La boule de nerfs entre ses mains rongeait son frein. Entre les feulements déplaisants de l’un et les grincements lunatiques de l’autre, la musique annonçait de grands changements. Depuis des semaines, Madison et Kevin ne s’étaient pas vus ou à peine croisés. Peu rigoureuse sur le planning des entrevues avec ses amis, la pirate ne s’inquiétait que peu des conséquences de l’éloignement que pouvait provoquer le vide et le manque de relation.

Non. Aujourd’hui, elle allait remédier à un grave problème de communication et de comportement entre elle et lui. Un violent coup de pied frappait la porte d’entrée du policier avant que la petite blonde ne braille de toutes ses forces.

« POLICE ! OUVREZ LA PORTE ! »

Très amusant Madison. Maintenant les voisins allaient s’interroger sur ce brave Kevin et ses activités. Alors ? Pensez-vous que la blonde et son seau d’eau avaient une quelconque pensée à ce sujet ? Certainement pas ! Remonté comme un coucou prêt à bondir une fois la grande aiguille sur le 12, Madison attendait que la porte s’ouvre sur la grande silhouette tant attendue. Des bruits de pas annonçaient l’approche de l’instant magique, le moment où enfin, il lui ferait face. Le cliquetis de la serrure impatientait la demoiselle. Bon ? Il allait ouvrir au lieu de regarder dans le judas ? L'attente ne lui avait jamais réussi! Jamais! Malheureusement, le bruit d'une serrure que l'on tourne agaça plus encore l'oreille susceptible de la belle. Est-ce que Kevin venait de lui fermer la porte au nez? Est-ce qu'il se cloîtrait chez lui dans la peur de voir une naine lui mordre les parties? OUI!

" COU**LE MOLLE!" Hurlait Madison dans un excès de rage.

Le pied frappait une première fois la porte pour revenir à la charge. Les murmures des voisins lui importaient peu, prise dans son élan de colère, elle ne prêtait attention à rien d'autres que cette porte close. Le visage se peignait en rouge sanguin alors que son regard se tintait d'une couleur sournoise.

" T'as intéret à l'ouvrir cette porte! Sinon, je te jure que..."

Que quoi? Qie pourrait-elle lui faire de toute façon? Il se fichait pas mal des petites sautes d'humeur d'une vieille amie, peu importe si elle avait mal au coeur? Est-ce qu'il pensait réellement qu'elle était la folle à lier que l'on avait décrit au tribunal? Est-ce qu'il avait peur qu'elle devienne aussi sombre et délurée que le reste de la famille? Elle aurait pu le comprendre mais de là à lui laisser la porte fermée au lieu de simplement lui expliquer... Que faire à part hurler au scandale? Le traiter de tous les noms d'oiseaux de la planète? Passer sa peine dans des cris inutiles? Rien.

Madison était de retour, plus tarée que jamais. Cette petite chose sous le regard de Kevin avait bien changé. De fille mal habillée et mal dans sa peau, la petite chenille devenait chrysalide. Une tenue soignée, des cheveux blonds coiffés et un caractère toujours aussi pourri. En somme, seul l’emballage avait été passé au service marketing.

Alors que j’étais tranquillement dans mon canapé à regarder la télé, on m’appela. C’était un de mes anciens voisins. Je décrochais, et là j’entendis quelque chose que je n’aurais jamais imaginé. Il me décrivit une petite blonde en train de frapper et crier devant mon ancien appartement. Ca ne pouvait qu’être Madison. Elle était la seule que je connaissais pouvant faire ça, et qui ne savait pas pour mon déménagement. Il s’était passé tellement de choses entre temps que je n’avais pas pu la mettre à la page. Je remerciais mon ami, et juste après avoir raccroché, je filais en toute vitesse vers mon ancien immeuble. Espérant qu’une autre patrouille n’arriverait pas avant moi. Je me garais comme n’importe quoi devant l’immeuble, et à peine dans le hall je pouvais l’entendre. Oui, c’est bien Madison. Je montais les escaliers, et je me retrouvais derrière elle. Elle ne m’avait même pas entendu monter tellement elle criait. Je ne fis pas encore part de ma présence, je la regardais. Encore plus excentrique qu’avant. Et je la vis avec un seau d’eau dans les mains. Et dire que ça m’était destiné. « Hum… » Elle se retourna enfin. « Descends, y a ma voiture en bas. » Lui dis-je d’un ton très autoritaire. Comme un parent pourrait le dire à son enfant après une grosse bêtise. Elle pouvait bien voir sur mon visage que je ne rigolais pas. Et elle m’obéit. Merci Mady, enfin une onde d’intelligence. Lorsque je descendis, je frappais calmement à la porte de mon ancien appartement pour m’excuser auprès de la personne. Et là ce fut une belle jeune fille qui m’ouvrit. Je m’excusais comme il le fallait, et j’eus même le droit à un échange de numéro. Avec un sourire sur les lèvres, je descendis pour rejoindre Mady qui m’attendait assise sur la voiture. Je me postais devant elle. « Tu me dis ce qui t’arrives ? » Je savais qu’elle était très excentrique, mais faire autant de bruit, dans un appartement je ne la savais pas capable d’une telle chose. Heureusement qu’elle n’avait eu qu’un seau d’eau dans les mains. D’ailleurs j’allais m’installer dans ma voiture pour avoir un peu plus d'intimité. Mady me suivit. Je fermais les portes, et je mis le chauffage. Je me tournais vers mon amie, pour écouter la réponse qu’elle pouvait me donner. Je ne faisais que ça : d’essayer de l’aider, mais je commençais à avoir l’impression que je fais tout le contraire. Que si elle est comme ça, ce n’est qu’à cause de moi.

Madison se retrouvait soudainement bien bête. La voix derrière elle mit du temps à parvenir à son cerveau, à être analysé comme étant celle qu'elle était venue chercher. La tête se tourna brusquement en direction du garçon qu'un regard circonspect jaugea de la tête aux pieds. Nul doute possible, il était bien lui et personne d'autre.

Prise de cours, la blondinette ne su que faire. Trop d'émotions différentes déferlaient dans son coeur et aucune ne semblait savoir comment s'exprimer. Le silence devînt rapidement pesant malgré l'ordre de Kevin. D'un pas lourd sous le poids de son fardeau tant physique qu'émotionnel, la donzelle s'approcha de Kevin posant le seau lourdement sur le pied du policier.

Sans un mot, la pirate exécuta l'ordre donné. Que faire d'autre de toute façon? Aucune idée logique ne parvenait à émerger. Paumée, plus qu'à l'accoutumé, la silhouette s'effaça au coin d'un escalier. Un étage puis un autre n'offrir pas meilleurs angle de vue et de perspective à Madison. La rue fraîche n'éclaircit pas mieux son esprit. Lorsque Kevin ouvrit la voiture, la blondinette prit un long moment avant d'ouvrir la portière. Plantée devant la vitre de la voiture, elle observait son reflet décoiffé, ses joues rouges et son air absent. La vue devînt rapidement insupportable. Aussi, la poignée claqua pour lui permettre d’accéder à l'intérieur.

A la question, seul un haussement d'épaule répondit à Kevin. Aucun mot ne convenait alors le silence semblait plus judicieux. De toute façon, elle n'arriverait pas à parler. L'envie lui manquait, la force aussi. Déprimée, c'était le mot qui lui convenait. Dans un soupir, le regard se tourna vers Kevin.

"Pas compris la question." Grogna Madison avant d'attraper sa ceinture de sécurité pour la passer sur son corps et approcher de l'attache.

Pas que ce foutu ruban de protection l’inquiétait outre mesure, mais ça l'occupait. Il pouvait bien dire ce qu'il voulait, faire ce qu'il voulait, Madison était prête. Bien qu'elle gardait quelques doutes sur l'avenir, elle se fichait bien de savoir ce qu'il allait lui arriver. Plus rien ne la motivait dernièrement, hormis le danger et les hurlements. Comment récupérer une vie stable quand on en avait jamais connue?

musique

Autrefois je pensais connaitre et comprendre Madison. Mais depuis quelques mois, je ne la reconnais plus. Elle n’est plus du tout la même. J’essaie de suivre son évolution, et donc de la comprendre. Je sais qu’avec tout ce qu’elle a vécut c’est difficile de rester soi-même. Et pourtant, je n’arrive pas à comprendre tous ces changements. Déjà qu’à l’époque nous n’étions pas réellement sur les mêmes chemins. Mais alors maintenant, nous sommes sur deux voies totalement différentes. Des voies qui n’ont pas du tout la même direction. J’essaie de la retrouver, mais j’ai bien l’impression que c’est peine perdue. A chaque fois que je la revoyais, j’avais l’impression qu’elle empirait. Comme si j’étais celui qui la rendait encore plus folle qu’avant. Pourtant, je ne fais rien de particulier pour la désorienter encore plus. J’essaie tout simplement d’être là pour elle. Mais peut-être qu’au fond, pour l’aider vraiment, il faudrait que je prenne mes distances et que je la laisse aller mieux toute seule. Elle n’a peut-être pas besoin de moi. Je m’entête à vouloir l’aider, à être là pour elle. Mais c’est peut-être la pire des choses que je peux faire la concernant. Aujourd’hui je la récupérais donc dans mon ancien appartement, avec un seau d’eau. Heureusement ce n’était qu’un seau d’eau. On ne peut pas la poursuivre pour port de seau d’eau. Surement juste pour nuisance sonore. Et encore, j’ai usé de mon charme pour qu’il n’y ait pas de suite pour Mady. Elle n’a pas besoin de ça. Une fois dans la voiture, elle me grogna qu’elle ne comprenait pas la question. Ou plutôt qu’elle n’avait pas envie d’y répondre oui. Je la regardais, droit dans les yeux. Je mis ma ceinture et démarrais le moteur. « Je te ramène chez toi ? » Non, vraiment je ne savais plus quoi faire pour elle. Je venais de l’aider. Mais c’était plus pour mes anciens voisins que pour elle. Alors que je venais de démarrer, je lui demandais « Qu’est ce que tu faisais avec un seau d’eau à tambouriner … chez moi ? » Parce qu’au fond, elle n’avait pas été dans cet immeuble par hasard, et encore moins devant cet appartement. J’étais bien celui qu’elle visait, et à qui elle voulait parler. Elle semblait en colère, et d’un coup je me stoppais. Comprenant toute la situation. « Tu m’en veux pour quelque chose ? » Mon regard se posa de nouveau dans le sien. Je posais ma main sur son genou. « Dis-moi tout. Dis-moi tout ce que tu ressens, j’encaisserais tout, promis. » Je ne suis pas un mec pour rien. Et me dire tout ce qu’elle ressent ne peut que lui faire du bien. Je sens que c’est ce dont elle a besoin pour le moment. Il y a d’autres problèmes à côté, mais pour commencer, il faudrait qu’elle sorte toute cette rancœur. Et la seule chose que je peux faire c’est de l’écouter et encaisser.

10 000 pour toi