Un chagrin d’amour…N’existe-t-il pas une chanson qui dit « oh putain que ça fait mal » ? C’était sûrement pourquoi la volcanique Abbygail se gardait bien de tomber à nouveau amoureuse. Elle ne voulait plus supporter le moindre échec sentimental ni avoir à négocier avec une douleur qui risquait de la marquer pour des années. Depuis l’affaire James, l’affaire Adrian et l’affaire Aaron, Abby jonglait avec sa propre solitude comme un virtuose du cirque l’aurait fait avec des torches enflammées. La seule ombre sur ce fabuleux tableau, c’était sa mémoire. La jeune femme avait toujours eu une mémoire d’éléphant, capable de s’attarder sur chaque détail et qui la tourmentait à chaque manque affectif précis. Ainsi, ses nuits étaient devenues de plus en plus dures. Depuis quelques lunes, c’était constamment les souvenirs partagés avec Aaron qui revenaient sur le devant de la scène. Comme une ritournelle sans fin et insupportable, Abby revivait une scène en particulier, celle qu’elle considérait comme un adieu déchirant et qui n’avait pas manqué de la tourmenter depuis des semaines. A ce moment précis, Abby le serrait fortement dans ses bras comme pour mettre un terme définitif à ce bonheur auquel ELLE avait toujours rêvé et qui ne résidait qu’en une seule personne : Aaron. Elle s’écartait ensuite et n’hésitait pas à remonter en voiture sans se retourner, démarrant le contact sans l’ombre d’une hésitation et mettant ainsi son esprit en mode off pour ne pas être tentée de rebrousser chemin pour faire fi de tout cela…Abby regrettait déjà ce qu’elle avait fait, et dit. Sa vie sans Aaron n’avait aucun sens et c’était l’évidence même, rien qu’à voir sa façon de vivre : L’abus d’alcool, l’acharnement au travail proche de l’obsession, et le fait qu’elle n’aille jamais aux examens médicaux prescrit par son neurologue après son opération…Abby voulait en finir le plus rapidement possible pour ne plus jamais troubler la vie d’Aaron de quelque manière que ce soit. Ce n’était pourtant pas faute de lui avoir fait part avant de partir de ses sentiments intacts à son égard, et du drame le plus dévastateur dont elle avait été la victime. La jeune femme voulait juste son bonheur…Mais en s’en tenant uniquement aux dires d’Aaron, elle était dans l’erreur. Elle ne s’en rendait pas compte, voilà tout. Le soir même, elle s’enferma dans son nouveau bureau flambant neuf à Berkeley où elle ne pu fermer l’œil : Elle n’eut de cesse de pleurer toutes les larmes de son corps, se demandant encore et encore comment elle allait pouvoir poursuivre son existence maintenant qu’il n’en faisait définitivement plus partie. Sans doute était-ce grâce à ses deux collègues, dont la simple présence suffit à lui faire reprendre le dessus, qu’elle prit la décision de partir effectivement quelques jours pour Paris afin de conclure sa négociation avec un danseur on ne peut plus talentueux. Mais les paroles d’Aaron n’eurent de cesse de frapper son esprit, ne lui laissant absolument aucun répit. En rentrant de ces quelques jours sur Paris, Abby dû faire un effort considérable pour résister à la tentation et ne surtout pas l’appeler, faisant fi des nombreux rêves qu’elle avait pu faire même pendant son break à Paris. A la place, pour oublier du mieux qu’elle pouvait, elle accepta une soirée bien méritée le soir même de son retour avec ses deux collègues danseurs, Shane et Ena. Le rendez-vous eut évidemment lieu à ce bar-club qu’ils affectionnaient tellement, et dont Abby connaissait le propriétaire depuis son arrivée à San Francisco, quatre ans plus tôt. C’était même lui qui l’avait briefée sur toutes les bonnes adresses à connaître dans cette ville hors norme. Un verre poussant l’autre, la jolie demoiselle commençait enfin à se détendre et à rire de manière nettement plus naturelle, lorsqu’un groupe uniquement composé de jeunes hommes fit son entrée fracassante. Abby tourna la tête au moment même où Drew pénétrait dans le club, et heureusement sans doute. Elle n’accorda d’importance au groupe qu’une fois qu’il fut installé sur une immense table réservée sûrement depuis plusieurs semaines. Shane n’avait eu de cesse de les observer, fidèle à son tempérament observateur, avant que l’un d’entre eux n’attire son attention : Non pas qu’il ait une quelconque attirance pour les hommes, mais il soupçonnait l’un d’entre eux d’être irlandais, tout comme lui. Il fallait dire que les trois danseurs n’avaient pas eu la main morte sur la bouteille, et qu’ils possédaient tous un discours plutôt incohérent. Et ce fut à Abby de se coller à ce nouveau défi : Découvrir l’identité ET la véritable nationalité du jeune médecin en bout de table. La jolie blondinette s’avança donc d’un pas on ne peut plus félin vers sa « cible » du moment, avant de s’asseoir sur le coin de la table, juste à côté du jeune homme, qu’elle surplombait légèrement du regard. La jeune femme était parfaitement déstabilisante, dans une telle position. Non seulement parce que ses yeux d’un bleu saisissant étaient diablement expressifs mais également parce qu’il se dégageait d’elle un charme fou et une assurance que beaucoup auraient pu lui envier. Abby était pourtant habillée d’une chemise noire à manches courtes, et d’une jupe s’arrêtant juste au dessous des genoux, d’un joli rouge foncé. Elle n’avait donc pas une tenue indécente, bien au contraire, mais il n’en demeurait pas moins que n’importe quel homme aurait pu lui dire oui si elle ne disait pas non derrière.

ABBY – « Il m’est venu une question à ton sujet mon coco tandis que je t’observais tout à l’heure…Tu vas sûrement pouvoir éclairer ma lanterne et ainsi faire taire mon abruti de collègue médisant ! Il prétend que tu es irlandais rien qu’à la profondeur de tes yeux verts ; Stupide, n’est-ce pas ? »

Le pauvre jeune homme était complètement subjugué par cette divine apparition dont le charisme lui coupait littéralement le souffle. Cela dit, le reste de la tablée n’avait d’yeux que pour elle, et c’était à peine si certains n’avaient pas la langue s’allongeant sur plusieurs pieds. Mais Abby ne regardait personne d’autre, et sans réellement contrôler son geste, elle s’empara de la cravate de sa « cible » avant de prendre passionnément possession de ses lèvres. Personne n’avait réellement compris qu’elle avait largement abusé de la vodka précédemment et que son comportement n’était en rien normal. Après tout, une jeune femme aussi belle et désirable qui vous embrasse, cela ne se refuse pas ! Sûrement en vue de lui délier la langue, personne n’aurait pu pénétrer dans l’esprit agité de l’impétueuse Abbygail Vodianova…Mais lorsqu’elle se sépara de lui, ce ne fut que pour sourire d’une manière on ne peut plus amusée et énoncer, non sans un clin d’œil :

ABBY – « Je pressens que l’on se reverra. »

Sans un regard pour le reste de l’assemblée, la jolie russe tourna les talons avant de retourner auprès de ses deux camarades et collègues, tandis que sa « victime » semblait être en apnée. Il alla même jusqu’à dire à haute voix qu’il n’existait pas deux femmes comme elle sur toute la surface du globe, tandis qu’Abby vidait son énième shooter de vodka en l'espace de quelques minutes. N'importe qui la connaissant ne serait-ce qu'un peu se serait rendu compte qu'elle cherchait à se punir d'une part, et qu'elle avait un certain mépris pour sa vie d'autre part. Rien de tout ce qu'elle prétendait au sujet de son jeu de séduction n'était pas du tout faux...Et ce jeune homme qu'elle avait embrassé n'avait aucune importance, du reste. Elle ne manqua pas de passer vigoureusement un mouchoir contre ses lèvres dès lors que sa victime ne la regardait plus, c'était bien la preuve que l'alcool parlait, tout comme sa détresse...Mais que la vraie Abby était diablement bien cachée derrière tout ceci. Ce fut d’autant plus véridique lorsqu’elle quitta à nouveau son tabouret de bar pour partir se déhancher sur la piste, suivie du regard par plusieurs membres de la gente masculine présente dans le club. Le fait d’être une danseuse professionnelle l’empêchait sûrement de prouver par a+b qu’elle était fortement alcoolisée : Ses pas étaient à la fois sensuels et gracieux, et son sourire proprement ravageur. Cette Abby là ne faisait que rattraper le temps perdu et s’accorder une petite pause entre deux raisonnements : Plus de restriction, plus de règle, elle se déhanchait parce qu’elle l’avait décidé et parce qu’elle en avait envie…Il n’y avait rien d’autre à comprendre.