all I wanted was what I'd already had. that exultation, that love. (nate)

“With Dante gone, time seemed to stand still around me; the mornings just as cloudy and dark as the evenings, as if the sun had never decided to rise. There was no wind, like the world was holding its breath along with me, waiting for him to return.”
Yvonne Woon, Life Eternal.

« Je serai probablement en retard, garde-moi une place si je n'arrive pas à temps. A tout de suite. » elle range son portable en vitesse dans son sac, de même que ses cours, quelques stylos et autres babioles plus ou moins indispensables. Comme à son habitude, Kira Fitzmartin sera en retard au cours de littérature anglaise du lundi matin, ou du moins arrivera-t-elle quelques minutes après que la sonnerie ait retenti - ce qui pour certains était considéré comme une heure tout à fait honorable pour arriver en cours un lendemain de week-end. Bien qu'elle soit pourtant de nature organisée et qu'elle ne se laisse que rarement dépasser par les événements, Kira avait pourtant ce défaut surprenant de n'être pas extrêmement ponctuelle, ce que les gens considéraient pourtant comme un trait avéré de sa personnalité auquel ils ne faisaient avec le temps plus attention. C'était l'un des avantages de la jeune femme : ses défauts avaient la merveilleuse tendance de ne plus en être quand on s'y était suffisamment habitué. Pour autant ne doute-t-elle pas que le destinataire de son texto ne manquera pas de trouver quelque chose à redire de ce nouveau retard, ou du moins qu'il la gratifiera probablement d'un regard légèrement réprobateur avant de lui accorder ce sourire qui n'en portait pas le moindre soupçon. Nate Llewelyn-Davies et son élégance à l'anglaise, dont Kira doutait qu'il soit jamais arrivé en retard une fois dans sa vie, comme si son statut et sa prestance l'en empêchaient. Enfilant sa veste d'un geste habile et rapide, la jeune alpha quitte enfin sa chambre et s'élance dans les couloirs avec une aisance digne d'une grande athlète. Il n'en est pourtant rien, puisque malgré une endurance entretenue par un certain nombre de footings, Kira n'est qu'une modeste sportive et franchit le pas de la porte un brin essoufflée. Ses joues sont légèrement rosées, sa poitrine se soulève au rythme d'une respiration rapide, et ses cheveux reposent en une longue tresse blonde le long de son épaule. « Veuillez m'excuser pour mon retard monsieur Hodge. » annonce-t-elle d'une voix maîtrisée, attendant que le concerné accepte son entrée avec un bref hochement de tête. L'étudiante s'autorise alors un regard sur la salle, et c'est avec avec un léger pincement dans la poitrine qu'elle remarque que la chaise à gauche de Nate est occupée par une grande brune, qui semble lui faire vivement la conversation. Consciente que quelques regards coulent encore sur elle, Kira vient s'installer à la table derrière eux, son désarroi facilement dissimulé derrière son souffle encore court. Les trois heures suivent débutent alors, intenses, riches en réflexion, si bien que la jeune femme en oublie finalement l'absence de son camarade pour se concentrer sur la tâche. Lorsque la sonnerie libératrice annonce la fin de la période, elle retrouve Nate devant la salle. « Fais-moi penser à mettre mon nom sur cette chaise, la prochaine fois. » ronchonne-t-elle tout de même d'une petite voix davantage boudeuse que réellement menaçante. Elle n'apprécie pas se voir ainsi subtiliser celui qu'elle vient à peine de retrouver et dont la compagnie est devenue la chose la plus importante à ses yeux depuis quelques mois. Elle se garde d'ailleurs bien de le lui faire savoir, ayant choisi de s'imposer certaines distances avec le jeune anglais depuis quelques temps, de par leur passé commun et turbulent. Deux ans de relation, ça ne s'oublie pas, surtout quand cette dernière se solde par une séparation houleuse et pas forcément désirée. Jalousie, doute, confiance fragile, Kira avait succombé à ces sentiments destructeurs de relation et anéantit la sienne avec brio. Mais si ces distances avaient été installées - ou du moins avait-elle essayé - ce n'était pas uniquement par rapport à eux seuls. Il y avait plusieurs raisons à cette clause de non-proximité, et la plus importante portait le prénom de Jules, la petite amie de Nate. Kira avait accueilli cette nouvelle avec un stoïcisme impressionnant qu'elle s'admirait d'avoir montré, avec du recul. Car si ses traits avaient semblé s'étirer de surprise, elle avait senti un trou béant se creuser dans sa poitrine, anéantissant sur son passage tout ce qu'elle avait retrouvé en même temps que Nate. Son Nate, ne pouvait-elle s'empêcher de penser, presque malgré elle. Son adorable Nate pour qui elle n'avait jamais éprouvé que tendresse et amour passionné mais dénué de toute tendance destructrice. Tout était évident, entre eux, et ils n'avaient jamais eu besoin de se faire souffrir pour se prouver l'étendue de leur amour. « Tu m'accordes un déjeuner qu'elle lui demande en levant ses yeux bleutés vers lui, en profitant au passage pour admirer la douceur de ses traits. Ou tu as prévu de rejoindre Jules ? » termine-t-elle en le quittant des yeux à l'instant même où le nom de Jules s'échappe de ses lèvres. Elle se contente de regarder droit devant elle tandis qu'ils arpentent tous deux le couloir en direction de leur casier. Elle prend alors un soin particulier à ne plus recroiser son regard, et ouvre le sien pour y déposer ses livres comme s'il n'était pas là. On aurait pu croire que c'était là la cause d'une jalousie mal dissimulée de la part de la jolie blonde. Pourtant, ce n'était pas le cas - ou du moins pas entièrement. Son comportement distant et presque mal à l'aise résultait d'une douleur qu'elle aurait du mal à exprimer si on le lui avait demandé. Une sorte d'angoisse maladive, qui accélérait son coeur et tordait son estomac chaque fois qu'était évoqué le nom de l'iota. Cette sensation ne lui était pas étrangère, et elle pouvait la comparer sans grande difficulté à ce qu'elle avait ressenti peu avant leur rupture, à propos de Reed Chamberlain. A croire qu'elle était condamnée à regarder son premier amour (et unique, si on le lui demandait) s'enticher d'autres filles, alors qu'elle avait encore tant de mal à dissocier son nom du sien dans son esprit. Cesse de vivre dans le passé, s'ordonnait-t-elle depuis plusieurs mois. Elle n'espérait que ça, pourtant, vivre dans le passé, le jour où elle l'a croisé par un heureux hasard dans une librairie de San Francisco. Elle était alors bercée de doux espoirs qui, bien qu'elle les sache difficilement réalisables, n'étaient pas encore passés au rang de pure fantasie. « On ne reprend pas avant 15h, on pourrait aller au chinois en face du campus, si ça te dit. » relance-t-elle timidement en claquant son casier, puis haussant les d'épaules dans un geste qu'elle veut indifférent. Personne n'est dupe, évidemment. Mais les apparences, c'est tout ce qu'il reste à Kira pour garder la face.

You know I love you right ?
I know, he breathed, his arm tightening automatically around my waist.
You know how much I wish it was enough.
« .Il est positif ton test, c'est toi le père. » Il resta un moment silencieux, haletant et aussi déprimé qu'on puisse l'être. Sans accorder l'ombre d'un regard à Reed, il s'empara de l'enveloppe déchirée, en extirpa la lettre et lu son nom en lettres capitales. Pas de doute, Nathaniel Llewelyn-Davies était le père du bébé que portait Ridley Chamberlain, avec une compatibilité record de 99,97 % . Il se frotta les paupières un moment, avant de lui rendre la lettre, et de s'en aller. « . Nate... - Laisse-moi tranquille. »

Il n'a lu son message qu'après. Alors qu'il déballait ses livres, son ordinateur, et ses notes, et qu'un espèce de top model tout droit échappé d'une publicité pour lingerie venait de s'installer à la place habituellement prise par Kira. Kira qui, comme toujours, arrivait en retard. Il poussa un soupir en lisant son message. Peut-être que c'était mieux, qu'elle se pose plus loin. Ainsi il n'aurait pas à se demander, en l'ayant sous le nez, ce qu'elle dirait si elle apprenait la grossesse de Reed. Pas SI elle l'apprenait, en vérité, mais QUAND elle l'apprendrait. Ses lèvres se pincèrent en imaginant son adorable frimousse se pincer en un masque de colère, mêlé d'incompréhension. Il pouvait se l'imaginer de là, la visualisait avec tant de détails qu'il manqua de sursauter sur sa chaise en apercevant la véritable Kira pénétrer dans la classe. Elle ne comprendrait pas, et n'essayerait même pas de le faire ce malgré son immense bonté. Et lui n'aurait ni le cœur, ni le courage d'essayer de la convaincre de sa bonne foi, tout en sachant qu'elle aurait raison. Ou bien elle prouverait une fois de plus que ce qui touchait de prêt, ou de loin, à lui lui importait encore moins que la couleur des chaussettes qu'elle portait. En tentant de savoir ce qui était pire, de se convaincre que Kira n'avait de toute façon aucun jugement à porter sur lui, et surtout comment diable avait-il pu en arriver là, Nate se laissa bringuebaler par les discours indigestes du professeur sur la littérature britannique du 16° siècle, et la fâcheuse tendance de sa voisine à poser sa main sur la sienne par mégarde (qu'elle dit). Le tout sans prendre une seule note correcte de toute la séance. Sa seule consolation ? Il n'avait pas pensé à la réaction de Jules. Pas encore. Il lui fallut une seconde pour se rendre compte que le cours s'achevait, et que le reste de la promotion rangeait déjà leurs affaires. Nate décampa d'un bon pas, décidé à s'auto-séquestrer dans sa chambre jusqu'à la fin de ses jours, mais fut rapidement rejoint par une Kira diablement rapide. Toujours dans ses pensés, il fronça les sourcils. « .Cette chaise ? Laquelle ? De quoi ?. » En jetant un regard vers la salle, le message qu'elle lui avait envoyé lui revint dans un petit éclair. Distrait, Nathaniel ? « .Ah… Oui, j'ai pas fait attention quand elle s'est assise. Puis, j'ai lu ton message qu'après de toute façon. Un jour, quand tu parviendras à te mettre sur le même fuseau horaire que nous, tu parviendras peut-être à t'asseoir où bon te semble. » commenta-t-il, tentant de lui accorder un sourire un peu palot. Il n'avait attention qu'à peu de chose durant cette classe, à peine à la classe en elle-même, et pas beaucoup plus au souffle de Kira qui s'écrasait contre sa nuque dès qu'elle soupirait, et le tourmentait. Tout comme il n'avait offert aucun regard à la créature plantureuse qui avait posé ses fesses à ses côtés, au passage. Pas qu'il le fasse plus ordinairement, Nate n'étant pas homme à reluquer (d'autant plus qu'il sortait avec Jules et se contentait d'elle avec un plaisir non dissimulé), mais il n'avait même pas enregistré son prénom. Il flânait dans les couloirs d'un pas distrait, et cherchait à chasser Reed, et Jules de son esprit, mais retombait inévitablement sur une Kira toujours synonyme de ravissement pour son cœur de romantique. Il était bloqué entre ces filles qui lui en demandaient toujours plus, et celle-ci qui ne lui demandait plus rien depuis trop longtemps, à son plus grand malheur. Qu'elle puisse évoquer Jules avec tant de facilité l'ébranlait toujours autant, et dans toute sa sincérité, aussi idiote fut-elle, il refusait de le cacher. Ses lèvres se pincèrent, quitte à mordre un bout de sa réponse, le temps qu'il réfléchisse. « .Jules est à son entraînement de tennis pour l'après-midi. » se contenta-t-il de répondre dans le vague. Il n'allait donc pas déjeuner avec elle, et de toute façon aurait tout fait pour l'éviter, mais n'accordait pas pour autant son déjeuner à Kira. Toutes ces heures avec elle, et son lourd secret en prime ? Il était bien trop honnête, bien trop vrai pour pouvoir s'imaginer un seul instant ne pas mettre Kira dans la confidence. « .Écoute, je crois que le mieux c'est encore que... » J'aille réviser ? Manger tout seul ? Me jeter d'une falaise ? Il avait perdu l'appétit en lisant les nouvelles que Reed s'était empressée de lui apporter ce matin, et doutait pouvoir un jour manger de nouveau. Alors avec Kira ? Qu'il avait osé imaginer être la véritable mère de ses enfants dans, quoi, une dizaine d'année ? Certainement pas. Qui plus est, il était loin d'être apte à faire honneur à l'excellent restaurant chinois qui se situait en face de l'entrée principale, et Jules l'étranglerait si elle savait qu'il allait déjeuner avec son premier amour. Pas une ex petite amie quelconque, son premier amour. Et celle qui avait longtemps pensé être la première, et la dernière. Mais il était moins apte encore à se dégoter une excuse à peu prêt correcte pour se soustraire à ce repas. Elle était si belle, Kira. Elle baladait ses pupilles azurés sur lui, et fracassait le peu de raison qu'il pouvait encore avoir. « .D'accord, oui. Si tu veux. » céda-t-il, cet idiot. Cependant, alors qu'ils traversaient le part, il vit Grace s'approcher d'eux d'un pas mordant, son téléphone en main. Une gravité soucieuse soulignait son visage, et l’assombrissait au point qu'il eut grande peine à la reconnaître de loin. Il savait. Savait pourquoi elle avait l'air si furax, et en même temps si triste. Elle s'agitait dans tous les sens, et manqua de trop prêt de le gifler une fois arrivée à leur niveau. « .Nate, j'ai eu mère au téléphone et… - C'est pas le bon moment - Comment t'as pu faire ça ? - Grace ! » Transi de panique, terrifié à l'idée qu'elle puisse dire quoi que ce soit devant Kira, Nate lui attrapa les mains et l'incita à se calmer d'un regard. Tout l'intérêt d'être l’aîné se résumait à ce pouvoir : celui de rasséréner ses semblables. Grace le contempla un moment, les yeux dans les yeux, prête à lui exploser au visage et à la fois à se calmer. Un regard par-dessus son épaule lui permit de comprendre pourquoi il ne voulait pas en parler maintenant. «Elle sait ? - Non ! Rentre à la maison. » grogna-t-il, lui interdisant ainsi de dire ou faire quoi que ce soit d'ostentatoire. Grace savait combien Kira comptait à ses yeux. Quoi qu'ils puissent être à présent, elle comptait probablement plus que n'importe quoi, ou n'importe qui à ses yeux. Lui n'avait jamais cessé de l'aimer, même s'il avait appris à faire avec leur séparation. Même s'ils n'étaient plus ensemble, et que Kira jouait à merveille l'indifférence, son opinion comptait. Sans qu'il puisse l'avouer, il espérait toujours qu'elle lui revienne. Malgré Reed, malgré Jules, et tout le reste. En relâchant son étreinte autour des poignets de sa petite sœur, Nate poussa un soupir. Il la regarda s'éloigner, et ce jusqu'à ce qu'elle s'efface au détour d'un chemin. Cependant il était loin de se méprendre. Kira avait assisté à toute la scène, et était curieuse comme personne. Il ne s'en sortirait pas comme ça, et surtout pas après ce genre d'esclandre. « .Donc… Chinois ? Il me semble que c'est par-là. » Mais au moins, il essaya de s'en sortir… Le Chinois semblait compromis. Les explications dans le parc, par contre… Il n'en avait parlé à personne, de Reed, de leur nuit, de rien et espérait ne pas devoir commencer avec Kira.

Il lui semble délicieusement distrait, Nate. Son corps est là, sa voix s'adresse à elle, mais son esprit n'y est pas, et il paraît survoler la conversation que la jeune femme s'est efforcée d'engager. Non pas qu'elle ait un jour eu le besoin de se faire violence pour lui adresser la parole, mais il fallait se rendre à l'évidence que si les choses s'étaient quelque peu arrangées entre eux, leur relation n'en était pas redevenue parfaite pour autant. Ils se heurtaient parfois à ces instants de malaise et de silence délicats durant lesquels elle réalisait tout ce par quoi étaient passés les deux étudiants, toute la complexité de leur relation. Et pourtant, si cela lui semblait déjà beaucoup à l'heure actuelle, elle n'était pas au bout de ses surprises avec la révélation que ne tarderait pas à lui faire Nate bien malgré lui. Si on lui avait demandé son avis, à Kira, elle aurait volontiers répondu qu'elle n'avait pas besoin de ça, qu'elle pensait être arrivée au maximum de ses capacités quand il s'agissait d'encaisser les décisions amoureuses du jeune homme, dont elle ne faisait désormais plus partie. Elle continuait cependant à leurrer quiconque voulait l'entendre - comme Nina, qui devait pourtant être la seule à voir parfaitement clair dans l'esprit de sa soeur jumelle - que de l'avoir retrouvé après une séparation si déchirante suffisait déjà à son bonheur. Qu'elle ne demandait rien d'autre, rien de plus. Dieu savait - même si ce dernier, si tant est qu'il existe, n'en avait probablement rien à faire étant donné la vérité choquante qu'il s'apprêtait à lui faire endurer - qu'elle n'était pas convaincue par ce discours naïf. Car si Kira était la douceur et la bonté incarnées, il n'y avait pas de place pour cette naïveté qui aurait pourtant été libératrice. Non, à la place, Kira devait souffrir chaque jour de la proximité de son ancien et premier amour qui n'avait désormais plus de place dans son coeur pour elle, qui avait stupidement gâché sa chance. « Je ne suis peut-être pas sur le même fuseau horaire que les autres, mais au moins je suis encore sur cette planète. Je ne pourrais pas en dire autant de vous, monsieur le rêveur. » remarque-t-elle doucement, sans désir de le brusquer mais sans pouvoir s'empêcher de notifier cette anomalie. Tout semple atténué chez Nate, aujourd'hui. Son sourire lui-même perd de sa saveur, et donne presque envie à Kira d'enterrer le sien pour ne plus jamais le retrouver. La façon dont l'humeur du jeune homme influait sur la sienne était frappante, voire même un peu effrayante quand on connaissait l'habituelle joie de vivre de Kira, contagieuse et généralement inébranlable. Elle inspire une bouffée d'air plus importante que d'habitude, s'efforçant d'intimer à son coeur de ralentir et à sa tension de redescendre. Ces efforts sont cependant anéantis par la simple réponse de l'alpha qui lui apprend que Jules est à son cours de tennis, lui donnant cet espoir implicite qu'ils puissent ainsi partager un repas rien que tous les deux. Elle se met à songer à leur discussion à venir, à leurs avis partagés sur la littérature qui finissaient pourtant toujours par s'accorder à un moment où à un autre, tant ils étaient sur la même longueur d'ondes (à ce propos du moins). L'avantage d'être avec Nate, c'était d'être avec quelqu'un qui ne parvenait pas à l'ennuyer, et avec qui elle s'était toujours trouvé des intérêts communs. Au moins partageaient-ils encore tout ça. Maigre lot de consolation qui ne suffit pourtant pas empêcher estomac de se serrer lorsqu'il s'apprête à la congédier, ou plutôt à prendre congé d'elle. Peu importe la formulation, l'effet est le même, et il n'est pas du tout, du tout plaisant. « Ecoute, je ne veux pas m'imposer... » dit-elle en voyant qu'il laisse sa phrase en suspend et semble clairement en train d'hésiter. La dernière chose dont elle a envie c'est bien de lui forcer la main, ou de lui inspirer je ne sais quelle pitié qui le forcerait à accepter ce déjeuner. Et puis d'ailleurs, ce n'est qu'un simple déjeuner après tout, où est le mal ? Aurait-il vraiment été plus malin qu'ils se séparent et partent manger un sandwich sans saveur chacun dans un coin du campus ? Ce bref excès de colère s'évanouit pourtant bien vite lorsqu'il lui accorde finalement ce fameux repas. Sa satisfaction est en demi-teinte : certes, il a accepté, et elle aura tout le loisir de tenter de lui décrocher plus d'un sourire dans les heures à venir. Pourtant il semble avoir accepté de la même façon qu'on accepte une défaite, en étant presque résigné. Elle esquisse tout de même un sourire, cachant habilement sa joie amère. Avant d'avoir eu le temps d'enchaîner sur un quelconque sujet (qui aurait probablement concerné leur repas à venir, Kira se découvrant doucement un délicieux appétit), Grace les rejoint d'un pas pressant, n'accordant qu'un bref regard à la jeune Fitzmartin car bien trop concentrée sur son frère aîné. Frappée par la gravité de la situation qui lui échappe pourtant complètement, elle ne dit pas un mot, se faisant observatrice de la scène. "Comment t'as pu faire ça ?", "elle sait ?". Il lui fallut un moment pour comprendre que par "elle", Grace entendait Kira. Sans réaliser que les mots s'échappaient de ses lèvres, elle réagit alors que Grace avait déjà fait demi-tour et s'éloignait rapidement. « Qu'est-ce que je ne sais pas ? » demande-t-elle d'une voix absente, effrayée bien davantage par le ton sérieux de l'échange auquel elle vient d'assister que par sa simple ignorance. « Qu'est-ce que tu as fait, Nate ? » questionne-t-elle de nouveau, le timbre plus fragile cette fois-ci. Elle a peur, maintenant. Peur parce que Nate ne fait jamais rien de mal. Grace avait parlé de leur mère, si bien qu'il aurait été facile pour elle de croire qu'il s'agissait d'un problème familial, auquel cas elle n'aurait au grand jamais souhaité s'immiscer dans ses problèmes. Mais elle avait bien entendu "comment t'as pu faire ça". Comment toi, Nate, tu as pu. Sans même en avoir conscience, elle fait un pas en arrière, léger mais bien visible. Quand Nate lui indique la direction du restaurant chinois, tentant clairement de faire comme si Grace n'était jamais intervenue, Kira ne réagit pas immédiatement. Elle le connait assez pour savoir qu'il était conscient que ce maladroit changement de sujet n'avait aucune chance d'aboutir. Elle paraît pourtant hésiter. Aller déjeuner au chinois leur permettrait de s'installer à une table, tous les deux, ce qui rendrait tout possibilité de fuite plus difficile. Parce que, de la même façon qu'il avait failli rejeter sa proposition de manger ensemble, il pouvait choisir de mettre un terme à cette conversation. Elle avait pourtant le pressentiment qu'ils se devaient plus que ça. « Nous irons déjeuner après, si ça ne t'embête pas. » Incroyable, cette Kira. Même dans un état comme celui-ci, elle ne peut se résoudre à lui imposer quoi que ce soit. « De quoi Grace parlait-elle ? » relance-t-elle, sans être vraiment certaine de vouloir connaître la réponse. Elle ne sait pas à quoi s'attendre, et c'est bien ça le problème. Droite comme un i, Kira reste plantée là, au milieu du campus, son regard ne quittant pas celui de Nate, ses bras croisés sur sa poitrine dans une posture figée. Et elle attend. Elle attend les aveux de Nate, qu'il sera bien obligé de lui donner à un moment ou à un autre, aveux qui la déchireront pourtant sitôt qu'il les aura prononcés. Délibérément, Kira attend qu'on vienne lui briser le coeur.

« .Je... » balbutia-t-il péniblement, ne sachant que dire, ni même où se mettre. Son cœur battait beaucoup trop vite pour qu'il puisse même espérer construire une phrase correcte, un comble pour un écrivain héréditaire, et menaçait de lui faire faire un malaise bien mérité. Incapable de se concentrer sur Kira, qui tout naturellement curieuse lui demandait des comptes, Nate suivit Grace qui s'éloignait du regard. À son plus grand malheur, sa sœur n'avait rien compris des leçons de savoir vivre que leur nourrice, et leurs parents surtout, s'étaient inquiétés d'inculquer avec la plus grande des précisions. Aucune esclandre ne survenait dans la maison Llewelyn-Davies, ce même si l'envie subsistait dans la tête et le cœur de chacun des membres de la famille. Lorsqu'enfin Nate trouva l'audace de poser un regard sur Kira, le bout de ses doigts se mirent à frémir. De l'électricité parcourait le moindre de ses muscles, et trouvait sa source dans son palpitant malade de devoir lâcher son histoire atroce à cette fille qu'il avait tant aimé, et qui trouvait encore à ses yeux une place singulière, que nulle ne saurait lui dérober. « .J'ai fais une erreur. Encore une. Avec… Avec… Enfin... » il se stoppa, car même s'il était assez fort pour ne pas s'effondrer lamentablement devant Kira, en revanche le prénom de Reed lui brûlait la gorge. Après l'électricité vint l'incendie intolérable, qui le brûlait tout entier, et calcinait le moindre espoir de pouvoir un jour supporter de nouveau Reed dans un périmètre de trois kilomètres autour de lui. Il poussa un soupir, et rangea ses mains nerveuses dans les poches arrières de son pantalon. « .Je vais pas y arriver. Je vais pas y arriver. Je vais pas y ... Grace à raison, tu mérites de savoir, mais... » Lui dire la vérité ? Pourquoi faire ? Réduire à néant le semblant d'affection qu'elle semblait enfin vouloir lui accorder de nouveau ? Leur relation commençait à peine à avoir de l'allure. Pas celles qu'il avait longtemps espéré, mais mieux que ce silence pensant, et indifférent, qu'elle s'était obstiné à lui offrir durant des mois, pour ne pas dire des années. Même s'il ne cherchait plus depuis longtemps à la retrouver, et qu'il s'était fait à l'idée qu'ils ne seraient plus en couple, ce qui expliquait qu'il se donne une chance avec Jules, en revanche Nate ne cessait d'envisager une amitié. Un peu étriquée, un peu sordide, mais tout de même. Décidée à ne plus réfléchir, à laisser son cœur lui parler comme il l'avait toujours fait, Nate souffla un coup avant de reprendre : « .Si tu savais comme je regrette. Si je pouvais, je remontrais dans le temps et je te dirais que c'est toi, et pas elle. Et que j'en ai rien à foutre de son amitié, et ça aurait tout changé, et aujourd'hui je serais pas autant dans le pétrin, et... » débita-t-il, fébrile et visiblement trop poli pour dire ''dans la merde''. Il a toujours su que choisir Reed plutôt que Kira avait été une grossière erreur. À la minute où le prénom de sa meilleure amie (ex meilleure amie) s'était échappé de sa bouche, et que sa morale avait parlé plus fort que ses sentiments pour sa petite amie, il l'avait su. « .J'en ai fais beaucoup avec … Reed, des erreurs. Mais celle-ci est de très loin la pire. » Pour avoir fait les frais de sa relation toute particulière avec Reed, Kira saurait aisément replacer ses erreurs en nombres et dans l'ordre chronologique. Il la contempla longuement, honteux comme jamais de la confronter à ses états d'âmes. Surtout elle. Mais il ne pouvait décemment pas en faire part à Jules qui, même si elle essayait, ne pourrait jamais ni comprendre, ni pardonner. « .Le bébé que Reed attend est de moi. » finit-il par lâcher, conscient que retarder l'échéance n'apporterait rien de bénéfique. Rien ne pourrait lui être bénéfique à ce niveau-là, de toute façon. Mais le dire à voix hautes rendit cette vérité d'autant plus réel qu'il extirpa ses mains tremblantes de ses poches et tenta de se frotter les yeux, sans paraître plus tourmenté qu'il ne l'était déjà, en vain. « .J'étais ivre, je m'en souviens à peine, et je sais que c'est pas une excuse, mais… c'était juste qu'une fois. » Une fois c'est suffisant, pour preuve. Il n'avait pas à se justifier, pour de vrai. Mais face à Kira, il en ressentait le besoin naturel. Comme s'il lui devait des comptes, alors qu'en vérité, il en devait à Jules et à personne d'autre. À sa famille, peut-être, à la limite. Pourtant il ne pouvait s'empêcher de redouter la réaction de Kira plus que celle de n'importe qui. « .Et elle veut le garder. Enfin non, elle veut mener sa grossesse à son terme et remettre le bébé aux services sociaux pour adoption. » ajouta-t-il, une main sur le front et l'autre sur la hanche. « .Par pitié essaye de ne pas me juger, K. » Oh, elle allait sans doute le juger. Qu'elle le veuille ou non, elle le ferait. Il foutait systématiquement sa vie en l'air pour Reed, et Kira était la première à en subir les conséquences, comme toujours. Elle était libre de le juger, et de le confronter, et de le giffer si l'envie lui prenait. Nate ne lui en tiendrait pas rigueur, bien au contraire. Il méritait une claque, et bien pire encore. « .Je suis désolé. » finit-il par dire. Il n'avait pas à l'être, mais il l'était. Il avait balancé leur relation pour en arriver là, à ce moment précis. Peut-être qu'elle s'en foutait, mais lui pas. Nate revenait irrémédiablement à ce moment de sa vie, où tout s'était arrêté. Si ça n'avait aucune importance pour Kira, comme elle le prétendait si bien, en revanche ça en avait énormément pour lui. Le pire ? Il aurait été si heureux si elle s'était retrouvée à la place de Reed. Effrayé, mais heureux. Parce que c'était elle, et qu'il s'était imaginé trop longtemps terminer ses jours, et fonder une famille avec elle, qu'il n'aurait pas pu réagir aussi bêtement, et lâchement comme il était en train de le faire avec Reed. La différence entre un mensonge bien enrobé et la vérité, à n'en pas douter.

» another love (nate)
» The people I should love, I hate (w/nate)
» Love isn't something you find. Love is something that finds you.
» « my heart skips a beat » sarayer ;; my love is too big for you, i can't say how i love you girl
» And fill your heart with love for someone else. Someone who can love you the way I never have, the way I never will .♥.

all I wanted was what I'd already had. that exultation, that love. (nate)

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