A votre avis, quel était le moment le plus cool de la semaine, que ce soit pour un prof' ou pour un étudiant ? Le dimanche matin. Il n'y avait rien de plus agréable qu'un dimanche matin, et ça, je le savais mieux que quiconque. Certaines personnes profitaient de ce laps de temps pour dormir ; d'autres récupéraient d'une soirée trop arrosée. On avait toujours quelque chose d'agréable à faire un dimanche matin, parce qu'au final, on savait que ça allait être reposant. Enfin, c'était mon avis.

Lorsque je m'étais réveillé, il était plus de dix heures. J'étais sorti la veille ; rien de bien méchant, juste une soirée tranquille. J'étais rentré aux aurores, mais j'avais pris soin de mettre le réveil. La veille, je m'étais aperçu que j'avais oublié mon téléphone à l'université. J'aurais pu m'en passer sans problème, s'il n'y avait pas des messages qui étaient susceptibles d'être compromettants. Même si j'avais pris soin de mettre un code, on n'était jamais à l'abris d'une personne mal intentionnée.

Après avoir pris une douche, j'avais décidé d'aller directement à l'université. Plus tôt j'aurais récupéré mon portable, mieux ce serait. J'avais attrapé mes clés de voiture, qui traînaient sur la table basse du salon, et j'étais parti.

A peine dix minutes plus tard, j'étais arrivé à l'université. Je m'étais rendu dans la salle des profs, et j'avais retrouvé mon portable, qui était posé sur la table au centre de la pièce. Il n'y avait personne ; je n'avais jamais vu l'université aussi vide, aussi déserte. J'étais ressorti discrètement ; je ne voulais pas croiser un élève, et encore moins un collègue. Je préférais rester discret, afin d'éviter les soupçons.

Pour être quasiment sur de ne croiser personne, j'avais décidé de repartir par le parc. J'étais presque arrivé au parking. Perdu dans mes pensées, je ne remarquais même pas la présence d'un élève. Et si j'en croyais a bousculade qui en suivit, lui non plus ne m'avait pas vu.

C'était un homme. Il m'a suffit d'un seul regard pour voir que c'était Swen. Il s'excusa, sans même relever les yeux. Finalement, ça m'arrangeait. Cette indifférence nous éviterait sans doute une dispute. Surtout que maitenant, Hanneli était partie. Et vu comme il me détestait, Swen allait probablement en tirer des conclusions hâtives. Il penserait sûrement que si elle était partie, c'était de ma faute. Finalement, Swen releva les yeux, et retira ses excuses. J'ai haussé les épaules, signe que ça n'avait pas vraiment d'importance.

- Pas la peine de me regarder comme ça, je n'ai rien fait de mal.

Hanneli. La pauvre... Elle n'avait rien fait, elle n'avait rien demandé. Et pourtant, elle s'était retrouvée prise entre deux feux. Entre Swen et moi. Son meilleur ami, et son demi-frère.

Lorsque j'avais appris qu'Hanneli était ma soeur, la fille de ma mère, j'avais probablement eu l'un des plus gros chocs de ma vie. Moi qui avais toujours pensé être fils unique, voilà que je débarquais à Berkeley, et que je faisais cours à ma demie soeur. Ma mère était partie lorsque j'avais six ans. Lorsqu'Hanneli était venue m'annoncer que j'étais son demi frère, j'avais cherché à vérifier son âge : 19 ans. Et puis je lui avais posé des questions personnelles sur ma mère, et elle avait su y répondre correctement. J'avais dû me rendre à l'évidence : Hanneli était bel et bien ma soeur.

Difficile à gérer, lorsqu'on vous annonce ça à 26 ans. Mais pas impossible. J'avais été méfiant, au début. Je n'aimais pas trop l'idée qu'une fille, une étudiante de Berkeley, puisse être de ma famille. Mais un jour, nous avions discuté. Et c'est là que je m'étais rendu compte que j'avais près de 20 ans à rattraper avec ma demie soeur.

Elle m'avait parlé de sa jeunesse, de ses cours, de ses amis. D'ailleurs, elle me parlait souvent de Swen. C'était son meilleur ami, et elle le considérait comme son frère. C'est pourquoi elle avait longuement hésité, avant de lui dire la vérité. Elle ne m'avait jamais vraiment raconté comment Swen avait digéré cette annonce. Mais il était clair que désormais, j'étais sur la liste de noire de Swen.

- Pardon ? Par ma faute ? Et qu'est-ce qui te fait dire ça ?

Visiblement, Swen ne supportait pas le départ d'Hanneli. D'ailleurs, j'avais du mal à m'y faire aussi. Je commençais seulement à la connaître, et voilà qu'elle disparaissait, sans rien dire. Si je m'étais senti abandonné, je n'imaginais pas ce que Swen avait ressenti. Probablement la même chose que moi, mais en plus fort.

Je pouvais comprendre la jalousie de Swen. Je pouvais même concevoir qu'il me déteste et me haïsse. Pourtant, je n'avais rien fait pour. Certes, j'avais débarqué dans la vie d'Hanneli. Et sans même la connaître, j'avais accédé au rang de demi frère. Un frère de sang, qui plus est. Swen, lui était "juste" un frère de coeur. Il avait dû se sentir menacé, et je pouvais très bien imaginer ça. Mais ce que je n'avais pas vu venir, c'est qu'il me le fasse payer.

- Je n'en ai aucune idée.

Je ne lui mentais pas ; depuis qu'Hanneli était partie, je n'avais pas eu de nouvelles d'elle. Elle ne m'avait même pas prévu de son départ, ce qui, à mon avis, signifiait qu'elle avait fait ça précipitament. Peut-être qu'elle avait eu des soucis, ou un problème à régler. Nous en saurions plus à son retour, ou quand elle nous appelerait.

Swen Turner était un élève. Un simple élève, ridicule, que j'aurais pu éclater en mille morceaux si j'avais voulu. J'avais des tas de moyens pour l'écraser sans pitié. Les heures de colle, la menace, rechercher des informations personnelles dans son dossier scolaire, le chantage... Nul doute que si j'avais voulu, j'aurais pu trouver des choses compromettantes sur son compte. Mais ce n'était pas mon genre, et je préférais largement avoir une explication claire et nette avec lui, même si, je devais l'avouer, je n'avais pas vraiment son ton d'excusation.

- Tu parles sans savoir.

Swen venait de me dire que j'avais bouleversé la vie d'Hanneli en lui révélant que j'étais son demi-frère. Visiblement, ma demie-soeur avait oublié de lui dire que c'était elle, qui m'avait annoncé ça. Moi, je n'avais rien demandé, je n'étais même pas au courant de son existence. C'était elle qui était venue me trouver, et c'était elle qui m'avait prouvé qu'elle était ma demie-soeur. Mais ça, apparemment, Swen ne le savait pas.

- C'est elle qui m'a dit que j'étais son frère. Avant qu'elle ne m'en parle, je n'étais pas au courant. A vrai dire, j'ai toujours pensé être fils unique, jusqu'à ce que je débarque ici, et qu'Hanneli m'avoue que j'étais son demi-frère.

Swen m'accusait, mais rien n'était fondé. En fait, je n'avais rien demandé du tout. Je ne connaissais rien de la vie d'Hanneli, ni de son passé. Je n'étais donc pas responsable des conséquences de ce qu'elle m'avait annoncé. Je ne savais pas si sa soudaine disparition avait un quelconque rapport avec cette révélation. J'aurais aimé savoir ; mais Hanneli ne donnait pas de nouvelles, et ne répondait pas au téléphone. Et apparemment, Swen, lui non plus, n'avait pas de nouvelles d'elle, ce qui semblait l'inquiéter.

-Calme toi, et arrête d'imaginer les pires scénarios. Si elle est partie comme ça, c'est qu'elle avait une bonne raison.

Ne pas me prévenir moi, c'était une chose. Mais ne pas prévenir Swen, son meilleur ami, c'en était une autre. C'était étonnant, surprenant. Pourquoi n'avait-elle rien dit ? Son départ avait dû être précipité. Et cette soudaine spontanéité angoissait Swen, qui était en train de se ronger les ongles.

- Ses affaires ne sont plus à l'université, et elle n'est pas dans les hôpitaux qui se trouvent à proximité de San Francisco. En fait, je pense qu'elle est... Partie.

Je préférais ne rien ajouter. J'avais des doutes quant à son retour. Sinon, pourquoi aurait-elle pris la peine de vider entièrement sa chambre ? Pourquoi ne donnerait-elle pas de nouvelles ? Selon moi, Hanneli était partie. Elle avait déserté, et ne reviendrait pas.

C'était vrai, il parlait sans savoir mais il ne pouvait s'en empêcher. Il n'avait aucune raison de détester Nathanaël, et pourtant... Il baissa les yeux, lorsque le surveillant reprit la parole. Après quelques secondes de silence il dit finalement

- Excuses-moi Nathanaël, j'ai vraiment réagi comme un con, je le sais très bien, mais ça fait parti de mon caractère. Je suis jaloux, possessif envers les gens auxquels je tiens énormément, et je tiens, ou compte tenu de la situation je tenais énormément à ta sœur. Elle était un peu comme ma petite sœur, une de mes raisons de vivre tu vois. Et de savoir qu'elle avait de la famille, de la vraie, par les liens du sang, m'a pour ainsi dire fait perdre la tête. Oui, j'étais très jaloux de la situation à un point inimaginable, mais j'avais peur qu'elle me laisse, qu'elle m'abandonne, qu'au final, qu'elle te préfère toi. Ça peu paraitre stupide dit comme cela mais c'est ainsi, et je ne peux pas le contrôler. Alors je sais que toutes les excuses et tout ce que je pourrais dire et faire ne feront pas oublier les derniers mois, mais je suis sincèrement désolé de mon comportement, ce n'était pas contre toi, ça aurait pu être n'importe qui que j'aurais réagi de la même manière....

Il se tut le temps de reprendre sa respiration, puis reprit la parole

- Je sais bien qu'elle est partie, et qu'elle ne reviendra sûrement jamais. Mais où? Pourquoi?! Pourquoi elle nous laisse sans nouvelles? C'est ça qui est pas normal, je suis certain qu'il lui est arrivé quelque chose de pas cool ! Tu comprends ça? Je le sens, je me trompe peut-être, je l'espère que je me trompe, mais je le sens... il bafouilla quelque chose d'incompréhensible, avant de rajouter Je... Je ne veux pas qu'un jour on m'appelle ou on t'appelle en annonçant qu'on avait retrouvé son corps dans la mer ou un fleuve.. Peut-être qu'elle comptait s'éloigner, et qu'elle a été enlevé ! Je pense qu'on devrait aller voir la police... Au moins pour se rassurer non? Imagine, si elle est danger on peut peut-être la sauver...

A ce moment-là, bien que son ton soit calme, il avait viré dans une attitude à la limite de l'hystérie. Il voulait la voir, être rassuré. Sans savoir pourquoi il se sentait coupable. Peut-être était-elle partie à cause de l'ambiance qu'il y avait entre les deux garçons? Mais même si cette hypothèse était probable cela n'expliquait pas tout...

Les excuses de Swen me laissèrent perplexe. Lui qui semblait être vraiment en colère contre moi, j'étais peut-être finalement parvenu à le convaincre de ma bonne foi. Mais pour combien de temps ? Sûrement jusqu'à une prochaine dispute, ou à un prochain soupçon qu'il aurait sur moi, fondé ou non.

Swen m'expliqua qu'il était jaloux et possessif. Dans ce domaine, je ne pouvais que le comprendre. J'étais pareil. Et parfois, ces deux défauts, poussés à leurs extrêmes, pouvaient me faire perdre totalement pied. Visiblement, c'était son cas aussi. Il me décrit briévement ce qu'il ressentait pour Hanneli. Apparemment, leurs liens étaient profonds et sincères. Jamais je n'avais voulu me mettre entre eux.

- Tu sais, le sang ne fait pas tout, dis-je en haussant les épaules.

Au contraire, même. Lorsque j'avais compris qu'Hanneli était ma demie soeur, j'avais orienté les soupçons sur mon père. Sauf que je m'étais vide rendu compte de l'évidence : mon père n'était pas celui d'Hanneli. Il ne restait donc qu'une option : Hanneli était la fille de ma mère. Et ça, très sincèrement, j'avais vraiment eu du mal à le supporter. D'ailleurs, Hanneli avait rapidement compris que ce sujet était épineux, et qu'elle ne devait pas trop s'aventurer sur ce terrain là avec moi.

- Je sais. Je te comprends, je suis pareil. Très franchement, je ne t'en veux pas.

Puis Swen me confia ses doutes. Il avait peur qu'il soit arrivé quelque chose à Hanneli. Je pouvais très bien comprendre ses craintes, ses angoisses. Mais Hanneli était une grande fille, et même si je n'aimais pas l'idée qu'elle ne nous donne pas de nouvelles, je n'avais pas le choix. Il fallait juste attendre.

- Ne pense pas à ça. Tu veux mon avis ? Elle est repartie en Italie, pour quelques temps. Je ne sais pas pourquoi, mais quand elle reviendra, elle nous expliquera.

La voix de Swen monta dans les aigus, signe qu'il était vraiment inquiet pour elle. Il avait tout de suite imaginé le pire : qu'elle soit enlevée, agonisante, ou même morte. Je n'avais jamais songé à ces possibilités. Pour moi, Hanneli était juste rentrée en Italie, et il était hors de question qu'il en soit autrement.

Visiblement Nath' ne semblait pas trop lui en vouloir. Tant mieux, devrait-il sûrement se dire, mais d'un autre côté cela l'arrangeait bien qu'ils s'en veuillent mutuellement, cela lui donnait une bonne raison de pouvoir le critiquer à souhait et de s'engueuler avec lui quand il était énervé et que le pauvre surveillant se trouvait sur son passage. Pas très très fair-play, le Turner sur ce coup-là, mais c'était ainsi avec chaque personne qu'il n'aimait pas pour X ou y raisons. En même temps, on pouvait dire qu'il avait très peu d'ennemis, car mis à part Chelsea qu'il avait avait envie de trucider à chaque fois qu'il la voyait, Charlie & Vladimir qu'il ne pouvait se voir en peinture, et bien sûr miss Kirsten - mais -là c'était une simple histoire de jalousie intense-, il aimait bien généralement tout le monde.
Les dernières paroles de Nathanaël le calmèrent légèrement. Oui. Il devait avoir raison. Il n'était rien arrivé à Hannely. Elle avait dû partir, point barre. Il essaya de se raisonner mais au final rien n'y fit, il y avait toujours cette satané petite boule d'angoisse.

- Tu connais son adresse ? Là où elle aurait pu loger? Peut-être que je, enfin qu'on pourrait lui écrire, on aurait peut-être des nouvelles ainsi. Au savoir si elle va bien ou pas, même si on ne sait pas pourquoi elle est partie. Ca me rassurerait. Ce n'est pas que je ne te crois pas, mais c'est juste que je trouve que quelque chose ne colle pas dans cette histoire, ça ne lui ressemble vraiment pas de laisser tout en plan sans donner de nouvelles... Alors, oui, peut-être qu'elle serait partie à cause de moi, de toi, de nous ou de tout autre raison, mais même si elle nous en voulait, elle nous aurait envoyé chier non?!

Il se tut. Pour lui, son raisonnement collait la route, bien que pour une fois il aurait voulu donner entièrement raison à l'autre garçon. Son téléphone sonna, le prénom de Steve était affiché, il fit un petit signe à Nath de l'excuser et s'éloigna de quelques pas pour pouvoir prendre son appel en paix.... Il aurait bien voulu continuer de donner son opinion, mais préférait prendre l'appel de son père. Ca devait sûrement être important ce qu'il avait à lui dire. Le surveillant comprendrait très certainement et s'il souhaitait continuer la conversation il resterait, sinon il partirait...

[HJ: On clos le sujet-là ou pas? (a)
Désolée de la petite réponse, et du temps que j'ai mis pour y répondre --']