the great escape
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and all we had is gone now. ;; THAÏS&MATTHIAS

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MessageSujet: and all we had is gone now. ;; THAÏS&MATTHIAS and all we had is gone now. ;; THAÏS&MATTHIAS EmptyMer 7 Aoû - 23:30

Spoiler:

San Francisco, le 17 Août 2013 ► La gorge nouée, j’avais posé un regard indifférent sur la femme en uniforme qui me faisait face. En silence, elle me tendit un casier où se trouvaient mes effets personnels – une ceinture, les lacets de ma paire de Converse, ainsi que mon téléphone portable. Je me suis emparé de l’ensemble, sans jamais prononcer un mot ni même montrer la moindre émotion – j’en aurais été bien incapable, de toute façon. J’étais vide, complètement vide. Dans un état second ; comme si l’on m’avait anesthésié, comme si l’on m’avait lobotomisé. Plus que jamais, j’avais la sensation d’être une coquille vide. J’agissais par automatisme, sans me poser la moindre question. J’avais l’impression d’avoir perdu l’usage de la parole, et de n’être qu’un pantin désarticulé. J’étais physiquement épuisé, et moralement tombé. « Signez ici. » Déclara l’agent d’une voix tranchante, avant de poser un papier sous mes yeux. Sans réfléchir une seule seconde, je me suis emparé du stylo bille qu’elle avait préalablement posé sur le comptoir, puis j’avais signé cette maudite fiche. Tenter de lire n’aurait été d’aucune utilité – je n’étais pas en mesure de comprendre quoique ce soit. J’étais purement et simplement en train de m’effondrer. Je me demandais si mon corps allait, à son tour, flancher. « Jusqu’à ce que l’enquête soit terminée, vous êtes prié de rester dans les parages. » Ajouta l’agent d’une voix autoritaire, tout en reprenant son foutu papier. J’ai hoché la tête, lui signifiant ainsi que j’avais compris l’ordre. Mes effets personnels en main, j’ai esquissé un pas vers la sortie du commissariat. Involontairement, mon regard croisa celui de la femme qui s’était occupée de ma sortie. Il n’y avait rien d’amical – bien au contraire, c’était un regard tranchant, dur et froid. Elle secoua la tête, et son geste finit de me conforter dans mon idée : elle me pensait responsable. Coupable. Pour elle, j’avais assassiné Riley, et j’avais agressé les autres étudiants. Seulement, un imprévu était survenu : alors que la police était persuadée de tenir le meurtrier, une doyenne et un président de confrérie avaient disparu. Un jour, puis deux. Et on avait commencé à s’inquiéter, à se dire que la personne qui se trouvait derrière les verrous n’était peut-être pas la bonne. Le malheur des uns fait le bonheur des autres ; ces deux disparitions suspectes et prolongées faisaient de moi un homme libre. Libre, mais pas exactement. Libre, mais surveillé. Libre, mais anéanti.
   
J’ai froncé les sourcils alors que j’effectuais mes premiers pas en extérieur, après une garde à vue prolongée. Le soleil californien me piquait les yeux, et sa chaleur écrasante me brûlait la peau. A croire que tout était contre moi, ces derniers temps. Je me suis traîné jusqu’à un banc, avant de jeter un regard ahuri sur mes affaires, que je tenais toujours en main. On m’avait retiré ma ceinture et mes lacets, enfin d’éviter toute tentative de suicide. On m’avait pris mon téléphone, traité comme un assassin. Mon dossier était trop parfait. Passé trouble, rescapé de l’armée, ayant dernièrement eu des problèmes avec plusieurs étudiants. J’avais le profil idéal. Peut-être un peu trop, d’ailleurs. Abandonnant ma ceinture et mes lacets sur le banc, j’ai allumé mon portable. Il vibra à plusieurs reprises, signe que l’on avait essayé de me joindre. En vain, évidemment. J’avais envie d’appeler quelqu’un, de préférence en qui j’avais confiance. Quelqu’un qui pourrait me soutenir, me rassurer, me serrer dans ses bras pour me consoler de tous mes maux. L’image de ma mère flotta un instant devant mes yeux, mais je me suis ravisé. Je lui en avais déjà trop fait subir pour lui imposer une énième épreuve. Cependant, je sus ensuite vers qui me tourner : ma sœur jumelle, Thaïs, ma moitié. Celle à qui je pouvais tout confier, tant que cela ne lui faisait pas de mal. Celle en qui j’avais une confiance aveugle, à qui je confierai ma vie. La prunelle de mes yeux, mon soutien inconditionnel. Mes doigts firent défiler les numéros enregistrés dans mon répertoire, et s’arrêtèrent sur le doux nom de ma sœur jumelle. Est-ce que je méritais de l’appeler au secours ? Non. Mais j’avais irrémédiablement besoin d’elle, en cette période de temps troubles. J’avais besoin de sa chaleur, de sa douceur, de sa présence. J’avais besoin d’elle, tout simplement. « Thaïs. » Murmurais-je à voix basse, alors que la voix chaleureuse et entrainante de ma sœur se faisait entendre à l’autre bout du fil. J’ai passé une main sur mes joues, tentant de reprendre une certaine contenance. C’était apparemment peine perdue ; entendre une voix amicale et familière m’avait fait perdre le peu de moyens qu’il me restait. Une brise légère sur un château de cartes, et l’ensemble s’écroulait sans fracas. Mais ce n’était vraiment, vraiment pas le bon moment pour craquer. J’ai dégluti, refoulant avec difficulté mes problèmes, avant d’enchaîner. « Je suis au commissariat. Tu peux venir me chercher ? » Demandais-je, tâchant de rester le plus neutre possible, tout en sachant pertinemment que je venais de mettre le feu aux poudres. Je connaissais ma sœur ; ces quelques mots suffiraient à l’inquiéter. J’aurais préféré lui éviter ces tracas, mais je n’avais pas su vers qui d’autre me tourner. Nattéo était en France. Tessa et moi n’étions plus ensemble. Alaina brillait par son absence. Elmas fêtait ses retrouvailles avec sa jumelle. Kilian était occupé. J’ai à nouveau dégluti, inspirant et expirant à un rythme régulier. Surtout, rester calme. Surtout, ne pas s’effondrer. « Thaïs, s’il te plait. Viens me chercher. » Répétais-je d’une voix presque suppliante. Je l’implorais presque, tant je me sentais à la fois désespéré et démuni. J’avais l’impression d’être un enfant égaré au milieu d’une foule compacte et oppressante. Sauf que j’avais vingt-trois ans, que j’avais fait l’armée, que j’étais au beau milieu d’une rue déserte et que cette soudaine blessure apparente ne me ressemblait pas. Mais il arrive toujours un moment où l’on ne peut plus encaisser ; visiblement, le mien venait d’arriver. « S’il te plait… » Soufflais-je à nouveau, alors que ma voix se brisait.



San Francisco, le 28 Août 2013 ► Les premiers rayons du soleil vinrent titiller mes pupilles alors que je déposais une pile de vêtements dans un sac de sport. Je n’avais pas dormi cette nuit. Ni les nuits précédentes, d’ailleurs. Je m’étais longuement tourné, puis retourné dans mon lit, à attendre un sommeil qui ne viendrait pas. J’avais donc fini par capituler ; à quatre heures du matin, je m’étais levé, bien décidé à décamper de là. J’avais d’abord rangé mon bureau, et remballé mes cours et effets personnels – des photos, en grande partie – dans un premier sac. Je l’avais déposé dans un coin de ma chambre, et je vidais désormais mes placards. Je n’avais qu’une hâte : quitter cette pièce au plus vite. J’y avais pourtant passé de bons moments ; seulement, la solitude me pesait. J’avais besoin de me retrouver, de faire le point, de prendre du recul – de prendre un nouveau départ, en somme. Les jours derniers avaient été plus que difficiles ; entre ma garde à vue prolongée, les questions indiscrètes et indélicates des enquêteurs, cette maudite histoire d’enfant… Rien ne tournait plus rond, visiblement. Brisé au plus profond de mon être, j’avais passé ces dix derniers jours retranché dans ma chambre, ne sortant qu’en cas de nécessité suprême et de préférence à des heures avancées de la nuit. J’avais évité les autres étudiants présents sur le campus, coupé mon téléphone, et fermé ma porte à double tour. Le message était clair : « je ne veux ni voir, ni entendre personne. Je ne suis pas d’humeur. » Et je ne l’étais toujours pas, d’ailleurs. J’ai fermé ce deuxième sac, puis vérifié que je n’avais rien oublié. Pendant une fraction de seconde, je fus tenté d’abandonner mon sac de l’armée, qui contenait toutes mes affaires. Mais je me suis ravisé ; premièrement, mon nom figurait sur chacune des affaires, et deuxièmement, on ne faisait pas table rase du passé aussi facilement. Je me suis donc emparé de mes sacs, avant de sortir sur le pallier de ma chambre. Je me suis retourné une dernière fois, vérifiant d’un coup d’œil que tout était  parfaitement ordonné. C’était le cas : le lit était fait, les volets fermés, le bureau débarrassé. Comme si la chambre n’avait pas été occupée pendant un an et demi. Comme si je n’avais jamais existé.

Mes pas me menèrent vers l’extérieur, où un taxi devait venir me chercher pour huit heures. J’avais une bonne demi-heure d’avance – tout juste le temps de me poser, de me vider l’esprit, et de réfléchir à un endroit où squatter pour les prochains jours, voire les prochaines semaines. Comme toujours dans mes grands moments de perdition, c’était à ma sœur à qui je pensais en premier. Elle, et son regard compatissant, ses étreintes réconfortantes, son parfum délicat. Ma sœur, ma jumelle, celle que j’appelais dans les pires comme dans les meilleurs moments. Celle devant qui je m’étais mis moralement à nu, quelques jours plus tôt, après ma sortie du commissariat. Le bruit d’une voiture qui s’approchait me fit relever la tête, et je me suis mis debout en constatant que c’était mon taxi qui arrivait. Le chauffeur me salua poliment, et chargea mes bagages dans le coffre. Puis lorsqu’il vint s’installer, et me demanda où il devait me conduire, c’est avec une certaine assurance que j’ai déclaré : « Eastern San Francisco. »

Le trajet fut de courte durée. Presque un peu trop court à mon goût, d’ailleurs. Je me demandais encore comment j’allais faire pour annoncer à ma sœur que j’étais trop déprimé pour rester seul, et que j’avais besoin d’elle à mes côtés. Bon, évidemment, j’allais éviter de présenter les choses sous cet angle – inutile de l’inquiéter encore davantage. J’avais déjà frappé fort la dernière fois, en lui demandant de venir me chercher au commissariat. J’ai réglé la course au chauffeur, avant de remonter la petite allée qui menait à l’appartement de ma jumelle. J’ai déposé mes affaires sur le palier, avant de frapper à la porte. Vu l’heure, je doutais que Thaïs soit levée. Mais sait-on jamais. L’angoisse grandit au plus profond de mon être, tandis que j’attendais la potentielle arrivée de ma jumelle. Le temps s’écoula à toute vitesse, et les battements de mon cœur étaient d’une rare irrégularité. J’allais rebrousser chemin lorsque la porte s’ouvrit. Thaïs sembla surprise de me voir. Quant à moi, j’étais étonné de la voir parfaitement éveillée, et visiblement épuisée. Nos regards se croisèrent, sans pour autant que l’un d’entre nous ne prononce le moindre mot. L’instant d’après, j’enjambais mes deux sacs pour aller la serrer dans mes bras. Faible, j’abandonnais. Je baissais les armes. Je m’accrochais à elle désespérément, de toutes mes forces. Dans l’espoir qu’une simple étreinte puisse me réconforter, et me guérir de tous mes maux – parce que ma Thaïs, elle est magique.
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MessageSujet: Re: and all we had is gone now. ;; THAÏS&MATTHIAS and all we had is gone now. ;; THAÏS&MATTHIAS EmptyVen 9 Aoû - 23:45

'' La plupart d'entre nous restent interdits devant la détresse de l'autre. Muets et paralysés. Une chose est sûre, toute parole vaut mieux que le silence gêné, toute attitude vaut mieux que la distance confuse. Parce qu'il n'y a pas de pire épreuve que celle qui engendre la solitude. '' une journée particulière :: anne-dauphine julliand  
( 17 AOÛT - SAN FRANCISCO )Liste de contact. Sélectionner. Effacer. Assise sur le comptoir d'un bar improvisé, Thaïs laissa un vaste soupir braver la barrière de ses lèvres framboises. Ses doigts effilés de petite fille se mouvèrent sur l'écran tactile de son téléphone portable, supprimant négligemment un à un les noms d'inconnus, enregistrés dans son répertoire.  Chacun d'eux l'avait accosté durant les soirées précédentes, insistant plus d'une fois pour enregistrer eux-même leur numéro dans l'adresse de ses contacts. Une vieille technique de drague pour se convaincre que de cette manière, la fille allait les rappeler. Mais Thaïs ne rappelait pas, et n'avait jamais rappelé personne. Ces types, elle ne les connaissait pas, et ne désirait aucunement s'intéresser à eux. Depuis son retour de vacances passée à se ressourcer sur ses terres natales, la petite française enchaînait les soirées, dans l'espoir d'y trouver un quelconque remède pour oublier. Oublier le fardeau de son cœur, ces petits maux qui ne se disent pas, ceux qu'elle cache derrière ses sourires malicieux et son visage d'ange. Le cœur sans joie, elle posa son portable sur le comptoir, et s'empara de son gobelet en plastique rempli jusqu'au bord d'un alcool fort. Cul sec. Pour boire à son désespoir. Boire à cette vie qui lui échappe, à ce monde qui veut sa peau. Boire à ses victoires et ses échecs. D'un geste certain de la main, elle fit signe à un type environnant de lui apporter un autre verre. Avalé d'une traite. L'alcool coula dans sa gorge, faisant office d’antidouleur. Elle était peut-être déjà défoncé, mais visiblement pas assez pour assoupir son mal être. L'air décidé, elle rejoignit ses ' amis ' d'un soir, installés sur les canapés du salon. Organisateurs de cette une petite soirée dans cette maison abandonnée, ils se roulaient des joints sans discontinuer. « T'en veux un ?  » qu'on lui demanda spontanément, en lui tendant un petit rouleau d'herbe. L'esprit déjà ailleurs, elle le prit sans discuter et se traîna avec sa béquille jusqu'au jardin, où elle passa les heures suivantes à fumer en dansant comme une gamine sur le dernier hit du moment. Autour d'elle, des gens hurlaient d'euphorie, s'enlaçaient avec entrain, un verre à la main. Et d'autres s'amusaient à envoyer des pétards en pleine air, formant ainsi un joli feu d'artifice au dessus de sa tête vacillante. Le nez porté vers un ciel coloré, Thaïs contempla d'un regard béat ces éclats de lumières, la bouche entrouverte. Elle se souvint alors de ce soir de Saint Sylvestre, perché sur le toit de son immeuble parisien, à admirer ces milles couleurs tomber du ciel. Avec son amoureux à ses côtés. Une poignée de secondes, elle crut revivre ce moment, être planté là, en cette dernière soirée de l'année, le froid picotant ses joues, et sa main à Lui réchauffant la sienne. Étrangement, elle sentit au même instant une main s'enrouler autour de sa taille, une ombre s'approcher d'elle derrière ses épaules dénudées. D'un coup, son regard se mit à pétiller de joie, comme ces lumières répandant leurs couleurs dans ce ciel noir. C'est lui, qu'elle se dit, sans même se retourner. C'est lui. « Enfin. Je t'ai retrouvé. » murmura une voix de velours dans un souffle, chatouillant le creux de son oreille. Intriguée, Princesse Courage fit volte-face, un léger sourire aux lèvres. Qui disparut à mesure que la déception s'emparait de son esprit. Cheveux débrayés, air hagard, le voilà, son prétendant de la soirée. Un lourd dingue, puant la sueur et la clope. « Ça te dirait qu'on s'trouve une chambre rien qu'pour nous deux, princesse ? » lança t-il avec délicatesse, en emprisonnant ses mains salies par les excès dans les siennes. Alors qu'elle s'apprêtait à s'enfuir, il renforça son emprise et jeta un vague coup d’œil à sa béquille. « Mais attends … peut-être que tu peux pas vraiment … » Il s'interrompit lui-même, butant sur les mots sous l'effet de la coke. Les yeux grands ouverts, Thaïs le fixa durement, et comprit. Les étudiants ne voyaient d'elle que la femme enfant, coincée dans son fauteuil roulant. Et beaucoup s'imaginaient qu'elle n'avait plus aucun rapport depuis. « Que je peux pas quoi ? Mais va-y, dis le ! Que je peux pas quoi, connard ? » qu'elle cria rouge de rage, en le poussant volontairement. Gêné, lui ne dit rien, gardant simplement un petit rictus mesquin sur ses lèvres. Il pouvait au moins avoir la fierté d'avoir fait sortir le démon qui dormait en elle. « C'est quoi ton problème ? » Les mains tremblantes de haine, la voix vacillante de larmes, elle continua à lâcher sa force d'enfant sur lui, n'hésitant pas à porter ses poings sur sa gueule de dealer. Alertés, certains invités tentèrent de les séparés, mais, Thaïs, elle ne voulait pas arrêter. Elle voulait littéralement lui déformer la face à ce crétin. « Lâchez moi ! Bordel, laissez moi tranquille ! » qu'elle pesta en sentant des mains inconnues venues arrêter son combat. Accablée, elle finit par lâcher prise, le cœur atteint. Sa veste en cuir sur ses épaules lasses, elle quitta les lieux au milieu de la nuit. Seule, et anéantie. Le lendemain matin, elle s'était réveillé en sursaut sur le canapé de son salon, la sonnerie de son portable retentissant sous son oreiller. Encore vêtue des vêtements de la veille, elle avait décroché, l'air désorienté. « Allô ? - Thaïs … Je suis au commissariat. Tu peux venir me chercher ? »  Un boum au cœur l'éveilla aussitôt. Brusquement, elle se releva pour s’asseoir. Le crâne lourd, elle entendit la voix suave de son frère, Matthias. A peine eut-il prononcer le moindre mot qu'elle sentit que quelque chose n'allait pas. Le ton de sa voix monotone la fit tressaillit de peur, mais elle se reprit, comme à son habitude. Un court instant, elle ferma les yeux, cherchant le courage et les mots. Oubliant la douleur et la montagne de ses problèmes. Alors, elle prit une profonde respiration, et rouvrit ses paupières. A nouveau elle-même. « J'arrive. Ne t'en fais pas Matty, je serai bientôt là. Tu m'attends hein, tu bouges pas ? » Le cœur battant, elle tâcha de vaincre l’inquiétude, de ne pas poser de question. Elle le sentait déjà faible. Impuissant. « A tout de suite. » Et elle raccrocha, enfila de nouveaux vêtements, claqua la porte de son appartement. Pour lui, elle pourrait courir contre le temps, avec sa jambe brisée et sa béquille argent. Pour lui, elle ferait du cents quatre-vingt sur l'autoroute,  se dénoncerait à sa place, partirait à l'autre bout du monde. Pour lui, oui, elle était prête à tout. ( 28 AOÛT - SAN FRANCISCO ) Nuit blanche en perspective. Une tasse d'un expresso bien serré entre les mains, Thaïs fit les cent pas devant son étagère cinématographique. A chaque rangée, son flot de cassettes archaïques dédiées exclusivement à sa passion pour Disney. La petite sirène, le Roi lion, Pocahontas, Peter Pan, Blanche Neige et les sept nains, il y était tous. Rangés ici par préférence avec minutie.  Les bras croisés, buvant de temps en temps une gorgée de café, elle tenta de choisir l'un d'entre eux, énumérant avec sa main libre le nombre de fois où elle les avait visionner. Histoire de pouvoir les départager. La belle et la bête arrivait évidemment loin en tête, mais tous les autres, elle les avait vu des tonnes de fois et ne s'en lassait jamais. Vêtue d'un large tee-shirt acheté récemment à Disneyland et d'un mini-short en coton, Thaïs ressemblait à une grande gamine de dix ans, sélectionnant son film du mercredi après-midi. Incapable de se décider, elle finit par emporter dans ses bras une dizaine de cassettes, en manquant d'en faire tomber une. Pas de prise de tête pour ce soir, elle les regarderait tous. Du moins, jusqu'à ce qu'elle soit assez crevée pour piquer du nez et s'endormir devant la télévision sur un chant entraînant. Le cœur enjoué, elle se mit à préparer bol de céréales, confiseries et verres de jus d'orange, qu'elle rassembla sur un grand plateau télé. Gigotant dans tous les sens, la jeune fille s'installa sur le ventre sur le tapis de son salon, les paumes de ses deux mains jointes soutenant le poids de son menton. Jambes croisées, regard émerveillé, Thaïs alluma l'écran de sa télévision, dégustant son premier film. Le livre de la jungle. Emportée comme à chaque fois par l'histoire de ce petit garçon élevé par des loups, elle riait, chantait la bouche pleine et l'âme aux anges. Dès qu'elle revoyait ces personnages dessinés, ses soucis semblaient si loin, n'accaparant plus aucun coin de son esprit. C'est pour ça qu'elle était encore une enfant Thaïs, une petite fille comme il en existe peu, capable rebondir après les épreuves et les larmes. Chaque instant de sa vie  ensoleille son quotidien, et tout ça n'est que fait que de petits riens. Ses grands bonheurs, au fond, ne sont que de simples actes ordinaires. Comme ce présent là, où elle sourit et pleure de joie, sans penser au lendemain. Heure après heure, elle redécouvrait les paupières lourdes ses grands classiques, chantonnant ce rêve bleu devant Aladin, s'évadant sous l'océan avec Ariel, survolant la ville avec Peter Pan, et courant dans la savane avec Simba et Nala. Et, alors que le générique de fin des Aristochats défilaient à grande vitesse sur son écran, ses mains fatiguées ouvrirent lentement le coffret de son film à elle, celui qui a une place si importante dans son cœur. La belle et la bête. Enfin décidé à le visionner une énième fois bien qu'elle semblait écrasée par la fatigue, Thaïs s'apprêtait à rentrer son précieux dans son vieux caméscope lorsqu'un bruit émana de la porte d'entrée. Impossible que quelqu'un vienne la déranger à une heure si avancée de la nuit, ça devait encore être des étudiants bourrés qui ne trouvaient plus le chemin de leur appartement. Le corps éreinté, elle ouvrit la porte et découvrit avec étonnement, la silhouette de son frère, chargé de bagages. A peine eut-elle eut le temps de réagir qu'il s'était déjà jeté dans ses bras. « Matty. » qu'elle fit incertaine, en battant plusieurs fois des paupières pour se donner un peu d'entrain. « Matty, tu m'étouffes ! » Un rire s'échappa de sa bouche, lorsqu'il daigna desserrer son étreinte. Du coin de l’œil, elle contempla les valises posées derrière lui, et aussitôt, une pensée germa dans son esprit. « Attends, ne me dis pas que tu repars à la guerre, hein ? Tu m'as promis que tu resterai avec moi ! » le sermonna t-elle à la manière de leur mère, avec son index pointé vers lui. Elle avait beau être fatigué, elle l'attrapa par le bras pour le faire rentrer, et porta avec difficulté ses bagages, refermant la porte d'entrée derrière elle. « Cette fois-ci, tu ne  pourras pas te débarrasser de moi ! » qu'elle fit l'air sérieuse, en déposant soudainement les valises au sol. C'était trop lourds pour elle ces machins, pensa t-elle, alors qu'elle vit son frère reluquer du regard le bordel environnant. Vêtements sales par terre, paquets de cigarettes, et livres de littératures étalés partout dans les quatre coins de la pièce, si elle n'était pas de nature bordélique, il faut croire qu'elle s'était résout à faire le ménage. « Fais pas attention à tout ça, j'étais pas souvent là ce temps-ci. » Un petit mensonge pour masquer une triste solitude. Le cœur battant, Thaïs se rapprocha de Matthias, et le prit à nouveau dans ses bras. Les paupières closes, elle tâcha de profiter de cet instant, lui qui semblait si distant ces derniers temps. C'était son frère, son tout, et sans lui, elle ne valait pas grand chose. « Tu as besoin de quelque chose ? A boire, ou à manger peut-être ? Dis moi ce qui te ferait plaisir. » Consciente de sa fragilité actuelle, Princesse Courage faisait de son mieux pour lui remonter un peu le moral. Elle savait qu'un rien pouvait le faire sourire, et se devait d'être là pour lui. Et même si ces jours-ci, la vie ne la comblait pas de bonheur, elle parvenait à exister à travers lui. Le consoler, pour le sauver. Éviter qu'il se noie. Sa main tendue n'hésiterait pas à prendre la sienne. Parce qu'à ses yeux, tout le monde méritait d'être aidé. Sans pour autant avoir à le demander.
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MessageSujet: Re: and all we had is gone now. ;; THAÏS&MATTHIAS and all we had is gone now. ;; THAÏS&MATTHIAS EmptyMar 20 Aoû - 22:35


San Francisco, le 17 Août 2013 ► « Je ne bougerai pas. » Promis-je à voix basse, alors que mes yeux balayaient d'un regard les alentours. Pour faire quoi ? Pour aller où ? Chaque espace dans les environs semblait gangrené par la mauvaise ambiance et l'atmosphère pesante qui émanaient du commissariat. Je n'avais pas pour habitude d'être aussi hostile aux forces de l'ordre ; d'une certaine façon, j'en avais moi-même fait parti. J'avais servi mon pays. A certains moment, j'avais fait régner l'ordre ; à d'autres, j'avais cherché à le rétablir. Et ces agents n'avaient eu aucune compassion, aucune sympathie à mon égard. Pire ; ils m'avaient regardé froidement, et m'avaient directement placé dans la catégorie coupable. Je n'avais pas tout de suite compris pourquoi ; mais ils avaient rapidement abattu leurs cartes, et je devais reconnaître qu'elles ne jouaient clairement pas en ma faveur. Je me souvenais encore du sourire narquois dont s'était fendu l'un des enquêteurs venu pour m'interroger ; il abordait l'affaire sereinement, convaincu d'avoir démasqué l'assassin du campus de Berkeley. Il m'avait d'abord parlé des différentes agressions, me posant des tas de questions sur mes alibis. Puis il m'avait laissé seul pendant de longues minutes, avant de revenir avec un dossier assez épais. À l'intérieur, plusieurs papiers – certains portaient un sceau officiel, tandis que d'autres étaient de simples retranscriptions. L'homme se fendit d'un fin sourire, et commença à ressortir de vieux dossiers. Il se permit l'impensable – me questionner sur ma carrière militaire, sur mon tempérament de feu, sur mes amours compliquées. J'avais eu la désagréable impression de voir ma vie étalée, au vu et au su de tous. Ça m'avait prodigieusement agacé. Mais l'enquêteur m'avait mis le coup de grâce en évoquant les soupçons qui avaient pesé sur moi lors du décès brutal de Thybalt. J'ai fermé les yeux un instant, tentant de faire le vide dans mon esprit. Mais la respiration de ma jumelle, à l'autre bout du fil, me rappela que je ne pouvais décemment pas me permettre de m'effondrer. « Je t'en prie Thaïs. » Soufflais-je, éteint. « Fais au plus vite. » Parce que je me sens étrangement faible, étrangement vulnérable. J'avais l'impression qu'une vulgaire pichenette suffirait à me faire tomber. En dépit de mon imposante stature et de mon moral d'acier, j'étais à terre. Le coup de grâce ne serait pas difficile à porter. Sans autre mot, j'ai coupé la communication. J'ai éteint mon téléphone, que j'ai ensuite rangé dans ma poche de jean. Mes pensées étaient confuses, désordonnées ; je priais intérieurement pour que ma sœur vienne vite mettre fin à ce supplice. Et, par chance, mon souhait fut rapidement exhaussé. Des pas précipités me firent redresser la tête, et l'instant d'après, je m'effondrais – tant physiquement que moralement – dans l'étreinte rassurante de ma jumelle.


San Francisco, le 28 Août 2013 ► Les mains dans les poches, et raidi par l'inquiétude, je réalisais que j'avais été rarement aussi angoissé à l'idée d'une entrevue avec ma sœur. Pour être tout à fait honnête, je m'imaginais mille et uns scénarios catastrophes – elle ne voudrait pas m'accepter parce qu'elle avait d'autres chats à fouetter, parce que j'avais trop souvent été un frère indigne, parce que je ne la méritais pas. J'ai soupiré, tentant vainement d'évacuer ce stress incontrôlable. Peine perdue ; ce n'est que lorsque la porte s'ouvrit que je m'autorisais à esquisser un pâle sourire. La suite se passa dans les meilleures conditions possibles. Un simple regard échangé avec Thaïs me permit de comprendre que mes suppositions précédentes relevaient purement et simplement du fantasme. Non elle n'allait pas me rejeter. Non, elle ne me laisserait pas me débrouiller seul. Je m'écartais de son corps pour la laisser respirer, profitant de notre faible distance corporelle pour poser un baiser sur son front. Son rire cristallin me fit sourire. Thaïs, elle avait ce don si particulier de vous faire oublier vos problèmes en une fraction de seconde. Mais ma présence ici, à une heure si matinale, et les bras chargés de sacs lui firent rapidement froncer les sourcils. J'avais éveillé de mauvais souvenirs en elle. « Non. Non, je ne repars pas. » Murmurais-je prudemment, la voix éteinte. En tout cas, je ne repars pas maintenant. Je mentirais si je disais que cette option ne m'avait pas effleuré l'esprit. Forcément que j'y avais songé. Mais je l'avais vite oubliée, reléguée au second plan. « Une promesse est une promesse. » Fis-je remarquer. J'avais toujours été quelqu'un de droit, de loyal. Chaque mot qui sortait de mes lèvres avait été pensé, ressenti. J'étais du genre à tenir mes promesses, et à honorer mes engagements. Je n'allais pas faillir à ma réputation. Pas aujourd'hui, en tout cas. « Je ne cherche pas à me débarrasser de toi, bien au contraire. » Tu es tout ce qu'il me reste, eus-je envie d'ajouter. Mais ces mots me parurent un peu dramatiques, presque funestes. Le but de ma visite n'était pas d'affoler Thaïs. Elle devait être suffisamment inquiété comme cela, surtout depuis notre dernière entrevue. « Je n'ai surtout pas envie de me débarrasser de toi. » Rectifiais-je, lui offrant pour l'occasion un semblant de sourire. Thaïs s'écarta de devant la porte, afin que je puisse passer. Elle tenta de s'emparer de mes sacs, mais je l'ai arrêtée d'un geste. Protecteur jusqu'au bout des ongles. « Laisse, je vais porter ça. » Déclarais-je, alors que ma sœur esquissait un pas vers le salon. « C'est trop lourd pour tes petits bras. » Ajoutais-je, légèrement moqueur. Malheureusement, le cœur et l'envie n'y étaient pas. Si elle s'en rendit compte, ma jumelle eut au moins la délicatesse de ne pas me le faire remarquer. À croire que je n'étais pas le seul de nous deux à me montrer délicat et prévenant. Les mauvaises langues prétendront que nous nous cachions des choses ; je qualifierais plus cette attitude comme étant préventive. Pas besoin d'affoler l'autre. Pas besoin de dire la vérité à voix haute, alors que nous lisons dans l'autre comme dans un livre ouvert. Je savais lorsqu'elle me mentait, lorsqu'elle arrangeait la vérité, lorsqu'elle vivait quelque chose de pénible ; notre lien gémellaire indescriptible pouvait se révéler très utile. Mais aujourd'hui, je le considérais plutôt comme étant un fléau. Mes yeux s'écarquillèrent à la vue du bordel qu'il y avait dans le salon. « Tu n'étais pas souvent là, où tu as organisé des orgies à n'en plus finir ? » Demandais-je, sans pour autant être dupe. Elle me parlerait quand elle se sentirait prête ; je saurai me montrer patient. « La première option a plutôt intérêt d'être la bonne, parce que je vivrais mal de ne pas avoir été invité aux fêtes du siècle. » Plaisantais-je en ramassant un pull qui traînait par terre. J'abandonnais mes sacs à côté du canapé, avant d'ouvrir mes bras à ma sœur. L'étreinte était délicate, et je la savourais à sa juste valeur. C'était comme un moment de répit au milieu d'une tempête qui faisait rage. Mes lèvres effleurèrent avec tendresse le haut de sa tête, tandis que mes doigts courraient dans son dos. « Tu es sure que tout va bien ? » Demandais-je d'une voix d'où l'inquiétude transperçait. Une petite voix dans ma tête me hurlait que j'étais bien curieux, et que j'aurais mieux fait de la laisser vivre. Mais la simple idée que ma sœur puisse souffrir ou être malheureuse me bouleversait sincèrement. Mais elle avait de la force et du courage à revendre, ma jumelle. Elle faisait face, elle faisait front. Tout ça pour mes beaux yeux. N'étais-je pas le frère le plus chanceux du monde ? « Rien de tout ça, Thaïs. » Murmurais-je en secouant la tête. Range tes habitudes de bonne hôtesse de maison, tu es en terrain conquis avec moi. Je profitais néanmoins de sa proposition pour l'informer de mes envies futures. « Ce qui me ferait plaisir ? » Répétais-je, la voix pleine d'espoir. Je fis néanmoins durer le suspense – le temps d'aller prendre place sur le canapé. « Ce serait de vivre avec toi. À tes côtés. » Déclarais-je. J'aurais pu passer par quatre chemins, et lui montrer les mille avantages qu'aurait cette vie à deux. Tenter de la corrompre. Mais ce n'était pas mon genre, et je préférais qu'elle prenne sa décision en connaissance de cause.  « Comme avant, quand on était plus jeunes. Avec Nattéo. Tu te souviens ? » Demandais-je, relevant les yeux vers elle, alors que j'esquissais un faible sourire. Je préférais oublier les moments plus difficiles, pour ne me souvenir que ceux qui avaient été parfaits. « J'aurais voulu que ça dure pour toujours. » Avouais-je, plus mal à l'aise que jamais. Mais le drame avait frappé notre famille de plein fouet, et j'avais décidé de prendre le large. Je regrettais ces temps paisibles et heureux. Je regrettais mon adolescence, et l'insouciance qui la caractérisait. Et j'avais honte de le montrer aussi clairement à ma sœur – sans doute parce que d'une certaine façon, j'étais intimement persuadé que j'étais en grande partie responsable de toute cette déchéance. « Je t'en prie, dis-moi que ta proposition est toujours d'actualité. » Dis-je en relevant mes yeux clairs vers le visage angélique de Thaïs. Mon ton était clairement suppliant, et je ne cherchais même pas à masquer la peine et l'inquiétude qui brillaient dans mes yeux. « J'ai besoin d'être auprès de quelqu'un qui me connaît, et qui ne me jugera pas. Auprès de quelqu'un qui sait que je ne suis pas infaillible, et quelqu'un en qui j'ai confiance. » Autrement dit... « J'ai besoin d'être auprès de toi, Thaïs. Tu es la seule personne que j'ai envie de voir et à qui j'ai envie de parler. Tu es la seule à pouvoir m'aider, et... » Commençais-je, avant de m'interrompre. Comment lui dire ? Mes doigts s'entrelacèrent aux siens, tandis que mes yeux balayaient le sol. « … tu me manques. » Finis-je par conclure. Les mots et l'attitude que j'adoptais pouvaient paraître maladroits – ils l'étaient, d'une certaine façon. Mais j'étais d'une sincérité désarmante, et ça, c'était évident.
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MessageSujet: Re: and all we had is gone now. ;; THAÏS&MATTHIAS and all we had is gone now. ;; THAÏS&MATTHIAS EmptySam 21 Sep - 21:26

Spoiler:
❝ As your merciful princess, I hereby decree that everyone who was ever mean to me shall be executed. ❞ 
- If I am a princess in rags and tatters, I can be a princess inside. It would be easy to be a princess if I were dressed in cloth of gold, but it is a great deal more of a triumph to be one all the time when no one knows it - frances hodgson burnett -
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( F L A S H B A C K :: PARIS - 1998 )Une petite fille, à l'allure rêveuse et au cœur d'ange, énumère une liste de nombre avec l'aisance d'une parfaite élève de classe.  Ses minuscules mains posées sur ses yeux,  elle semble portée par cet élan de frénésie que seuls les enfants détiennent. Cette pointe d'imagination, mêlée à une joie unique. Celle de s'amuser, simplement, avec des jambes pour courir et des mains pour toucher. Ces petits rien du quotidien, qui, une fois rassemblées, forment la simplicité de l'enfance. Les graines du temps écoulées, Thaïs,  toute de blanc vêtue, se mit à sourire en ouvrant ses petits yeux de princesse. « J'arrive mes petits monstres !  » qu'elle s'écria enjouée à l'idée de partir à l'aventure. Une partie de cache cache, rien de telle pour embraser ses excitations de petite fille. Face à elle s'étendait un immense air de jeux située au cœur d'une capitale parisienne asphyxiée par une misère humaine croissante. Pourtant, dès lors que l'on entrait dans ce cirque pour enfants, le monde entier vibrait au rythme de leurs pas effrénés. Une lueur d'euphorie se creusait dans les prunelles noisettes de cette petite, mais si forte, Thaïs, tandis qu'elle balayait du regard les environs à la recherche de ses deux frères. Guidée par le langage de son cœur, chercha dans un premier temps sous le toboggan, avant de rejoindre en courant une petite cabane cachée sous les bois. Porte ouverte et lieu vraisemblable vide, elle faisait fausse route. Revenant sur ses pas, elle reluqua une nouvelle fois les lieux, en tâchant de faire abstraction des autres enfants galopant autour d'elle. Au loin, elle distingua deux masses brunes figées derrière l'une des petites tables de pique-nique, recouverte d'un grand drap rouge. Leurs têtes dépassant légèrement de leurs cachettes, Thaïs accourue à grande foulée auprès d'eux, les joues rosies par une victoire toute proche. Alors qu'une petite famille déjeunait tranquillement, elle monta sans gêne  à l'aide de ses jambes trop petite, sur la table en bois, et se mit à danser de joie. « J'ai gagné, j'ai gagné ! » hurla t-elle de vive voix, et tournoya sur elle-même à toute vitesse, faisant se mouvoir les pans de sa jolie robe. L'un après l'autre, Matthias et Nattéo sortirent à peine de leurs tanières, accrochant leurs petites mains sur le rebord de la table, dans le simple but de contempler le spectacle saisissant de leur sœur. Elle était magique Thaïs, dans sa façon d'être, de répondre avec son doux sourire, de parler avec sa voix majestueuse. Au bout d'un moment, elle redescendit sur Terre, s'excusant poliment auprès de la famille qu'elle avait gênée, avant de rejoindre ses deux frères. « Vous savez ce qu'il vous reste à faire. » Bien sûr qu'ils le savaient, cela faisait parti du deal. Intérieurement déjà, la petite prodige jubilait d'impatience. Face contre un vent de printemps, ils firent la course jusqu'au pieds d'un grand chêne, avant de laisser place à leur imagination. « Princesse Thaïs, je vous conjure de vous laisser rentrer dans ma chambre  au sein de votre magnifique demeure, dans la contrée du royaume des enfants. » Approuvant les dires de Nattéo, elle hocha dignement la tête avec l'art d'une véritable altesse royale. « Votre majesté, je vous fais reine pour le restant de vos jours. » déclara le chevalier de la fratrie, Matthias, en déposant soigneusement une couronne de fleurs sur la chevelure brune de sa sœur. Puis, il ajouta l'air amusé, et  la bouche déjà souriante. « Ce qui signifie que nous resterons à jamais vos princes. » Le visage lumineux, Thaïs esquissa un large sourire, en serrant fermement une main de chacun de ses frères. Reliés par un même élan fraternel, et vraisemblablement inséparables depuis le jour symbolique de leur naissance, Thaïs, Matthias et Nattéo constituaient une fratrie solidaire, ayant ensembles grandis au sein d'une famille soudée. A eux trois, ils étaient invincibles, alliant chacune de leurs forces à leur puissance commune. « Non, vous êtes mes rois à moi. On va tous les trois diriger ce royaume, et quand on sera grands, on partira vivre sur les nuages pour lancer des paillettes sur le monde. Comme ça, plus personne ne sera malheureux. Et nous, on restera ensembles, on fera des bêtises sur la Lune. » qu'elle fit d'un ton badin, et la tête portée vers un ciel bleutée. Là où se trouvait leur royaume, songea t-elle. Seule touche féminine de ce trio éternel et véritable centre d'attention pour ces deux frères protecteurs, Thaïs était depuis toujours à leurs yeux cette petite sœur fragile à qui l'ont veut épargner les balafres de la vie. Tout comme ils resteront pour elle, les piliers de son quotidien, les seuls qui parviendront toujours à lui faire tenir la tête en dehors de l'eau, à lui rendre un sourire quelque fois effacé, à la rendre elle, telle qu'elle est et restera toujours :  vivante. Ils avaient cette fidélité simple entre eux, ce sentiment d'appartenir à un groupe inséparable, où l'on ne se cachait rien et où l'on partageait tout. Ils s'aimaient les uns les autres sans avoir besoin de le dire : ils l'éprouvaient, le ressentaient dans chacun des regards qu'ils s'échangeaient.Voilà comment ces trois gamins insouciants d'à peine dix ans avançaient dans la vie.  Ensembles, et rien d'autre. ( SAN FRANCISCO - 28 AOÛT ) Non. Non, je ne repars pas. A la musique rassurante de ces mots, flottant placidement entre leurs silhouettes unies, un sourire soulagé éclaira son petit visage d'enfant et fit rosir ses joues de magiciennes, jusqu'alors ternies par les somnifères. Il ne partira pas, c'était fini tout ça, qu'elle se dit à elle-même, comme pour se persuader que plus jamais, il ne s'en irait, loin, bien trop loin d'elle, risquer sa vie. Matty, il était comme une part d'elle, un morceau de sa vie indétachable du reste. Un trésor, le sien, qu'elle prenait soin de garder près d'elle. Délivrée des valises qui pendaient au bout de ses bras, elle l'accueillait volontiers à entrer dans son monde, malgré un désordre naissant qui laissait entrevoir la tristesse mélancolique qui la gardait sur le bas côté de la route depuis deux longs mois. De vieilles peluches cohabitaient sur la moquette du salon avec des vinyles de Gainsbourg , et des paquets de confiseries vides. A cela s'ajoutait l'odeur du tabac froid, et des fringues éparpillés un peu partout dans l'appartement. Surprise au cœur de son mal être, Thaïs croisa ses mains devant elle, osant à peine observer l'état des lieux. Tête demi-baissée, elle garda son charme de fillette tant bien que mal, et poussa un léger soupir de soulagement lorsque son frère fit mine de plaisanter sur le sujet.  « Un peu des deux. » répondit-elle simplement, sans même avoir besoin de mentir. Constamment de sortie, elle avait passé ses soirées d'été dans des bars ou fêtes improvisées, avec des groupes sans cesse différents. Rare furent les moments où elle restait dans son appartement, si ce n'est tard le soir, où elle ne parvenait même pas à trouver le sommeil. Un trop large brouillard venait s’obscurcir dans sa tête. « La prochaine fois que je ferai la tournée des bars, je t'appellerai. » qu'elle lança sur le même ton rieur, histoire de masquer un certain malaise grandissant. Et puis, il vint la prendre dans ses bras, lui le Grand garçon, et elle, la toute petite fille. Enfermée ainsi entre ses barrières protectrices, ses prunelles noisettes se fermèrent de fatigue, apaisés un temps, avant de se rouvrir d'un seul coup sous l'intonation de sa question. Il était inquiet, elle le sentait dans le débit de sa voix. « J'ai connu mieux, j'ai connu pire. » En clair, ne t'en fais pas, ça ne va pas fort aujourd'hui, mais demain, je ferai des efforts, et les jours d'après aussi, aurait-elle pu ajouter, mais ça  n'aurait servi qu'à décupler des craintes déjà bien trop présentes.  Son prince quitta ses bras désarmées pour aller s'installer sur le canapé, là même où il lui confia son désir de revenir vivre avec elle. Son regard, oscillant entre détresse et défiance, percuta le sien avec une sincérité déchirante. Là, elle lut dans la lueur de ses yeux, sans même avoir besoin d'entendre ses mots. La bouche entrouverte, elle ne parvenait pas à prononcer quoi que ce soit, la gorge prise d'effroi et de peine mêlées. Un crève-cœur, un poing dans le ventre. Volatilisée qu'elle était sa douleur à elle, celle qu'elle croyait ressentir. La sienne à lui, celle qui brillait dans le fond de son cœur et qui la fit replonger dans ses larmes, le mettait nu face à elle. Sans rempart, sans masque. Il lui parlait à cœur ouvert. « Regardes moi. » qu'elle lui murmura d'un air maternel, cherchant l'intensité de son regard éperdu sur le sol. « Je ne te laisserai pas tomber, tu m'entends ? Jamais. » Ce soir, son royaume tout entier pleurait de malheur sans discontinuer, et la reine des sourires était la seule à pouvoir estomper l'hémorragie nuageux. Du soleil, un peu de tendresse, et elle pourrait faire apparaître un arc-en-ciel.  « Tu vas rester là avec moi, et tu verras, tout ira mieux, je te le promets. » qu'elle ajouta tout bas, avant de s’asseoir à ses côtés en enroulant l'un de ses bras autour du sien. « Bienvenue à la maison Matty. » Fière de pouvoir enfin prononcer ces mots, sa voix se fit moins grave, plus sereine et joyeuse. Au fond d'elle, son cœur en chocolat fondait de joie. Comme elle avait rêvé de cet instant, lorsque chacun de ses frères reviendrait vivre avec elle. Comme quand ils étaient petits, qu'ils partageaient le même lit. « Tu n'as pas besoin de t'en faire pour moi, ça va aller.  Et je sais que je suis ta sœur, que tu t'en feras toujours quand même un peu, mais je t'assure, crois-moi. Ça ira. » Ses prunelles noisettes cherchèrent les siennes. « Tu es là maintenant, et c'est déjà pas si mal, pas vrai ? » S'il y a une heure auparavant où son âme d'enfant semblait chavirer, il semblerait qu'il ait déjà panser les blessures de son bateau. Elle était comme ça Thaïs, capable de passer du rire aux larmes d'un clignement de cil. Puisqu'elle savait, mieux que personne, que chaque seconde d'une vie était un cadeau qu'il fallait prendre soin d'ouvrir avec délicatesse. Se levant de son siège avec difficulté, elle lui fit signe de patienter un instant, le temps d'allumer quelques bougies parfumées et d'éteindre les autres lumières. A nouveau à ses côtés, elle lui donna l'ordre de poser sa tête sur ses petites cuisses brisées, et de fermer les yeux. Un geste qu'il semblait réticent à exécuter. « Fais ce que je te dis, je sais ce que je fais. » qu'elle affirma, sans céder. « Tu te souviens de ce parc, celui où on allait jouer souvent après l'école ? Imagines-toi qu'on y est à nouveau, que je suis la princesse et toi le roi. C'était plus simple à cet âge là, on se croyait invincibles, on avait pleins de rêves.  » Dans ce clair-obscur, Thaïs parvint encore à sentir la profondeur du désespoir de son frère. Elle, qui aimerait tant trouver les mots, les bons. « J'aurai aimé rester cette petite fille toute ma vie. Mais tu sais quoi, je crois que l'on reste toujours un peu des enfants. On ne devrait pas avoir peur d'être triste, c'est normal de l'être. Il faut juste apprendre à se sentir chanceux de ce que l'on a, et pas  malheureux de ce que l'on a pas. »
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MessageSujet: Re: and all we had is gone now. ;; THAÏS&MATTHIAS and all we had is gone now. ;; THAÏS&MATTHIAS EmptyMer 2 Oct - 4:15

Spoiler:


Mes lèvres s'étirèrent en un mince sourire à l'entente de la proposition de ma jumelle, mais je m'abstins de répondre. Moi, l'accompagner dans sa tournée des bars ? L'idée ne me tentait pas franchement. Je me connaissais : j'aurais passé ma soirée à veiller sur elle, et sur l'environnement hostile qui allait forcément, tôt ou tard, commencer à graviter autour de sa délicate silhouette. Oui, j'ai tendance à voir le monde en noir. Oui, je reconnais, je me méfie de tout et de tout le monde. Oui, j'avoue, je n'ai confiance en personne – et encore moins dès qu'il s'agit de ma sœur. On ne se refaisait pas. Mes pensées furent balayées rapidement, tandis que nous évoquions un sujet qui me tenait particulièrement à cœur – le bien-être de ma jumelle. « Je comprends. » Acquiesçais-je alors que je sentais la chaleur réconfortante de Thaïs se répandre  au plus profond de mon être. Ma sœur n'était pas au meilleur de sa forme, et c'était d'une évidence flagrante. Son appartement ressemblait à un champ de bataille, et son air était maussade, presque triste. J'aurais tout donné pour qu'elle accroche à nouveau un large sourire sur ses lèvres. Thaïs n'était pas du genre à déprimer, à se lamenter sur ses problèmes. Non, au contraire même. Ma sœur était forte, tant psychologiquement que physiquement. C'était une battante, une vraie. Une fille qui croit en ses rêves, qui s'accroche, qui ne se laisse pas dépasser facilement, et qui fait de son mieux pour atteindre son but. Malgré les aléas et les drames de la vie, elle avait su préserver une touche de candeur que je lui enviais sincèrement. En somme, Thaïs pouvait faire figure de modèle pour quiconque – moi y compris. « Demain est un autre jour, n'est-ce pas ? » Fis-je remarquer en libérant l'Alpha de mon emprise. Elle s'éloigna, et aussitôt, l'air glacial me percuta de plein fouet. Je regrettais déjà la présence rassurante et chaleureuse de ma jumelle. Elle seule savait comment me faire oublier mes problèmes ; elle était capable de faire des petits miracles, grâce à des mots habillement choisis.


Mes yeux, qui s'étaient perdus dans la contemplation d'un sol jonché de papiers vides, finirent par rencontrer ceux de Thaïs. J'en avais fini de fuir ; l'heure était à l'affrontement direct. Advienne que pourra, comme on dit. Le temps sembla se figer, pendant de cours instants. Ce moment n'appartenait qu'à nous. Nous n'avions pas besoin de mots pour nous comprendre. Pas de gestes non plus. L'intensité de ce regard valait toutes les confessions du monde. « Non, je ne vais pas bien. Oui, j'ai menti à plusieurs reprises. À toi, aux autres. Non, je ne regrette rien. Mais oui, aujourd'hui, c'est devenu trop lourd à porter. Oui, je m'effondre. Ou plus exactement, je crois que j'ai touché le fond, et que je ne suis pas près d'en ressortir. » Voilà une infime partie de ce que ce regard, suspendu dans le temps, voulait dire. Je m'éloignais, pour aller m'affaler sur le canapé. J'avais fait un premier pas vers elle, et j'estimais donc avoir fait le plus difficile. Le reste ne serait que superflu, et ne servirait qu'à éclairer Thaïs sur mon état d'esprit. « Merci. » Murmurais-je d'une voix éteinte, alors que je posais ma tête contre son épaule. Je ne cherchais même plus à cacher mon état, tant physique que psychologique. J'étais littéralement épuisé. Je ne dormais pas assez (voire pas du tout), et ma vie actuelle ressemblait plus à un cauchemar éveillé qu'à autre chose. Il n'y avait rien de stable, rien d'acquis. J'avais rompu avec Tessa, j'étais très probablement le père d'une gamine de deux ans et demi, et j'étais soupçonné de meurtre. À part ça ? Ça va un peu près, merci. « Tout part en vrille, ces derniers temps. Je me demande quand tout cela prendra fin. » Déclarais-je, abattu. C'était bon, je n'en pouvais plus : la coupe était pleine, et venait tout juste de déborder. Je soupirais de soulagement alors que Thaïs m'assurait que j'avais toujours ma place à ses côtés. Si je n'avais pas été aussi désabusé et atterré, je crois que j'en aurais pleuré de joie. « Tu  ne peux pas imaginer combien ça me soulage. Si j'avais dû rester dans ma chambre chez les Iota, je crois que j'aurais fini par péter un câble. » Avouais-je. Et encore, je pesais mes mots ; depuis quelques temps, je tournais dans ma chambre comme un lion en cage, prêt à exploser à la moindre contrariété. J'ai esquissé un pauvre sourire tandis que Thaïs évoquait mon côté protecteur. « Je fais des efforts. Je sais que je ne suis pas le frère idéal, que je suis un peu trop possessif et que j'ai tendance à voir le mal partout. Je sais aussi que j'ai une tendance à te surprotéger, à te couver et à te mettre en garde contre tout et contre tout le monde, mais c'est pour ton bien. Le monde n'est pas toujours beau, Thaïs. Et tu mérites ce qu'il y a de mieux, et de plus beau. » Soufflais-je à voix basse. « Je serai toujours inquiet pour toi. Toujours. Et tu sais pourquoi ? Parce qu'on est lié, et qu'on ne peut rien faire contre ça. Je ne pourrais jamais être heureux si tu ne l'es pas non plus. Je ne pourrais jamais me réjouir de quelque chose si je te sais malheureuse. Je ne pourrais jamais m'empêcher d'aller fouiner dans tes affaires, juste pour m'assurer que tout va bien. C'est mon rôle de grand frère, mais c'est surtout mon rôle parce que je tiens à toi. » Parce que je t'aime, aurais-je dû ajouter. Mais je n'avais pas l'habitude de m'épancher sur mes sentiments, et je n'étais pas franchement adepte des grandes déclarations d'amour. Ma jumelle devrait donc se contenter de ces quelques mots, mais j'étais persuadé qu'elle avait saisi la globalité du message. Elle était suffisamment intelligente et clairvoyante pour lire entre les lignes, et pour comprendre le sens suggéré, mais pourtant jamais clairement formulé. Cependant, j'ai légèrement ricané (un rire sans joie, presque désabusé, n'ayons pas peur de le dire), alors que Thaïs parvenait à retirer le point positif de cette situation désespérée – à savoir que nous étions rassemblés. Ensemble, face aux problèmes et aux malheurs. Je n'émis aucun commentaire à voix haute, mais j'avais peur que cette fois-ci, notre lien si particulier ne nous suffise pas. Nous étions tous deux au plus mal, et je me demandais comment nous pourrions remonter la pente ensemble. Notre morosité n'allait-elle pas finir par prendre le pas sur ces quelques moments d'espoir ? « Tu parles d'une équipe. » Déclarais-je, me moquant de notre propre condition. « Deux déprimés avachis sur un canapé. On a vu mieux comme thérapie. » Deux accidentés de la vie, qui allaient devoir réapprendre à sourire, et à profiter. La tache s'annonçait longue et complexe – mais aux côtés de ma sœur, je me sentais parfois pousser des ailes. Avec elle, j'avais l'impression que rien n'était impossible. « Mais c'est un début, c'est vrai. » Concédais-je en hochant la tête. Et puis ne dit-on pas que l'union fait la force ? Avec ma jumelle, j'étais sur de pouvoir déplacer des montagnes. Juste pour la faire sourire. C'est à ce moment précis où j'ai saisi toutes la portée des mots de Thaïs. Évidemment que nous allions nous en sortir. Évidemment qu'être à deux nous rendait plus fort, et suffirait à nous sortir la tête de l'eau. Pourquoi ? Tout simplement parce que je savais que ma sœur allait faire des efforts considérables pour aller mieux, et pour me remonter le moral. Il en était de même pour moi ; nous n'aimions pas voir l'autre souffrir, et nous étions intimement liés. Le calcul était vite fait : nous ne pouvions nous mentir, et nous devions être les plus sincères possible l'un envers l'autre. Nous morfondre dans notre mal être et notre dépression n'était donc pas une option envisageable – sous peine d'entrer l'autre dans sa chute. Le silence qui s'était installé fut vite interrompu par une idée saugrenue de ma sœur. D'abord réticent, j'ai fini par me plier à ses envies loufoques. « D'accord. » Finis-je par accepter, non sans me montrer perplexe. « Je te fais confiance. » Ajoutais-je, avant de m'exécuter. J'ai posé ma tête sur le genou de ma jumelle, écoutant avec intention les instructions qu'elle me donnait. Puisque j'avais décidé de lui faire confiance, autant jouer le jeu jusqu'au bout – même si je craignais franchement les conséquences que pourraient avoir sur moi ces souvenirs apparemment anodins. « Je me souviens. » Acquiesçais-je après un long moment de silence. J'avais la gorge nouée par l'émotion, et nos rires enfantins résonnaient encore au plus profond de mon être. J'étais surpris de constater à quel point tous ces moments m'apparaissaient clairement. Moi qui pensais qu'il ne s'agissait que de souvenirs lointains, enfouis et oubliés à jamais... voilà que Thaïs les faisaient resurgir à un moment crucial. « Rien ne nous semblait impossible. » Confirmais-je, alors qu'un pâle sourire naissait sur mes lèvres. La candeur et la naïveté de l'enfance... Tout cela me semblait tellement loin, maintenant. Mais ma jumelle était magique, et elle venait de me le prouver une fois de plus : elle avait réussi là où j'avais moi-même échoué. Elle avait réussi à me remémorer ces sensations que je croyais perdues à jamais. « J'aurais voulu que tu restes cette petite fille pour toujours. » Approuvais-je, gardant les yeux clos. « J'aurais voulu que l'on reste ces enfants pour la vie. Parce que c'était parfait. » Parce qu'on ne s'inquiétait de rien, parce que chaque jour était une découverte, et parce que tout nous semblait beau et merveilleux. Mais le temps avait passé, nous avions grandi, et nos illusions s'étaient envolées. « J'aimerai avoir ton talent. Je voudrais voir la vie comme tu la vois. Je voudrais raisonner de la même façon que toi. Tout me paraît tellement plus simple, et moins dramatique. » Elle était là aussi, la force de ma jumelle : elle n'était pas fataliste. Là où j'avais tendance à tout voir en noir, Thaïs avait cette faculté de tirer le meilleur de chaque situation. Mes yeux s'ouvrirent, et s'accrochèrent immédiatement aux prunelles dorées de ma sœur. « Thaïs... » Soufflais-je, incertain mais déterminé à obtenir une réponse claire de sa part. « Qu'as-tu entendu me concernant, ces derniers temps ? » Demandais-je, alors qu'une de mes mains venaient frôler une mèche de ses cheveux. « Et en toute sincérité, penses-tu que ces rumeurs puissent être... Véridiques ? » Je ne faisais pas vraiment référence à ma garde à vue – j'étais innocent, et j'étais persuadé que Thaïs le savait. À vrai dire, je parlais plutôt des rumeurs de paternité qui courraient sur mon compte, et qui étaient difficiles à imaginer, et encore plus à accepter. « Je ne veux pas d'un enfant. Pas maintenant, pas à mon âge. Pas comme ça... » Avouais-je, la gorge nouée. Je n'étais pas prêt  à assumer cette responsabilité. Je n'avais pas envie de m'occuper d'un enfant, que ce soit le mien ou celui du voisin. « Je prie pour que la Matveïv ait menti, vraiment. Mais en même temps... C'est parfaitement plausible. Ça se tient. » Pour la première fois, je reconnaissais devant témoin que toute cette histoire avait un réel fondement. J'avais bel et bien eu un bref moment de retrouvailles avec June quelques jours avant de partir en Irak. Question timing, ça collait – un peu trop bien à mon goût, d'ailleurs.
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