« Bonjour. Monsieur, votre rendez-vous est arrivé. » se contenta de répondre la secrétaire, la dénommée Martha, dans l’interphone, tout en indiquant à Jon le mince couloir à emprunter pour déboucher sur mon bureau. A l’extérieur, il pleut. Ce qui n’était d’abord que de fines gouttes d’eau s’étaient matérialisées en de grosses flaques qui dégoulinaient le long des baies vitrées qui surplombaient l’ensemble des buildings de la ville. Immobile devant l’une de ses baies, je me retourne au moment où un bruit derrière la porte me tire de ma rêverie passagère. « Bonjour, Jon. » Laissons tomber le « Monsieur Riley », il ne sert plus à rien désormais. Encore que je n’accordais pas ce privilège à l’ensemble de mes employés. Disons que parce qu’il est Irlandais, et parce que le métier qu’il allait exercer pour ma société n’était pas tout à fait de même calibre que ceux du citoyen lambda, je décidai d’être plus flexible. « Asseyez-vous, je vous en prie. Vous avez trouvé facilement ? Quel temps de chien, n’est-ce pas ? » Commencer par des propos anodins, avant d’en venir au vif du sujet. « M’avez-vous rapporté mon contrat, signé ? » ajoutai-je peu de temps plus tard en m’installant face à lui, dans mon large fauteuil de dirigeant. Contrat qui lui avait été remis en mains propres par Gauthier, un autre de mes fidèles subordonnés, lorsqu’il m’avait appelé un soir. Oui, il accepte de travailler pour la O’Malley Incorporation, c’est tout ce que j’avais retenu. « Café ? Thé ? Ou quelque chose de plus fort, peut-être ? » Ne sait-on jamais, certains n’hésitaient pas à boire de l’alcool très tôt, soit disant pour se donner le courage d’affronter leur journée. C’était aussi une façon de tester ses employés que de leur proposer un verre, dans le boulot. On dit rarement ‘non’, à son boss, n’est-ce pas ? Et pourtant, c’était la réponse appropriée.  

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« Bien, parfait. Mais dorénavant, vous n’aurez de toutes façons plus à vous soucier des détails géographiques. Vous ais-je dit que vous aviez le droit d’utiliser la voiture de fonction ? Le chauffeur y est intégré. » Pour plus de sûreté, cela va de soit. Ce que je veux dire par là ? Que ce n’était pas un chauffeur ordinaire. Qu’il avait entre autres choses un port d’armes en bonne et due forme, et naturellement l’arme qui va avec le port, le droit de s’en servir si nécessaire et qu’il avait été formé pour le faire. Pourquoi tant de précautions ? Parce que le travail de Jon pouvait nécessiter certaines…précautions d’usage. Tant pour sa propre sécurité que pour le travail qu’il allait devoir fournir pour mon entreprise. « Un café, alors. » Bien, il ne buvait pas, du moins pas au bureau, c’était déjà un bon point. « Merci. » Reprenant le contrat qu’il me tendait, je lus surtout ce qui m’intéressait, à savoir signature en bas de page, avant de le classer dans un dossier spécifique. Puis, je fis venir Martha ma secrétaire fidèle et rigoureuse afin qu’elle poursuivre certaines formalités. « Bien, maintenant, nous pouvons parler. » Maintenant qu’il avait signé, j’entends. « Vous avez sûrement beaucoup de questions et j’espère pouvoir vous fournir toutes les réponses et qu’elles vous satisferont. » ajoutai-je en lui tendant, sur un plateau, sa tasse de café accompagné du pot en sucre qui va généralement avec. « Permettez-moi juste de préciser que le travail que vous aurez à faire ici n’est ni illégal, ni dangereux, tant que vous serez précautionneux. Vous comprendrez plus tard ce que je veux dire par là. » Ma tasse fumante posée sur mon bureau, je n’en bois qu’une infime gorgée, avant de m’attacher à la moindre réaction de Jon face à moi. « J’ai tenu à cette discrétion parce que je suis chef d’entreprise, et que comme tous les business men, je ne manque pas de rivaux qui seraient ravis de s’approprier mes recherches. C’est la raison pour laquelle je ne peux m’entourer que de collaborateurs fidèles et discrets. » Un petit compliment implicite au passage, entre Irlandais et je lui souris enfin en reprenant une gorgée de café. « Donc, que souhaitez-vous savoir, Jon ? »

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Son métier. Parlons-en. « Vous êtes docteur en physique nucléaire, n’est-ce pas ? Oui, futur docteur, ça revient au même à mes yeux. » Je vous fais entièrement confiance pour décrocher votre diplôme, ne nous arrêtons pas sur des détails. « Une question que j’ai oublié de vous poser : que pensez-vous du second amendement ? » Soit, que l’utilisation des armes aux Etats-Unis – à la différence de l’Irlande par exemple – était un droit reconnu et sacré dans ce pays. « J’ai pensé qu’un homme qui étudiant le secteur du nucléaire ne pouvait être totalement étranger ou contre l’utilisation des armes. » ajoutai-je pour être plus clair dans mes propos. Où je voulais en venir ? « Votre rôle ici sera de travailler sur la fabrication d’armes biochimiques. Fabrication qui suggère bien évidemment leur antidote, cela va de soit. » Me relevant pour la énième fois de mon siège, je fais le tour de mon bureau, prenant mon temps pour peser mes mots et reporter ensuite toute mon attention sur Jon. « Comme je vous l’ai dit au départ, ce travail est tout à fait légal. Dans ce pas. » Raison pour laquelle j’avais entrepris de créer le siège social ici, plutôt que dans d’autres pays plus conservateurs. Et il avait sans doute maintenant compris ce pour quoi je souhaitais qu’il reste discret sur ses activités. D’une part, parce que dans ces mêmes autres pays, mon entreprise était reconnue comme du domaine de la robotique, car la législation du dit pays voyait d’un très mauvais œil, sans dire que ce soit forcément illégal, la fabrication à destination de revente, d’armes. « Vous devez vous demander quelles seront leurs usages. Je n’ai malheureusement pas le droit de vous en dire davantage. Sachez cependant qu’elles n’ont jamais été utilisées dans le but de tuer, mais de sécuriser, et parfois même, par le biais des antidotes, de soigner. » Et pour reprendre sur sa dernière requête. « Je ne vois rien qui s'opposerait à ce que vous dispensiez vos cours à Berkeley. Vous pourrez continuer d’enseigner, professeur. Bien que ce ne soit plus aujourd’hui le salaire qui pourra vous faire défaut. » ajoutai-je avec un sourire ironique en songeant au chèque dont le montant serait de cinq zéros, qu’il percevrait chaque fin de mois. « D’autres questions ? »

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