Quiconque a un rêve devrait aller en Italie. Peu
importe si l'on pense que le rêve est mort et
enterré, en Italie, il se lèvera et marchera à nouveau.
ELIZABETH SPENCER.

Comme tous les étés depuis maintenant cinq ans, j'avais décidé d'aller en Italie. Florence, Rimini, Naples, Turin, Venise... Les grandes villes italiennes n'avaient plus de secret pour moi. Cette année, j'avais décidé de poser mes valises à Rome. C'était une ville très touristique, et il y avait de nombreuses choses à voir. C'était aussi la ville où j'étais né, il y a maintenant presque 21 ans. J'avais donc une attache toute particulière avec cet endroit. Et puis l'Italie... J'avais toujours eu un faible pour ce pays. Ce n'était pas vraiment étonnant ; l'Italie, pour moi, est le plus beau pays du monde.

J'étais arrivé hier soir, et je m'étais rendu dans l'hôtel où j'allais habituellement. Mais cette année, je n'étais pas seul : Chelsea m'accompagnait. Nous nous étions remis ensemble depuis presque un mois maintenant, et quand nous avions parlé des vacances, il nous avait paru logique de partir ensemble. Après quatre années de séparation, hors de question d'attendre deux mois de plus. Et puis comme nous avions tous les deux prévus de partir en Italie, nous nous étions mis d'accord sur Rome.

J'étais en train de me balader dans la rue ; Chelsea, fatiguée du voyage, avait décidé de rester à l'hôtel. Il était tard, et il faisait nuit. Je venais de m'engouffrer dans une petite ruelle, sombre et déserte. C'est à ce moment là que j'ai entendu quelqu'un derrière moi. Je me suis retourné, méfiant. Il n'y avait personne. Pourtant, je n'étais pas stupide : j'avais entendu un bruit. J'ai préféré retourner à l'hôtel. Inutile de s'attirer des ennuis dès le premier jour. Quand je suis entré dans le hall, l'absence du personnel me laissa perplexe. D'habitude, il y avait toujours un réceptionniste, quelqu'un au bar, un client en train de téléphoner... Mais là, personne. L'hôtel était vide, silencieux. J'ai été appuyé sur le bouton de l'ascenseur, puis j'ai attendu. Mais il n'arrivait pas. L'atmosphère était lourde, pesante. C'était louche, et ça ne me plaisait pas. Je me suis donc dirigé vers les escaliers, et je suis monté au troisième étage, endroit où se trouvait ma chambre. A nouveau, l'étage était vide, désert. Je suis allé au fond du couloir, puis je suis entré dans ma chambre. J'ai soupiré de soulagement en voyant Chelsea, allongée dans le lit. Elle semblait dormir. Je suis allé m'asseoir à côté d'elle, et j'ai posé ma main sur son bras. C'est là que j'ai remarqué quelque chose d'anormal. Il était froid. Et Chelsea ne bougeait pas. J'ai dégluti, et j'ai tourné la tête vers la table de chevet, à côté du lit. Et c'est là que j'ai vu. Une fine couche de poudre blanche était posée à côté du téléphone. Non, non, ça n'était pas possible. Pas Chelsea. Elle ne pouvait pas mourir, pas comme Alyzée, pas à nouveau par ma faute. Une larme glissa le long de ma joue. Pas Chelsea, pitié...

Je me suis brusquement redressé, brûlant, et j'ai soupiré de soulagement. Un cauchemar, c'était juste un cauchemar. Mais pourtant, il m'avait paru si réel... Chelsea était là, allongée à mes côtés, et dormait. Sur la table de chevet, il n'y avait rien d'autre qu'un paquet de cigarettes. Pas de poudre blanche, rien. J'ai attrapé mon portable, pour regarder l'heure. 00h41. Nous étions couchés depuis moins d'une heure. Pourtant, après ce cauchemar, je ne comptais pas me rendormir de si tôt. De toute façon, j'en aurais été incapable.

Je me suis levé, puis je suis allé fouiller dans mes affaires. Il fallait que je m'occupe, que j'arrête de penser à ce rêve morbide. Chelsea était là. Elle était vivante, ce n'était pas une droguée. Elle ne ferait pas une overdose comme Alyzée, et je ne la retrouverais pas glaciale à mes côtés, un matin. Tout ça, c'était du passé. Chelsea n'était pas Alyzée. Mes yeux se posèrent sur mon short de bain. Voilà ce que j'allais aller faire. J'allais me rendre à la piscine de l'hôtel. Ça me permettrait de penser à autre chose.

J'ai pris toutes les affaires qui m'étaient nécessaires. Avant de sortir de la chambre, j'ai écrit un mot à Chelsea, l'informant de l'endroit où j'étais. Si jamais elle se réveillait, et qu'elle voyait que je n'étais plus là, elle s'inquiéterait sans doute. Avec ce mot, elle serait rassurée, et elle saurait où j'étais. J'ai posé délicatement mes lèvres sur sa joue, puis je suis sorti de la chambre, avant de descendre.

Le hall n'était pas vide, comme dans mon rêve. Il y avait quelques personnes. Deux réceptionnistes, un client assis dans un fauteuil, et une femme qui demandait une chambre pour la nuit. L'un des réceptionnistes me fit un signe de tête, et je lui rendis. Il savait très bien y faire avec moi ; il savait que je pouvais claquer un maximum de fric en un minimum de temps, et si on exhaussait mes moindres désirs. Je me suis dirigé vers lui, et je lui ai demandé la clé, pour me rendre à la piscine. Il tenta vaguement de me dissuader, en m'expliquant que la piscine était fermée, parce que personne n'était là pour surveiller. Un billet de 200 euros suffit à le convaincre de me donner la clé. Je lui ai fait un petit sourire, puis je me suis dirigé vers les sous sols.

Comme prévu, la salle était vide. J'aimais beaucoup cet endroit. Il y avait une piscine chauffée, deux jacuzzis, et sur la droite, un sauna. J'aimais me rendre ici quand l'endroit était vide. Dans la journée, il y avait plein de monde, et c'était bruyant. Le calme et la solitude ne me faisaient pas peur. Je me suis dirigé vers la pisicne, puis j'ai commencé à nager. Après un petit quart d'heure, je suis sorti, puis je me suis dirigé vers le sauna. Je suis allé m'asseoir, puis j'ai fermé les yeux.

Aller me baigner, puis aller au sauna avait eu l'effet escompté sur moi. Je ne pensais plus à ce cauchemar, et je m'étais calmé. Chelsea dormait profondément, et elle allait bien. Inutile de s'inquiéter. Les choses du passé ne se reproduieraient pas.

J'appréciais le calme et le silence de la piscine, et du sauna. Normalement, ce sont deux lieux qui sont censés être calme, paisible. Pourtant, en plein milieu de la journée, il n'était pas rare d'entendre des cris d'enfants, ou le bourdonnement des conversations des autres personnes présentes. C'est pour ça que je préférais profiter de cet endroit lorsqu'il était vide. Il n'y avait personne pour venir briser cette tranquilité, personne pour nous guetter discrétement. C'est donc pour ça que j'allais à la piscine de l'hôtel uniquement dans la soirée.

J'étais assis dans le sauna, la tête rejettée en arrière, les yeux fermés. Le voyage m'avait épuisé. Pourtant, ce cauchemar m'avait parfaitement réveillé. Je me souvenais encore des sueurs froides que j'avais eu en croyant sentir le bras froid de Chelsea. Je faisais rarement des cauchemars de ce genre. Il m'arrivait parfois de rêver du matin où j'avais retrouvé Alyzée. Pour me calmer, j'allais faire un peu de sport. Du footig, souvent, parce que ça me vidait l'esprit. Mais jamais, avant ce soir, je n'avais vu une autre personne à la place d'Alyzée. Et la dernière personne que j'aurais aimé voir, c'était Chelsea. Tout le sport du monde ne me ferait jamais oublié ça.

Pourtant, le sauna m'apaisa. Ce n'était qu'un cauchemar. Je m'étais retourné vers Chelsea, j'avais vérifié qu'elle respirait encore. Puis j'avais repris mes esprits. Chelsea n'était pas Alyzée, loin de là. Il n'y avait aucun risque ; les personnes ne se droguant pas ne peuvent pas mourir d'une overdose. Et puis ce cauchemar m'avait prouvé une chose : je tenais à Chelsea. Vraiment. Et visiblement, j'avais aussi très peur de la perdre.

Mes pensées commencèrent à divaguer. Depuis le Spring Break, les choses s'étaient très bien passées entre nous. En fait, les choses étaient plus ou moins redevenues comme il y a quatre ans. Sauf que cette fois-ci, j'essayais de faire des efforts pour communiquer avec Chelsea. Inutile de lui cacher des choses ; de toute façon, tout se savait tôt ou tard à Berkeley. Et puis au fond de moi, je savais que cette absence de communication entre Chelsea et moi n'avait fait que précipité notre rupture.

Mais quatre ans plus tard, nous venions juste de nous remettre ensemble. Jamais je n'aurais pensé que ça puisse être possible. Et pourtant... J'en étais le premier satisfait ; Chelsea m'avait énormément manqué. J'eus un vague sourire au souvenir de notre première nuit ensemble, au Bellagio. Nous nous étions racontés les quatre années qui venaient de s'écouler, puis nous avions fini par nous endormir, étroitement enlacés.

Je fus tiré de mes pensées lorsque je sentis la main de Chelsea prendre la mienne, et ses lèvres se poser dessus. Je ne l'avais pas entendue arriver. Je me suis redressé. Elle s'était assise à mes côtés, et me regardait. J'eus un léger sourire, puis elle me demanda pourquoi je n'arrivais pas à dormir.

- Simple cauchemar, murmurais-je.

Pourtant, ce simple cauchemar m'avait bien retourné. Mais maintenant, elle était là. Assise à côté de moi, ma main logée dans la sienne. Preuve que ce cauchemar n'avait pas lieu d'être. Ma main libre alla caresser sa joue, puis mes lèvres se posèrent dans son cou.

- Mais maintenant, t'es là... C'est le principal, ajoutais-je.

Quiconque a un rêve devrait aller en Italie. Peu
importe si l'on pense que le rêve est mort et
enterré, en Italie, il se lèvera et marchera à nouveau.
ELIZABETH SPENCER.

Il était rare que je fasse des cauchemars. D'ailleurs, la plupart du temps, lesdits cauchemars concernaient Alyzée, et le souvenir indélébile qu'elle m'avait laissé. J'avais été traumatisé par cette découverte macabre ; mais j'avais fait de mon mieux pour laisser ça de côté. Pour oublier, pour ne plus jamais m'en rappeller. Et quand, enfin, je pensais que j'étais parvenu à oublier, la réalité revenait avec plus de force encore, comme ce soir par exemple. Pourtant, ça avait été pire que les autres fois. Ce soir, ce n'était pas Alyzée que j'avais vu. C'était Chelsea. Repenser à ce cauchemar me fit frissonner, mais j'ai tenté de chasser au plus vite cette image de mon esprit.

La présence de Chelsea à mes côtés me rassura. Elle était là, bien vivante. Ma main tenait fermement la sienne, alors que Chelsea me détaillait du regard. Elle devait me trouver étrange, et dans un sens, elle n'avait pas tort. Il était une heure du matin, je venais de cauchemarder sur la mort de ma petite amie, et pour m'apaiser, j'avais été m'enfermer dans le sauna de l'hôtel. Bah oui, évidemment, quoi de plus naturel ? J'ai légèrement secoué la tête. Chelsea allait s'inquiéter. Si ce soir, elle fermait les yeux sur ce cauchemar, elle serait sur ses gardes à l'avenir. Elle chercherait à savoir, à comprendre. Et un jour, forcément, elle tomberait sur la vérité.

Finalement, son regard se détacha du mien, et elle se leva. Elle m'entraîna à l'extérieur. Nous avons marché quelques instants, silencieux, puis Chelsea s'est brusquement retournée vers moi. Elle se rapprocha, et noua ses mains dans mon dos, sans me quitter des yeux. Une de ses mains passa dans mes cheveux, puis elle me demanda ce que j'avais tant redouté. Elle voulait savoir ce qu'il s'était passé dans mon cauchemar.

Deux options : la première, je l'envoyais pûrement et simplement promener. Après tout, c'était ma vie privée, c'était mes blessures, mon passé. Elle n'avait pas besoin de tout savoir, ça ne lui apporterait rien de plus. La deuxième option, je lui disais tout. Dexter, Alyzée, mon passé en Angleterre, ce qu'il s'était exactement passé. J'avais confiance en Chelsea, vraiment. Mais une fois que je lui aurais dit toute la vérité, comment allait-elle réagir ? Sa vision de moi changerait certainement ; elle n'apprécierait pas forcément ce qu'elle allait entendre. Pourtant, notre accord tacite me revint en mémoire : chacun d'entre nous devait faire des efforts, pour communiquer avec l'autre.

Elle m'avoua ensuite qu'elle avait remarqué que je faisais beaucoup de cauchemars ; il n'était pas rare qu'elle me retrouve assis dans notre lit, en pleine nuit. C'était vrai que depuis que j'étais à nouveau en couple, les cauchemars s'étaient multipliés. Mais j'avais essayé de ne pas y penser, d'oublier. Et de vivre, sans être enfermé dans le passé. Puis, comme un supplice, elle me demanda de parler.

Alors voilà. Le moment que j'avais tant redouté, que j'avais tant repoussé était venu. Il fallait que je me confie à Chelsea. Que je lui raconte mon passé, un passé dont j'étais loin d'être fier. J'avais bien conscience que les révélations qui allaient suivre seraient déterminantes sur notre avenir de couple. Mais peut-être que c'était un risque à prendre.

- Tout a commencé il y a six ans, quand j'avais quatorze ans. Ma mère m'a envoyé dans un pensionnat très strict en Angleterre. Il y avait toutes sortes de règles, plus débiles les unes que les autres. Et tu me connais : l'autorité, ça m'a toujours gavé. Alors un coup, je me suis barré. J'avais quinze ans. Je sortais les nuits, je revenais en cours les matins. Personne ne s'en apercevait, et c'était parfait. A force de fréquenter toujours les mêmes endroits le soir, j'ai rencontré Dexter. C'est rapidement devenu mon meilleur pote. On faisait tout ensemble, et c'est lui qui m'a initié à toutes sortes de drogues dures. Il était à la fois mon ami, mon confident, et même parfois mon amant. Dans le pensionnat, il y avait une fille, Alyzée. Elle était plus agaçante que n'importe qui ; toujours là à te donner une leçon de morale, à respecter ses putains de principes... Bref, tu vois le genre. Quand j'ai parlé d'elle à Dexter, il m'a lancé un pari : j'avais une semaine pour la séduire. Et je l'ai fait, j'ai réussi le pari. Evidemment, le lendemain, je suis allé raconter ça à Dexter, et j'ai lâché Alyzée. Pour moi, il était hors de question que je sorte avec elle. Mais elle n'a pas vu ça comme ça, et elle a commencé à s'inviter à nos petites soirées. La petite sainte est rapidement devenue une débauchée, et elle avait fini par me plaire. J'ai accepté de sortir avec elle. Mais Dexter, quand il l'a su, n'a pas beaucoup aimé la nouvelle. Avec le recul, je pense qu'il était jaloux. Bref. Un soir, pendant qu'Alyzée était en vacances, il est venu me voir. On a bu, on a fumé, et j'ai fini par céder à ses avances. Après tout, Alyzée n'en saurait rien... Mais Dexter m'a fait du chantage, et je me suis retrouvé à sortir avec Alyzée et Dexter en même temps. Forcément, Alyzée a fini par l'apprendre... J'étais mal, mais elle m'avait dit qu'elle m'avait pardonné. Qu'elle surmonterait cette épreuve. Deux semaines plus tard, quand je me suis réveillé, un matin, elle était là. Froide, glaciale même. Ses yeux étaient vitreux, vides de toute expression. Et sur sa table de nuit, il restait quelques traces de poudre blanche. Alors j'ai compris : elle était morte d'une overdose à mes côtés, et je n'avais rien vu, rien entendu. J'ai appellé les secours, et une fois qu'ils ont emmené son corps, j'ai fait mes valises, et je suis parti aux Etats-Unis. Je n'ai plus jamais reparlé de cette histoire à personne, et j'ai fait de mon mieux pour tenter de l'oublier. Voilà, terminais-je en soupirant. Maintenant, tu sais tout.

Dire ça m'avait fait plus de bien que je ne l'avais imaginé. Je me sentais presque soulagé. Maintenant que Chelsea savait, elle était libre de faire ce qu'elle voulait. Rester, ou partir. Et désormais, ma sincérité envers Chelsea était totale : je ne lui avais jamais rien caché d'autre. Juste cet épisode sordide de mon existence.

Quiconque a un rêve devrait aller en Italie. Peu
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Ce que je venais de révéler à Chelsea était sans doute l'une des parties les plus sombres de mon passé. Je n'en avais pas vraiment honte, mais je n'en étais pas fier non plus. Je veux dire, j'avais vécu. Comme tout le monde. J'avais fait des choix, j'avais fait des erreurs. Parfois, ces dernières étaient lourdes de conséquences ; Alyzée en avait payé le prix, alors qu'elle n'aurait pas dû. C'était ça, le pire. La culpabilité. Et je ne pouvais rien changer à cette culpabilité. Elle serait toujours présente ; je n'avais aucun moyen de me racheter.

Je n'étais pas sans savoir que Chelsea s'inquiétait pour moi. Il suffisait de la regarder pour comprendre. Plusieurs fois, j'avais surpris son regard interrogateur, ses sourcils froncés, son air inquiet. Evidemment, j'avais fait celui qui n'avait rien remarqué, sûrement parce que je n'étais pas prêt à lui parler de cette histoire sordide. Mais ce soir, je n'avais pas vraiment eu le choix. Chelsea réclamait des explications, et si je voulais vraiment la garder auprès de moi, il valait mieux lui dire la vérité maintenant.

Finalement, je me suis lancé. Je lui ai donc parlé de toute cette histoire, qui, même presque cinq ans plus tard, me rongeait encore de l'intérieur. Chelsea eut la délicatesse de ne pas m'interrompre, et de m'écouter jusqu'au bout. Habituellement, mes yeux auraient scrutés Chelsea, afin de détailler ses moindres émotions. Mais pas ce soir. Je crois que j'avais peur de savoir ce qu'elle allait penser de mon récit.

Chelsea vint se blottir dans mes bras, et j'ai senti ses bras se resserer autour de ma taille. Si j'avais eu peur qu'elle parte suite à cette révélation, je pouvais désormais être rassuré quant à ses intentions. D'une voix timide, peu sûre d'elle, Chelsea m'avoua qu'elle ne savait pas quoi dire. Mais en même temps, qu'y avait-il à dire ? Rien. Elle s'excusa, puis me dit qu'elle ferait tout pour m'aider.

- La seule chose que tu as à faire, c'est rester avec moi... C'est ce qui peut m'arriver de mieux, murmurais-je en caressant ses cheveux.

Etrangement, me livrer de cette manière à Chelsea m'avait soulagé, libéré presque. Elle connaissait la partie la plus sombre de ma vie, elle savait. J'avais réussi à lui parler de cette histoire, et dans notre effort de communication, c'était un grand pas pour moi. Pourtant, il y avait toujours certaines zones d'ombre à éclaircir. Par exemple, je ne lui avais pas dit que cette nuit, j'avais rêvé d'elle, et non pas d'Alyzée. Autant lui avouer, maintenant. Je n'étais plus à une confidence près.

- Cette nuit Chelsea, ce n'était pas Alyzée, le cadavre... soufflais-je. C'était toi.

J'ai dégluti. A nouveau, j'eus peur des répercutions de cette révélation. Votre petit ami qui rêve de votre propre mort, quoi de plus glauque ? Pourtant, seul dans le sauna, j'avais eu le temps de revenir sur ce cauchemar. Et mon interprêtation m'avait amené à conclure que la raison pour laquelle j'avais cauchemardé sur la mort de Chelsea, c'était que ma plus grande crainte était de la perdre.

- Je crois que c'est simplement parce que j'ai peur de te perdre... avouais-je.

Quiconque a un rêve devrait aller en Italie. Peu
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enterré, en Italie, il se lèvera et marchera à nouveau.
ELIZABETH SPENCER.

Alors que je venais de lui réveler le pire de mon cauchemar, l'élément essentiel qui m'avait poussé à quitter le lit ce soir, je sentis les mains de Chelsea se resserer légèrement autour de moi. Etait-ce pour me prouver qu'elle était bel et bien là, avec moi ? Que tout allait bien, et qu'enfin, peut-être, les choses allaient évoluer d'une façon positive pour moi ? Je n'en avais aucune idée. D'ailleurs, je ne savais même pas si la pression de ses mains dans mon dos était réelle, ou si c'est moi qui avait inventé ça. Mais elle était là, avec moi, dans mes bras, ça j'en étais certain. Ma main gauche caressait simplement son dos, alors que la droite s'était perdue dans ses cheveux. Oui, elle était bien là, et c'était du sérieux.

Les gens avaient été surpris de ce rapprochement soudain avec Chelsea. La plupart ignorait que j'avais déjà eu une relation avec elle par le passé. Mais surtout, la plupart des gens avaient vu cette relation d'un mauvais oeil. Les Gammas n'avaient pas vraiment fait de commentaire, mais je savais qu'ils avaient été surpris. Les Iotas n'avaient sans doute pas hésité à critiquer cette relation. Comment une des leurs pouvaient-elles sortir avec un camé de Gamma ? Je n'avais pas inventé ça ; j'avais un jour entendu deux Iotas parler de ça alors que je passais à côté d'eux. Quant aux autres, je ne savais pas vraiment ce qu'ils en pensaient, et pour être honnête, je m'en foutais royalement.

Ses lèvres, qui se posent doucement sur les miennes, me firent sortir de ma rêverie. Puis, elle se détacha de moi, et finit par me dire que si je parvenais à la supporter, elle resterait avec moi aussi longtemps que possible. J'ai secoué doucement la tête en souriant. Supporter Chelsea ? Facile. Ça n'avait jamais été un problème pour moi. La première fois que nous nous étions mis ensemble, nous nous étions tout de suite très bien entendu. Nos différences auraient pu tout foutre en l'air, mais au contraire, ça nous avait rapproché.

- Crois-moi, tu en auras marre avant moi, répondis-je en souriant.

Après lui avoir révélé que c'était d'elle que j'avais rêvé cette nuit, et non d'Alyzée, les mains de Chelsea vinrent se poser sur mes joues, dans l'unique but de me rassurer. Mais sa déclaration me fit tressaillir. Elle n'y touchait plus ? Ça signifiait qu'elle y avait déjà touché. J'ai dégluti.

- Quand ? Pourquoi t'as fait ça ? Murmurais-je.

Inutie de tenter de lui faire la morale. Si elle me disait que c'était du passé, c'est que c'était vrai. Et puis, un drogué faisant la morale à sa petite amie parce qu'elle même s'est droguée... Non, c'était plus ironique qu'autre chose.

Je ne parvenais pas à imaginer Chelsea dépendante à une quelconque drogue. Ce qui m'inquiétait aussi, c'était de savoir quand est-ce qu'elle s'était droguée, et surtout, si ce n'était pas moi qui, involontairement, l'avait entraînée là-dedans. Quoi qu'il en soit, il était hors de question pour moi de la tenter avec mes conneries. Je ne prendrai pas le risque de la voir sombrer, c'était juste impensable.

La déclaration qui suivit me rassura. Oui, c'était bien du sérieux entre nous. Non, elle ne jouait pas avec moi, et ne me laisserait pas comme la dernière fois. Tout à coup, ce fut clair pour moi. Cette soudaine proximité au Spring Break... Au début, elle avait voulu jouer. Mais elle s'était laissée prendre à son propre piège. Les joues rosées de Chelsea me firent sourire.

- T'es belle quand tu rougis, murmurais-je en souriant, avant de poser mes lèvres sur sa joue.