREAS.. BEAUTIFUL DAY .
« Andreas, vous êtes bientôt prêt ? » Me demande l'infirmière à travers l'embrasure de la porte. Je me tourne de trois quarts et lui adresse un sourire « J'ai presque terminé. » Dis-je en rangeant un pantalon dans mon sac. Evidemment après plusieurs mois passés ici, on devient un peu plus intime avec le personnel. Alors ouais, on préfère s'appeler par nos prénoms. Ca met tout de suite moins de distance entre les infirmiers et les patients. Et puis il faut dire qu'elle est sympa cette Charlotte, à venir me voir tous les jours, prendre de mes nouvelles et me remonter le moral. Surtout vis à vis de mon fils et de Soan. Peut-être que si elle me collait de cette façon là, c'était parce que je lui avais tapé dans l'oeil. De toute façon, elle savait très bien que j'aimais mon petit-ami plus que tout, alors elle n'avait aucune chance avec moi. Pourtant les malades à s'occuper ce n'est pas ca qui manque dans le coin. D'ailleurs, il y en a un qui me fait trop flipper. Et qui m'enerve aussi. Quand je dis que j'attire tous les cinglés, c'est la stricte vérité. Surtout dans cet espèce d'asile, je ne pouvais pas faire mieux pour avoir tous les barjos à mes basquettes. Le personnel l'appelle Charlie, un mec qui à la tête rasée et qui loge ici depuis des années apparemment. Je suis presque certain que ce type me suit. Non c'est même sûr en fait. Au début je n'avais pas fait gaffe. Depuis que j'étais allé faire un tour dans le parc avec mon petit-ami, j'avais pris l'habitude de sortir de en temps afin de me dégourdir les jambes. Et après quelques fois, j'ai remarqué que ce timbré était toujours à quelques mètres de moi. Bon évidemment une fois ca passe, deux aussi mais à la troisième j'ai complètement pété les plombs. C'est d'ailleurs à ce moment là que je me suis rendu compte que la cure m'avait fait le plus grand bien : j'étais redevenu moi-même. Le véritable Andy que tout le monde connait. Ou presque. Bref, d'un pas assuré je suis allé trouver Monsieur Propre pour lui toucher deux mots. Tout ce que ce malade a trouver à me dire, c'est que j'étais je cite « Son étoile et sa lumière. ». Bien entendu je suis parti en vrille et j'ai commencé à m'exciter sur le chauve avant de lui coller mon poing en pleine gueule. Là au moins, il allait la voir sa putain de lumière et ses étoiles.

Poussant un long soupire, je range le dernier vêtement dans mon sac et boucle la fermeture. Aujourd'hui est un grand jour : je sors enfin du centre. Les mauvaises choses sont derrières moi et maintenant, je m'apprête à recommencer une toute nouvelle vie. Rien que de penser à mon Soan que je vais retrouver d'ici quelques minutes, j'en suis tout excité. A vrai dire je suis une vraie pile électrique. Même si je ne pensais pas m'en sortir, je dois reconnaître qu'aujourd'hui – malgré encore quelques petits troubles de mémoire et de coups de déprimes – je suis en pleine forme. Etant enfin prêt et ne pouvant rester d'avantage dans ma chambre, je demande à mon infirmière attitrée si je peux aller faire un tour dans le parc le temps que mon petit-ami arrive. Sans perdre de temps je file à l'extérieur et m'allume une clope. Ouais, au stade où j'en suis j'ai quand même le droit aux clopes. C'est étrange, bien que je sois heureux de retrouver mon petit-ami afin que nous reprenions une vie plus ou moins normale, j'ai tout de même une sorte de boule d'angoisse dans le ventre. Oui, j'ai un peu peur de ce qu'il m'attend dehors. J'ai toujours peur de faire une rechute à cause d'une connerie. La peur de tout gâcher encore une fois. Mais bon, il ne faut pas que je pense à ca. Rapidement, j'arrive près du banc que Soan et moi avions l'habitude de squatter le temps de ma cure. Cigarette au coin des lèvres, je tire dessus afin d'inspirer une grande bouffée de fumée. La clope ca me détend. Alors que je fixe bêtement un truc au loin, des cris attirent mon attention. Sourcils arqués je tourne la tête vers ma droite et bloque quelques secondes en voyant mon petit-ami avec mon fils qui l'accompagne. D'un geste rapide je lance mon mégot plus loin – j'suis pas un père indigne au point d'intoxiquer mon gamin – et me lève du banc afin d'aller à la rencontre de mon fils. A quelques mètres de lui je m'agenouille et écarte les bras afin de le réceptionner. Pour le coup, c'est le plus beau cadeau que pouvait me faire Soan. Mon fils dans les bras, je le serre contre moi, calant mon visage au creux de son petit cou tout en fermant les yeux. Bordel, il m'a manqué. Au bout de quelques secondes j'ouvre à nouveau les paupières et fixe mon petit-ami qui est resté plus loin. Toujours Cameron dans les bras, je me dirige vers Soan et affiche un sourire. « Je t'aime. » Dis-je une fois à sa hauteur.

Cameron, c'était un peu comme mon meilleur pote en ce moment. C'est con, mais traîner avec un gamin, aller jouer avec lui dans les jardins publics et compagnie, ça te refait tomber en enfance, et ça fait toujours énormément de bien. Sur un petit nuage, t'as l'impression que rien de mal ne peut t'arriver. C'est une bouffée de bonheur ce gamin, j'ai le sourire dès que je vais le chercher chez Maël, une vraie crème. Crème hyperactive aussi, c'est pire que d'aller courir un Marathon Benson Junior, d'ailleurs je suis certain qu'une course de mille mètre me fatiguerait moins. Sérieusement. Faudrait qu'il apprenne à se canaliser un peu, je sais pas du tout ce que ça va donner quand il sera adolescent. Comme son père : il va se retrouver en garde à vue tous les deux matins, parce qu'il fera trop de conneries. Les gens calmes en font moins, c'est un fait. Je suis l'exemple donc. J'ai fait pas mal de conneries aussi, faut aussi l'avouer, mais moitié moins qu'Andy. Courir partout, c'est loin d'être mon truc, je préfère passer la journée couché dans l'herbe à attendre que le temps passe. Au moins, j'avais ce point commun avec ma meilleure amie, Sid. Pour ça qu'on s'entendait aussi bien je pense. La rouquine n'était pas une boule de nerf, la hippie toute calme et mignonne qui te parle de n'importe quoi, on part d'un petit truc et ça tourne en grand délire sans qu'on ait à bouger d'un pouce. Andreas c'était différent, je devais même le calmer quelque fois tellement il voulait faire de trucs. Il tient pas en place ce type, mais vraiment pas. Passer deux heures à rien faire sur un canapé, c'est pas envisageable dans sa tête. C'est même physique : il se met à battre la mesure avec sa jambe, puis à tapoter n'importe où. Je me suis d'ailleurs toujours demandé comment il faisait en cours, pour rester deux heures d'affilé dans la même salle, sur la même chaise, devant le même bureau à écouter le blabla incessant des profs. Faut le mettre sous xanax. D'ailleurs ils l'ont peut être mis sous ça à l'hôpital vu qu'il est plus mou que d'habitude. Enfin maintenant, il reprenait des couleurs.

Raison pour laquelle il sortait aujourd'hui. Le bonheur absolu pour ma part, de pouvoir le retrouver. M'endormir avec lui, et me réveiller à ses côtés aussi. On allait pouvoir reprendre une vie normale même si ça sonnerait sûrement de façon étrange dans les débuts. Il me manquait, même si j'allais le voir quasiment tous les jours, son absence au quotidien me pesait réellement. Surtout pour les trucs con : aller se coucher et se réveiller. Savoir qu'il n'était pas juste à côté. C'était sûrement ça le plus dur pendant sa cure ; du moins au début vu qu'après je sortais quasiment tout le temps pour oublier comme je le pouvais. Mais maintenant, la donne allait changer. J'ai comme une bouffée d'euphorie quand je rentre dans l'hôpital, savoir que c'est la dernière fois que je met les pieds ici. Les hôpitaux ont comme une atmosphère angoissante, jamais je ne me serais vu travailler dans un endroit comme ça. C'était d'ailleurs pour ça que je n'emmenais pas Cameron avec moi pour voir Andy, ça et le fait qu'il aurait vu son père au plus mal. Déjà que c'était dur pour moi de voir Andy dans cet état là, pour un petit gamin de deux ans, ça aurait sonné comme l'apocalypse dans sa tête. Aujourd'hui, ça allait, Andy avait repris des couleurs et de sa vie. Cameron le trouverait sûrement un peu fatigué mais rien de choquant pour lui. Puis il n'arrêtait pas, de me demander quand il allait pouvoir aller voir son père, chaque jour à chaque fois que je débarquais chez Maël. Alors depuis ce matin, c'était l'explosion de joie dans sa tête en sachant qu'il allait pouvoir le retrouver. Quand je le pose par terre, il court directement vers mon petit ami, accroupis et les bras grands ouverts. Si j'avais été une nana, j'en aurais pleuré. Là j'ai juste le sourire, le grand sourire qui transpire le bonheur. Genre monsieur soleil, c'est le plus beau jour de ma vie. D'ailleurs, c'était sûrement un des plus beaux jours de ma vie, que de le savoir sorti d'affaires. Andy réceptionne son fils, le serrant contre lui. Je reste un peu en rentré pour leur laisser ce moment de retrouvailles. Ça a quelque chose de magique. Cameron dans ses bras, il s'avance vers moi, un sourire éclairant son visage. « Je t'aime. » J'approche d'un pas, comblant le léger écart qui nous séparait encore, et pose mes lèvres sur son front, passant ensuite la main dans les cheveux de Cameron qui me tire la langue quand je lui ébouriffe. Il déteste ça, encore un truc pris à son père. Faut que les cheveux soit nickel, un vrai bordel organisé, et ils te pètent un câble quand t'as une mèche de travers. « Moi aussi. » La jolie petite famille de nouveau réunie. Je recule d'un pas, posant une main sur ma hanche. « Je vais chercher tes affaires, draguer une dernière fois les infirmières, et on se retrouve devant ? »

Si un jour on m'avait demandé de choisir entre mon fils et Soan, je ne sais pas ce que j'aurai pu faire. Je les aime tous les deux autant l'un que l'autre et ils sont réellement ma raison d'être ici. Si en entrant dans cet hopital afin de commencer ma cure de désintoxication, je n'avais pas su qu'à l'a fin je le retrouverai tous les deux, je crois que je ne ferais plus parti de ce monde depuis bien longtemps. Soan et Cameron étaient mes bouées de sauvetage. C'était grâce à eux que j'avais eu la force de me battre et de faire face à mes problèmes. La claque que je me suis prise lorsque j'ai pris conscience des conneries que j'avais pu faire. La drogue. Mais quelle erreur. A cause de ca, j'avais fait souffrir les deux seules personnes auxquelles je tenais plus que tout au monde. D'un côté j'ai de la chance que Cameron soit encore trop petit pour vraiment comprendre ce qu'il pouvait bien se passer pendant ces quelques mois. C'est vrai, pour quel genre de père je serais passé à ses yeux si il avait été en âge de comprendre les problèmes d'addiction que j'avais. Rien que d'y penser, un bouffée de stress m'habite d'un seul coup. Secouant légèrement la tête, je chasse rapidement ces pensées de ma tête et préfère me concentrer sur mon avenir. Un avenir à trois. Ca aussi ca me rassurait énormément de savoir que mon petit-ami n'était pas resté pétrifié devant mon fils. Lui qui avait toujours eu cette phobie des gamins. A chaque fois que Soan venait me rendre visite et qu'il me parlait de mon fils et de ce qu'ils faisaient tous les deux, me faisait le plus grand bien. Soan n'avait pas l'air au bord du suicide à force de s'occuper de Cameron – ou alors il cachait très bien son jeu – alors c'était plutôt bon signe. Ce qui est plutot étonnant d'ailleurs lorsque l'on connait mon fils. Lui qui est aussi rapide que l'éclair à courir partout et à sauter dans tous les sens. Rien qu'à son hyperactivité et à sa répartie – il a beau n'avoir que deux ans, croyez moi que si il a quelque chose à dire, il le dit – cela ne fait aucun doute : ce petit est bien de moi. Etonnant que mon petit-ami n'en ait pas encore fait une crise de nerfs.

En tout cas je ne m'y attendais vraiment pas à voir mon fils ici. Mon petit-ami m'a vraiment fait une superbe surprise aujourd'hui. Il savait que Cameron me manquait terriblement et que c'était réciproque. A vrai dire c'est ce que j'attendais le plus avec cette sortie : aller retrouver mon fils et passer du temps avec lui. Même si c'est pour qu'il reste pendant une heure et demie à regarder un dessin animé. Alors imaginez un peu le choc que ca me me fait de les voir débarquer tous les deux ici. J'ai le coeur qui s'emballe. Enfin je vais éviter qu'il s'emballe de trop, ce serait vraiment con de faire un arrêt cardiaque le jour de ma sortie. Aussitôt je me positionne de façon à réceptionner mon petit bonhomme et le serre dans mes bras. A cet instant même, c'est comme si tout ce qui était autour de moi disparaissait. Plus rien d'autre ne comptait hormis Cameron – et mon petit-ami bien entendu. Après quelques secondes, je reporte mon attention sur Soan avant de me diriger rapidement vers lui. Qu'est-ce que j'aurai fait sans lui franchement ? Mon petit-ami m'embrasse ce qui me fait aussitôt froncer le nez. Sa main s'égare dans la chevelure brune de mon fils qui d'ailleurs n'a pas l'air d'apprécier que Soan lui ébouriffe les cheveux. Machinalement je laisse échapper un rire en voyant Cameron qui lui tire la langue. C'est un fait, nous n'aimons pas être décoiffés même si nous ne le sommes pas vraiment. Deja lorsque j'étais ados, j'aimais avoir une coupe de cheveux parfaite, sans qu'une mèche ne parte en couille. Tout le monde connait – hormis Soan et son crâne rasé – la phobie de la mèche rebelle. C'est quelque chose que je déteste. Et apparemment, Cameron tient ca de moi également. « Je vais chercher tes affaires, draguer une dernière fois les infirmières, et on se retrouve devant ? » Je lève les yeux au ciel, affichant un sourire en coin. « Les infirmières je ne me fais pas trop de soucis, ce sont plutot les infirmiers qui me posent problème vois-tu. » Dis-je en le toisant du coin de l'oeil. Soan était complètement gay alors qu'il aille soit disant draguer des nanas, ca me fait franchement marrer. […] « Elle est moche. » Lance Cameron en pointant du doigt la nana de l'accueil. Bon c'est vrai qu'il n'a pas tort et je me retiens pour ne pas me mettre à rire vu la gueule que fait la vieille. Quoi que, elle n'est peut-être pas si vieille qu'elle en a l'air. Je m'accroupis de façon à être à sa hauteur. « Cameron, j'te demande pas si elle est moche ou non, j'te demande de dire au revoir. » Dis-je avec un léger sourire alors que mon fils boude. « Elle est moche ! » C'est qu'il persiste. Je lève les yeux au ciel et le prend dans mes bras avant de dire au revoir à la nana. Une fois dehors nous attendons Soan qui 'est toujours pas sortit. Il fait le mec musclé mais au fond, il a pas de bras j'le sais.

La sortie de mon petit ami, c'était un peu l'évènement de la semaine, du mois, voire de l'année. Le truc qui me mettait en joie depuis un paquet de jours maintenant, rassurait aussi pas mal de nos amis. J'avais pensé à lui organiser une fête surprise pour qu'on puisse célébrer son retour parmi les vivants. Oui le genre de truc qui foire toujours, qui fait tout sauf plaisir, et qu'on grille d'avance. Puis après mûres réflexions, je suis pas certain qu'Andy aurait sauté de joie en voyant une troupe de types avec banderoles, ballons, champagne et compagnie squatter son appartement en hurlant Surprise une fois la porte passée. Moi même, en y réfléchissant bien, ça m'aurait fait chier au bout de dix minutes cette fête improvisée, alors que je ne sortais pas de l'hôpital, était plus ou moins en forme etc. Donc j'avais abandonné. Le mieux pour le moment, c'était de passer une soirée tous les trois, voire laisser Andy avec Cameron pour les retrouvailles familiales. J'avais quelques trucs à régler de toute manière, ça leur fera du bien de rester ensemble, seul à seul. Andy est beau avec son fils dans les bras, on dirait que soudainement, il a repris vie, comme si rien ne c'était il y a quelques semaines. Juste le bonheur d'être de nouveau avec le petit contre lui. La meilleure chose que je pouvais faire pour le moral d'Andy, était d'amener Cameron à l'hôpital, pas de lui acheter un paquet de ballons – ce que j'avais fait une fois, pour déconner : j'avais remplis sa chambre de ballons de toutes les couleurs félicitation c'est un garçon, et de fleurs pour faire chier. Ce qui avait marché, mais passons sur cet épisode -. Cameron avec lui, un rapide baiser sur son front, et je propose à mon petit ami d'aller chercher ses affaires dans son ancienne chambre. « Les infirmières je ne me fais pas trop de soucis, ce sont plutot les infirmiers qui me posent problème vois-tu. » Oui bien entendu. D'ailleurs il y en avait un très mignon à son étage mais bref. Ça doit être l'effet blouse. Je recule de quelques pas, un grand sourire sur les lèvres. « Après avoir élevé un gamin pendant quelques semaines, j'ai retrouvé le droit chemin : l'hétérosexualité. » Et je leur tourne le dos en laissant échapper un léger rire, m'engouffrant dans l'ascenseur.

Fait chier. Andy qui se plaint quand on part en vacances à cause de mes valises, fallait voir le poids des siennes. Je l'ouvre, et je suis certain de trouver des briques. Ou des pierres, si jamais il c'est pris de passion pour les cailloux pendant sa convalescence. Ça occupe le temps l'étude des minéraux. Bref, lanière du sac contre mon épaule, je jette un dernier coup d'œil à la chambre, traversant le couloir pour m'arrêter aux bureaux de cet étage, signer quelques papiers comme quoi j'accompagnais Andreas hors de l'hôpital, laisser d'autres coordonnées en cas de besoin et compagnie. Une des infirmières qui s'occupait de mon petit ami vient également me dire au revoir, et bon courage pour la suite. Bon courage … Le médecin était également passer pour me prévenir des éventuels cas de rechute, qui étaient plus que fréquent pour les anciens héroïnomanes. Je devais l'avoir à l'œil pour reprendre ses expressions. On verrait bien. Une dernière signature, et je reprends l'ascenseur, posant le sac sur le sol en passant une main sur mon épaule. Je devrais me mettre au sport un de ces quatre, vraiment. Parce qu'avoir mal quand je porte une simple valise, c'est pas normal. Ça fait tapette … Si mes anciens potes me voyaient. Les portes s'ouvrent, et je me retrouve à devoir signer d'autres papiers au secrétariat d'en bas. Et la nana moche de l'accueil qui met quatre ans à me trouver les papiers. Mes yeux glissent vers l'extérieur, et je lance un regard désespéré à mon petit ami qui attend avec Cameron. Connasse de secrétaire. Signature et co apposée je peux enfin retrouver l'air libre. « J'ai cru qu'elle n'allait pas les trouver ses papiers cette connasse. » Et faudra pas s'étonner, si le petit jure comme un charretier après. On va en faire une brute après, hétéro ça va de soi. « C'est pourtant simple, t'as ton nom écrit en gros dessus. » Et je me calme vite, quand une clope vient s'installer au coin de mes lèvres. Sac toujours sur l'épaule, je passe une main dans le dos d'Andy, lui indiquant la direction vers ma voiture. « Alors si on pouvait se dépêcher pour atteindre la voiture, ça m'éviterait de perdre un bras. » J'ai mal. Mais tant qu'à faire, autant continuer à jouer au super héros qui porte les valises de quatre tonnes. Ça me donne un petit air de Captain America, le déguisement bleu, moulant et ridicule en moins. Encore une fois, mes anciens amis serait là … Ou mon père. Tu es une tapette mon fils. Oh oui papa si tu savais. Bref faut que j'arrête de penser de la merde … Et si j'avais pas tourné aux douilles depuis ce matin, ça irait sûrement mieux dans les pensées.

Cela faisait tellement longtemps que j'attendais ca. De pouvoir enfin sortir de cet endroit. C'est un peu comme si un détenu avait fait le décompte des jours avant sa libération. Dans mon cas c'était un peu ce que je ressentais. Même si dans un sens je n'ai pas forcément vu le premier mois défiler à cause de la dose assez puissante de médicaments qu'ils me faisaient avaler. En fait ce sont surtout les dernières semaines, les derniers jours qui ont été les plus longs. Sans compter que le stress se faisait de plus en plus ressentir avec l'approche de la sortie. Ici j'étais entouré vingt-quatre heures sur vingt-quatre de tas de gens qualifiés qui pouvait m'aider en cas de problème. Mais une fois que je serais sorti, que je reprendrais ma vie d'avant avec mon petit-ami, que se passerait-il si jamais je rechutais ? Pour le coup, mon état d'esprit actuel est assez différent de celui de Soan qui lui, respire la joie de vie. Enfin ca, c'est jusqu'à ce que je revois la petite bouille de mon fils. C'était un peu comme si toutes mes angoisses s'étaient envolées à la vue de mon petit garçon. Oui, je suis devenu le genre de papa gâteau qui ferait absolument tout et n'importe quoi pour son gosse. Après trois mois sans l'avoir vu, c'est comme une bouffée d'air frais que de pouvoir enfin le prendre dans mes bras. Une chose est sûre et certaine, je n'ai besoin de personne d'autre que de mon fils et mon petit-ami. Tout ce que je veux pour le moment, ce que nous reprenions une vie normale tous les trois. Alors les retrouvailles avec les copains se feront un peu plus tard. Surtout que tout le monde à l'université doit être au courant de mes problèmes. De nos problèmes. Donc non, en sortant de ma cure je ne vais pas retrouver ma bande de potes. Je vais plutôt essayer de rattraper le temps perdu avec Soan et Cameron.

Enfin d'ici là, Soan se sera peut-être trouvé un autre petit-ami étant donné que certains infirmiers ont l'air de lui avoir tapé dans l'oeil. Personnellement je crois que si Soan avait été infirmier, médecin ou je ne sais trop quel métier appartenant au corps médical, je l'aurai surement dégagé. C'est salaud je sais. Mais comprenez moi, tout ce qui appartient aux hôpitaux, je n'en peux tout simplement plus. Overdose complète. Dans tous les cas, je ne me fais pas trop de soucis concernant la fidélité de mon petit-ami. A l'heure actuelle, il doit surement être plus occupé avec ma valise plutôt qu'avec un interne de l'hopital. Au moins, il sait ce que je subis lorsque Monsieur Wilshire décide de prendre cinquante valises pour UN SEUL week end. Mes valoches sont surement très lourdes, mais au moins moi je suis parti trois mois. Voilà la nuance. De toute façon, porter des trucs lourds, ca ne peut pas vraiment lui faire de mal. En tout cas, le temps que Soan se décide à repointer le bout de son nez, ca m'a permis de faire la conversation à Cameron pour savoir comment ca se passait à l'école et ce qu'il avait fait pendant ces quelques mois. « Du découpaze. » Dit-il en machouillant un bonbon qu'il a eu je ne sais trop où. Ca me fait toujours marrer la façon dont il remix tous les mots. « Et t'as découpé quoi ? » Lui demandais-je en surveillant de temps en temps le hall de l'hôpital pour voir si mon petit-ami n'est toujours pas là. « Les cheveux de Marie. » Répond Cameron avec la plus grande innocence. Sur le coup je bloque face à sa réponse, avant de me mettre à rire. Pauvre gamine, c'est Maëlle qui a dû être contente en apprenant ca. « Faut pas faire ca Cameron. C'est pas bien. » Dixit celui qui a découpé le doigt d'un de ses camarades en primaire. Les portes s'ouvrent, laissant apparaître un Soan complètement blasé. « J'ai cru qu'elle n'allait pas les trouver ses papiers cette connasse. » Je lève les yeux au ciel. « Elle est moche ! » Réplique aussitôt Cameron. « C'est pourtant simple, t'as ton nom écrit en gros dessus. » Et le voilà qui s'excite. Ca me fait toujours marrer de le voir s'énerver pour des conneries. Chose qui est tout de même assez rare. « Alors si on pouvait se dépêcher pour atteindre la voiture, ça m'éviterait de perdre un bras. » Aussitôt j'affiche un rictus moqueur. « J'savais que t'étais une femme. » Dis-je avant de m'avancer vers la voiture pendant que Cameron s'agite dans tous les sens en faisant des « vrooom vroooom » pour imiter le son de la voiture. Une fois à la hauteur de l'engin à quatre roues, je me stop avant de fixer mon petit-ami. « Pourquoi on vivrait pas ensemble ? Enfin j'veux dire...Officiellement. Un truc à nous deux. » Il faut dire que ca me trottait dans la tête depuis un petit moment.