S’il vous plaît.

J’avais un air carrément rêveur alors qu’il se mettait à faire chauffer de l’eau. Toute cette situation était des plus surréalistes et franchement je ne savais quoi en penser. Un avocat, prof à Berkeley, qui comme par hasard a un jour travaillé pour mon père et qui finalement se retrouve dans la même pièce que moi après des années pour me parler de ma vie comme s’il n'était qu'un oncle que j’avais perdu de vue depuis bien longtemps. A cette pensée je scrutais le moindre centimètre carré de son visage, crispant les sourcils comme si ça me permettrait de l’observer au mieux en me concentrant un maximum, avant de finalement me détendre et hocher la tête avec nonchalance : l’homme n’avait décidément aucun trait de famille avec mon père, ou ma mère, la théorie de l’oncle perdu passait donc à la trappe. Ce qui passait également à la trappe semblait également être mon sens de la logique, parce que si je me mettais à avoir des idées pareilles, je n’étais pas sortie de l’auberge. Un oncle. Et puis quoi encore ?? Cheyenne, tu es conne ou quoi?

Je n’écoutais qu’à moitié lorsqu’il me parlait des bienfaits du thé. Moi, tout ce que j’en savais, c’était qu’on m’avait toujours dit que la théine était toujours pire que la caféine mais je devais avouer que pour l’instant, il semblait en savoir bien plus que moi sur le sujet. Et il me semblait avoir vu Maria siroté un thé un jour, … ou peut-être l’avais-je tout simplement imaginé et conjuré ce souvenir inventé dans le but de me convaincre que la proposition de Cooper était effectivement une bonne idée. Incertaine, un seul coup d’œil à Isabelle me confirma que cela était correct d’accepter l’offre de l’avocat : elle devait bien le savoir, elle avait donné naissance aussi à 3 enfants ! Je me doutais qu’elle avait eu à boire un thé à un moment où à un autre sans que son fils ne se voie pousser une seconde tête. Lorsque la boisson fut prête, il revint s’installer et me présenta l’une des deux tasses qu’il avait en main, me permettant ainsi d’y entourer mes mains pour se réchauffer au contact brûlant de la porcelaine (ou quelle que fut la matière dont étaient faites les mugs)

Puis vint la question fatidique. Quand étais-je supposée accoucher de ces deux merveilles qui grandissaient en moi en faisant de ma vie un parc d'attractions émotionnel?

Le fait est qu'une infinité de possibilités était envisageable: s'il s'était s'agit d'une grossesse unique, on aurait probablement pu s'attendre à un terme fin octobre. Mais ce n'était pas une grossesse unique, j'étais enceinte de jumeaux, et là où la plupart des "simples" grossesses voyaient leur terme arriver vers 40 semaines, la moyenne idéale pour un cas de gémellité était de 38 semaines. Et là encore, c'était dans le meilleur des cas. L'aspect particulièrement "à risque" des grossesses multiples résidait dans le fait que les cas de prématurés explosait la moyennes des gestations simples. Si le travail se déroulait entre 34 et 37 semaines, c'était prématuré mais en aucun cas dangereux, plus tôt et c'était un risque de voir les petits terminer leur développement dans le service de NICU de l'hôpital que nous avions choisi. En tant que mère, on préférait se dire que tout se porterait toujours au mieux, mais ce n'est pas à une prof de littérature qu'on allait empêcher de s'informer de tous (ou presque) les cas de figure possible et imaginable. Dans mon idée, au plus je savais, au mieux je pouvais m'en prévenir.

Mon médecin espère un accouchement le 4 octobre, si tout va bien. Mais c'est un petit peu particulier, alors je dois faire attention... Au final, ça ne dépends que de ces deux petits là... terminais-je avant de baisser le regard vers la petite bosse de mon abdomen, passant une main fébrile sur le rebond de la peau comme s'ils pouvaient percevoir mon toucher. Je m'étais découverte très tactile depuis que j'étais enceinte, mais d'autant plus lorsque j'ai commencé à le montrer. Comme si chaque caresse me réconfortais en me susurrant que tout ceci était bel et bien réel. Mes parents n'en savent rien et je compte bien sur le fait que cela reste ainsi, terminais-je sur un ton doux mais ferme, n'offrant aucune explication à l'homme qui devait peut-être se demander ce qu'il s'était passé entre eux et moi pour que je réagisse ainsi. Il "m'ordonna" de boire et je m'exécutais avec plaisir, laissant le breuvage brûlant me rappeler à quel point je savais aimer le thé; oui, bon les sachets qu'offraient l'école n'étaient pas vraiment tip top qualité, mais c'était toujours mieux que rien. Après avoir bu une longue gorgée et l'avoir observé de même, j'en vins à me demander quelque chose mûe par sa curiosité à mon sujet. Et vous, Cooper? Avez-vous des enfants?

{hj: moyen, comme réponse, ça m'apprendra à poster la nuit}

Lui aussi savait que le thé n’était pas vraiment conseillé, mais il avait parlé avec plusieurs femmes enceintes et elles lui avaient expliqués ce qui était bon ou pas. Comment en était-il arrivé à parler avec des femmes enceintes ? C’était simple, il avait eu à en défendre quelques fois. Il avait même défendu un groupe de futures mères, car il y avait eu un souci avec le médecin qui les suivait. Ce médecin avait arnaqué les futures mères, qui avaient décidées de ne pas se laisser faire. Bref, il avait retenu certaines choses de ces entrevues avec ces femmes. Préparant donc le thé comme il le fallait, il rejoint ensuite Cheyenne à la table où elle était installée et lui demanda pour quand était prévu son accouchement. Après tout, en général, une mère aime parler de son futur accouchement, non ? C’est ce que l’avocat avait déjà pû voir et entendre, donc pour lui, ça serait normal que la jeune femme en parle librement. D’accord, ils n’étaient pas aussi intimes que ça, mais il n’allait pas non plus le crier sur tous les toits. Ecoutant donc la jeune femme répondre, il hocha simplement la tête. Deux petits ? Des jumeaux ? Whoua c’était directement deux enfants dont elle allait devoir s’occuper. Pensant alors au compagnon de la jeune femme, ou alors à la compagne, vu qu’il ne savait pas ce qu’il en était, il n’osa pas poser la question. Il ne valait mieux pas d’ailleurs. Souriant à l’enseignante, il fit celui qui venait de fermer sa bouche à clé. Il ne dirait rien aux parents de la jeune femme sur cette grossesse. De toute façon, il devait bien avouer qu’il n’avait plus aucun contact avec eux, alors il aurait du mal à leur en parler. Disant ensuite à la jeune femme de boire son thé, il en but à son tour et soupira doucement. Le thé était parfait et ça lui faisait toujours du bien. Ecoutant ensuite la question de la jeune femme, il fronça les sourcils.

Non.

Il aurait dû être plus agréable en répondant, mais c’était un sujet assez épineux. Autant, il s’entendait toujours bien avec les enfants, autant il savait qu’il n’en voulait pas. Il n’avait pas eu d’enfance, alors il ne voulait pas faire vivre ça à un enfant. Il préférait encore rester seul toute sa vie, plutôt que de faire subir tout ça à un autre que lui. Il n’avait pas non plus ce qu’on appelle la fibre paternelle, alors, il ne se voyait pas du tout avoir des enfants.

Avec mon travail, je n’ai pas vraiment le temps de m’attarder là-dessus.

Bonjour le tact. Mais, il soupira doucement et but à nouveau de son thé.

Votre thé n’est pas trop chaud ?

Autant partir sur un autre sujet, ça serait bien mieux pour qu’il soit plus à l’aise. Là, il ramait et il n’aimait pas du tout ça.