L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Maintenant, Jodie en était persuadée. Avant, elle se levait toujours très tôt, et pourtant elle avait bien cru être en train de mourir il y avait de cela cinq mois environ. Heureusement, un miracle avait fait en sorte qu’elle s’en était sortie vivante, encore plus en forme qu’avant. La jeune femme croyait donc en ce dicton dur comme fer, dorénavant. Ce matin, donc, l’étudiante en théâtre ouvrit les yeux vers les sept heures du matin, ouvrant les rideaux au complet pour laisser entrer ce bain de soleil dans sa chambre tantôt trop sombre. Elle sourit devant ce beau temps. Il était tôt, mais il faisait déjà chaud sur San Francisco. Jodie s’attacha les cheveux en un chignon plutôt négligé et enfila déjà son maillot de bain une pièce noir. Lorsqu’elle allait à la plage, elle enfilait un bikini ou un trikini. Cependant, ce matin, elle allait s’entraîner et faire des longueurs, alors à quoi bon se soucier de si elle était canon ou pas ? De toute façon, par expérience, elle savait qu’il n’y avait pas beaucoup de nageurs à cette heure-là. Elle descendit à la cuisine de la maison de confrérie des naturels, se fit un yaourt mélangé avec des fruits des champs ainsi que des céréales et dégusta le tout seule, assise à la table. Jodie ne prit pas la peine de se doucher, de toute façon elle s’était lavée la veille au soir et n’avait rien fait depuis, alors elle ne pouvait pas être sale. Elle se mit du déodorant, au moins, et puis enfila des shorts et un gros chandail par-dessus son maillot. La jeune femme passa ses pieds dans ses tongs noirs puis retourna à sa chambre faire son sac. Une serviette, encore un déodorant, du savon pour se laver dans les douches à côté de la piscine, et du linge de rechange. Elle sortit finalement de la maison sans laisser de note, on ne la chercherait pas de toute façon. Jodie se rendit à pieds jusqu’à l’arrêt d’autobus et attendit une dizaine de minutes avant que le bon numéro passe devant. Cinq minutes après être embarquée, elle demandait un arrêt devant la Jewish Pool. La brunette prit une douche rapide avec du savon avant d’entrer dans la piscine, simple raison d’hygiène. En sortant des vestiaires, la future comédienne se rendit jusqu’aux bassins extérieurs et opta pour la grande piscine permettant d’effectuer des longueurs. Sans trop regarder autour d’elle, la demoiselle sélectionna le deuxième couloir et plongea tête première dans l’eau froide, sans même y avoir plongé un orteil avant. Elle commença à faire une longueur jusqu’à ce qu’elle fonce dans quelque chose. Quelqu’un. Sa tête lui faisait atrocement mal et elle mit d’ailleurs sa main sur l’endroit de collision, comme pour taire la douleur. Elle ressortit de l’eau, pour s’assurer que l’autre personne n’allait pas se noyer. Voyant qu’elle ressortait de l’eau à son tour, elle s’empressa de se confondre en excuses. « Je suis désolée ! J’ai pas regardé avant de prendre le couloir, habituellement y’a personne … je suis trop maladroite je m’excuse … ! » Elle détestait se trouver dans des situations aussi embarrassantes et pourtant, ça lui arrivait sans arrêt.

Tout le monde aime se faire complimenter, on y peut rien. C’est dans la nature humaine d’aimer se faire flatter son égocentrisme disproportionné dans la majorité des cas. Même Jodie, qui était plutôt bien indifférente face à la petite personne qu’elle-même était, appréciait quand les gens la complimentaient. Ça la faisait sourire, lui redonnait confiance en elle. Tiens, elle aurait d’ailleurs beaucoup besoin de cela, en ce moment. Peut-être devrait-elle s’acheter un perroquet, lui apprendre des compliments, et le laisser les lui répéter à longueur de journée. Parce qu’à part ça, elle ne voyait pas comment on pouvait lui remonter le moral ces derniers temps. Bref, parlant de rêves d’enfant et de métier, Jodie avait fait le contraire d’Emma. Elle avait plutôt choisi de suivre ses illusions de petite fille et avait continué à vouloir devenir une actrice. Ce pourquoi elle étudiait en théâtre et comédie à Berkeley depuis deux ans, et qu’elle continuerait cette année, malgré qu’elle venait de mentir à ce sujet bien précis. Son interlocutrice lui parla avec des yeux brillants de sa ville natale, disant qu’elle restait sa préférée, son chez-soi. Jodie sourit en hochant la tête. « Bien sûr, on n’oublie jamais d’où on vient … » Elle n’oublierait jamais l’Irlande, bien qu’elle n’y ait vécu que quelques temps seulement. Emma changea rapidement de sujet, comme si parler de son passé la gênait. Jodie ne releva pas et continua à converser avec elle comme si de rien était. Elle n’était vraiment pas le genre de fille à creuser dans les souvenirs des autres, surtout pas en ce moment. Elle la complimenta plutôt sur sa nage, pour aider à s’enligner vers une autre conversation. « Non, pas du tout. Je viens tout juste de me mettre au sport, en fait. Un peu en retard c’est clair mais … avec le boulot j’ai été très prise. » Non, ce n’était pas du tout cela. C’était qu’avant son opération, Jodie ne pouvait pas se permettre de beaucoup bouger, car avec le système respiratoire qu’elle possédait, un petit rien pouvait l’essouffler. Maintenant que ses poumons fonctionnaient mieux et que ça compensait pour le reste, elle en profitait comme jamais. La brunette imita sa compagne et se tourna sur le dos, continuant à battre des jambes pour ne pas couler. Elle ferma les yeux. « Ça fait du bien de parler à du nouveau monde. » C’était parti tout seul.